Lettre aux parents, amis et bienfaiteurs de l’ISPX – Novembre 2008

Editorial de novembre 2008, par l’abbé Philippe Bourrat, Recteur


Abbé Philippe Bourrat

+ Paris, le mer­cre­di 5 novembre 2008

Chers parents, bien­fai­teurs et amis,

Alors que la ren­trée uni­ver­si­taire 2008 s’est effec­tuée sans dif­fi­cul­té majeure, il est temps pour nous de vous par­ler de l’Institut St-​Pie X.

Tout d’a­bord, rap­pe­lons, pour ceux qui l’i­gno­re­raient, que Monsieur l’ab­bé Thouvenot, Recteur de 2002 à 2008, a été nom­mé Secrétaire géné­ral de la Fraternité St Pie X. Il réside désor­mais à Menzingen, en Suisse, aux côtés de Mgr Fellay, Supérieur général.

L’Institut lui doit beau­coup, spé­cia­le­ment dans l’a­dap­ta­tion de l’or­ga­ni­sa­tion des études, suite à la réforme uni­ver­si­taire qui a été adop­tée (licence euro­péenne) mais aus­si dans le dyna­misme qu’il a su insuf­fler pour faire connaître tou­jours davan­tage le carac­tère excep­tion­nel d’un éta-​blissement uni­ver­si­taire vrai­ment libre. Qu’il en soit vive­ment remer­cié. Accompagnons-​le de nos prières dans ses nou­velles fonc­tions qui sont loin d’être de tout repos !

Puissions-​nous être dignes de pour­suivre sa noble tâche.

Des diplômes d’Etat

En effet, rappelons-​le, au risque de las­ser, l’Institut St-​Pie X, fon­dé en 1980, a la par­ti­cu­la­ri­té d’être une uni­ver­si­té entiè­re­ment libre dont les diplômes sont recon­nus par l’Etat. Le Rectorat de Paris valide nos diplômes. Autrement dit, tout étu­diant qui sort de notre éta­blis­se­ment pos­sède une licence euro­péenne ou une maî­trise (avec équi­va­lence de Master 1) par­fai­te­ment recon­nues par l’Etat et peut donc pour­suivre ses études supé­rieures, s’il le sou­haite, avec un diplôme de l’Institut. Le conte­nu de nos pro­grammes est libre, la nature de nos exa­mens et leur cor­rec­tion relèvent de notre direc­tion. Que ce soit en Histoire, en Philosophie ou en Lettres, notre corps pro­fes­so­ral, com­po­sé qua­si exclu­si­ve­ment de Docteurs, d’Agrégés et de Certifiés délivre un ensei­gne­ment de qua­li­té dont les étu­diants qui ont connu d’autres uni­ver­si­tés témoignent de l’in­dis­cu­table supériorité.

Cela est par­ti­cu­liè­re­ment mani­feste dans le cli­mat de dépré­cia­tion géné­rale que l’on peut consta­ter tant dans le Secondaire – avec une scan­da­leuse chute de la valeur du bac­ca­lau­réat accor­dé désor­mais avec un gon­fle­ment des options et des inef­fables TPE (Travaux Pédagogiques Encadrés) – que dans le Supérieur, qui se trouve dans l’o­bli­ga­tion de rece­voir une part impor­tante d’é­tu­diants qui accèdent à l’u­ni­ver­si­té par le simple fait d’a­voir le bac, sans pour autant en avoir le niveau. Il est clair que la for­ma­tion de nos écoles secon­daires per­met de limi­ter les effets per­vers d’une telle démis­sion du sys­tème édu­ca­tif mais, qu’on ne se cache pas la véri­té, il existe un dan­ger, même pour nos écoles catho­liques : celui de croire que, dans la mesure où nous par­ve­nons à faire obte­nir le bac à la qua­si tota­li­té de nos élèves, notre mis­sion serait réa­li­sée. Si nos exi­gences se calquent trop sur celles de l’Etat pour le bac­ca­lau­réat, nous aurons tôt ou tard la désa­gréable sur­prise de voir dans notre ensei­gne­ment supé­rieur la médio­cri­té s’ins­tal­ler : une médio­cri­té quant à la curio­si­té intel­lec­tuelle, la culture géné­rale et la soif d’entrer dans l’arène des com­bats d’idées poli­tiques ou religieuses.

Comprendre la cohérence de nos exigences

D’où l’im­por­tance pour les parents comme pour les étu­diants de com­prendre la cohé­rence de nos exi­gences tant dans nos pro­grammes que dans nos méthodes de tra­vail. C’est en visant l’ex­cel­lence chré­tienne, pro­por­tion­née aux capa­ci­tés de cha­cun, l’ex­cel­lence ordon­née vers Dieu, qui s’ap­puie sur l’hu­mi­li­té de la créa­ture consciente de sa fai­blesse et qui appelle la grâce néces­saire à la gué­ri­son et à l’é­lé­va­tion de la nature bles­sée, que tout étu­diant doit entrer dans un esprit de saine ambi­tion pour for­mer son intel­li­gence à la véri­té. Léon XIII, dans son ency­clique Libertas, écri­vait magnifiquement :

