Des chiffres et des lettres

Sortie de fin d'année des étudiants à Fontainebleau, mai 2022.

À l’occasion du 40ème anni­ver­saire de l’Institut Saint-​Pie X, les dos­siers d’étudiants ont été dépouillés pour éta­blir un pre­mier bilan chif­fré du tra­vail accom­pli depuis 1980.

Chers parents, bien­fai­teurs et amis,

Dans tous les éta­blis­se­ments d’enseignement, élèves, pro­fes­seurs et res­pon­sables admi­nis­tra­tifs œuvrent tout au long de l’année aca­dé­mique le regard fixé et l’es­prit concen­tré sur les objec­tifs péda­go­giques : notions à expli­ci­ter ou à acqué­rir, pro­grammes à finir, exa­mens à orga­ni­ser ou à pas­ser avec suc­cès. A I’Institut Universitaire Saint-​Pie X, la ten­sion n’est pas moindre. C’est à peine si l’on peut jeter en arrière de fur­tifs regards pour éva­luer le che­min par­cou­ru et jau­ger les résul­tats quantitatifs.

À l’occasion du qua­ran­tième anni­ver­saire de l’Institut, il nous a tou­te­fois été pos­sible de dépouiller les dos­siers d’étudiants et d’é­ta­blir un pre­mier bilan chif­fré du tra­vail accom­pli depuis 1980.

Plus d’un mil­lier d’étudiants, 1046 exac­te­ment, ont sui­vi un cur­sus plus ou moins long au 21 rue du Cherche-​Midi depuis 1980. 62 % d’entre eux étaient des jeunes filles, 38 % des jeunes gens, ce qui cor­res­pond à une répar­ti­tion habi­tuelle dans les filières littéraires.

Un peu plus éton­nante est la pré­sence d’une pro­por­tion non négli­geable d’étudiants étran­gers : 82 en 41 ans, soit 8 % de l’effectif total, en pro­ve­nance de 21 pays dif­fé­rents, fran­co­phones comme la Belgique, la Suisse, le Canada ou le Gabon mais pas seule­ment : il y eut aus­si des res­sor­tis­sants amé­ri­cains, bri­tan­niques, grecs, ita­liens, japo­nais, mexi­cains, ukrai­niens… A l’image de la FSSPX qui lui a don­né le jour, l’institut a eu très vite un modeste mais réel rayon­ne­ment inter­na­tio­nal. Actuellement, trois Américains, un Polonais et une Gabonaise y suivent des cours.

Des trois filières pro­po­sées depuis la fon­da­tion, c’est l’Histoire qui se taille la part du lion, tota­li­sant 56 % des ins­crip­tions ; viennent ensuite la Philosophie (26 %) et les Lettres clas­siques (18 %).

Milieu d’origine

En 1980, cer­tains auraient pu pen­ser que la petite uni­ver­si­té nais­sante, fon­dée à l’initiative de valeu­reux et dis­tin­gués pro­fes­seurs, devien­drait, pour employer une for­mule peu flat­teuse, un « moule à péda­gogues », réser­vé aux fils d’enseignants et pro­dui­sant des ensei­gnants. Or il y a plus de fils d’ingénieurs (11 %) ou de mili­taires ( 11 % aus­si) que de fils de pro­fes­seurs (9 %) par­mi les anciens étu­diants de l’Institut. Toutes les caté­go­ries socio-​professionnelles sont repré­sen­tées dans leurs familles : des agri­cul­teurs (3 %) aux pro­fes­sion­nels de la san­té (9,5 %), et dans des pro­por­tions qui cor­res­pondent gros­so modo à la répar­ti­tion des actifs de la popu­la­tion fran­çaise entre les dif­fé­rentes branches pro­fes­sion­nelles. On peut juste sou­li­gner des pour­cen­tages légè­re­ment supé­rieurs aux don­nées de réfé­rence pour les métiers de ser­vice et de dévoue­ment (armée, édu­ca­tion, santé).

