Le sermon « fondateur » du nouveau Supérieur du District de France
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,
Avant toutes choses, mes bien chers frères, je voudrais vous dire combien je suis heureux d’être parmi vous et remercier de tout cœur M. l’abbé Mérel, et les prêtres de l’école de Sainte-Marie, pour l’organisation de cette magnifique procession et vous féliciter d’être venus si nombreux pour honorer la Mère de Dieu comme vous l‘a dit tout à l’heure votre prieur. Je voudrais aussi remercier M. l’abbé de Cacqueray qui a gouverné, qui s’est occupé de ce district pendant douze années avec une abnégation et une force magnifique. Je le remercie de tout cœur et je le confie aussi à vos prières comme je me confie aux vôtres.
Mes frères, bien avant que le pape Pie XII, le 1er novembre 1950, ne proclame ce dogme de l’Assomption de Notre-Dame au ciel, cette date a été la fête nationale et est la fête nationale de la France catholique. Et cela bien avant la Révolution. Cette France catholique, celle qui s’est construite tout au long des siècles, celle qui est admirée et respectée hier. Cette France catholique que l’on voudrait faire mourir, cette France que nous voulons sauver, nous venons cet après-midi rappeler à Notre-Dame qu’Elle en est la Patronne principale et que plus que jamais, nous avons besoin de son secours et de sa protection.
Mes frères, cette France a reçu son âme, si je puis dire, un soir de Noël 496, lorsque saint Remy, évêque de Reims, fit couler l’eau baptismale sur le front de Clovis, baptême que Clotilde, sa sainte épouse, n’avait cessé de demander au ciel par des prières et des sacrifices incessants. Ce jour-là, mes frères, notre pays, notre patrie, est devenu le premier pays à devenir officiellement catholique. La France a alors mérité de recevoir le noble titre de Fille aînée de l’Eglise, titre dont nous pouvons être fiers et que nous pouvons défendre.
C’est de cela dont je voudrais vous entretenir brièvement cet après-midi. Parce que les ennemis de l’Eglise, les ennemis de la France catholique voudraient que ce titre plus que millénaire soit gommé et oublié. Mes frères, avec le baptême de Clovis, l’Eglise protégée par le bras séculier, a pu entreprendre l’évangélisation de notre pays. Des monastères ont fleuri à l’ombre desquels se sont ouvertes des écoles. Des églises ont été édifiées. Des ordres religieux se sont répandus. Les âmes se sont alors ouvertes à l’Evangile. Et une civilisation s’est alors constituée à l’ombre de la Croix. Cette civilisation porte le beau nom de chrétienté. L’organisation sociale s’est alors imprégnée de l’Evangile. Le bien et la vérité ont été protégés et le mal et l’erreur combattus.
La France catholique alors était prête à donner le jour à des saints qui en sont ses plus beaux fruits. Je ne peux pas tous les énumérer bien sûr, ce serait beaucoup trop long, mais je voudrais en nommer certains, saint Pothin, saint Irénée et passons les siècles, saint Louis, admiré et respecté dans toute la chrétienté. Sainte Jeanne d’Arc, qui libéra notre pays, saint Vincent de Paul, l’apôtre de la charité, le grand Bossuet qui a prêché la doctrine avec tant de clarté, sainte Catherine Labouré qui est allée assister les pauvres et les malades, sainte Louise de Marillac, le saint curé d’Ars que l’on venait voir de tous les côtés de la France, le grand cardinal Pie, évêque de Poitiers, et la multitude des missionnaires, religieux et religieuses, qui sont allés porter l’Evangile en Afrique, en Asie, un peu partout dans le monde, et combien, combien sont morts dans la fleur de l’âge, par sacrifice ! Dans le même temps, les églises, les cathédrales, ces dentelles de pierre qui ont été édifiées pour la plus grande gloire de Dieu. Il n’est pas un village qui n’ait son église. Les croix qui ont été plantées aux carrefours des chemins. Des hôpitaux se sont ouverts pour panser les plaies des corps mais aussi pour assister les âmes. C’est ces hôpitaux, gratuits pour les pauvres, ainsi que des universités prestigieuses que l‘Eglise a ouverts comme la Sorbonne par exemple. Une littérature catholique s’est répandue dans toute la chrétienté.
