Sermon des ordinations du 27 juin 2008 par Mgr de Galarreta

Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,
Ainsi soit-​il

Excellences,
Chers Confrères,
Chers Ordinands,
Mes bien chers Frères,

Lorsque l’on consi­dère quelle est la pen­sée de la Sainte Église, que ce soit dans les Saintes Écritures, spé­cia­le­ment dans Saint Paul, ou dans la Tradition, qui est comme conden­sée dans le Pontifical Romain, on constate que c’est vrai : Monseigneur Lefebvre, notre saint fon­da­teur, a été le ser­vi­teur fide­lis et pru­dens, fidèle et pru­dent, et l’on pour­rait bien ajou­ter : fort, vaillant, qui n’a fait autre chose que nous trans­mettre avec fidé­li­té ce qu’il avait reçu de la Saint Eglise, c’est à dire le vrai Sacerdoce catholique.

Et cela est vrai à tel point que pour nous, il suf­fit de vivre ce qu’il nous a trans­mis, vivre ce que nous avons reçu, et plus pré­ci­sé­ment, vivre ce que nous sommes. La sain­te­té sacer­do­tale, c’est tout sim­ple­ment de vivre ce que nous sommes.

Je vou­drais donc vous par­ler de cet ensei­gne­ment que nous avons reçu, de ce Sacerdoce. Evidemment non pas d’une façon exhaus­tive, mais dans ses élé­ments essen­tiels, dans ce qui me semble être ses élé­ments essentiels.

1. Et tout d’abord, le Prêtre au Sacerdoce est ordon­né au Sacrifice, au Saint Sacrifice de la Messe. Le Prêtre est avant tout l’homme du culte de Dieu, l’homme consa­cré et éta­bli, afin de rendre au vrai seul Dieu le vrai culte. Il est éta­bli aus­si comme média­teur, inter­mé­diaire entre Dieu et les hommes pour offrir des prières et des sacri­fices. Il est sur­tout et essen­tiel­le­ment l’homme du Saint Sacrifice. Il n’y a pas de Sacerdoce, il n’y a pas de prêtre sans le Saint Sacrifice de la Messe.

L’Apôtre Saint Paul dans l’Epître aux Hébreux le dit d’une façon très claire : « Car tout Pontife pris d’entre les hommes est éta­bli pour les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin qu’il offre des dons et des sacri­fices » – mune­ra et sacri­fi­cia. Et après avoir mon­tré que le prêtre doit com­pa­tir avec les pécheurs, c’est à dire qu’il doit avoir des sen­ti­ments de com­pas­sion et de misé­ri­corde vis-​à-​vis des pécheurs, car lui-​même est revê­tu de fai­blesse, l’Apôtre insiste : « C’est pour cela qu’il doit offrir pour lui-​même ain­si que pour le peuple des sacri­fices pour les péchés ». Et il me semble que nous réa­li­sons cela d’une triple façon. Cela signi­fie que nous devons faire de la Sainte Messe le centre, le cœur de notre vie spi­ri­tuelle, de notre vie sacer­do­tale, de notre vie. Et que c’est de la Messe, de la Sainte Messe, et de la célé­bra­tion de la Sainte Messe que nous devons pui­ser, tirer, toutes les grâces de sanc­ti­fi­ca­tion per­son­nelle, et de sanc­ti­fi­ca­tion des fidèles. C’est à dire que le prin­ci­pal de la sanc­ti­fi­ca­tion, c’est la Sainte Messe. C’est bien cela que nous a dit Monseigneur Lefebvre. Ensuite, il faut que nous accom­plis­sions notre tâche de média­teur par la prière. Il y a une média­tion du prêtre, par la prière, aus­si bien publique que pri­vée. Bien sûr, la Liturgie, cela est clair, mais aus­si la vie de prière per­son­nelle, pri­vée. Le prêtre est ordon­né à une média­tion entre Dieu et les hommes. Autrement dit, c’est une prière de demande, d’intercession, de média­tion, de répa­ra­tion, d’expiation, sur­tout de pro­pi­tia­tion. Notre Seigneur lui-​même a dit aux Apôtres, dans l’ Évangile de Saint Jean : « Ce n’est pas vous qui M’avez choi­si, c’est Moi qui vous ai choi­sis, et qui vous ai éta­blis, afin que vous alliez, et que vous por­tiez du fruit, et que votre fruit demeure ». Et Notre Seigneur ajoute : « … et afin que tout ce que vous deman­de­rez à Mon Père en Mon Nom, Il vous le donne ». Donc il y a quand même un office d’intermédiaire par la prière. Puissant office, fonc­tion du prêtre, sem­blable à celle de Moïse, par exemple dans l’Ancien Testament, quand il a obte­nu le par­don du peuple, par sa prière. Ou quand il a obte­nu la vic­toire dans la bataille, dans la mesure où il a prié pour le peuple. Un pou­voir sem­blable à celui d‘Élie, d’ouvrir ou de fer­mer le ciel, les grâces du ciel. Et c’est Notre Seigneur lui-​même qui nous a don­né l’exemple. Monseigneur Lefebvre par­lait de Notre Seigneur comme d’un « grand priant ». Il est le modèle de prière sacer­do­tale par excel­lence. Et la prière sacer­do­tale par excel­lence, c’est la Sainte Messe, encore. C’est donc bien l’exemple que nous avons reçu de Notre Seigneur, c’est la média­tion. Afin de rendre Dieu pro­pice, pas seule­ment pour l’Église, pour les Chrétiens, mais pour le monde. Comme le signale Saint Jean Chrysostome, on est consti­tué afin de prier pour tout le monde.

