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Écrit
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,
Cher Monsieur le Directeur, chers confrères, chers frères, chères sœurs, bien chers fidèles,
Je remercie beaucoup M. l’abbé Troadec de me donner l’occasion de vous adresser la parole en cette cérémonie bien émouvante des premiers vœux et des renouvellements de vœux des frères de notre Fraternité. Vous connaissez tous l’épisode de l’Evangile, ce jeune homme qui s’approche de Notre-Seigneur et qui lui demande : que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ? Et le Christ lui répond : observe les commandements, aime ton prochain, etc. Et il répond : je le fais déjà. Et que dit à ce moment-là l’Evangile ? Jésus le regarda et l’aima.
Nous savons la suite. Ce jeune homme se détourna de cet appel de sa vocation et il s’en fut triste. Parce que le Christ lui avait demandé : une seule chose te manque. Va, vends tous tes biens et donne-les aux pauvres et suis-moi. Et cela il ne l’a pas fait. Et il est parti triste. Vous, mes chers frères, vous avez entendu au fond de votre âme cet appel de Notre-Seigneur et vous avez tout quitté. Pourquoi avez-vous tout quitté ? Comment être fidèles à ces vœux que vous allez prononcer ou que vous allez renouveler ? Et enfin, quelle est la vocation des frères de notre Fraternité Saint-Pie‑X ? A ces trois questions, je souhaiterais répondre ce matin.
Mes frères, pourquoi avez-vous tout quitté ? Pourquoi ? Parce que vous êtes parfaits ? Peut-être pas encore. Parce que vous voulez tendre à la perfection ? Cela oui, oui. Et nous savons, chacun de nous est tenu de tendre à la perfection. Mais Dieu a ses préférés. Notre-Seigneur a ses préférés. Nous en avons un exemple dans la personne de saint Jean, saint Jean apôtre. Il était son préféré. Et pour ses préférés, Notre-Seigneur veut les emmener plus loin, plus haut, plus haut. Alors, pour les emmener plus haut, Il va exiger plus.
Il va donc, Il vous appelle donc à renoncer à des plaisirs licites mais qui peuvent être un obstacle à la perfection en raison de la faiblesse que nous avons suite au péché originel. Et Il vous appelle à renoncer à l’usage des biens matériels, Il vous appelle aussi à renoncer aux biens, aux joies familiales, mais aussi Il vous appelle, et c’est ce qui est le plus difficile, à renoncer à l’usage de votre liberté. Et vous le faites librement. Voyez-vous, mes frères, les religieux que vous êtes ont été regardés par Notre-Seigneur Jésus-Christ et je vous le disais, Il veut vous appeler plus haut. Il vous demande en fait de poser un acte de charité héroïque. Il vous demande, comme le dit saint Thomas, de faire un holocauste, c’est-à-dire de vous dépouiller de ce que vous avez de plus cher. Et ce dépouillement, il est triple. Il vous demande de vous dépouiller de vos biens extérieurs par la pauvreté, de renoncer aux joies familiales par la chasteté et Il vous demande enfin de renoncer à votre liberté par l’obéissance.
Sans la foi, cela est absolument incompréhensible. Pour le monde d’aujourd’hui, le religieux est un fou. C’est incompréhensible. Pourquoi ? Parce que le moteur d’un tel renoncement, c’est la charité. C’est l’amour de Dieu. C’est ce désir d’aimer Dieu en toutes choses, mais aussi l’amour des âmes, celles que vous êtes appelés à côtoyer pour les aider à se sauver. Et pour cela, pour aller plus vite, pour répondre à l’appel de Dieu, alors, vous vous consacrez tout entier. Cela relève de la perfection. Degrés de perfection que vous gravirez d’autant plus vite si vous êtes bien fidèles à ces trois vœux, que vous allez prononcer pour la première fois pour l’un d’entre vous, que vous allez renouveler pour les autres.