La pro­por­tion de retrai­tés par­mi les parents est notable (presque 12 % des pères des nou­veaux ins­crits). Dans la mesure où les catho­liques de Tradition ont des familles nom­breuses, il est nor­mal qu’ils soient à la retraite lorsque leurs der­niers enfants entament des études supé­rieures. On ima­gine sans peine que cette situa­tion a impo­sé de lourds sacri­fices tant aux familles qu’à l’Institut.

Niveau et formation antérieure

68 % des étu­diants entrent à l’Institut juste après le bac. Pour cer­tains de ces jeunes, encore fra­giles, l’IUSPX peut être consi­dé­ré comme une sorte de « mesure bar­rière » — qui les pré­serve d’une bru­tale conta­mi­na­tion par l’esprit du monde au sor­tir de la pen­sion — et un excellent concen­tré de vita­mines contre les virus intel­lec­tuels. 18,5 % des nou­veaux ins­crits ont étu­dié au moins une année dans une autre uni­ver­si­té avant de venir à l’Institut, 7,5 % sortent d’une classe préparatoire.

La moyenne des notes moyennes obte­nues au bac­ca­lau­réat par les étu­diants des 41 pre­mières années de l’Institut, toutes séries confon­dues, s’établit pré­ci­sé­ment à 12,47 ce qui atteste d’un bon niveau glo­bal à l’ins­crip­tion. 55 % des entrants avaient une men­tion (29 % Assez Bien, 20 % Bien, 7 % Très Bien). À la petite moi­tié (45 %) des can­di­dats de bonne volon­té qui n’a­vaient pu obte­nir de men­tion au bac­ca­lau­réat, l’Institut a offert une oppor­tu­ni­té de for­ma­tion et de sanc­ti­fi­ca­tion que d’autres par­cours d’études supé­rieures, plus sélec­tifs et moins catho­liques… n’au­raient pas proposée.

Comme bien l’on s’en doute, la grande majo­ri­té des étu­diants de l’Institut, soit 79 % d’entre eux, sont titu­laires d’un bac­ca­lau­réat lit­té­raire (série Philo puis A puis L puis options lit­té­raires du nou­veau bac­ca­lau­réat géné­ral…). Cela signi­fie tout de même que 21 % des can­di­dats se sont pré­sen­tés rue du Cherche-​Midi avec un diplôme scien­ti­fique ou éco­no­mique en poche. Souvent, dans ce cas, il s’agit d’esprits atti­rés par la for­ma­tion phi­lo­so­phique dis­pen­sée à l’Institut.

62,5 % des ins­crits à l’IUSPX entre 1980 et 2021 sor­taient d’une école hors contrat catho­lique tra­di­tion­nelle, 1 % d’une autre école hors contrat, 23 % d’un lycée pri­vé sous contrat et 13,5 % d’un lycée public. Ces chiffres s’expliquent par le fait que, dans les années 80, les écoles de la Tradition étaient encore peu nom­breuses et par la volon­té jamais démen­tie d’accueillir à l’Institut tous les étu­diants dési­reux d’y suivre des cours, à condi­tion qu’ils en aient les capacités.

Taux de réussite

A l’Institut, pour les étu­diants ins­crits à par­tir de 2001 — aupa­ra­vant les diplômes étaient pas­sés en Sorbonne — le taux de réus­site, c’est-à-dire la pro­por­tion de ceux qui ont obte­nu leur diplôme de licence 3 ans après leur entrée en pre­mière année est de 56 %. Si on cal­cule ce taux 4 ans après l’entrée en L1, il monte légè­re­ment : 58 %. Pour com­pa­rai­son, à l’u­ni­ver­si­té publique, à peine plus d’un quart (28 %) des étu­diants en Licence obtiennent leur diplôme à l’issue de trois années de for­ma­tion et 41 % après une année supplémentaire.