C’est donc la Sainte Messe et le Sacrifice de la Messe qui doit être comme le modèle et la forme de la prière sacer­do­tale. Et nous réa­li­sons ce pre­mier aspect essen­tiel aus­si en nous confor­mant à Notre Seigneur Jésus-​Christ prêtre et vic­time. Il y a donc une iden­ti­fi­ca­tion qui est requise, une confor­mi­té crois­sante à Notre Seigneur dans notre vie sacer­do­tale. Imitamini quod trac­ta­tis -c’est le Pontifical Romain- : imi­tez ce que vous trai­tez. Imitez donc Notre Seigneur dans la Sainte Messe. Or Notre Seigneur dans la Sainte Messe est le prêtre. Il est l’oblation. Il est le Sacrifice. Il est la Victime. Donc il y a une double imi­ta­tion. Nous devons cher­cher à res­sem­bler chaque jour davan­tage à Notre Seigneur Prêtre. Donc, dans Sa sain­te­té, dans la recherche qu’Il a fait tout le temps de la Gloire de Dieu. Tout est ordon­né à la Gloire du Père. Et aus­si dans Son sou­ci du Salut des âmes, et dans Sa Miséricorde. Sainteté, Gloire de Dieu, Miséricorde. Mais nous devons aus­si nous confor­mer à Notre Seigneur, vic­time, obla­tion, sacri­fice. Or le sacri­fice implique tou­jours une des­truc­tion. Il y a for­cé­ment une des­truc­tion, une mort, mys­ti­que­ment par­lant. Surtout à la Messe. Et c’est sur­tout à l’exemple de la Messe que nous devons pui­ser cet esprit qui est le vrai esprit sacer­do­tal. Et pour tra­duire en mots simples, c’est là qu’il faut accep­ter les souf­frances joyeu­se­ment, volon­tiers. Les adver­si­tés, les dif­fi­cul­tés, les incom­pré­hen­sions, les misères… La liste des mal­heurs de l’homme est très longue. Et c’est donc assu­mer cela, accep­ter avec rési­gna­tion de souf­frir la Croix. On ne peut pas évi­ter de res­sen­tir la Croix comme une Croix. Sinon ce n’est plus une Croix. En union avec Notre Seigneur, de la vivre en Lui, pour tout le bien dont nous avons besoin, et pour les pécheurs et pour la Sainte Eglise. Je pense que c’est là le som­met de la vie sacer­do­tale, c’est la fleur, ou le fruit, plutôt.

