LAB de l’Institut Saint-​Pie X – Le devenir professionnel de nos étudiants

Chers parents, bien­fai­teurs et amis,

Que peut-​on faire après une licence de lettres clas­siques ? de phi­lo­so­phie ? d’his­toire ? Ne peut-​on s’o­rien­ter que vers l’en­sei­gne­ment dans une socié­té qui s’en dés­in­té­resse de plus en plus ? Est-​il rai­son­nable d’o­rien­ter des jeunes bache­liers vers des filières appa­rem­ment si peu ouvertes au monde professionnel ?

De toute évi­dence, le pre­mier rôle de la facul­té n’est pas de don­ner un métier. Le but pre­mier de l’u­ni­ver­si­té est de for­mer l’es­prit et de lui trans­mettre un savoir. La licence – ou la maî­trise jus­qu’a­lors déli­vrée – n’est pas une patente pro­fes­sion­nelle ni la recon­nais­sance d’un savoir-faire.

Cependant, loin de fer­mer la porte à un débou­ché pro­fes­sion­nel, les licences lit­té­raires offrent de nom­breuses voies d’ac­cès au monde du tra­vail. Hélas, les débou­chés natu­rels, cou­rants et pos­sibles des filières lit­té­raires sont mécon­nus. C’est, à vrai dire, une palette pro­fes­sion­nelle extrê­me­ment large qu’offre un pro­fil lit­té­raire. À condi­tion de pour­suivre une à deux années d’é­tudes pro­fes­sion­na­li­santes après la licence.

On sait par­fois que les études lit­té­raires abou­tissent aux métiers de la com­mu­ni­ca­tion (jour­na­lisme, publi­ci­té : Marine B, après une maî­trise de phi­lo­so­phie en 2012, a été prise au CELSA), aux métiers du livre (édi­tion, librai­rie), de l’ur­ba­nisme ; on ignore sou­vent que ces filières débouchent sur d’autres domaines du monde de l’entreprise.

Les grands secteurs de l’entreprise ouverts aux littéraires

Outre l’in­gé­nieu­rie, l’en­tre­prise com­porte les domaines du com­merce, des finances et des res­sources humaines. S’il est évident que le bas­sin des ingé­nieurs est ali­men­té presque exclu­si­ve­ment par les filières scien­ti­fiques, le monde du com­merce et des finances ouvre ses portes aux lit­té­raires. 30 % des élèves des grandes écoles de com­merce pro­viennent de filières non scien­ti­fiques, 10 à 15 % de lit­té­raires (his­toire, droit, lettres clas­siques, sciences poli­tiques, etc.) (1). Plusieurs de nos anciens ont déjà choi­si avec suc­cès cette pos­si­bi­li­té. En 2012, Isaure P., ayant brillam­ment ache­vé sa licence de lettres clas­siques a inté­gré en deuxième année (sans pas­ser par les deux années pré­pa­ra­toires scien­ti­fiques ni la pre­mière année de com­merce) une grande école de com­merce de province.

Le qua­trième grand domaine de l’en­tre­prise, le sec­teur des « res­sources humaines », recrute très volon­tiers des étu­diants issus des sciences humaines, dis­cer­nant en eux une culture géné­rale, un esprit d’a­na­lyse et de cri­tique les pré­dis­po­sant aux déli­cates pro­blé­ma­tiques de la ges­tion du per­son­nel. En 2012, Sixte DSL a sui­vi cette filière après une maî­trise de philosophie.

C’est donc trois des quatre grands sec­teurs de l’en­tre­prise qui recrutent des lit­té­raires. Encore faut-​il pré­ci­ser qu’il s’a­git de domaines pro­fes­sion­nels aux mul­tiples rami­fi­ca­tions, à l’é­vo­lu­tion de car­rière pos­sible, et aux salaires suf­fi­sants pour faire vivre décem­ment une famille.

La fonction publique

Parmi les cri­tères d’ac­cès aux concours admi­nis­tra­tifs de la caté­go­rie A (la plus éle­vée, pour deve­nir, avec des res­pon­sa­bi­li­tés et des champs d’ac­ti­vi­té fort divers, atta­ché ter­ri­to­rial, chef de ser­vice mar­chés publics, ins­pec­teur du tré­sor, conseiller d’é­du­ca­tion, etc.) figure l’ob­ten­tion d’une licence, quelle qu’elle soit. Après sa licence d’his­toire, une année de pré­pa­ra­tion aux concours à l’IPAG, et une année de for­ma­tion après la réus­site du concours (année rému­né­rée), Hélène M a obte­nu un poste de cadre au sein de l’ad­mi­nis­tra­tion (chef de ser­vice mar­chés publics).

Du métier de documentaliste à celui d’officier en p assant par Sciences-Po

Bernard DP, après une licence d’his­toire à l’Institut et de droit à Assas, a réus­si le concours de Sciences-​Po ; Jean H celui de Saint-​Cyr ; Sophie R, après une double licence de lettres clas­siques et d’his­toire, a inté­gré en maî­trise l’École des Chartes ; Elisabeth R, après un Master d’his­toire, s’est orien­tée vers le métier de docu­men­ta­liste (ce qui existe dans le public ou le pri­vé) en sui­vant un Master pro­fes­sion­na­li­sant en deux ans avant d’en­trer dans le monde du travail.

