Entretien exclusif de M. l’abbé Benoît de Jorna à La Porte Latine

Monsieur l’abbé [1], vous êtes depuis le 15 août der­nier à la tête de l’important District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X. Pouvez-​vous d’abord nous retra­cer votre iti­né­raire per­son­nel préa­lable à vos nou­velles et lourdes responsabilités ?

Après 22 ans pas­sés à Ecône, j’arrive à Suresnes. Un lieu qui ne m’est heu­reu­se­ment pas incon­nu puisque j’ai déjà occu­pé les fonc­tions de Supérieur de ce même dis­trict de 1994 à 1996 [2]. Il s’agit pour­tant d’un vrai changement.

Qu’est-ce que vous rete­nez prin­ci­pa­le­ment de vos longues années de direc­teur du sémi­naire inter­na­tio­nal d’Ecône ?

La for­ma­tion sacer­do­tale reste la fonc­tion prin­ci­pale de la Fraternité et j’ai été très heu­reux de pou­voir contri­buer à l’éclosion de nom­breux prêtres que je retrouve en fonc­tion avec grand plai­sir. Et puis à Ecône on vit dans le ber­ceau de notre chère socié­té ! Mais c’est loin d’être une forme d’infantilisme : au contraire on vit qua­si exclu­si­ve­ment de prin­cipes, l’étude et la prière sont les deux acti­vi­tés prin­ci­pales qui acca­parent tout le temps. Et c’est bien juste : la for­ma­tion doc­tri­nale intègre et la per­fec­tion morale des jeunes lévites importe par-​dessus tout. Ce fut donc pour moi une véri­table joie de conduire sous l’égide de saint Thomas ces jeunes gens et de les voir quit­ter Ecône forts de cette for­ma­tion. Quelle situa­tion para­doxale ! Je me suis réjoui chaque année le 29 juin, jour des ordi­na­tions, du départ de ceux avec qui on a vécu en ami­tié pen­dant cinq années ! Mais ma joie aujourd’hui est de les retrou­ver à l’œuvre et quelle œuvre, considérable.

Au total, com­bien avez-​vous de prêtres et de mai­sons dans le District ?

Une cin­quan­taine de prieu­rés ou écoles, pas loin de 200 prêtres et aus­si une tren­taine de frères, par­ti­cu­liè­re­ment appré­ciés dans nos écoles.

Votre pré­dé­ces­seur, M. l’abbé Christian Bouchacourt – aujourd’hui second assis­tant géné­ral – a mis l’accent sur les écoles et a ouvert de nou­veaux prieu­rés. Quelles seront vos priorités ?

La res­pon­sa­bi­li­té est grande : il faut conduire tous et cha­cun vers la béa­ti­tude éter­nelle et la voie est rude : c’est un com­bat de chaque jour dit l’Ecriture. Il est peu pro­bable que je puisse tra­vailler en exten­sion car les prêtres manquent et c’est un sou­ci majeur. Le zèle pour le Christ Roi doit demeu­rer la pré­oc­cu­pa­tion constante de tous et cha­cun : que le Christ règne sur cha­cun, mais aus­si sur les familles pour qu’il règne sur les socié­tés. Et la situa­tion actuelle ne va guère dans ce sens. Il est éton­nant que ce zèle pour le Christ Roi n’enflamme pas davan­tage la jeu­nesse aujourd’hui. Et pour­tant quel com­bat exal­tant sur­tout à l’époque que nous vivons de déchris­tia­ni­sa­tion orga­ni­sée et de « décons­truc­tion » systématique.

Vous venez d’é­vo­quer les voca­tions en par­lant du zèle qui devrait enflam­mer les jeunes aujourd’­hui. Quel état des lieux peut-​on faire concer­nant ce domaine essen­tiel, vital pour l’apostolat et la trans­mis­sion de la Foi ?