2. Le deuxième élé­ment essen­tiel au Sacerdoce : la pré­di­ca­tion de la Vérité. Notre Seigneur Jésus Christ est la véri­té même. « Je suis la Vérité ». Et Il est venu en ce monde afin de rendre témoi­gnage de la Vérité. Comme il le dit devant Kephas. Et la Sainte Église catho­lique est la colonne et le sou­tien de la Vérité. Il s’ensuit donc que c’est une tâche essen­tielle du prêtre que de prê­cher la Vérité. Le prêtre doit donc se pré­pa­rer. Il doit être ou il doit se rendre capable d’enseigner la Vérité. Et il doit se consa­crer à la Prédication. Pour Saint Paul, être Apôtre, c’est essen­tiel­le­ment prê­cher, ensei­gner. C’est être un doc­teur, un mes­sa­ger, un héraut qui pro­clame tou­jours la parole de Dieu. Ce sont ses propres mots. La Parole de Dieu, la Parole de Vérité, les saintes paroles de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Les paroles de la Foi. La Sainte Doctrine. Et c’est bien l’exemple que nous a don­né Notre Seigneur. Sa vie publique est une vie de pré­di­ca­tion, d’enseignement. De révé­la­tion de la Vérité, déjà. Et c’est même Son com­man­de­ment : « Allez et ensei­gnez toutes les créa­tures ». C’est à dire tous les hommes. Tous les hommes. Et cette pré­di­ca­tion doit être fidèle. Ce qui est requis donc dans l’exercice de ses devoirs, c’est d’avoir la fidé­li­té. Ce que l’on demande au ministre, c’est qu’il soit fidèle. Un ministre doit être fidèle à son minis­tère, à ce qu’on lui demande. De trans­mettre. Et être fidèle, cela veut dire d’abord prê­cher l’intégrité de la Doctrine. Et ensuite, prê­cher, ensei­gner cette doc­trine dans toute sa pure­té. Donc vous voyez : toute la Foi, rien que la Foi. On ne peut rien ajou­ter, ni rien retrancher.

Et cette pré­di­ca­tion, inté­grale et pure, doit être néces­sai­re­ment celle de la Tradition. Elle doit prê­cher selon l’enseignement de la Tradition. Selon la pré­di­ca­tion tra­di­tion­nelle, qui est le cri­tère et la norme de la Foi. Le prin­ci­pal et le pre­mier des cri­tères de la Foi. C’est ain­si que Saint Paul le nomme. « Nous ne sommes pas comme beau­coup qui fre­latent, qui adul­tèrent la Parole de Dieu. Mais c’est en toute pure­té, comme de la part de Dieu, devant Dieu, dans le Christ, que nous par­lons ». Prière, jus­te­ment, de ne pas adul­té­rer la Foi. Et il donne comme conseil à Timothée : « Aie comme modèle les saintes paroles que tu as enten­dues de moi dans la Foi et la Charité du Christ ». L’enseignement pur, par­fait. Et il ajoute : « Garde le pré­cieux dépôt de la Foi, par le Saint Esprit, qui habite en nous ». Donc le prêtre reçoit le Saint Esprit, spé­cia­le­ment dans le Sacerdoce, afin de gar­der cet ensei­gne­ment, cette Tradition, et afin de l’enseigner, de le prê­cher. C’est bien là les cri­tères de catho­li­ci­té. Rappelez-​vous les paroles de Saint Paul dans l’Épître aux Galates : « Si quelqu’un, fût-​ce moi-​même, ou un ange du Ciel… » ; donc si n’importe qui, que ce soit un prêtre, un évêque ou un car­di­nal, ou un pape, « vous annonce un Évangile dif­fé­rent de celui que nous avons annon­cé, que vous avez reçu, qu’il soit ana­thème ». Le cri­tère de la Foi catho­lique et de la pré­di­ca­tion du prêtre, c’est la Tradition. La confor­mi­té avec la Tradition de l’Église catho­lique. Et nous fai­sons tou­jours appel à cela. Et c’est cela qui fait notre force. Nous ne fai­sons pas un magis­tère « au-​dessus du magis­tère du Pape ». Nous fai­sons appel au magis­tère du Pape et à l’enseignement constant, à la tra­di­tion de l’Église catho­lique, qui est au-​dessus de nous et qui est au-​dessus du Pape.

