Mes bien chers amis,
Vous voici revenus après vos vacances, revenus de vos familles, pour retrouver le séminaire. À travers vous, c’est à la vingtaine de vos confrères qui viendront à la fin de cette semaine – après qu’ils ont déjà fait leur retraite – et aux nouveaux qui viendront au début du mois d’octobre, que j’adresse ces quelques mots. Mots de bienvenue et aussi qui voudraient signifier ce que vous venez chercher au séminaire, qui voudraient vous exprimer ce qui pour vous doit être l’essentiel dans votre montée vers le sacerdoce, ou dans la recherche de la vie religieuse que vous êtes venus chercher ici.
Mes bien chers frères, pour vous également le rappel de la place que doit occuper dans votre spiritualité, dans votre vie chrétienne, le mystère de la Croix est de la première importance.
Tout au long de l’Histoire de l’Église, les saints, les âmes vraiment désireuses d’approfondir leur vie chrétienne, de rechercher ce que Dieu a fait pour nous, le grand mystère l’amour de Dieu pour nos âmes, ces âmes ont toujours trouvé la solution et le moyen d’augmenter leur vie spirituelle et de lui donner une réalité profonde, dans le mystère de la Croix. Ce fut surtout dans ce Moyen Âge chrétien que l’on retrouve encore de nos jours les traces de cette dévotion profonde, cette dévotion complète de l’âme au mystère de la Croix. On la trouve dans la construction de ces magnifiques cathédrales, ces magnifiques églises. La Croix domine l’autel ; la Croix est le signe qui sert à donner une forme à nos cathédrales, à nos églises. La Croix se trouve à la croisée des chemins, partout on a élevé des croix de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Sainte Angèle de Foligno, saint François d’Assise, saint Ignace, saint Bernard ont manifesté dans leurs écrits – et je dirai dans leur chair aussi – l’amour qu’ils avaient pour la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ. Car, en effet, le mystère de notre sanctification, le mystère de notre justification, ne peut pas s’expliquer sans la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et, aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de méditer ce mystère.
Parce que de tout temps, mais particulièrement à notre époque, on veut éliminer la Croix ; on ne veut pas la regarder ; on ne veut pas l’avoir devant les yeux. Pourquoi ? Parce que la Croix représente le Sacrifice.
Et pourtant, c’est uniquement désormais par la Croix, par le Sacrifice que l’âme chrétienne peut retrouver la vie. Mortua tunc est, dit la liturgie : « la mort est morte lorsque que Celui qui était la source de la vie est mort ».
Quando mortua vita fuit : « Quand Celui qui est la vie est mort, alors la mort est morte elle-même ». C’est la vie qui a triomphé.
C’est cela tout le résumé de la spiritualité de la Croix. Nous devons mourir à nous-mêmes pour trouver la vie. C’est cela la vie spirituelle. C’est cela notre justification ; la sainteté n’est pas autre chose. Oh, elle est très simple ! Elle se résume dans deux mouvements de notre âme. La haine du pèche et l’amour de Dieu. Mourir au péché pour vivre en Dieu. C’est cela la Croix. Ce n’est pas autre chose. C’est le symbole de la mort du péché pour vivre en Dieu. Et c’est toute l’explication de la vie spirituelle, de notre vie intérieure. Nous devons toujours pourchasser le péché en nous et par conséquent nous sacrifier, savoir mourir à nous-mêmes ; faire mourir nos mauvais penchants, nos mauvais instincts, nos désirs du mal, nos désirs de désobéir à Dieu ; savoir les faire mourir pour vivre en Dieu. Nous libérer du péché.
Libérati a peccato, servi facti estis justitiæ (Rm 6, 18), dit saint Paul : « Délivrés de vos péchés, vous serez les esclaves de la sainteté » : Servi facti estis justitiæ.
On parle aujourd’hui de libération. On a tout le temps ce mot à la bouche, partout : libération, libération… Quelle libération ? Libération de Notre Seigneur Jésus-Christ. On ne veut plus de Notre Seigneur Jésus-Christ. On ne veut plus de sa Croix, parce que l’on ne veut pas de son Sacrifice. Parce que son Sacrifice nous rappelle que nous devons nous sacrifier nous-mêmes ; que nous devons mourir à nos péchés pour avoir la vie.
