Cher frère, Chère sœur,
Pour nous sauver et sauver le monde, la très sainte Vierge a prononcé à Fatima, en mai 1917, ces paroles qui ont eu un profond retentissement dans l’âme des trois voyants :
« Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ? »
Au mois de juin, s’adressant à Lucie et lui faisant comprendre qu’elle devait rester sur la terre alors que ses deux petits cousins iraient bientôt au ciel, Marie ajoutait :
« Ne te décourage pas. Je ne t’abandonnerai jamais. Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu. »
En juin comme en mai, à travers ses témoins choisis, c’était à tous ses enfants que la Vierge s’adressait. C’est donc à nous qu’Elle demande de prier, souffrir et de nous offrir pour Dieu et pour nos frères ? Et c’est également à nous qu’Elle promet son aide, en nous offrant son Cœur comme refuge et comme chemin conduisant vers Dieu.
Dans ses feuillets composés pour les premiers samedis du mois, le R.P. Joseph de Sainte-Marie, Carme Déchaux, commente ainsi les paroles de la Très sainte Vierge que nous venons de citer :
« Réparer les péchés et sauver les pécheurs, voilà ce qu’Elle demande. Et comment ne pas voir l’urgence de cette demande, aujourd’hui plus encore qu’en 1917 ? Or c’est un fait que la plupart de nos contemporains, et nous-mêmes avec eux, la voient peu, ou mal, ou même pas du tout. D’abord parce qu’ils cherchent à oublier le désordre croissant de la société et du monde, le seul remède qu’ils y trouvent étant de ne pas y penser. Et lorsque malgré tout ils y pensent, ce qu’ils voient, c’est la masse des crimes qui se commettent et ce sont les catastrophes vers lesquelles ces crimes nous entraînent à grands pas. Mais voient-ils en eux le péché ? Et dans ceux qui les commettent, des pécheurs ? Or, c’est à cela que nous devons arriver si nous voulons trouver les vrais et ultimes remèdes, qui sont d’ordre spirituel, comme est d’ordre spirituel, en dernière analyse, cette réalité du mal : il est péché, c’est-à-dire offense à Dieu. Et l’homme qui le commet est pécheur, et donc passible du jugement de Dieu et du châtiment que sa justice fait peser sur lui. Mais l’homme de ce temps, l’homme moderne centré sur lui-même et fermé dans son monde, ne voit que sa propre personne, sa souffrance et les dangers qui le menacent.
D’où la nécessité d’une première conversion : celle du regard, pour voir le mal présent comme péché, et celle du cœur pour apprendre à le détester comme tel, c’est-à-dire comme une offense à notre Dieu d’amour et comme blessure au Cœur de son Fils et au Cœur de sa Mère. Par là seulement nous pourrons comprendre l’appel de Notre-Dame et en sentir l’urgence. Et de là naîtra en nous le désir, d’abord de réparer cette offense faite à Dieu par le péché, mais aussi de sauver les pécheurs : de les sauver de leur perte éternelle. Car nous ne penserons plus seulement aux châtiments du temps présent, qui finalement sont toujours œuvre de miséricorde, puisqu’ils ont pour but de nous sauver dans l’éternité en nous amenant à la conversion et au repentir. Et c’est précisément pour que les pécheurs reçoivent les grâces nécessaires à cette conversion qu’il faut que ceux qui ont déjà la lumière de la foi et le trésor de la charité se mettent en prière et en état de sacrifice. C’est par là qu’ils obtiendront ces grâces et ce pardon, en même temps qu’ils offriront à Dieu lui-même l’œuvre d’amour qui réparera l’offense qui lui est faite par le péché.
Commençons donc par méditer sur ces choses afin de réveiller en nous le sens du péché et de la destinée éternelle de l’homme. Alors nous serons plus généreux pour répondre à la demande de la Vierge.