Et ensuite, le prêtre doit aus­si prê­cher et ensei­gner avec auto­ri­té. Avec force, – qua­li­té essen­tielle de la pré­di­ca­tion. Cela ne veut pas dire, évi­dem­ment, avec vio­lence, ou agres­si­vi­té. Cela veut dire : « force ». Etre fort. Saint Thomas dit bien que le prêtre doit prê­cher et ensei­gner avec auto­ri­té, parce qu’il est l’instrument, le ministre de Dieu. Donc, il a l’autorité, il est revê­tu de l’autorité de Dieu pour cet office. Alors, il doit non seule­ment ensei­gner la Doctrine, il doit non seule­ment exhor­ter les fidèles, ‑les exhor­ter au Bien, à la pra­tique du Bien‑, mais il doit aus­si cor­ri­ger les fautes et les dévia­tions. Que ce soit en dénon­çant le Mal, ou en blâ­mant les fau­tifs. Et si c’est une ques­tion de Foi, une ques­tion doc­tri­nale, il est obli­gé de faire une réfu­ta­tion solide. Et Saint Paul dit : « … capable de convaincre ou confondre les contra­dic­teurs ». De convaincre ou de faire taire les contra­dic­teurs. Il dit à Tite : « Dis ces choses, exhorte et reprends avec toute ton auto­ri­té ». Et il lui dit aus­si : « … le prêtre doit être for­te­ment atta­ché aux paroles authen­tiques, telles qu’elles ont été ensei­gnées, afin d’être capable d’enseigner la Sainte Doctrine et de confondre les contra­dic­teurs de la Foi ». Ce sont les paroles de Saint Paul à Tite.
Donc il est inhé­rent à cette obli­ga­tion de prê­cher de défendre les fidèles de toute conta­mi­na­tion doc­tri­nale. Le prêtre doit lut­ter contre les erreurs et contre les faux doc­teurs. Contre les héré­sies et contre les héré­tiques. Car il est le gar­dien des véri­tés de Foi, pre­mière chose. Mais il est aus­si gar­dien du Bien des âmes. Dont le pre­mier est jus­te­ment cette Vérité en eux, la Foi catho­lique. Saint Paul est très for­mel à ce sujet. Rappelez-​vous : « Je t’adjure », dit-​il à Timothée, « devant Dieu et devant Notre Seigneur Jésus-​Christ : prêche la Parole, insiste à temps et à contre­temps ; exhorte, convaincs, reprends, en toute lon­ga­ni­mi­té et doc­trine. Cela ne veut pas dire avec patience. Bien sûr qu’il faut de la patience vis-​à-​vis des fidèles ou des fau­tifs pour les cor­ri­ger. Mais il ne parle pas de ça. Il dit qu’il faut le faire avec patience, parce que c’est dif­fi­cile, c’est une souf­france, c’est un com­bat. Et il annonce, ‑et c’est le tes­ta­ment spi­ri­tuel de Saint Paul‑, il rap­pelle que vien­dront des temps où les Catholiques même se détour­ne­ront de la Vérité et tour­ne­ront leurs oreilles vers des fables. C’est là donc que le prêtre doit être vigi­lant. « Endure la souf­france. Remplis ton minis­tère. Fais œuvre d’évangéliste ». Donc c’est bien un devoir que cette sau­ve­garde de la Foi et des âmes. Et donc, on doit dénon­cer les erreurs, les héré­sies, mais aus­si les fau­teurs des erreurs et des héré­sies. Et cela, évi­dem­ment, sup­pose de la force. Dans la mesure où le com­bat, la crise durent, c’est sur­tout notre patience et notre force qui sont mises à l’épreuve. C’est pour cela que Saint Paul dit à Timothée : « Et toi, homme de Dieu, com­bats le bon com­bat de la Foi ». C’est un bon com­bat pour Saint Paul, ce n’est pas un mau­vais com­bat. Mais alors, il faut se battre, il faut lut­ter. Et pour cela, il faut que nous soyons forts dans la Foi. Et Saint Paul rap­pelle à Timothée que par l’imposition des mains, nous n’avons pas reçu un esprit de timi­di­té, c’est à dire de crainte, mais un esprit de force, de cha­ri­té et de sagesse. Il dit d’abord « de force ».

3. Le troi­sième élé­ment essen­tiel, c’est que le Sacerdoce est tout ordon­né à Notre Seigneur Jésus-​Christ . Tout ordon­né à faire régner Notre Seigneur. « Personne ne peut poser un autre fon­de­ment que celui qui a été posé, lequel est le Christ Jésus ». Encore des paroles de Saint Paul. Autrement dit, on ne peut pas cher­cher à bâtir cet édi­fice mys­tique qu’est l’Eglise catho­lique en dehors du seul fon­de­ment, qui est Notre Seigneur Jésus-​Christ . Et celui qui bâtit sur un autre fon­de­ment, bâtit un édi­fice pure­ment humain. Et comme nous le voyons aujourd’hui, huma­niste. Donc tout d’abord, le prêtre doit tout fon­der dans son sacer­doce, dans toute sa vie, dans son apos­to­lat, sur Notre Seigneur Jésus-​Christ en tant que base. Mais en même temps, Notre Seigneur doit être la fin de tous ses efforts. Car nous sommes consti­tués afin de : omnia ins­tau­rare in Cristo – tout res­tau­rer dans le Christ.