L’appel des voca­tions est une pré­oc­cu­pa­tion très impor­tante d’autant plus que c’est un des buts de la Fraternité. On s’étonne que si peu de jeunes gens aient le zèle du salut des âmes et la flamme mis­sion­naire qui ani­mait notre fon­da­teur. Monseigneur Lefebvre avait cette cha­ri­té ardente qui lui don­nait la force d’affronter tous les périls mais tou­jours dans la man­sué­tude. N’est-on pas trop ins­tal­lé dans son confort ?

Depuis les sacres de 1988 les Instituts rele­vant de la Commission Ecclesia Dei ont pros­pé­ré sur une injuste condam­na­tion de la FSSPX. Quel est votre point de vue sur ces anciens « alliés » que d’aucuns appellent les « ralliés » ?

Pour ceux qui ont « ral­lié » est-​ce que les « motu pro­prio » suc­ces­sifs et les com­mu­nau­tés Ecclesia Dei ramol­lissent tel­le­ment les intel­li­gences et les volon­tés qu’ils ne voient plus guère que la Fraternité, pro­vi­den­tiel­le­ment, est tou­jours la seule à main­te­nir l’intégrité doc­tri­nale ? Celle-​ci en effet ne se réduit pas à une messe saint Pie V le dimanche. Encore une fois il s’agit du règne du Christ Roi sur tout et tous.

Les rap­ports avec les Ordinaires locaux, à quelques excep­tions près, sont inexis­tants, voire par­fois « ten­dus ». Quelle sera la poli­tique du nou­veau Supérieur du District de France dans ce domaine ?

La décon­fi­ture de l’Eglise en France n’a pas besoin d’être démon­trée et les évêques ne peuvent plus la cacher. C’est pour­quoi les rap­ports que nous pou­vons avoir avec l’un ou l’autre n’ont plus guère le carac­tère d’hostilité farouche d’antan. Quoique la fausse doc­trine du concile aveugle encore et tou­jours, il n’en reste pas moins que la pos­si­bi­li­té « d’occuper le ter­rain » est moins dif­fi­cile : ici ou là, des églises, devraient pou­voir nous être concé­dées pour notre usage exclusif.

Que pensez-​vous du déve­lop­pe­ment d’internet ?

Si les moyens élec­tro­niques res­tent des moyens et ne ramol­lissent pas les cœurs alors je ne doute pas que la conquête du Christ Roi soit encore le com­bat de tous comme il le fut de Saint Martin, de saint Louis et de sainte Jeanne d’Arc.

Que demandez-​vous, en prio­ri­té, aux fidèles de votre District et aux mil­liers de lec­teurs quo­ti­diens de La Porte Latine ?

Je leur demande une fidé­li­té à toute épreuve mais aus­si qu’ils ne contentent pas des appa­rences litur­giques qu’on peut leur concé­der ici ou là…

Merci, Monsieur le Supérieur, d’avoir accor­dé cet entre­tien au site offi­ciel du District de France.

Source :La Porte Latine du 28 sep­tembre 2018

Notes de bas de page
  1. Monsieur l’Abbé Benoît de Jorna est né le 1er sep­tembre 1951. Agé de 66 ans, il fut supé­rieur du District de France de 1994 à 1996, avant de deve­nir direc­teur du Séminaire Saint-​Pie X d’Ecône. Il avait été aupa­ra­vant en poste à Paris, ain­si qu’au Séminaire Saint-​Curé d’Ars de Flavigny. Il a été nom­mé Supérieur du District de France le 16 juillet 2018 par déci­sion de M. l’ab­bé Davide PAGLIARANI, nou­veau Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, élu le 11 juillet 2018 lors du Chapitre Général de la FSSPX.[]
  2. Lire l’é­di­to­rial de M. l’ab­bé de Jorna écrit pour les vingt-​cinq ans de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X : « Merci, Monseigneur, âme de la résis­tance aux inno­va­tions des­truc­trices ! » in Fideliter de septembre-​octobre 1995.[]

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.