La lettre aux anciens de décembre 2016 – À la mémoire de nos fondateurs


La plaque com­mé­mo­rant les pro­mo­tions gra­vée à l’oc­ca­sion du depart de M. l’ab­bé Bétin

Chers Anciens,

Chers Parents, Amis et Bienfaiteurs, 

Le beau jour de la Saint-​Michel fut riche en émo­tions et ô com­bien sym­bo­lique pour l’his­toire de notre école. Il mérite de vous être conté, car il clôt le cha­pitre des années à Niherne.

Le pro­jet auda­cieux de démé­na­ge­ment sur le site mili­taire de La Martinerie, ini­tié de longue date et dont les pré­cé­dentes Lettres aux Anciens vous ont tenu infor­més, est réa­li­té depuis mars 2014. L’énergie sur­hu­maine qu’il a fal­lu déployer pour trans­for­mer cette zone mili­taire pres­ti­gieuse et l’a­mé­na­ger en un vaste com­plexe sco­laire d’en­sei­gne­ment géné­ral et pro­fes­sion­nel explique le silence de ces der­nières années ; jours et nuits ne suf­fi­saient pas pour faire face à tous les défis d’une pareille entreprise !

Nommé au 15 août de cette année pour suc­cé­der à M. l’ab­bé Bétin, j’ar­rive après la bataille, ou presque : la Providence m’a tou­te­fois ména­gé l’hon­neur de pro­cé­der au trans­fert des dépouilles de nos deux fon­da­teurs : M. Jean Masure († 08- VIII-​1993) et M. Pierre Soulet († 13-X-2002).

Le jeu­di 29 sep­tembre, jour de notre fête patro­nale, le rendez-​vous était fixé à Surins, à 8h15, avec les pompes funèbres Renaud de Villedieu et les familles de nos fon­da­teurs : M. Jean-​François Masure, fils de M. Jean Masure, et son épouse ain­si que deux frères, cou­sins ger­mains de M. Pierre Soulet, MM. Reignoux et leurs épouses. M. l’ab­bé Bétin était pré­sent pour m’as­sis­ter au cours de cette cérémonie. 

La sépul­ture ouverte, les dépouilles furent exhu­mées et dépo­sées dans des cer­cueils neufs – les années ayant quelque peu endom­ma­gé ceux d’an­tan – ; puis les scel­lés appo­sés [Voir pho­to ci-dessus]. 

L’atmosphère était par­ti­cu­lière et quelque peu nos­tal­gique. Réunis pour entou­rer les pion­niers et les gar­diens de ce site, nous avions conscience avec M. l’ab­bé Bétin de vivre les der­niers ins­tants de ce qui avait été « notre » école, là où nous avions pas­sé le bac­ca­lau­réat ! Ce fut très cer­tai­ne­ment un moment per­mis par la Providence pour mieux expri­mer le pas­sage de témoin, réa­li­sé pour­tant depuis le 15 août. Deux géné­ra­tions se suc­cé­daient ; une page se tour­nait ; et nous savions qu’en refer­mant le por­tail der­rière nous, nul ne fou­le­rait plus désor­mais ce qui avait été pen­dant tant d’an­nées l’é­cole Saint-Michel. 

Je pro­po­sai alors à mon ancien pro­fes­seur de phi­lo­so­phie de faire le der­nier tour du pro­prié­taire : véri­table petit pèle­ri­nage pour moi qui n’y étais pas retour­né depuis un cer­tain nombre d’an­nées ! Et si, pour ne pas dépré­cier la valeur de ces ins­tants inou­bliables, il me faut pré­fé­rer le silence à l’im­per­fec­tion du lan­gage, j’o­se­rai néan­moins vous livrer les réflexions qui suivent.

Ce qui fait la valeur d’un homme – et consé­quem­ment la gran­deur de l’Église et sa force aus­si ! -, c’est sa capa­ci­té à se dévouer entiè­re­ment au Bien com­mun, à se lan­cer à corps per­du dans une œuvre, dans un pro­jet, sans pour autant se l’ap­pro­prier, ni même s’en rendre indis­pen­sable. Le sacri­fice impo­sé par nos supé­rieurs à M. l’ab­bé Bétin dans leur déci­sion mûre­ment réflé­chie de l’ar­ra­cher à ce qui est sor­ti de ses mains et de son âme ne peut se mesu­rer ; mais j’ai pu en admi­rer l’ac­cep­ta­tion humble et sou­mise et soup­çon­ner un peu le déchi­re­ment inté­rieur, pour­tant trans­cen­dé dans cette joie d’o­béir à la volon­té divine expri­mée par la voix de l’autorité.