Tout res­tau­rer, tout ins­tau­rer, tout réunir ‑comme dit le grec‑, en Notre Seigneur Jésus-​Christ . Donc, la fin de l’apostolat, la fin du Sacerdoce, la fin de la Sainte Eglise, c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est de tout fon­der sur Notre Seigneur Jésus-​Christ . Tout ins­pi­rer de Notre Seigneur. Le prêtre ne peut avoir d’autre désir, d’autre volon­té que de consa­crer sa vie, toute sa vie, tous ses efforts, tout son tra­vail à faire que Notre Seigneur Jésus-​Christ soit tout, en tout, et en tous. Je vou­lais dire un petit peu à la façon de Saint Augustin : Notre Seigneur doit être tout, en tout et en tous. Mais il faut que ce soit tout Notre Seigneur : Sa doc­trine, Son sacer­doce, Sa grâce, Son sacri­fice, Sa royau­té, Son Eglise, Sa très Sainte Mère. Tout Notre Seigneur. Ensuite il faut que ce soit Notre Seigneur pour tous. Pour tous. Justement, il n’y a pas de salut en dehors de Notre Seigneur. Il n’y a pas d’autre nom par lequel nous puis­sions nous sau­ver. Et donc, c’est en même temps un don, et c’est en même temps une exi­gence. Donc, Notre Seigneur pour tous. Pas seule­ment pour les Catholiques, ou pour les autres qui pra­tiquent bien leur culte. Eh bien, non ! C’est Notre Seigneur pour tous. Et ensuite, il faut tout ordon­ner à Notre Seigneur. Tout pour Notre Seigneur. Saint Paul est clair : « Tout est à vous, vous êtes au Christ, et le Christ à Dieu ». Voilà la volon­té de Dieu, du Père. Que tout soit rame­né à Dieu, à Lui-​même par Notre Seigneur Jésus-Christ .

Et nous, prêtres, nous ne fai­sons que coopé­rer à tout réunir dans le Christ. Et c’est pour cela que Monseigneur Lefebvre résu­mait sou­vent notre posi­tion par ces paroles de Saint Paul : « Opportet Illum regnare » : Il faut qu’Il règne. Oui, il faut qu’Il règne. Il faut que Notre Seigneur règne. Et le Sacerdoce est une œuvre de chris­tia­ni­sa­tion. Les offices sont tota­le­ment ordon­nés à chris­tia­ni­ser et à éta­blir le règne de Notre Seigneur dans toute son éten­due. Aussi bien sur tous les indi­vi­dus, toutes les ins­ti­tu­tions et les socié­tés. Aussi bien, l’un que l’autre. Evidemment, « in quan­tum pos­su­mus » : dans la mesure où nous le pou­vons aujourd’hui. Mais donc, nous sommes pour cette royau­té, que ce soit vis-​à-​vis des indi­vi­dus autant que des socié­tés. Et nous tra­vaillons pour cela. Et nous sommes pour la confes­sion­na­li­té d’Etat ; c’est une consé­quence. Nous sommes pour la royau­té sociale de Notre Seigneur, et donc pour la confes­sion­na­li­té d’Etat. Et ce n’est pas une ques­tion sim­ple­ment poli­tique ; ce n’est pas une ques­tion de pos­si­bi­lisme : est-​ce pos­sible ou non ? Enfin, c’est une ques­tion de Foi ! « Opportet Illum regnare ». Déjà Saint Grégoire le Grand le disait : Il y a des héré­tiques qui nient la divi­ni­té de Notre Seigneur, d’autres qui nient l’humanité de Notre Seigneur, et d’autres héré­tiques qui nient la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Des hérétiques.