C’est cet héritage, mes frères, cet héritage que nous avons reçu, c’est ce sang des chrétiens qui nous ont précédés, qui coule dans nos veines. Tout cela nous devons le garder, nous devons l’étudier, nous devons le défendre et nous devons le transmettre. Il nous en sera demandé compte au soir de notre vie car de sa sauvegarde dépend notre sanctification, celle de vos enfants et le salut de la société. Cet héritage, la Révolution française a voulu l’éliminer, ceux qui ont œuvré à l’époque ont voulu tuer l’âme française catholique.
Mais qu’arrive-t-il lorsqu’un corps se sépare de son âme ? Le corps se décompose et ainsi depuis deux cents ans, la société française tombe en décomposition, petit à petit parce que les ennemis de l’Eglise ne veulent plus de Dieu, veulent reléguer l’Eglise au fond des sacristies dans la serre purement privée. Dieu évacué, alors l’homme s’est cru être Dieu. Voulant être la mesure du Bien et du Mal, de la Vérité et de l’Erreur. Ainsi sont apparues tout au long des deux siècles derniers et principalement des dernières années des lois iniques qui ont défiguré notre pays, notamment celles contre la famille, le divorce fin du XIXème siècle, la contraception, l’avortement, les lois encourageant les unions contre nature et autre projets mortifères sont encore en préparation. Ces lois, mes frères, sont autant de métastases mortelles qui attirent la colère de Dieu. Tant qu’elles subsisteront, notre pays, ce que je vais dire est peut-être un peu fort, mais c’est la réalité, tant qu’elles subsisteront, notre pays sera maudit. Nos gouvernements, nos gouvernants seront maudits et aucun redressement ne pourra s’opérer.
Pour l’amour du ciel, ne nous habituons pas à cette situation, et face justement à cette situation s’ajoute la révolution qui a été initiée dans l’Eglise, lors du concile, du dernier concile. L’Eglise s’est alors mise à douter. Elle a remis en cause le dépôt de la foi en changeant sa doctrine. En modifiant sa liturgie, en faisant passer la pastorale avant la foi, en déconnectant la pastorale de la foi. Et chose incroyable, comme dans toute révolution, les théologiens qui ont été condamnés hier ont été mis à l’honneur, tel les Rahner, Teilhard de Chardin. D’autres ont même été fait cardinal comme Congar et Urs von Balthasar. Et ceux en qui l’Eglise avait confiance furent condamnés, tel notre vénéré fondateur Monseigneur Lefebvre Quel mystère ! Et plutôt que de chercher à convertir, aujourd’hui l’Eglise veut écouter et comprendre le monde, pactiser avec lui.
Devant une telle faiblesse, les ennemis déclarés de l’Eglise ont trouvé une vigueur incroyable. Et alors, ont recommencé des persécutions terribles contre les membres de l’Eglise catholique. Voyez le martyre des chrétiens en pays musulman aujourd’hui, chassés, humiliés et tués. Ils sont des paratonnerres pour notre continent décadent. Comme nous devons prier pour eux ! S’ils disparaissent, alors, notre société demain a tout à craindre, tout à craindre. Ces pauvres gens, aussi, il faut bien le dire, sont les pauvres victimes du dialogue musulman initié depuis cinquante ans par l’Eglise et dont les principes sont aussi mortifères. Lisez le coran et vous verrez que ce qui se déroule aujourd’hui n’est que la stricte application de ce qui était écrit. Alors, que faire ? Que faire devant cette situation ? Désespérer ? Sûrement pas, sûrement pas. Gardons la foi et gardons l’espérance. L’Eglise éternelle a tout ce qu’il faut, tout ce qu’il faut en Elle pour sauver la chrétienté. Tout ce qu’il faut en Elle pour sauver la France catholique. Aussi, soyons fidèles à cette Tradition que l’Eglise a reçue en dépôt et que certains veulent brader. Il n’y aura aucune restauration durable dans la société si celle-ci n’est accompagnée par la restauration de la Tradition dans l’Eglise. Mais alors, me direz-vous, Monsieur l’abbé, soyez réaliste, voyez