« Il n’y a que la véri­té, on n’en sau­rait dou­ter, qui doit entrer dans les âmes, puisque c’est en elle que les natures intel­li­gentes trouvent leur bien, leur fin, leur per­fec­tion ; c’est pour­quoi l’en­sei­gne­ment ne doit avoir pour objet que des choses vraies, et cela qu’il s’a­dresse aux igno­rants ou aux savants, afin qu’il apporte aux uns la connais­sance du vrai, que dans les autres, il l’affermisse. »

Et, un peu plus loin, il pré­cise l’é­ten­due de ces véri­tés dont les étu­diants doivent être nourris :

« Or, la véri­té qui doit être l’u­nique objet de l’en­sei­gne­ment est de deux sortes : il y a la véri­té natu­relle et la véri­té surnaturelle. »

C’est pour­quoi nos efforts se portent sur cet ensei­gne­ment pérenne de la phi­lo­so­phie réa­liste, de l’his­toire et des lettres qui forment l’homme à la com­pré­hen­sion des grandes ques­tions que l’in­tel­li­gence encore assoif­fée de connais­sance, si elle n’a pas été trop abî­mée par l’en­sei­gne­ment et les péda­go­gies modernes, se pose naturellement.

L’enjeu de la sur­vie d’un tel éta­blis­se­ment ne vous a pas échap­pé. La for­ma­tion de l’in­tel­li­gence, l’ac­qui­si­tion d’une culture chré­tienne, huma­niste, au bon sens du terme, enra­cinent l’é­tu­diant catho­lique, citoyen de demain, dans sa foi, le pré­parent à com­prendre et inté­grer le monde dans lequel il vit déjà mais auquel il aura à appor­ter demain ses com­pé­tences, son intel­li­gence, son témoi­gnage de vie chré­tienne pour que la chré­tien­té refleu­risse et que recule la bar­ba­rie moderne.

Contre la culture jetable

On sous-​estime trop sou­vent la force du sys­tème édu­ca­tif et du modèle social dans les­quels nous vivons. Trop peu prennent conscience que l’on a fina­le­ment réus­si à convaincre la jeu­nesse de l’i­nu­ti­li­té des études clas­siques, phi­lo­so­phiques, des huma-​nités jugées désor­mais obso­lètes. La tech­nique et l’u­ti­li­ta­risme ont pris le pas sur la culture et la pen­sée phi­lo­so­phique. Les sciences de la nature et les tech­no­lo­gies ont for­gé une socié­té qui empêche l’homme de s’in­té­res­ser et de connaître les causes pre­mières des choses qui l’en­tourent. On ignore la fina­li­té et l’es­sence des choses. On se contente d’u­ser et de faire, de trans­for­mer la matière, de l’ac­cu­mu­ler, de ten­ter de la maî­tri­ser. Au fond, le mot d’ordre de Marx pré­vaut :

« Ce n’est pas de com­prendre l’his­toire qui importe, mais de la changer. »

On pour­rait dire aus­si : ce n’est pas de com­prendre le monde ni de com­prendre l’homme qui importe à nos contem­po­rains mais de le chan­ger, de le remo­de­ler, de le recréer par la science et les tech­niques. Nous sommes invi­tés à entrer dans une socié­té d’in­tel­li­gences géné­ti­que­ment modi­fiées, si l’on peut dire, pour qu’elles ne soient plus créées à l’i­mage de Dieu mais qu’elles mani­festent désor­mais l’i­mage de l’homme auto­nome qui veut se faire dieu.

D’où l’é­mer­gence d’une socié­té dont le sys­tème édu­ca­tif se méfie des esprits cri­tiques, des phi­lo­sophes, des hommes de lettres ou des his­to­riens car dans ces résis­tants de l’in­tel­li­gence, demeure la capa­ci­té pour des esprits libres de pen­ser, de juger des causes, de s’é­le­ver vers leur fina­li­té sans se lais­ser hyp­no­ti­ser par les agi­ta­tions des illu­sion­nistes de l’instruc-​tion publique, laquelle s’ef­force d’être une édu­ca­tion nationale.

Comme l’é­crit John Senior, dans La mort de la culture chrétienne,

« bien des parents se plaignent main­te­nant que leurs enfants manquent de fer­veur reli­gieuse, de patrio­tisme et même d’une conscience claire de leur res­pon­sa­bi­li­té morale. Ils ne semblent pas sai­sir que ces ver­tus sont lar­ge­ment acquises au tra­vers de la culture(1). »

Une culture qui ne peut être acquise que dans la durée, dans l’é­tude, dans la lec­ture et la médi­ta­tion des auteurs authen­ti­que­ment por­teurs d’une pen­sée, dans la décou­verte des causes ultimes des choses et donc dans la phi­lo­so­phie réa­liste, aris­to­té­li­cienne, tho­miste, celle que nous dis­pen­sons à l’Institut.