Alors, vous voyez, Mes bien chers Frères, cette simple des­crip­tion du Sacerdoce et ses élé­ments essen­tiels, met en évi­dence com­bien Monseigneur Lefebvre a été fidèle à nous trans­mettre le vrai Sacerdoce catho­lique. Et cela met en évi­dence aus­si la dérive à laquelle nous assis­tons dans les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques de l’Eglise. Car il y a une radi­cale oppo­si­tion par rap­port à tout ce que je viens de dire. Et cela nous le consta­tons même aujourd’hui. Tenez, par exemple, le voyage du Saint Père aux Etats-​Unis. C’est un exemple, pour ain­si dire, typique. C’est tou­jours sous-​jacent. Et donc, cela s’applique à des degrés dif­fé­rents, selon les per­sonnes et selon les cir­cons­tances. Nous ne disons pas qu’il ne prêche que l’erreur, qu’il prêche tou­jours l’erreur. Nous ne disons pas cela. Mais si l’on dégage les prin­cipes sous-​jacents, nous trou­vons jus­te­ment cet esprit natu­ra­liste. Naturaliste. Humaniste. Qui n’est pas à pro­pre­ment par­ler sur­na­tu­rel. Mais plu­tôt humain. Une vision humaine, où l’homme est le centre un peu de tout. C’est une pré­di­ca­tion qui favo­rise la liber­té de conscience et la liber­té reli­gieuse. C’est jus­te­ment là le contraire de la chris­tia­ni­sa­tion. Tout rame­ner au Christ. Et bien, non. Tout est indé­pen­dant. L’homme est auto­nome. Que ce soit dans sa conscience, ou que ce soit dans sa vie sociale, dans la socié­té. Oui, ils font une œuvre de déchris­tia­ni­sa­tion. Diamétralement oppo­sée à ces règles de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Qu’ils le veuillent ou non. Pourquoi ? Parce qu’ils adhèrent à des prin­cipes libé­raux moder­nistes. Comme l’Eglise l’a dénon­cé, depuis deux siècles. Ils n’ont qu’à lire les ency­cliques des Papes pré­cé­dents. Ensuite, on ne prêche plus la Vérité. On est en quête de la Vérité. Alors, le prin­ci­pal moyen d’apostolat, c’est le dia­logue. Qu’est-ce que cela a à voir avec la voca­tion du prêtre. Qui doit prê­cher, et prê­cher la Vérité. Enseigner. Et selon la Tradition. Nous voyons com­ment ce qui est vrai­ment une chaire de Vérité, de Sagesse, devient, dans les meilleurs des cas, une chaire de confu­sion. Et dans les pires des cas, une chaire de ter­reur. C’est ter­rible. C’est à cela que nous assis­tons. Le Sacrifice de la Messe est abso­lu­ment dimi­nué, estom­pé, obs­cur­ci. Au point qu’il devient même un obs­tacle à la Foi, à la Grâce de Notre Seigneur. Au véri­table esprit catho­lique et chré­tien qui est fon­dé sur la Croix et sur le Sacrifice de la Croix. C’est ter­rible. L’Ecriture dit, par­lant des enfants d’Elie : « Leurs péchés étaient très graves, car ils éloi­gnaient les hommes du sacri­fice ». Leurs péchés étaient graves, puisqu’ils ont été condam­nés par Dieu. Et ils sont morts à cause de cela.

Et cela, en tout cas, montre l’importance et la néces­si­té des sacres. Car si nous avons fait cet acte des Sacres, c’est jus­te­ment pour la sur­vie du Sacerdoce catho­lique. Donc aujourd’hui, nous reven­di­quons les Sacres. Nous reven­di­quons cet acte. Mais non pas comme s’il était une sorte de rébel­lion contre l’autorité, ou contre l’autorité du Pape. C’est à dire que nous ne reven­di­quons pas cet acte dans son appa­rente déso­béis­sance. Mais par contre, nous le reven­di­quons dans sa résis­tance réelle. Dans la mesure où nous avons posé cet acte sim­ple­ment afin de sau­ve­gar­der le Sacerdoce catho­lique. Et qui dit sau­ve­gar­der le Sacerdoce, dit sau­ve­gar­der la Foi catho­lique. Et l’Eglise catho­lique. Et donc, nous reven­di­quons la figure de Son Excellence Monseigneur Marcel Lefebvre. C’est dans ce contexte que sa figure émerge, avec la taille d’un géant. Car Monseigneur a été, quand même, le prin­ci­pal sau­veur de la Tradition. Et sou­vent l’on nous dit : « Vous êtes lefèb­vristes ». Et nous disons tou­jours : « Nous ne sommes pas lefèb­vristes, nous sommes Catholiques ». Mais je sou­ligne quand même que nous sommes des dis­ciples de Monseigneur Marcel Lefebvre, et nous en sommes très fiers. Car il ne faut tou­jours entrer dans la logique, la séman­tique des enne­mis. Bien sûr, « lefèb­vristes » c’est mépri­sant. Cela veut dire que nous serions Catholiques parce que lefèb­vristes. Et bien non, c’est parce que nous sommes Catholiques, et que Monseigneur Marcel Lefebvre était très Catholique, que nous sommes des dis­ciples de Monseigneur Marcel Lefebvre. Et à l’inverse, aujourd’hui, les gens croient, parce qu’ils obéissent. Ils n’obéissent pas parce qu’ils croient. Ce n’est pas avoir la Foi sur­na­tu­relle, c’est avoir l’obéissance. Vous êtes Catholiques si vous obéis­sez. Et non pas si vous croyez. Or l’obéissance est une consé­quence de la Foi. Et donc, si nous avons adhé­ré à cet homme, sau­veur de la Tradition, c’est parce qu’il était vrai­ment Catholique. Mais ceci étant dit, ceci étant pré­ci­sé, nous reven­di­quons sa figure. Et nous sommes très heu­reux d’avoir par­ta­gé ce com­bat. Et nous serons très heu­reux encore de conti­nuer ce com­bat. Et de par­ta­ger les souf­frances, les peines, les adver­si­tés, et si vous vou­lez les décla­ra­tions et même les condam­na­tions dont il a souf­fert. Nous n’avons pas honte de l’Evangile de Notre Seigneur. Nous n’avons pas honte de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Nous n’avons pas honte de la Foi catho­lique de tou­jours. Nous n’avons pas honte de l’Eglise Catholique de tou­jours. Et, par consé­quent, nous ne rou­gis­sons pas de Monseigneur Marcel Lefebvre.

