Chers Anciens,
Nous rentrons de Verdun : à l’occasion du centenaire de cette bataille, la promotion de terminale est allée honorer ces héros, leurs modèles.
Une grande leçon d’histoire. Les points stratégiques de Verdun auront marqué nos esprits : la crête si sanglante des Eparges que nous avons arpentée sous la conduite de Xavier Pierson, Maire du village et ancien Colonel de la Légion étrangère, ainsi que le Fort de Douaumont ou encore la Citadelle de Verdun que nous avons visités.
Grande leçon morale aussi que cette jeunesse fidèle à la Patrie, pugnace et tenace, imprégnée d’un tel sens du devoir qu’elle assurait la relève en première ou deuxième ligne tous les huit jours avec la perspective pourtant d’y rester. Grande leçon d’esprit de sacrifice enfin, car Verdun fut comme un enfer. La boue, le froid, la faim et la soif n’étaient rien à côté des rats, des poux et surtout des odeurs de putréfaction ! Pour tenir, il fallait plus que l’espoir.
Le mémorial de Verdun rend merveilleusement compte de tous les aspects de cette guerre de position et de son mot d’ordre : « On ne passe pas ! ».
Mais le point fort de notre périple fut notre prière à l’Ossuaire de Douaumont. Permission nous a été accordée d’y célébrer la sainte Messe. Elle fut offerte pour tous ces héros morts pour la France : 130.000 soldats inconnus et 16.000 autres connus, tombés pendant la guerre, sommeillent dans les chapelles intérieures de l’ossuaire et dans le cimetière extérieur.
Un tel voyage représente un investissement en temps, en personnes ainsi qu’un coût financier. M. l’abbé Tranchet et M. Bedel, professeur d’Histoire-Géographie conduisirent avec moi chacun des trois minibus pendant une petite douzaine d’heures ! Mais il est des dépenses qu’il faut savoir réaliser pour ces jeunes générations que nous formons à l’école afin qu’elles occupent demain les places dans la cité catholique à reconstruire. En d’autres termes, la gestion rigoureuse de notre site important ne doit pas anéantir les projets audacieux ; d’autant qu’ils sont l’occasion, dans un premier temps, de responsabiliser ceux qui sont désignés pour les mettre sur pied et, dans un deuxième temps, de cimenter ces amitiés que nos aînés conserveront après leur envol dans quelques semaines, diplôme du Baccalauréat en poche.
Ce qu’un voyage, aussi bref soit-il, réalise à sa manière, l’internat le propose aux enfants sur l’ensemble de l’année scolaire. La charte de nos écoles stipule, en effet, dans son huitième article :
« L’atmosphère de ces écoles doit être celle de la Sainte Famille. L’autorité garantit l’exercice de la charité fraternelle : paternité des prêtres et des maîtres, participation active et docile des élèves, esprit fraternel des aînés à l’égard des plus jeunes. »
Je veux insister ici, sur les atouts que représentent les internats de nos écoles secondaires. Il ne s’agit pas d’idéaliser ces derniers en oubliant les faiblesses humaines et les limites de toute œuvre naturelle. Néanmoins, nos internats constituent objectivement une réponse appropriée au défi éducatif contemporain.
Le plus important est cette vie commune entre garçons d’horizons divers qui partagent un même cadre rigoureux. L’ouverture effective de la Maison Sainte-Jeanne-de-Valois, lieu de vie et d’accueil pour personnes handicapées, depuis le 8 mars dernier, favorise d’ailleurs l’exercice d’une charité non feinte et exigeante mais apporte son rayon de lumière et de joie à travers la simplicité de ces âmes qui ne se soucient pas du lendemain.
Le prix inestimable de l’amitié sincère et profonde, le secours de la complémentarité entre les talents diversement semés, l’obligation de renoncer à son égoïsme ou de se dévouer en prenant en charge des services quotidiens ou hebdomadaires : tout cela constitue l’apport d’une vie commune qui dépasse le simple cadre familial.
Sacrifice de l’éloignement et de la séparation, inconfort certain lié au vivre-ensemble, défaut de souplesse dû aux effectifs – sans comparaison avec celui d’une famille -, sont autant d’éléments à première vue négatifs qui forgent dans l’âme des jeunes générations le sens du devoir que nos aînés de terminale générale ont admiré chez les héros de Verdun.
Et comment ne pas rapprocher cette idée du constat établi, il y a dix ans déjà, par un professeur respectable et respecté du séminaire Saint-Pie X à Écône : ça n’est plus le sens du devoir mais l’affectif qui prédomine face au choix de la vocation. Or « la règle du séminaire devient rapidement pesante par sa régularité et sa monotonie qui au bout de quelques mois mettent le psychisme des séminaristes, habitués au changement permanent du monde moderne et à l’indépendance, à rude épreuve. » Car le problème crucial est que « la jeunesse ne se rend pas compte que ses critères habituels de jugement sont normalement des critères révolutionnaires. Ayant grandis dans un monde où l’ordre est subtilement un désordre institutionnalisé, où les sentiments règnent en maître et remplacent l’intelligence pour juger, où le père est absent et où l’autorité est considérée soit comme un copinage soit comme une tyrannie, les jeunes n’ont plus aucun repère. »
Aussi, pour former les hommes de demain, pour consolider les trop peu nombreuses vocations et en obtenir toujours davantage, nous nous efforçons, à l’inverse, d’inculquer aux enfants cette droiture de conscience qui agit par devoir et non par affection. Il ne s’agit pas d’en faire des êtres désincarnés et insensibles, mais de futurs chefs, capables d’assumer des responsabilités et de prendre leurs décisions devant Dieu et non pour plaire aux hommes. Ce sont des saint Paul dont l’Église et la France ont besoin et non des Pilate ! Mais conscient que ces ouvriers se demandent et sont une grâce du Ciel, nous vous invitons chaleureusement à participer à la neuvaine des enfants pour les vocations, du 05 au 13 mai prochains.
Alors que le Carême touche à sa fin, mon action de grâces s’unit déjà à la vôtre pour célébrer dignement la joie de Pâques. « Ô Mort, où est ta victoire ? », chante la sainte Liturgie : nous savons qu’avec le Christ, nous serons toujours victorieux et nous confions à Notre-Dame de Fatima le renouveau de l’Église en ce centenaire des apparitions aux trois pastoureaux.
D’avance, je remercie ceux qui le peuvent de l’aide financière qu’ils pourront apporter à notre ensemble scolaire ; et je compte sur les prières de chacun tout autant que sur votre zèle, chers parents, amis et bienfaiteurs, pour vous constituer nos ambassadeurs auprès de votre entourage !
Abbé Benoît-Joseph de Villemagne
Sources : Lettre aux anciens d’avril 2017 /La Porte Latine du 27 avril 2017