Et cela les hommes qui recherchent au contraire leur plaisir, leur satisfaction, ne peuvent pas le voir, ni l’entendre, ni le comprendre. Ils ne veulent pas de la Croix. Et c’est pourquoi tant de croix ont disparu à notre époque. Or, où trouvons-nous une Croix vivante, la Croix toujours remplie de cette charité, de cet Esprit Saint dont nous avons besoin pour combattre contre nos tendances mauvaises afin de vivre à la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Où trouverons-nous ce Christ vivant ? Au saint Autel, dans nos églises, dans le Saint Sacrifice de la messe.
Et c’est pourquoi le Saint Sacrifice de la messe a tant d’importance et a toujours été au centre de notre sanctification, au centre des préoccupations de l’Église. C’est là que nous trouvons Notre Seigneur vivant. Ce n’est plus une Croix qui est simplement un rappel historique de la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ. Non, c’est la Croix vivante, le Calvaire renouvelé.
La seule différence qu’il y a entre l’autel et le Calvaire, c’est qu’au Calvaire Notre Seigneur a offert un sacrifice sanglant et que sur l’autel Il s’offre d’une manière non sanglante. C’est la seule différence. Mais c’est vraiment le Calvaire qui est renouvelé chaque fois que le prêtre monte à l’autel et offre le
Sacrifice de la messe. C’est là que nous devons trouver la source de notre sanctification, dans la Sainte Messe.
Et toutes les paroles de la liturgie l’expriment, expriment précisément ce désir d’expiation, de rémission de nos péchés.
Expier, remettre nos péchés, c’est l’un des buts principaux de la Sainte Messe. Et même expier les péchés des âmes du Purgatoire. C’est pourquoi le Saint Sacrifice de la messe a une si grande efficacité pour les âmes du Purgatoire.
Hélas, c’est ce qu’ont nié les protestants et ce qu’ils nient encore et ce qu’ont tendance à nier des prêtres aujourd’hui, récemment ordonnés. Ceci est très grave.
Nous devons avoir cette conviction que dans le Saint Sacrifice de la messe se trouve la source de toutes les grâces que nous pouvons recevoir.
Et c’est pourquoi nous avons ce besoin et nous sentons ce besoin de garder le Saint Sacrifice de la messe. De ne pas y toucher, tellement il est précieux, car nous risquons de tarir la source de nos grâces. Si nous venons à changer l’esprit du Sacrifice de la messe et si nous venions à en faire une simple communion, une simple eucharistie, un simple repas, nous ferions disparaître cette source de grâces qu’est le Sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ, son oblation sacrificale et ce que le prêtre réalise.
C’est un Sacrifice. C’est une action sacrificale que le prêtre réalise sur l’autel.
Ce n’est pas seulement se remémorer le souvenir de la Cène, ou le souvenir de la Croix. Oh non ! C’est beaucoup plus que cela. Il y a un mystère insondable dans le Sacrifice de la messe. C’est pourquoi nous devons y être attaché de toute notre âme, de tout notre cœur, parce que c’est là que nous trouvons véritablement, ce que l’amour de Dieu a fait pour nous.
Car s’il y a un témoignage de l’amour de Dieu pour nous c’est bien Notre Seigneur Jésus-Christ crucifié sur la Croix. Que pouvait faire Notre Seigneur ? Que pouvait faire Dieu de plus, que de s’immoler sur la Croix pour nous, pour nous racheter de nos péchés ? Serions-nous insensible au Sacrifice de Notre Seigneur, du Fils de Dieu ?
On retrouve encore sur de vieux Crucifix d’autrefois, ces quelques paroles : « Pourrais-tu dire que je ne t’ai pas aimé, lorsque tu vois sur cette Croix l’amour sculpté. »
C’est cela le Crucifix. C’est l’amour sculpté, l’amour vivant sur la Croix. On comprend alors le désir qu’ont eu toutes les Âmes saintes d’avoir toujours le Crucifix devant elles. De trouver dans le Crucifix, le soutien de leur vie spirituelle, la source de leur vie spirituelle et combien ces âmes avaient le désir d’assister au Saint Sacrifice de la messe, d’y participer, afin de revivre le Calvaire. De revivre ce que la très Sainte Vierge Marie a vécu et ainsi de compatir aux souffrances de Notre Seigneur Jésus-Christ.
La compassion : Notre Dame de Compassion. C’est la patronne de nos religieuses. Pourquoi ? Parce que les âmes chrétiennes doivent compatir avec Notre Seigneur. Une âme qui ne voudrait pas compatir aux souffrances de Notre Seigneur, ne serait pas une âme chrétienne. Et non seulement nous devons compatir, mais nous devons aussi compenser, c’est-à-dire désirer avec Notre Seigneur, souffrir pour la rémission des péchés du monde. Compenser à toutes ces injures, ces sacrilèges, ces péchés qui sont si nombreux dans le monde.
