Ils seraient nombreux ceux qui pourraient étudier avec profit le livret de préparation au pèlerinage de Pentecôte. Si sa lecture devait décider quelques indécis à se joindre à cet acte public de pénitence l’année prochaine, ce serait un bienfait supplémentaire, mais il serait dommage que, empêchés de marcher sur les routes de Chartres à Paris, les âmes se privent d’une nourriture si riche.
Des textes clairs et courts
Préparé cette année par le séminaire d’Écône en raison de son thème — les cinquante ans de la Fraternité Saint-Pie X — il présente Monseigneur Lefebvre et son œuvre en donnant de riches aperçus sur la vie spirituelle à la lumière de l’enseignement de saint Thomas d’Aquin. L’armature est solide, l’exposé est profond sans pourtant offrir plus de difficultés que la lecture de textes aussi clairs que courts. Un très grand nombre d’entre eux sont d’ailleurs des extraits de sermons ou de conférences de Monseigneur. Or celui-ci avait le don d’exposer avec beaucoup de simplicité les questions quelquefois les plus délicates.
Première partie : la vertu de prudence
Puisque le pèlerinage se déroule normalement sur trois jours, l’étude de trois vertus divise également l’ouvrage. C’est tout d’abord la prudence qui est présentée en elle-même puis dans les différents éléments qui la composent. Monseigneur Lefebvre consacra de nombreuses conférences spirituelles au séminaire d’Écône en 1984 — elles sont abondamment citées — à cette vertu qui est si importante pour le prêtre, mais qui est aussi essentielle à tout chrétien puisqu’elle est à la source de toute la vie morale. L’exemple de la fondation de la Fraternité et de ses relations avec Rome jusqu’aux sacres de 1988 illustre cet exposé. Cette première partie s’achève par une revue des moyens de grandir dans la prudence et éviter quelques écueils.
Deuxième partie : la vertu de religion
La journée du dimanche devait être consacrée à la vertu de religion comme il convient. Monseigneur considérait qu’elle était la vertu principale du séminariste et du prêtre, mais elle est aussi un devoir pressant pour tout chrétien en notre époque d’impiété. La façon avec laquelle nos contemporains ont réagi face au « coronavirus » ne laisse aucun doute sur leur éloignement de Dieu et sur la méconnaissance des sentiments les plus élémentaires qui devraient orner des créatures raisonnables. Une étude de la vertu de religion à partir des exemples donnés par Monseigneur Lefebvre se devait d’insister sur le Saint Sacrifice de la Messe et sur le péché d’œcuménisme. Ils sont l’objet des deux dernières sections de cet exposé. Mais auparavant, le livret du pèlerinage rattache très justement la croisade du fondateur de la Fraternité pour le règne social de Notre-Seigneur à cette même vertu. Qu’est-ce en effet que la Chrétienté, si ce n’est le rayonnement de l’autel sur la cité temporelle ? C’est parce que le bon Dieu a accordé une révélation surnaturelle au peuple juif par l’intermédiaire de Moïse qu’il a aussi établi une distinction entre les détenteurs du pouvoir temporel et les prêtres, mais selon le droit naturel, il revient au patriarche ou au chef de la cité d’offrir à Dieu les hommages de tous. L’établissement de la tribu lévitique ne pouvait pas et ne pourra jamais aboutir à une séparation entre les pouvoirs temporels et spirituels. En prêchant le règne social de Notre-Seigneur à la suite de tous les papes jusqu’à Pie XII inclusivement, Monseigneur Lefebvre a non seulement préservé le dépôt de la foi, mais il a aussi protégé la vertu de religion dans un de ses éléments les plus essentiels.
Troisième partie : la vertu de persévérance
Enfin la dernière partie du dossier doctrinal et spirituel est consacrée à la vertu de persévérance. Il faut arriver au bout du pèlerinage, surtout de celui de la vie ! Que la persévérance soit une vertu à part entière, tous les chrétiens n’auraient peut-être pas osé l’affirmer, et pourtant il faut bien que les facultés humaines soient fortifiées d’une manière spéciale quand une difficulté spécifique se dresse. Or face au temps qui dure, la réponse proportionnée ne surgit pas de la seule nature. La crise de l’Église, qui va bientôt être aussi longue que l’exil des Juifs à Babylone, le prouve abondamment. C’est dans l’union à Dieu et l’abandon à la divine Providence — que Monseigneur s’interdisait toujours de précéder — que se nourrit la persévérance. Le fondateur de la Fraternité, qui s’était toujours montré si docile aux désirs des papes, a dû faire face aux persécutions romaines comme aux divisions internes inévitables quand le premier pasteur lui-même est frappé. C’est de nouveau en indiquant des moyens concrets et adaptés, pour garder la foi comme pour tenir bon dans la vie de famille, que s’achève le dossier du pèlerinage. À lire donc par tous les pèlerins habituels de la Pentecôte, mais aussi — si la distinction est nécessaire — par tous les fidèles de nos chapelles !
Abbé Thierry Gaudray
Source : Le Sainte-Anne n° 325 de mai 2020