la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Alors, je me permets de vous répondre en vous renvoyant à ‘Evangile. Ouvrez votre Evangile. Voyez alors dans quel état était l’Eglise naissante au soir du Vendredi Saint. C’était le marasme le plus complet. Le Christ, le Dieu fait Homme, le fondateur de l’Eglise, est mis en croix. Ses apôtres s’enfuirent tandis que leur chef renie son maître et qu’un autre le livre à ses bourreaux pour trente deniers. Quelques pauvres femmes se trouvent au pied de la Croix, avec l’apôtre saint Jean et Marie, la Mère de Dieu. Permettez-moi alors à mon tour de vous poser une question. La situation n’était-elle pas humainement désespérée, le soir du Vendredi Saint ? N’était-elle pas pire que celle que nous vivons aujourd’hui ? Si, certainement. Mais, mes frères, c’est lorsque tout est réduit à néant que la toute-puissance de Dieu peut opérer. Personne ne peut s’attribuer la victoire que Dieu seul Et il y eut trois jours plus tard la Résurrection. Cinquante jours après, la Pentecôte, plus de trois mille baptêmes furent conférés par des apôtres transformés par le Saint-Esprit, eux qui étaient si peureux le soir du Vendredi Saint.
Le Christ, de plus, avait annoncé avant de mourir que trois jours après sa mort Il ressusciterait. Faites le calcul : depuis le Vendredi Saint 3 heures jusqu’à l’aube du dimanche de Pâques, il y a moins de trois jours annoncés. Comment expliquer cela ? Ne serait-ce pas dû aux prières de la Très Sainte Vierge Marie, des saintes femmes et de saint Jean qui, au pied de la Croix, ont supplié Notre-Seigneur d’abréger l’épreuve ?
Mes frères, ce que firent les saintes femmes, saint Jean et la Vierge Marie, nous pouvons et nous devons l’imiter. L’Eglise, c’est vrai, est comme au Calvaire. Mais alors, restons près d’Elle, prions pour Elle, dans la fidélité, afin que cette Passion qui semble prolonger celle du Christ, cette Passion qui semble s’éterniser, eh bien, que Notre-Seigneur, que Notre-Dame abrègent ce temps d’épreuve qui, parfois, peut en décourager plus d’un.
Alors, mes frères, comment nous tenir au pied de la Croix ? Eh bien, comme nous le faisons actuellement, soyons devant l’autel, offrons des Messes, assistons à la Messe, communions, offrons des chapelets, des chemins de Croix, des pénitences, à cette intention. Mais, est-ce que cela est suffisant ? Est-ce que nous ne pouvons pas faire plus ? Si, bien sûr. Que chacun d’entre nous soit à son poste. Là où la Providence l’a mis. Que les parents de famille soient unis plus que jamais, qu’ils montrent l’exemple d’une vie sainte à leurs enfants. Que les enfants se montrent obéissants envers eux, et surtout, surtout, qu’ils développent dans leur âme l’esprit de sacrifice qui fait tant défaut aujourd’hui.
Mes frères, cela est capital, capital. Parfois, nous prions et nous voyons qu’il y a peu d’effet. Pourquoi ? Parce qu’il manque un peu, beaucoup, l’esprit de sacrifice. L’esprit de sacrifice est le terrain sur lequel s’épanouit la grâce. Et cela, vous, parents chrétiens, c’est à vous de le communiquer à vos enfants. Que les malades ou les personnes qui souffrent sous le poids des ans, sous le poids de la maladie, offrent leurs épreuves à cette intention. Là aussi, malgré les apparences, ils travaillent à la restauration de la France catholique. En vertu de la communion des Saints. Que les étudiants étudients avec ardeur pour occuper demain des postes dans la société. La société, mes frères, a besoin d’une multitude de catholiques, de saints ouvriers, de saintes infirmières, de saints médecins, de saints militaires, de saints ingénieurs, de saints artisans, qui doivent travailler pour la gloire de Dieu, pour restaurer cette France que l’on voudrait détruire. Que ceux qui ont le sens de la responsabilité ne fuient pas ces responsabilités, mais les assument, avec courage et abnégation. Que tous ceux qui travaillent le fassent de façon exemplaire.