Enfin, nous devons aussi compléter la Passion de Notre Seigneur. C’est bien ce que dit saint Paul : « Nous devons compléter dans notre chair la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. » Et cela nous devons le désirer aussi.
Oh, c’est un désir qui nous coûtera cher, qui nous fera souffrir. Car si nous voulons compléter la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, il nous faudra souffrir avec Lui. Il faudra être immolé avec Lui.
Ce serait trop facile de dire : Parce que je suis chrétien, le Bon Dieu me bénira et m’exemptera de toutes souffrances. Je passerai une vie sans souffrance, sans sacrifice. Parce que j’aime bien le Bon Dieu, le Bon Dieu doit m’aimer et donc le Bon Dieu ne peut pas vouloir que je souffre.
C’est bien mal comprendre le mystère de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Si Notre Seigneur Jésus-Christ nous a donné l’exemple de la souffrance, alors, au contraire, nous devons avoir presque ce désir de souffrir avec Lui, le désir de nous sacrifier avec Lui. Et lorsque l’aiguillon de la douleur nous transpercera, nous devons être heureux, trouver dans ce sacrifice notre joie, notre bonheur de nous associer. Dieu veut nous associer à la Passion de son Fils pour la rédemption du monde et pour la rédemption de nos péchés.
N’est-ce pas là encore une marque d’amour du Bon Dieu, de vouloir que nous soyons unis dans la souffrance avec Notre Seigneur Jésus-Christ ? C’est cela la vie chrétienne. C’est cela la doctrine catholique. C’est cela notre foi. C’est l’objet de notre foi et la réalité de notre foi. C’est cela qu’ont compris toutes les générations chrétiennes, les générations de ces saints, pères et mères de famille qui ont souffert chrétiennement ; qui ont accepté leurs souffrances ; qui ont accepté leurs difficultés avec joie ; qui ont été un exemple pour leurs enfants, dans la souffrance et dans la douleur. Ils savaient la supporter avec Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce sont ces générations de familles chrétiennes qui ont donné des vocations ; c’est comme cela que sont nées les vocations. Dans l’exemple que les parents pouvaient donner, de savoir vivre avec Notre Seigneur Jésus-Christ, souffrir avec Notre Seigneur Jésus-Christ, prier avec Notre Seigneur Jésus-Christ. Assister au Saint Sacrifice de la messe, dans cette foi, dans cette piété, dans cette conviction d’oblation, comme victimes avec Notre Seigneur Jésus-Christ.
Comme elle est belle cette doctrine chrétienne, la doctrine catholique. Comme elle transforme complètement notre vie. Elle transforme complètement la vie d’ici-bas.
Et c’est cela qui nous prépare à la vie éternelle. O Crux ave spes nostra : « La Croix est une voie ». La voie vers la vie éternelle, vers la gloire. Mais il faut passer à travers la Croix. Il faut prendre la Croix et la porter derrière Notre Seigneur pour arriver à la vie éternelle. Cette Via Crucis doit être la nôtre au cours de notre vie, afin d’arriver à la vie éternelle.
Voilà mes chers amis, voilà notre foi. Voilà ce que vous devez rechercher ici. Il faudrait que la Croix soit toujours devant vos yeux. Que le désir d’assister, de participer au Saint Sacrifice de la messe soit ce que vous avez de plus cher, ce qui met dans votre cœur, dans votre âme, ce baume qui fait que toutes les petites difficultés que vous pouvez rencontrer dans vos études, dans votre santé, dans les difficultés d’une vie de communauté, que tout cela disparaisse devant la joie que vous avez de vous unir à Notre Seigneur Jésus-Christ ; de la joie que vous avez de vivre avec Notre Seigneur Jésus-Christ. Et aussi la pensée, qu’un jour, si le Bon Dieu le permet, vous monterez à l’autel et que vous offrirez le Sacrifice de Notre Seigneur ; que vous renouvellerez le Sacrifice du Calvaire et que vous vous offrirez, vous aussi, avec Notre Seigneur sur l’autel, pour la rédemption des péchés du monde et que vous prêcherez cette doctrine de la Croix, que vous prêcherez Jésus et Jésus crucifié, comme l’a dit saint Paul.
Saint Paul n’avait pas d’autre prédication : Jesum et Jesum crucifixum. C’était cela la prédication de Paul. Ce sera aussi, j’en suis certain, votre prédication. Et vous montrerez au monde comme modèle de cette participation au Sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ. La très Sainte Vierge Marie, Notre Dame de la Compassion.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.