Rappelé à Dieu le 28 septembre 2022, l’abbé Gilles Duboscq fut l’un des pionniers de la Tradition à Paris.
Gilles Duboscq naît à Onesse, en Normandie, le 24 septembre 1926, baptisé dès le lendemain. Son parrain est le poète Francis Jammes. Il est vrai que Gilles est né dans une famille d’artistes : son père est dramaturge et compositeur, sa mère musicienne… Il en gardera une compétence certaine pour la direction de chorale.
Les épreuves ne manquent pas pour le jeune homme : son père meurt à 40 ans en 1938, puis vient la guerre qui oblige à mettre les cinq enfants en pension. Gilles obtient son baccalauréat au petit séminaire de Paris, à Charenton-le-Pont. Aussitôt après, il décide d’entrer au grand séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Sa vocation, mûrie par ces années difficiles, a germé depuis les retraites que son père, oblat bénédictin, l’emmenait suivre dans des monastères.
Vicaire en région parisienne
L’abbé Duboscq fut ainsi ordonné prêtre par Mgr Feltin le 29 juin 1951, à Notre-Dame de Paris. Ses premières années de vicaire dans des paroisses de région parisienne, à Drancy, à Saint-Germain de Charonne, sont marquées par les tensions sociales qui règnent dans le pays : le Parti communiste omniprésent fascine une partie des clercs et des laïcs, et même des institutions de jeunesse et d’Action catholique commencent à s’orienter franchement à gauche. C’est ainsi qu’en 1965, l’année de la fin du concile Vatican II, il demande à changer de paroisse, mal à l’aise avec ces influences politiques et avec les nouveautés liturgiques qui les accompagnent, et se retrouve à Saint-Antoine des Quinze-Vingt, paroisse réputée traditionnelle. Il se rapproche de groupes et de personnalités qui résistent au fameux « esprit du Concile » qui souffle de plus en plus fort : Henri Charlier, ancien ami de son père, Jean Madiran, la Cité catholique et son successeur « l’Office », et le Supérieur des Pères du Saint-Esprit qui réside à Paris, Mgr Marcel Lefebvre. Mais même à Saint-Antoine sa participation au congrès de Lausanne met mal à l’aise : il doit à nouveau demander un changement et se retrouve en juillet 1968 à Sainte-Jeanne-de-Chantal dans le XVIe arrondissement. A sa grande joie, le curé lui confie le groupe des servants de messe et le patronage des garçons ; mais il est remplacé dès l’année suivante par l’abbé Jean-Marie Lustiger, qui, à peine arrivé, supprime les deux chorales et impose la réforme liturgique. Les chants latins disparaissent, l’autel est retourné, les vicaires apprennent à célébrer la Nouvelle Messe sous le contrôle vigilant du curé, et le groupe de servants de messe disparaît – il risquerait de détourner l’attention des fidèles du futur archevêque de Paris…
L’apostolat des catacombes
En 1971, lorsque l’école paroissiale est fermée, l’abbé Duboscq est privé de son dernier ministère. Il quitte la paroisse, comme cinq autres vicaires la même année… Il suit des cours pendant un an à l’Institut catholique, puis attend un poste… qui ne vient pas. Le diocèse ne sait que faire d’un prêtre trop traditionnel. Les fidèles, eux, le savent ! Sur le conseil de Mgr Ducaud-Bourget, il commence à célébrer la Messe tridentine dans un sous-sol de 40 m2, à Boulogne, rue Thiers. Il assure l’aumônerie du MJCF et des Dominicaines de Saint-Cloud, organise des catéchismes privés qui cèderont peu à peu la place aux « paroisses » traditionnelles. Cédant aux supplications de Mgr Ducaud-Bourget, il vient l’aider un an à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Puis il prend en charge les chapelles « tradies » de Conflans-Sainte-Honorine et de Pontoise, de 1978 à 1981. Cette année-là, un contact est repris pour un ministère dans le diocèse, mais, malgré une rencontre cordiale avec Mgr Lustiger, aucune proposition de poste n’est faite. L’abbé Duboscq continue donc son ministère auprès de la Fraternité Saint-Pie X, et ouvre en 1983 une chapelle dans le XVIIIe arrondissement, rue Firmin Gémier. A cet apostolat vient s’ajouter un ancien patronage à Courbevoie, embryon de la future école Saint-Bernard, la chapelle du Sacré-Cœur fondée par le Dr Clavel, rue Gerbert, dans le XVe, et à partir de 1988 la chapelle Sainte-Germaine aux côtés de l’abbé Serralda.
Dévoué jusqu’au bout
Éprouvé par la mort de sa mère en 1990, fatigué par l’âge et par les charges, l’abbé Duboscq en confie une partie à la Fraternité Saint-Pie X et part se reposer dans les Alpes en 1997. Il devient ainsi aumônier des Bénédictines de Rosans de 1998 à 2002.
Remis sur pied, il revient en région parisienne en 2003 et accepte de collaborer à l’apostolat de Notre-Dame des Armées, à Versailles, jusqu’en 2016, où il doit se retirer à la maison de retraite des Augustines à Versailles. Affaibli physiquement, se déplaçant en chaise roulante, il réussit toutefois à publier une biographie de son père, Claude Duboscq, en 2017. Il célèbre son jubilé de 70 ans de sacerdoce en juillet 2021, avant d’être rappelé à Dieu le 28 septembre 2022, à 96 ans.
Tous rendent hommage à une figure de la Tradition en région parisienne, infatigable et dénué de toute amertume malgré les nombreuses épreuves subies.
Photographies : Abbé Jean-Pierre Boubée