La voie royale du professorat

Mésestimée en France, la pro­fes­sion d’en­sei­gne­ment est pour­tant l’une des plus belles qu’un homme puisse exer­cer, et elle est, Dieu mer­ci, régu­liè­re­ment choi­sie par les étu­diants de l’Institut Saint-​Pie X. A l’heure où il est de bon ton de se lamen­ter sur le mal­heur des temps, l’in­cul­ture et l’a­bru­tis­se­ment des esprits, il importe de rap­pe­ler la noblesse du métier de maître.

Quoi de plus beau en effet que d’é­veiller une intel­li­gence, de la for­mer, de l’i­ni­tier au dis­cer­ne­ment du vrai, de la rendre capable de se nour­rir de la véri­té et de la ché­rir, quoi de plus noble que de for­mer des cœurs à l’a­mour des vrais biens, au milieu d’un monde qui excelle à aveu­gler l’es­prit et avi­lir les âmes ?

La Formation des Maîtres contri­bue depuis 2002 à four­nir chaque année un contin­gent de maîtres, de pro­fes­seurs, d’ins­ti­tu­trices. Le pro­fes­so­rat attire ain­si 34% de nos anciens entrés dans la voie pro­fes­sion­nelle (selon des sta­tis­tiques sur les étu­diants sor­tis de l’Institut après 2007).

Un licen­cié de lettres clas­siques ou de phi­lo­so­phie ne peut certes pré­tendre pour­suivre un cer­tain nombre de car­rières réser­vées aux « scien­ti­fiques » (méde­cin, ingé­nieur par exemple). Il peut tou­te­fois, comme les exemples mon­trés ici, pos­tu­ler à une foule de métiers possibles.

La raison de ce succès

En effet, quoi qu’il en soit de la spé­ci­fi­ci­té ini­tiale de leur for­ma­tion, les qua­li­tés acquises au cours de leurs études conduisent rapi­de­ment les anciens étu­diants de sciences humaines dans des postes de conseil et de direc­tion avec toute la diver­si­té de com­pé­tences exi­gées dans la ges­tion des hommes, l’or­ga­ni­sa­tion du tra­vail, les pro­jets à long terme, etc.

Cette richesse s’ex­plique par les apti­tudes acquises au cours d’une licence lit­té­raire. Un mini­mum d’ex­pé­rience pro­fes­sion­nelle montre qu’au-​delà d’une com­pé­tence tech­nique indis­pen­sable, les qua­li­tés requises dans le monde pro­fes­sion­nel, notam­ment au niveau des cadres, sont liées à une for­ma­tion de l’esprit.

L’esprit de réflexion, la finesse de l’a­na­lyse, la per­ti­nence de la cri­tique, l’art de construire un pro­jet cohé­rent et de le pré­sen­ter clai­re­ment, ne dépendent pas d’une com­pé­tence pure­ment tech­nique mais d’une for­ma­tion de l’es­prit. Et cette for­ma­tion ne s’ob­tient pas en quelques semaines. C’est le résul­tat d’an­nées d’é­tudes durant les­quelles l’es­prit est len­te­ment mais dura­ble­ment affi­né, éveillé, aiguisé.

Or, bien plus que les autres dis­ci­plines, les matières lit­té­raires ont l’art de for­mer un esprit tout en le nour­ris­sant de connais­sances diverses. La connais­sance du cœur humain ne s’ap­prend certes pas dans les livres. Mais la finesse psy­cho­lo­gique n’est pas l’a­pa­nage des incultes et des ignares. Et Dieu sait si la ges­tion des hommes exige de connaître les notions élé­men­taires de la psy­cho­lo­gie. Le contact avec les hommes, qu’il s’a­gisse de col­lègues ou de clients, dépasse sou­vent le cadre étroi­te­ment limi­té du tra­vail stric­te­ment dit. Si un cadre ne dis­pose d’au­cune connais­sance autre que celle de son tra­vail « tech­nique », les rap­ports humains en pâti­ront, tan­dis qu’une cer­taine culture géné­rale, une patine de l’es­prit, four­ni­ront d’autres élé­ments de contact, de rela­tions, d’amitié.

Il est grand temps que l’on redé­couvre la valeur des études lit­té­raires, y com­pris dans son rayon­ne­ment pro­fes­sion­nel, et qu’on puisse offrir à une jeu­nesse sou­vent débous­so­lée et igno­rante des repères clairs et une for­ma­tion solide qui leur sera aus­si béné­fique durant toute leur vie pro­fes­sion­nelle. Tel est, modes­te­ment, ce que nous nous employons à faire à l’Institut Saint-​Pie X avec votre aide pré­cieuse dont nous vous remercions.

Abbé François-​Marie Chautard, Recteur

(1) Chiffre don­né par Camille Lamotte, « Ecoles de com­merce : la nou­velle voie royale des lit­té­raires », Le Point 2073, 7 juin 2012, p. 112.

Lettres aux parents et Bienfaiteurs de l’ISPX

Archives des Lettres aux parents, amis et bien­fai­teurs de l’Institut Saint-​Pie X 

FSSPX

M. l’ab­bé François-​Marie Chautard est l’ac­tuel rec­teur de l’Institut Saint Pie X, 22 rue du cherche-​midi à Paris.