Qu’il trouve ici l’ex­pres­sion de ma très vive recon­nais­sance au nom de toutes les géné­ra­tions d’é­lèves qui l’ont connu comme direc­teur à Surins ou qui lui sont déjà rede­vables de cet auda­cieux entê­te­ment à se pro­je­ter dans le futur sur ce site de La Martinerie – si loin que tous ont eu un peu de mal à suivre sa cadence ! Mais grâce à lui, grâce aus­si à tous ceux qui l’ont secon­dé – prêtres, frères et laïcs -, grâce enfin à tous nos bien­fai­teurs qui conti­nuent à sou­te­nir cette œuvre d’é­du­ca­tion tel­le­ment fon­da­men­tale, non seule­ment l’é­cole Saint-​Michel a les moyens de per­du­rer, mais elle est comme rajeu­nie et féconde aus­si ; elle anime et sup­porte désor­mais l’é­cole Philibert-​Vrau à laquelle elle a don­né le jour ; cette école pro­fes­sion­nelle que toutes nos familles catho­liques atten­daient depuis si longtemps ! 

Notre école a, en effet, un pas­sé dont nous devons être fiers pour le trans­mettre aux géné­ra­tions futures d’a­bord, mais aus­si pour pro­lon­ger et pour­suivre le déve­lop­pe­ment de nos œuvres avec cette même audace qui carac­té­ri­sa nos anciens ! MM. Jean Masure et Pierre Soulet, oblat béné­dic­tin et caté­chiste du dio­cèse, ont consa­cré leur temps et leur per­sonne pour ouvrir à la ren­trée sco­laire 1972 à Châteauroux, bou­le­vard de Cluis, une petite struc­ture catho­lique et entiè­re­ment libre, c’està- dire tota­le­ment indé­pen­dante et de l’État et du cler­gé dio­cé­sain en pleine dérive conci­liaire ; avec bien enten­du les encou­ra­ge­ments et les secours spi­ri­tuels d’un prêtre fidèle à la Tradition, M. l’ab­bé Luneau, pre­mier aumô­nier et curé de Vineuil. Pendant un peu plus de cinq ans, ils ont por­té cette école de quelques dizaines d’é­lèves, gar­çons et filles dans un pre­mier temps. Un inter­nat est ouvert à la ren­trée 1975 met­tant un terme de ce fait à la mixi­té : nos deux ensei­gnants assurent alors comme des pères de familles – ou des maîtres de mai­son – l’in­ten­dance au quo­ti­dien, en paral­lèle des jour­nées de cours déjà bien rem­plies. Dès l’an­née sui­vante, les effec­tifs contraignent à s’ag­gran­dir dans de nou­veau locaux, rue de Notz, mais ils sont déjà trop étroits. 

Le déve­lop­pe­ment impor­tant de l’é­cole impose en 1977, de démé­na­ger encore, sur la com­mune de Niherne cette fois, après s’être assu­ré le sou­tien de Mgr Lefebvre. Au départ, le ter­rain d’un hec­tare ne com­pre­nait qu’un corps de ferme qui fut com­plé­té d’un bâti­ment pré­fa­bri­qué com­por­tant quatre classes ; le châ­teau, cette mai­son de maître de quinze pièces, ne sera acquis qu’en 1981 et res­tau­ré de 1983 à 1990. 

Mais en 1978, en rai­son de graves dif­fi­cul­tés finan­cières et d’une cer­taine insuf­fi­sance d’en­ca­dre­ment, l’é­cole est mena­cée dans son exis­tence. Certains parents, dont M. de la Fonchais et l’Amiral Tandonnet, jouèrent les émis­saires auprès de Monseigneur Lefebvre pour obte­nir que la Fraternité Saint-​Pie X prenne en charge cette œuvre nais­sante – demande véri­ta­ble­ment auda­cieuse qu’il fal­lut bien argu­men­ter pour arra­cher un oui après avoir essuyé un refus de Mgr Lefebvre. Dans un pre­mier temps, celui-​ci avait esti­mé que la Fraternité, à voca­tion d’a­bord sacer­do­tale, n’a­vait pas à s’oc­cu­per d’une œuvre sco­laire ! Et puis la Fraternité était jeune… Comment trou­ver un prêtre ?

Pourtant le besoin de for­mer les jeunes géné­ra­tions était une néces­si­té bien réelle. Le rai­son­ne­ment était simple, convain­cant. D’où sor­ti­raient les jeunes pères de familles chré­tiennes, d’où sor­ti­raient les jeunes prêtres sans écoles catho­liques ? L’ouverture du sémi­naire d’Ecône à la ren­trée 1970 récla­me­rait tôt ou tard un vivier de recru­te­ment que seraient les écoles secon­daires diri­gées par les prêtres de ladite Fraternité ! 