Mais alors, comment être fidèles à ces vœux ? Sans la grâce de Dieu, c’est impossible. Absolument impossible. Mais avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, oui, tout est possible. Et pour cela, voyez-vous, vivez avec Notre-Seigneur Jésus-Christ. Vivez en Notre-Seigneur et pour Notre-Seigneur. Et le centre de votre vie, cela vous a été dit hier, le centre de votre vie c’est l’autel. Et pourquoi ? Parce que sur l’autel vous voyez l’exemple des vœux que vous allez prononcer dans quelques instants. Vous avez Notre-Seigneur obéissant qui s’offre à son père. Vous avez Notre-Seigneur dépouillé de tout, dans la plus grande pauvreté et vous avez Notre-Seigneur exposé, dans toute sa nudité. C’est là au pied de l’autel que vous trouverez les grâces dont vous avez besoin pour être fidèles à ces vœux. Et voyez-vous, le prêtre dans quelques instants va mettre une goutte d’eau dans le calice,d ans le vin. Cette goutte d’eau, mes frères, ce sont ces trois vœux que vous allez prononcer tout à l’heure qui vont se diluer totalement dans LE sacrifice, celui de Notre-Seigneur qui se renouvelle sur l’autel, chaque fois que la messe est célébrée. Restez donc centrés sur l’autel et puis, je vous dirai, gardez pour l’amour du Ciel, une âme d’enfant. Non pas infantile. Mais une âme d’enfant. On voit ces religieux qui, après des années et des années – il y en a parmi les membres de la Fraternité -, qui ont gardé une simplicité d’âme extraordinaire. Voyez-vous, l’enfant est confiant. Soyez toujours confiants dans vos supérieurs. Soyez toujours grand ouverts. C’est un des secrets de la persévérance. Soyez un livre ouvert, avec eux, comme l’enfant avec sa mère ou avec son père. Soyez généreux. Donnez sans compter.
Aujourd’hui, vous allez prononcer vos vœux pour la première fois, un an, mais en fait, je suis convaincu que vous avez tous présents le désir de consacrer toute votre vie. Bien sûr, c’est un acte important donc avant il faut s’y préparer. Mais soyez dès maintenant généreux. Ce que vous allez donner aujourd’hui, ne passez pas votre vie à le récupérer petit à petit. Non, au contraire, donnez toujours davantage, que ce soit dans votre devoir d’état, que ce soit dans l’observance de votre règle, dans la fidélité à votre vocation. L’enfant, il est confiant, l’enfant il est généreux, et l’enfant, il vit dans la dépendance. Et je crois que pour vous, cela est sans aucun doute ce qui peut vous aider à gravir les échelons de la sainteté. Voyez-vous, ceux qui ont des responsabilités ont tous les dangers de l’autorité, dangers de l’orgueil, dangers de la vanité, dangers du péché contre la prudence. Vous, vous avez cette grâce de vivre dans la dépendance, dans l’obéissance. Et Notre-Seigneur vous protégera de manière toute particulière et vous fera gravir ainsi les degrés de la sainteté, je vous l’assure. Cette dépendance rime avec humilité, et ça a été tout le drame de nos premiers parents et c’est tout le drame de notre société aujourd’hui, qui crie « Indépendance, indépendance, liberté, liberté ». A cela, nous répondons : dépendance et humilité.
Et pour cela, mes frères, saint Joseph est votre modèle. Comme il a été confiant, lui qui a obéi immédiatement à l’ange lorsqu’il a fallu fuir en Egypte, lui qui a gardé une très grande pureté, gardant les plus grands trésors qu’un homme peut recevoir, la Mère de Dieu et Dieu incarné. Et faisant son devoir d’état dans la simplicité quotidienne, à Nazareth comme charpentier, cela sous le regard de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa sainte Mère.
Alors, quelle est en fait la vocation des frères de la Fraternité ? On vous l’a dit encore hier. Votre vocation est tout orientée vers le sacerdoce. Vous êtes les auxiliaires du sacerdoce. Vous êtes les auxiliaires des prêtres. Bien sûr, vous allez les aider dans les activités du catéchisme, dans les activités paroissiales. Mais allez faire plus. Bien souvent, vous allez ouvrir la porte au prêtre lorsque le prêtre a du mal à l’ouvrir.
Parfois, les fidèles, les enfants dans nos écoles, ont un peu d’appréhension de s’approcher du prêtre. Alors, ils vont vers le frère et ils lui disent tout au frère. Ils leur disent leur inquiétude, leur joie, ce qu’ils redoutent. Et que va faire le frère ? Si c’est pour le bien, il va transmettre au prêtre voyez-vous, et bien souvent ce qu’a vu le frère, ce qu’a entendu le frère, nous, prêtres, nous ne l’avions pas vu. En cela, vous aiderez les prêtres.