Débouchés

L’importance de l’Institut pour l’éclosion et la pre­mière for­ma­tion des voca­tions (spé­cia­le­ment pour la Fraternité et les domi­ni­caines) est évi­dente, de même qu’il accueille les anciens sémi­na­ristes sou­cieux de trou­ver une situa­tion dans le monde et les prêtres qui sou­haitent une for­ma­tion com­plé­men­taire. Parmi nos anciens, on compte 130 voca­tions confir­mées (13 % des jeunes pas­sés par l’Institut) dont 27 prêtres, 12 reli­gieux, 79 domi­ni­caines ensei­gnantes, 14 autres reli­gieuses. On pour­rait ajou­ter une ving­taine de jeunes qui ont géné­reu­se­ment fait un essai de vie reli­gieuse ou sacer­do­tale avant de reve­nir à la socié­té civile.

Comme nous l’avons vu, tous les étu­diants de l’Institut ne sont pas fils de pro­fes­seurs ; tous non plus ne se des­tinent pas à l’en­sei­gne­ment mais 49 % d’entre eux s’y engagent à la fin de leurs études. C’est une belle pha­lange de péda­gogues qui, selon les goûts et les pos­si­bi­li­tés de cha­cun, se consacre à la for­ma­tion de la jeu­nesse des classes pri­maires au supé­rieur, aus­si bien dans les éta­blis­se­ments pri­vés que dans l’Éducation natio­nale. Depuis 2010, 42 ont pu suivre et vali­der la Formation des Maîtres inté­grée aux cur­sus de licences et bachelor.

Que devient l’autre moi­tié des étu­diants ? Les réponses sont variées. Les diplômes de licence d’Histoire et d’Humanités, aus­si bien que le bache­lor de Philosophie, ne sanc­tionnent pas la maî­trise d’un savoir-​faire pro­fes­sion­nel ; ils cou­ronnent une for­ma­tion intel­lec­tuelle qui aiguise la capa­ci­té de réflexion et le juge­ment cri­tique, apporte une culture géné­rale solide et des habi­tudes métho­do­lo­giques, cultive les facul­tés d’expression, aus­si bien à l’écrit qu’à l’oral, donc un ensemble de com­pé­tences qui trou­ve­ra à s’employer dans des métiers très variés.

De fait, les débou­chés sont tel­le­ment divers qu’il est dif­fi­cile d’établir des caté­go­ries per­ti­nentes. En s’y ris­quant, on obtient les pour­cen­tages sui­vants : 7,5 % des anciens se dirigent vers les métiers de la culture (biblio­thé­caire, docu­men­ta­liste, archi­viste, conser­va­teur du patri­moine, jour­na­liste, écri­vain etc.), 8 % vont dans l’industrie, 5,5 % dans le com­merce et les ser­vices, 3 % s’engagent dans l’armée et 3 % intègrent la fonc­tion publique civile, les autres s’orientant vers une pro­fes­sion médi­cale, para­mé­di­cale ou artis­tique. Voici, pêle- mêle, quelques exemples de car­rières choi­sies par tel ou tel et qui ne vous seraient peut-​être pas venues spon­ta­né­ment à l’es­prit quand vous pen­siez à l’IUSPX : méde­cin urgen­tiste, infor­ma­ti­cien, peintre maître-​verrier, notaire, diplo­mate, agent du Renseignement, assis­tante vété­ri­naire, joaillier, gou­ver­nante dans un palace, chef d’État-major de la Présidence de la République…

Ce pre­mier inven­taire chif­fré nous encou­rage à pour­suivre vaillam­ment notre œuvre de trans­mis­sion d’un patri­moine intel­lec­tuel mena­cé et de for­ma­tion d’une jeu­nesse équi­li­brée, prête à affron­ter le monde d’aujourd’hui. A long terme cepen­dant, ne l’ou­blions pas, l’unique débou­ché impor­tant est celui qui, après des tra­jec­toires diverses, ouvre les portes de l’éternité bien­heu­reuse. A l’IUSPX, nous fai­sons notre pos­sible pour pré­pa­rer les étu­diants à cette échéance loin­taine mais déci­sive ; les comptes défi­ni­tifs ne seront faits, et les résul­tats de cet « Examen » connus, qu’au Ciel !

Source : La Lettre de l’Institut – Éditorial – juillet 2022

FSSPX

M. l’ab­bé François-​Marie Chautard est l’ac­tuel rec­teur de l’Institut Saint Pie X, 22 rue du cherche-​midi à Paris.