Un cœur qui sauve et qui conduit à Dieu. Mais comment nous-mêmes, « pauvres pécheurs », pourrons-nous accomplir une œuvre aussi grande, alors que nous sommes les premiers à tomber dans le péché ? De nous-mêmes, assurément, nous ne pouvons rien. Mais voici la promesse de la Vierge : son Cœur Immaculé, refuge et chemin conduisant à Dieu. L’image du refuge évoque la tempête, le danger. « Pour le pauvre, Yahvé est un refuge, un refuge dans les heures de détresse. » (Ps. 9, 10) ; Dieu est un refuge vivant, Il protège de toutes les menaces, délivre de tous les ennemis. Mais pour cela Il veut la confiance et qu’on recoure à lui : « Dieu est mon refuge (…) j’ai invoqué Yahvé et de mes ennemis j’ai été délivré. » (Ps. 17, 3–4).
Ce refuge, c’est en Marie que Dieu veut nous le faire trouver aujourd’hui, parce que c’est seulement par Elle que nous pouvons aller à Lui et obtenir son aide. Elle ne se substitue pas à Dieu. Elle conduit à Lui : « Mon Cœur Immaculé sera (…) le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu ; et ainsi Il sera « ton refuge ». C’est aussi parce que c’est Lui qui nous obtient et qui nous donne la grâce de Dieu, comme Elle le fit comprendre aux enfants en mai, dans un geste merveilleux. Mais c’est d’abord parce qu’Elle nous prend en Elle pour nous conduire à Dieu qu’Elle est notre refuge. Telle est sa promesse, et telle est la volonté de Dieu Lui-même. Mais la condition à remplir pour en recevoir les bienfaits, c’est de recourir à Elle inlassablement. Alors Elle nous portera dans son Cœur et nous établira en Dieu. Alors nous recevrons la force de nous convertir, de prier et de faire pénitence. Alors nos supplications et nos sacrifices seront très puissants sur le Cœur du Christ. Car, ce n’est pas seulement au terme de notre vie que notre Mère au Cœur immaculé nous conduira à Dieu. Elle le fait à chaque instant, à chaque sacrifice accepté et offert.
En pratique, apprenons, par la prière confiante et renouvelée sans fin, à nous établir dans ce refuge immaculé (ce qui veut dire : sans péché). Là, nous serons préservés du péché et purifiés de ceux que nous avons commis. Là nous réparerons les péchés qui offensent Dieu, et nous sauverons nos frères pécheurs de la perte éternelle vers laquelle ils courent, et dans laquelle ils tomberont si personne ne vient à leur secours.
Ces réflexions aideront à comprendre ce qui peut et ce qui doit être fait, concrètement, pour pratiquer la « dévotion » des premiers samedis du mois. Que ce jour-là soit spécialement consacré à cet effort de réflexion, de méditation, de prière et de sacrifice. Mais si un tel effort doit être spécialement accompli en ces premiers samedis, pourquoi ne pas le reprendre également les autres samedis ? C’est chaque samedi qui est jour de Marie. Et pourquoi nous en tenir à ce seul jour ? N’est-ce pas tout notre être et toute notre vie qui, dès le baptême, ont été donnés à la Vierge ? Le sens des « premiers samedis », dans l’intention de la Vierge, est de nous faire siens, non pas seulement pour un jour, mais pour tous les jours. L’amour ne peut vouloir moins. Ces premiers samedis sont donc un point de départ. Mettons-nous ou remettons-nous en route, comme nous pouvons, du mieux que nous pouvons. Et nous verrons alors comme le Vierge est fidèle à ses promesses. » [R.P. Joseph de Sainte-Marie, L’Heure de Marie, Versailles, 4 rue st Louis, feuillet n°2, juin 1983.]
Pour nous qui sommes rattachés à l’Ordre de la Très sainte Vierge, comment ne pas voir le lien étroit qui unit Fatima au Carmel ? Souci de pureté de l’âme qui cherche, avec la grâce, par les purifications successives et l’oraison, à s’unir à Dieu ; intérêt porté au salut du prochain en priant et en se sacrifiant pour lui. Nos saints du Carmel illustrent bien cet idéal. Suivons leur exemple avec zèle.
†Je vous bénis.
27 juin 2017, en la fête de Notre-Dame du Perpétuel Secours.
Abbé L.-P. Dubrœucq, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X