Force est de consta­ter la jus­tesse de ce qui est désor­mais une évi­dence puis­qu’en cette ren­trée sco­laire 2016 sur les 16 entrées au sémi­naire de Flavigny dont 14 sémi­na­ristes et deux pos­tu­lants frères, 14 sont issus des écoles secon­daires de la Fraternité qui, depuis lors, se sont mul­ti­pliées : L’Étoile-​du-​Matin à Bitche (57), Saint-​Joseph-​des-​Carmes à Montréal-​de l’Aude (11), Saint-​Jean-​Baptiste-​de-​la-​Salle à Camblain (62), Saint-​Bernard à Bailly (78), Sainte-​Marie à Saint-​Père-​Marc-​en-​Poulet (35), Saint-​Michel-​Garicoïtz à Etcharry (64), Saint-​Jean-​Bosco à Marlieux (01) et Saint-​Martin à La Placelière (44).

M. l’ab­bé Pierre-​Marie Laurençon, tout juste ordon­né prêtre, fut nom­mé direc­teur et le res­ta 18 ans, de 1978 à 1996 ! Il vit la toute pre­mière cuvée de bache­liers de la Fraternité en 1979. Après lui, se suc­cé­dèrent MM. les abbés Benoît Knittel (1996–1999), Jean-​Pierre Boubée (1999–2001), puis Vincent Bétin (2001–2016).

Par sa déci­sion, Monseigneur Lefebvre fai­sait de l’é­cole Saint-​Michel une œuvre d’Église, lui appor­tant une dimen­sion, une ossa­ture et une sta­bi­li­té propres aux ins­ti­tu­tions reli­gieuses. Ce bâtis­seur, si convain­cu de la néces­si­té des écoles catho­liques, insuf­flait un souffle nou­veau, un esprit, une âme que l’on retrouve dans toutes ses œuvres et qui scelle l’u­ni­té entre les écoles de la Fraternité créées par la suite : l’é­cole autour de l’au­tel, vivi­fiée par le Saint-​Sacrifice de la Messe. 

Pour autant, l’i­ni­tia­tive heu­reuse et auda­cieuse de nos deux fon­da­teurs n’en fût pas moins grande ; et à ce titre, ils peuvent légi­ti­me­ment reven­di­quer une cer­taine pater­ni­té sur toutes les écoles secon­daires de la Fraternité, car c’est bien de l’é­cole Saint-​Michel qu’est par­tie toute l’œuvre sco­laire du District de France !

Plus encore, voulons-​nous voir dans la créa­tion de l’é­cole pro­fes­sion­nelle Philibert-​Vrau en 2012, le pro­lon­ge­ment de cette même audace qu’ils ont insuf­flée à notre œuvre dans ses débuts et que leur pro­tec­tion céleste main­tient tou­jours vive ! 

Ce 29 sep­tembre, à 10h, nos fon­da­teurs ont retrou­vé leur place au milieu des élèves. Leur caveau a été béni à côté de la cha­pelle et nous y avons dépo­sé leurs corps. Après la grand’­messe de la Saint-​Michel, un der­nier hom­mage nous réunis­sait avec les familles pour un dépôt de gerbe et le chant de l’ac­tuelle pro­mo­tion : Héros de Verdun.

Nos fon­da­teurs auront donc été les der­niers à quit­ter Surins, cette pro­prié­té qu’ils avaient trans­mise à leur des­cen­dance adop­tive. Mais ce n’est cer­tai­ne­ment pas sans joie qu’ils ont décou­vert leur nou­velle terre d’ac­cueil ; ils ont retrou­vé la vita­li­té de la jeu­nesse pour laquelle ils avaient consa­cré leur vie. Former cette jeu­nesse, c’est cela le véri­table héri­tage qu’ils nous ont trans­mis ! Et si l’on prie tra­di­tion­nel­le­ment pour que les défunts reposent en paix, je ne les crois pas mal­heu­reux de retrou­ver un peu de bruit et de vie ! D’autant que ces mêmes voix qu’ils entendent de nou­veau s’é­gayer dans la jour­née, font mon­ter quo­ti­dien­ne­ment vers le ciel la prière du cha­pelet à leur inten­tion : chaque soir, jour après jour – qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige -, une équipe récite le cha­pe­let auprès de leur tom­beau. Quel beau récon­fort pour leurs des­cen­dants ! Cela nous appa­raît bien natu­rel quand on médite quelque peu sur ce devoir de recon­nais­sance auquel nous sommes tenus à leur encontre…