Et cela m’amène à vous par­ler très rapi­de­ment de la situa­tion actuelle. Vous avez peut-​être enten­du dire, par ci, par là, que nous avions reçu un ulti­ma­tum de la part de Rome. De la part du Cardinal Castrillon. Moi je pense que c’est trop dire, un « ulti­ma­tum ». C’est trop dire. Il y a évi­dem­ment une volon­té de nous émou­voir, de nous effrayer un peu. De nous mettre un peu de pres­sion. Nous pres­ser, dans le sens d’un accord pure­ment pra­tique, qui a été tou­jours la pro­po­si­tion de Son Eminence. Alors, évi­dem­ment, vous connais­sez déjà notre pen­sée. Cette voie est une voie morte. Et puisque c’est là, pour nous, c’est la voie de la mort. Et donc, il n’est pas ques­tion de la suivre. Nous ne pou­vons pas nous enga­ger à tra­hir la confes­sion publique de la Foi. Il n’est pas ques­tion. C’est impos­sible. Et nous ne vou­lons pas, en tant que nous vou­lons gar­der la Tradition, défier ce bâti­ment mys­tique qu’est l’Eglise, et nous embau­cher dans une entre­prise de démo­li­tion. Impossible. Vous réflé­chi­rez sur tout ce que nous avons déjà dit. C’est impossible.

Alors évi­dem­ment, notre réponse va plu­tôt dans le sens de ce que nous avons déjà deman­dé. Ce que nous deman­dons depuis long­temps, ce sont les étapes avec les préa­lables. Et qui abou­ti­raient, éven­tuel­le­ment, à une dis­cus­sion, à une confron­ta­tion. Théologique. Plus que théo­lo­gique, encore, doc­tri­nale. Plus que doc­tri­nale, encore, du magis­tère. Et plus que du magis­tère, de Foi. Mais c’est la seule voie que nous sommes prêts à accep­ter. C’est la seule voie que nous deman­dons. Evidemment, la réponse de la Fraternité va dans ce sens-​là. Et elle ira dans ce sens-là.

Alors, que nous pré­pare l’avenir proche ? Moi, je ne sais pas. Je pense que le plus pro­ba­ble­ment ceci abou­ti­ra à une pause, à une stag­na­tion de nos contacts avec Rome.
Moins pro­ba­ble­ment, à une décla­ra­tion, nou­velle, contre nous.

Et moins pro­ba­ble­ment encore, cela abou­ti­ra au retrait du Décret d’excommunication, et ensuite à une dis­cus­sion sur la Foi catho­lique. Discussion, pour ain­si dire, évidemment.

Voilà. Je vous les ai don­nées dans l’ordre décrois­sant. D’après moi. C’est une conjec­ture que je fais moi-​même, à mes frais.