Mais non seulement vous êtes les auxiliaires des prêtres, mais vous êtes les frères des prêtres. Voyus vivez dans la même famille et vous êtes témoins des joies et des croix de la vie du prêtre. Pour lui, avec lui, vous porterez les difficultés en silence. Parfois, vous aurez ce mot qu’il faut pour lui redonner un peu courage. Vous serez aussi parfois, et je l’ai vu là-bas en Amérique du Sud lorsque le prêtre est parfois très très seul, eh bien vous serez le confident. Le prêtre parfois vous confiera un gros souci qu’il a, et vous serez là à ses côtés parfois sans trop savoir que faire mais vous prierez pour lui et vous serez près de lui par charité fraternelle, et c’est votre rôle.
Enfin, vous serez les anges gardiens de ces prêtres. Grâce à vous, le prêtre gardera bien souvent une régularité qu’il est difficile de garder dans l’apostolat tellement, parfois, il est dense. Grâce à vous parce qu’il sera avec vous en communauté vous pourrez réciter l’office, vous pourrez aussi l’aider célébrera il dira la messe afin qu’il ne soit pas seul et puis, comme les anges gardiens le font avec chacun d’entre nous, vous prierez pour lui, vous saurez parfois l’éloigner des dangers qui peuvent le menacer et vous le ferez avec délicatesse par des petites remarques, dont vous seul avez le secret et vous l’entourerez de votre charité. Voilà votre rôle, ce merveilleur rôle, cette merveilleuse vocation de frère de la fraternité.
Et pour terminer, je voudrais m’adresser à vous chers parents, pour vous remercier. Si vos fils sont là aujourd’hui, c’est grâce à vous. C’est le couronnement d’une éducation, et cette vocation de frère, ces fils que vous donnez à l’Eglise, eh bien, pose sur votre couronne un diamant qui, je vous l’assure, brillera pour vous dans l’éternité. C’est parce que vous avez su transmettre à vos fils cet amour de Dieu que leur vocation a pu croître, se développer et le sacrifice est grand pour vous aussi mais il est une source de bénédictions immense pour vos familles.
Voyez-vous je voudrais bien dire aux familles qu’il est une vertu que vous devez développer au sein de vos foyers, c’est non seulement l’esprit de prière – qui est nécessaire, la prière en famille avant les repas, c’est bien, c’est très bien, mais ce n’est pas suffisant. Il faut développer l’esprit de sacrifice. L’esprit de sacrifice est le terreau indispensable sur lequel va se développer la grâce, le terreau sur lequel vont se développer les vocations. Et si bien souvent, nous voyons des vocations au moment de faire le pas se décourager, c’est qu’il y a eu parfois une carence dans l’éducation… Oh, parfois, il n’y avait pas la vocation et c’est parfaitement légitime. Mais parfois, avant de rentrer au séminaire, on voit certains jeunes hésiter et se détourner. Pourquoi ? Parce qu’ils ont été trop surprotégés. Ils n’ont pas eu l’habitude de renoncer à leur volonté propre. On a trop cédé à leurs caprices. Comment voulez-vous dans ces cas-là qu’ils répondent à l’appel silencieux de Notre-Seigneur qui les appelle ? Alors développez, développez dans l’âme de vos enfants, comme vous l’avez fait, développez bien cet esprit de sacrifice. Il est un gage de force d’âme pour vos enfants, un gage de sainteté et il nous donnera les saints dont nous avons besoin et les vocations dont nous avons besoin.
Alors, mes frères, que l’archange saint Michel, votre saint Patron, soit votre protecteur, qu’il défende ces beaux vœux que vous allez prononcer, qu’il soit votre force, qu’il vous aide à y rester fidèles. Ces vœux, faites-les passer bien sûr aussi par les mains de la Très Sainte Vierge Marie. Elle les présentera à son Fils et, sans aucun doute, Il vous comblera de ses grâces, ainsi soit-il.
Au nom du Père et du Fils, et du Saint-Esprit.
Abbé Christian Bouchacourt, Supérieur du District de France
Transcription : Y. R‑B pour LPL