Et qu’on n’y voit pas là, bien évi­dem­ment, la marque d’un pas­séisme nos­tal­gique et figeant ; bien au contraire ! On ne peut tout sim­ple­ment pas construire l’a­ve­nir déra­ci­né de son pas­sé : aus­si la conser­va­tion de cette his­toire des pre­mières années – qui est aus­si notre his­toire – per­met­tra seule l’é­ta­blis­se­ment de fon­de­ments solides pour pour­suivre cette œuvre d’é­du­ca­tion dont l’Église et la France ont tant besoin mal­gré toutes les dif­fi­cul­tés maté­rielles aux­quelles il faut faire face et que nous sur­mon­te­rons grâce à la géné­ro­si­té de tous. Nous nous devons d’al­ler de l’a­vant et d’in­no­ver tou­jours plus, non seule­ment pour res­pec­ter l’es­prit de nos fon­da­teurs, mais éga­le­ment pour ne pas nous atro­phier en nous repliant sur nous-mêmes ! 

Je ter­mine par une adresse per­son­nelle à tous les anciens des dif­fé­rentes pro­mo­tions qui se sont suc­cé­dé : si les années ont pas­sé, si l’é­cole que vous avez connue a démé­na­gé – pour la troi­sième fois dans son his­toire – il est cepen­dant vital pour nous que vous demeu­riez atta­chés à cette œuvre. Et j’a­joute qu’il faut vous mobi­li­ser pour elle afin de lui assu­rer son déve­lop­pe­ment ! Beaucoup attendent que nous relan­cions les réunions d’an­ciens et nous y réflé­chis­sons sérieu­se­ment ; mais je crois que c’est d’a­bord à vous de réta­blir le contact entre vous pour conve­nir d’une date à laquelle vous réunir en pro­mo­tion à La Martinerie : la place ne manque pas pour vous accueillir le temps d’une jour­née, d’un week-​end même ; les jeunes géné­ra­tions ont besoin de ce contact vivant avec ceux qui les ont pré­cé­dés. D’ailleurs, dès le 21 jan­vier pro­chain, nous aurons la joie de rece­voir une dou­zaine d’an­ciens de la pro­mo­tion Charles de Foucauld (Bac 2003) pour un forum d’orientation. 

M’appuyant sur l’ex­pé­rience des grands lycées fran­çais, je sou­hai­te­rais que soit mise en place une Association des Anciens, qui puisse notam­ment orga­ni­ser dans nos murs la récep­tion des pro­mo­tions fêtant leurs 25 ans… en atten­dant d’y asso­cier celles qui auront atteint les 50 ans ! Cette asso­cia­tion consti­tuée d’an­ciens tra­vaille­rait étroi­te­ment avec la struc­ture sco­laire accom­plis­sant géné­reu­se­ment ce que l’é­cole seule ne peut assu­mer : contact, lettre aux anciens, etc. Plus encore, rem­pli­rai­telle la fonc­tion d’am­bas­sa­deur pour por­ter nos cou­leurs autour d’eux et sus­ci­ter la géné­ro­si­té des entre­prises et par­ti­cu­liers dont nous avons grand besoin… Voilà ce à quoi j’as­pire et je sais que je ne serai pas déçu !

Et pour ini­tier la démarche que j’ap­pelle de mes vœux, je fixe rendez-​vous le week-​end du 20 et 21 mai à tous les bache­liers – et leur famille – de la pro­mo­tion Bastien-​Thiry qui célé­bre­ra en juin 2017 les 25 ans de leurs lau­riers impé­ris­sables obte­nus à la ses­sion 1992 ! 

Venez nous ren­con­trer, venez décou­vrir notre nou­veau site, et tout par­ti­cu­liè­re­ment notre école pro­fes­sion­nelle : vous com­pren­drez mieux pour­quoi nous en sommes si fiers, mal­gré les dif­fi­cul­tés inhé­rentes et les imper­fec­tions inévi­tables. Votre pré­sence sera déjà un encou­ra­ge­ment, un sou­tien car ici comme par­tout ailleurs : « la mois­son est abon­dante, mais les ouvriers peu nombreux ». 

Ceux qui peuvent nous aider finan­ciè­re­ment sont d’ores et déjà vive­ment remer­ciés ; le cha­pe­let quo­ti­dien en com­mu­nau­té est réci­té aux inten­tions de nos bien­fai­teurs. Que Dieu vous bénisse ! 

Abbé Benoît-​Joseph de Villemagne

Sources : Lettre aux anciens de décembre 2016 /​La Porte Latine du 30 décembre 2016

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