Mes frères, l’Eglise plus que jamais a besoin de saints, c’est-à-dire d’âmes ardentes, animées par le feu de la charité, désireuses de travailler avec ardeur à la Royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mes frères, le monde meurt de froid parce que la charité s’est éteinte. Plus que jamais, aussi, l’Eglise a besoin de saints prêtres, de saints évêques qui font tant défaut aujourd’hui.
Mes frères, priez, priez pour que les vocations se lèvent dans vos familles. Le sacerdoce est le canal que Notre-Seigneur Jésus-Christ veut utiliser pour diffuser la vie dans les âmes. Et si les âmes sont restaurées, alors la société sera restaurée elle-même.
Alors, où trouver cette force, où trouver ces lumières, ? Eh bien, mes frères, nous la trouverons, nous les trouverons à la Messe. C’est la Messe qui a fait la Chrétienté. Tout ce que nous voyons autour de nous est le fruit de la Messe. Et si nous voulons restaurer cette société, alors, il faut que nous allions à l’autel chercher les grâces, partir, montrer l’exemple, et revenir, rependre des forces en assistant à la Messe.
Mais pour cela, il faut des prêtres. Il faut des prêtres. Nous avons cette grâce inouïe d’avoir des prieurés, et des lieux où nous pouvons assister sans trop de difficultés à la Messe. Je viens de régions où cela n’était pas du tout facile par endroits.
Pensons, allons‑y donc avec beaucoup de générosité. Sûrement, déjà, vous le faites, mais les temps exigent que nous fassions plus, que nous fassions mieux. Ceux qui souffrent aujourd’hui, nous pourrons demain nous-mêmes l’endurer à notre tour. Et c’est en assistant à la Messe que la charité enflammera nos âmes, que nous aurons la soif des âmes, comme celle qui a dévoré Notre-Seigneur sur la Croix. C’est ainsi que nous obtiendrons, et cela est capital, que nous arracherons au Coeur de Notre-Seigneur et au Cœur de Notre-Dame, nous arracherons une élite catholique dont nous avons tant besoin, des chefs catholiques dont notre pays a tant besoin.
Alors, mes frères, courage, pour l’amour du ciel, courage. Gardons l’espérance. Dieu reste le maître des événements. Il est certes tout-puissant mais Il veut notre coopération. Quand cela arrivera ? Je n’en sais rien et j’allais dire, qu’importe. Travaillons. Le chrétien travaille pour l’Eternité. Oh, ce serait bien si nous pouvions le voir, bien sûr mais faisons, travaillons pour Dieu.
Mes frères, revenant en France après onze années passées en Amérique du Sud, je voudrais vous dire combien la Tradition catholique est regardée, est admirée dans ce continent lointain. Juste avant mon départ, plusieurs fidèles se sont approchés de moi et m’ont dit combien ils espéraient que la France continuerait à montrer l’exemple dans ce beau combat de la Tradition. Et vous voyant si nombreux cet après-midi, eh bien, je vois qu’il y a une grande espérance.
Nous allons donc implorer la Vierge Marie durant cette procession pour lui rappeler qu’elle est la Patronne de notre pays et de l’Eglise, qu’elle dispose de nos âmes comme elle l’a fait au Cénacle auprès des apôtres, dans les dix jours qui ont précédé la venue du Saint-Esprit.
Promettons-lui de réciter notre chapelet chaque jour, comme elle l’a demandé. Alors, mes frères, vous verrez, vous verrez que celle qui est forte comme une armée en bataille, saura nous défendre, saura, encore une fois, sauver cette France catholique qui nous est si chère.
Au nom du Père et du Fils, et du Saint-Esprit.
Ainsi soit-il.
Abbé Christian Bouchacourt, Supérieur du District de France
Transcription : Y. R‑B pour LPL