Pour ter­mi­ner, je vous rap­pelle, chers ordi­nands et chers confrères, les paroles de Notre Seigneur avant de mon­ter au Ciel, qui me semblent conte­nir des pas­sages beaux, si beaux. Qui contiennent la quin­tes­sence de l’Evangile : « Tout pou­voir m’a été don­né, au Ciel, et sur la Terre ». C’est le Christ Roi, Universel, qui parle. Le Maître de l’Histoire et de l’Eglise. « Tout pou­voir m’a été don­né, au Ciel, et sur la Terre ». « Allez donc, et ensei­gnez tous les hommes, toutes les nations », ‑c’est bien le Christ Prêtre, Docteur, Docteur de Vérité. C’est le Christ-​Vérité qui nous les dit‑, « les bap­ti­sant, au Nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit ». C’est bien le Christ-​Vie. C’est le Christ-​Prêtre qui com­mu­nique la grâce. Qui nous donne cet ordre de les conver­tir, de leur don­ner la grâce. « Leur appre­nant à gar­der tout ce que Je vous ai deman­dé ». « Tout ce que Je vous ai deman­dé ». Absolument tout. Et c’est bien le Christ Législateur, qui éta­blit leur morale même, qui nous demande d’enseigner cela. Ceux qui croi­ront, et se feront bap­ti­ser se sau­ve­ront. Et ceux qui ne croi­ront pas, se condam­ne­ront, seront condam­nés. C’est le Christ Juge et Rémunérateur qui nous l’annonce. « Et voi­ci que Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la consom­ma­tion des siècles ». C’est le Christ Sauveur, Rédempteur, le Christ Tête de l’Eglise. C’est le Sacré-​Cœur de Jésus qui nous annonce Son secours, dans Sa Toute-​Puissance et dans Sa Miséricorde. Alors, nous n’avons rien à craindre. Il l’a dit lui-​même aux Apôtres : « Ne crai­gnez rien ! J’ai vain­cu le monde ». Et Notre Seigneur ne parle pas seule­ment du monde mon­dain. Le contexte le montre bien que, dans « J’ai vain­cu le monde », Notre Seigneur inclut les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques de l’époque, puisqu’il par­lait un peu avant des Pharisiens et des Sadducéens. Autrement dit, Notre Seigneur a vain­cu tous Ses enne­mis. Et nous, nous sommes au ser­vice de ce si puis­sant Seigneur, Roi des Rois, Seigneur des Seigneurs. Alors nous n’avons rien à craindre. Et la Providence va nous don­ner, pour l’avenir, ce qui nous convient. Comme tou­jours. Parfois c’est la souf­france, par­fois c’est l’épreuve, une accal­mie, une petite bataille gagnée. Nous ne connais­sons pas l’avenir. Nous ne savons pas où l’histoire du monde va abou­tir, ni l’Eglise elle-​même, et le monde. A quoi Dieu nous prépare-​t-​Il ? Nous ne le savons pas. Mais que ce soit dans la souf­france, dans le com­bat, dans la joie, dans la vic­toire, nous sommes tou­jours éga­le­ment ras­su­rés. Car notre Espérance est bien fon­dée en Dieu, en Sa Providence et en Notre Seigneur Jésus Christ.

Et c’est pour cela que nous prions éga­le­ment aujourd’hui la Très Sainte Vierge Marie. Et tout par­ti­cu­liè­re­ment l’Immaculée, la Toute Pure. Car c’est bien Elle qui est le che­min pour aller à Notre Seigneur Jésus Christ, qui est le che­min assu­ré pour aller au Christ, pour vivre de la Vie du Christ. Mais c’est aus­si l’Immaculée qui a reçu les pro­messes de la Victoire. Ipsa conte­ret. La Victoire a com­men­cé déjà, par Marie. La vic­toire finale vien­dra aus­si par l’entremise de l’Immaculée. Par le triomphe du Cœur Immaculé et dou­lou­reux de Marie.

Alors, ayons cette confiance et soyons cou­ra­geux dans notre Sacerdoce, dans notre minis­tère et dans l’accomplissement, chaque jour meilleur, des exi­gences de notre Sacerdoce Catholique.

Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,
Ainsi soit-​il

+Alfonso de Galarreta, Ecône le 27 juin 2008

Suite du reportage

Suite n° 3 du repor­tage des ordi­na­tions 2008 à Econe

FSSPX Premier assistant général

Mgr Alfonso de Galarreta, né en Espagne en 1957, a été sacré évêque auxi­liaire de la Fraternité Saint-​Pie X le 30 juin 1988 par Mgr Marcel Lefebvre. Ayant exer­cé de nom­breuses res­pon­sa­bi­li­tés notam­ment comme Supérieur du dis­trict d’Amérique du Sud et direc­teur du sémi­naire de La Reja, il est actuel­le­ment Premier Assistant du Supérieur géné­ral de la Fraternité.