Editorial du n° 45 de janvier 2017 – Aux Sources du Carmel – Vous avez été appelés [à la foi] pour être libres

Bulletin du Tiers-​Ordre sécu­lier pour les pays de langue fran­çaise

Editorial du n° 45 de janvier 2017 , abbé Dubroeucq

Cher frère, Chère sœur,

La voca­tion chré­tienne se résume dans ce bien­fait : « Vous avez été appe­lés [à la foi] pour être libres1. » Ce que saint Thomas com­mente : « Les justes ne sont pas sous la loi, parce ce que le mou­ve­ment inté­rieur et l’instinct de l’Esprit qui habite en eux est deve­nu leur propre ins­tinct. C’est en effet la cha­ri­té qui incline à faire cela même que la loi pres­crit. Puis donc que les justes ont une loi inté­rieure, ils font spon­ta­né­ment ce que la loi demande2. »

La liber­té dont il s’agit n’est pas une simple ver­tu, ni l’un quel­conque de ces fruits de l’Esprit que l’Apôtre énu­mère aux Galates. C’est la vie chré­tienne elle-​même dans son âme, sa source et son mode, en ce qu’elle a de plus for­mel : le Saint-​Esprit, la grâce de Dieu, la cha­ri­té du Christ. Saint Paul affirme que « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liber­té3 » ; ce que saint Thomas d’Aquin com­mente ain­si : « Quiconque agit spon­ta­né­ment, agit libre­ment. Mais qui reçoit son impul­sion d’un autre n’agit pas libre­ment. Celui-​là donc qui évite le mal, non parce que c’est un mal, mais en rai­son du pré­cepte du Seigneur, n’est pas libre. En revanche, celui qui évite le mal parce que c’est un mal, celui-​là est libre. Or, c’est là ce qu’opère le Saint-​Esprit, qui per­fec­tionne inté­rieu­re­ment notre esprit en lui com­mu­ni­quant un dyna­misme nou­veau, si bien qu’il s’abstient du mal par amour, comme si la loi divine le lui com­man­dait ; et de la sorte il est libre ; non qu’il ne soit sou­mis à la loi divine, mais parce que son dyna­misme inté­rieur le porte à faire ce que pres­crit la loi divine4. »

Nous voyons plei­ne­ment réa­li­sé dans la vie de sainte Thérèse de l’Enfant- Jésus cet ensei­gne­ment de l’Apôtre ; ain­si déclare-​t-​elle : « À l’office de sexte, il y a un ver­set que je pro­nonce tous les jours à contre-​cœur. C’est celui-​ci : « Inclinavi cor meum ad facien­das jus­ti­fi­ca­tiones tuas in aeter­num, prop­ter retri­bu­tio­nem5 »Intérieurement je m’empresse de dire : « O mon Jésus, vous savez bien que ce n’est pas pour la récom­pense que je vous sers ; mais uni­que­ment parce que je vous aime et pour sau­ver des âmes6 » ».Il est vrai que ce n’est pas pour rece­voir une récom­pense ou pour évi­ter un châ­ti­ment que l’homme doit agir de telle ou telle façon ; mais parce que sa rai­son exige qu’il agisse ain­si et subor­donne à sa fin der­nière, c’est-à-dire à Dieu, tous ses actes. S’il le fait ou non, il s’ensuivra une récom­pense ou un châ­ti­ment. Les sanc­tions ne sont pas la fin de nos actions.

Et voi­ci même jusqu’où va la déli­ca­tesse filiale de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « Si par impos­sible le bon Dieu lui-​même ne voyait pas mes bonnes actions, je n’en serais pas affli­gée. Je l’aime tant, que je vou­drais pou­voir lui faire plai­sir sans qu’il sache que c’est moi7. » Elle dit ailleurs qu’elle veut tra­vailler pour le seul amour de Dieu. C’est la mise en pra­tique de la maxime de saint Jean de la Croix : « Celui-​là qui agit pour Dieu avec un amour très pur, non seule­ment est indif­fé­rent aux regards des hommes (Mt 6,1), mais n’agit même pas pour être vu de Dieu. Et quand Dieu n’en devrait jamais avoir connais­sance, il ne lais­se­rait pas de lui rendre les mêmes ser­vices avec la même joie et la même pure­té d’amour8. »

« Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liber­té3. » « Cette véri­té sichère à la Sainte, nous dit le R.P. Victor de la Vierge, est sous-​jacente à la plu­part des ins­truc­tions recueillies par ses novices. Liberté d’âme et renon­ce­ment, telles sont les deux exi­gences prin­ci­pales9 »de cet ensei­gne­ment. Et le prin­cipe qui fonde ces exi­gences est celui-​ci : « Tout ce qui n’est pas Jésus n’est rien, il faut s’en défaire pour faire place à Jésus seul. » […] « Ce dépouille­ment inté­rieur, cette liber­té de l’esprit, la sainte les a farou­che­ment vou­lus pour ses novices, car ils créent l’atmosphère où peut s’épanouir sans obs­tacle le vrai désir de Dieu10. »Ainsi profite-​telle de ses dis­trac­tions dans la prière afin de prier pour les per­sonnes qui occupent son esprit. Dans la recherche de la per­fec­tion, elle recourt prin­ci­pa­le­ment à l’Évangile et lutte contre la mul­ti­pli­ci­té des pra­tiques. Elle aime se rap­pe­ler ces paroles de sainte Thérèse de Jésus : « Dieu ne s’arrête point comme nous nous l’imaginons, à une foule de minu­ties, et il ne faut en rien res­ser­rer notre âme. »

C’est parce que nous sommes enfants de Dieu que nous sommes divi­ne­ment libres : « Tous ceux qui sont mus par l’Esprit de Dieu, ce sont ceux-​là les fils de Dieu. En effet, vous n’avez pas reçu un esprit d’esclave qui vous ferait vivre dans la crainte ; mais vous avez reçu un esprit d’enfant de Dieu, par lequel nous crions à Dieu : Père, mon Père11 ! » Les enfants aiment leur père et cherchent à lui plaire alors que les esclaves craignent leurs maîtres et leur obéissent, contraints. L’enfant de Dieu imite Dieu, son Père, qui est Charité et il n’y a rien de plus spon­ta­né que l’amour. Quel être plus libre, plus inven­tif et plus auda­cieux que celui qui est ani­mé d’un amour spi­ri­tuel et total ? « Aime et fais ce que tu veux » disait saint Augustin. « C’est l’amour de cha­ri­té, écrit saint Thomas, qui fait la liber­té des fils12. »

La litur­gie de la Nativité de Notre-​Seigneur, chers ter­tiaires, nous invite à médi­ter sur notre adop­tion divine. Rendons grâces à Dieu, de cet immense bien­fait et vivons en confor­mi­té avec la grâce reçue. Daigne la très sainte Vierge, notre Mère, nous aider à être sans cesse, comme elle, docile à l’Esprit-Saint et donc libres et accom­plis­sant tout par amour de Dieu. 

Je vous bénis.

Abbé L.-P. Dubrœucq, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Retraites carmélitaines

Retraites car­mé­li­taines

Retraites mixtes (hommes et dames),ouvertes prin­ci­pa­le­ment aux ter­tiaires du car­mel mais aus­si aux per­sonnes inté­res­sées par la spi­ri­tua­li­té du carmel.

Inscriptions auprès de M. l’ab­bé Dubroeucq au prieu­ré de Gastines tél : 02 41 74 12 78 

Tél : au prieu­ré Saint Louis-​Marie Grignon de Montfort, 49380 Faye d’Anjou ou au 06 16 80 63 17

  1. Gal.5, 13. []
  2. Commentaire sur Gal.V,lect. 5, in Super epis­to­las S. Pauli lec­tu­ra, Marietti, 1951, t. 1, n° 318, p. 634. []
  3. 2 Cor.3, 17. [] []
  4. Commentaire sur 2 Cor, III, 17, lect.3, in Super epis­to­las S. Pauli lec­tu­ra, op. cit., n° 112, p. 464. []
  5. J’ai incli­né mon cœur à l’observation de vos pré­ceptes, à cause de la récom­pense, ps 118,112. []
  6. La Bible avec Thérèse de Lisieux, impri­ma­tur 1979, Cerf 1997, p.87. []
  7. Conseils et Souvenirs, recueillis par sœur Geneviève, Cerf-​DDB, 1973, 296. []
  8. Jean de la Croix. Œuvres com­plètes, Paris, Cerf, 2001, Écrits spi­ri­tuels, n°20, p. 272. []
  9. R.P. Victor de la Vierge, Réalisme spi­ri­tuel de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus,Paris, Lethielleux, 1956, p.88. []
  10. R.P. Victor de la Vierge, op. cit. p. 89. []
  11. Rm 8,14–15. []
  12. Commentaire sur Rm, 8,15, lect.3, in Super epis­to­las S. Pauli lec­tu­ra, op. cit., n°641, p. 117. []