A l’inverse, l’é­miet­te­ment, la dis­per­sion, la super­fi­cia­li­té carac­té­risent assez bien les atti­tudes « cultu­relles » contem­po­raines. Il n’y a plus ce socle de l’hé­ri­tage assi­mi­lé des huma­ni­tés qui for­maient jadis les élites pro­fes­sion­nelles de la socié­té. Il n’y a pas si long­temps, au XXe siècle, on ren­con­trait encore de jeunes bache­liers s’ins­crire en facul­té de lettres et de droit pour acqué­rir ou pour­suivre les études clas­siques qu’ils avaient enta­mées dans le secon­daire puis, munis de cette culture et de cette for­ma­tion intel­lec­tuelle, envi­sa­geaient alors un métier pour gagner leur vie. Juristes, méde­cins, cher­cheurs, pro­fes­seurs pou­vaient ain­si gui­der ceux dont ils avaient la charge et don­ner de la pro­fon­deur à leur vie, à leur enga­ge­ment dans la socié­té. Aujourd’hui, tout se veut « cultu­rel » : le « rap­peur » des « cités », le « tag­gueur » de murs, la chan­teuse de varié­té la plus sotte, le spor­tif le plus dopé s’ex­pri­mant sur son res­sen­ti de fin de com­pé­ti­tion, l’ac­teur ou l’ac­trice à la mode, sont les repré­sen­tants de cette nou­velle culture jetable que l’on essaie de conser­ver le temps fugace d’une sai­son de consom­ma­tion, de ce que l’on appelle fina­le­ment à juste titre des « pro­duits cultu­rels ». La culture c’est la capa­ci­té réflexe de gagner rapi­de­ment à des jeux de ques­tions, comme le Trivial Pursuit ou Questions pour un cham­pion. On est pas­sé de l’ordre de la qua­li­té à l’ordre de la quan­ti­té, de l’ordre de l’être à l’ordre de l’a­voir et du paraître.

L’homme qui ne sait pas ou plus recon­naître la valeur humaine des choses, qui ignore son pas­sé et le sens de sa des­ti­née, ne s’é­lève pas, ne se construit pas et donc ne peut tendre à sa per­fec­tion. Il se lais­se­ra néces­sai­re­ment séduire par les sirènes des modes, par le prêt-​à-​penser pla­né­taire, il répon­dra doci­le­ment aux impé­ra­tifs d’une nou­velle morale citoyenne qui répond tant à des mots d’ordre éco­no­miques qu’à des visées d’un mon­dia­lisme phi­lo­so­phi­que­ment et reli­gieu­se­ment antichrétiens.

Faire connaître l’Institut Universitaire Saint-​Pie X

Nous avons donc besoin d’é­lar­gir le nombre des béné­fi­ciaires de cette for­ma­tion unique ain­si que de lui don­ner les moyens de pour­suivre son action.

Il faut le faire davan­tage connaître, notam­ment en tor­dant le cou aux cli­chés le concer­nant qui pré­tendent dédoua­ner ceux qui les col­portent de l’exi­gence morale d’y faire leurs études. Il faut dési­rer don­ner à la jeu­nesse estu­dian­tine le meilleur dans l’ordre de l’in­tel­li­gence, de même que l’on s’ef­force de les pro­té­ger dans l’ordre de la san­té ou de l’a­li­men­ta­tion. A cet égard, il est tou­jours sur­pre­nant de voir des étu­diants catho­liques pré­fé­rer à l’Institut des éta­blis­se­ments publics anti­chré­tiens et déstruc­tu­rants ou pour le moins médiocres quant à la valeur glo­bale de leurs prestations.

Il faut en outre convaincre la jeu­nesse d’a­voir le cou­rage de se lan­cer dans des études qui leur don­ne­ront l’excellence de l’intelligence, avant de son­ger à assu­rer la com­pé­tence d’une pro­fes­sion rémuné-​ratrice. Bien mieux, dans un monde de médio­cri­té pro­gram­mée, cette for­ma­tion clas­sique garan­ti­ra la sur­vie d’une élite catho­lique, capable de main­te­nir en vie la pen­sée, l’écriture, la culture et donc la véri­té mais aus­si la morale qui découle de cette véri­té. Et c’est à ces divers titres qu’elle trou­ve­ra sa place sur le mar­ché du tra­vail, et une place de choix.

Ne nous rési­gnons donc pas à l’a­vi­lis­se­ment du monde qui nous entoure. La vic­toire appar­tient aux dis­ciples de Jésus-​Christ parce qu’il a vain­cu le monde. Mais Il compte néan­moins sur la force, la per­sé­vé­rance et le sou­tien de cha­cun, dans la confiance sur­na­tu­relle que donne l’Espérance.

Nous aus­si, car cette œuvre néces­site tou­jours et encore le sou­tien de ses amis et bienfaiteurs.

Nous vous assu­rons de nos prières recon­nais­santes par la réci­ta­tion d’un cha­pe­let quo­ti­dien à vos intentions.

Abbé Philippe Bourrat+ , Recteur

(1) John Senior, La mort de la culture chré­tienne, Dominique Martin Morin, 1996, p. 104.

Intégralité de la lettre aux parents, amis et bienfaiteurs de novembre 2008 au format pdf

Lettre aux parents, amis et bien­fai­teurs de l’ISPX de novembre 2008