Après la lettre du Pape adressée aux évêques – Jean Madiran


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Jean Madiran

Dans sa lettre aux évêques, avec une aisance toute natu­relle Benoît XVI a réus­si à joindre la sou­ve­raine majes­té qui est celle de sa fonc­tion et l’humilité qui doit être celle de sa per­sonne. Face à la per­sé­cu­tion média­tique, la tou­jours dif­fi­cile mais tou­jours oppor­tune « imi­ta­tion de Jésus-​Christ » était ici, en sub­stance, l’imitation de Notre Seigneur devant le Sanhédrin et devant Pilate : c’est-à-dire devant l’accusation des auto­ri­tés reli­gieuses et devant celle du monde profane. 

La lettre du Pape n’est pas adres­sée à ce monde pro­fane ; ni non plus aux prêtres et aux fidèles. Elle est adres­sée aux évêques, oui, comme un mes­sage non point à trans­mettre à leurs dio­cèses mais à rece­voir pour eux-​mêmes. Elle le fait avec une déli­ca­tesse de touche qui n’enlève rien à sa ferme auto­ri­té. Benoît XVI observe que ses amis juifs l’ont aidé à dis­si­per rapi­de­ment le mal­en­ten­du fabri­qué à l’occasion de l’affaire Williamson, tan­dis que « des catho­liques » auraient dû mieux savoir ce qu’il en était. Ces catho­liques, qui ont « offen­sé » le Pape « avec une hos­ti­li­té prête à se mani­fes­ter », ce sont des évêques, beau­coup d‘évêques, et le Pape en a « été pei­né ». La com­pa­rai­son de leur com­por­te­ment avec celui des « amis juifs » est là pour paci­fier le reproche par la gen­tillesse d’un sou­rire et la légè­re­té de la moquerie. 

Mais un sou­rire triste, car l’Eglise catho­lique est celle de la suc­ces­sion apos­to­lique, c’est-à-dire celle des évêques ; et donc aus­si des évêques qui ont mani­fes­té leur incom­pré­hen­sion et leur hos­ti­li­té. Sous l’intense averse de la per­sé­cu­tion média­tique, on en a même enten­du rap­por­ter avec com­plai­sance ce qu’ils n’osaient dire eux-​mêmes : « J’ai honte d‘être catho­lique. » C’est bien l‘équivalent du : « Je ne connais pas cet homme » (Mt 26, 74). Souhaitons-​leur de ne pas attendre trop long­temps pour, à leur tour, en « pleu­rer amèrement ». 

Le Vatican II du car­di­nal Congar et de l‘épiscopat fran­çais est cette fois clai­re­ment enter­ré : ce Vatican II que l’on pré­sen­tait comme la réfé­rence et l’instrument d’une « relec­ture » et d’une « réin­ter­pré­ta­tion » des conciles anté­rieurs, de l’enseignement des papes pré­cé­dents et glo­ba­le­ment de toute l’ecclésiologie romaine issue de l’Eglise dite constan­ti­nienne. « A cer­tains de ceux qui se pro­clament comme les grands défen­seurs du Concile », écrit Benoît XVI, et ici encore la manière de s’exprimer laisse devi­ner un sou­rire un peu moqueur et pas­sa­ble­ment indul­gent, – à ceux-​là donc, il « doit être rap­pe­lé », et il l’est avec une claire auto­ri­té, qu’il faut « accep­ter la foi pro­fes­sée au cours des siècles » et « l’entière his­toire doc­tri­nale de l’Eglise ».

Du coup tombe aus­si le Vatican II super-​dogme, consi­dé­ré comme « un bloc non négo­ciable », posi­tion extré­miste sur laquelle l‘épiscopat fran­çais s‘était retran­ché contre la levée des excom­mu­ni­ca­tions. Benoît XVI affirme, ou plu­tôt main­tient et répète, que « les ques­tions » [posées par les inté­gristes] « concer­nant la doc­trine ne sont pas [encore] éclair­cies ». C’est « au niveau doc­tri­nal » qu’il faut les consi­dé­rer. Ainsi s’annonce l’ouverture d’une dis­cus­sion argu­men­tée, sor­tant du niveau « dis­ci­pli­naire » où, pour tout argu­ment, l’on main­te­nait contre « les [sup­po­sés] inté­gristes » la bru­ta­li­té aveugle d’une auto­ma­tique relé­ga­tion sociologique. 

Des attaques du monde pro­fane, la lettre de Benoît XVI ne dit rien. Elles sont nor­males. On sait bien (ou l’on devrait savoir) que lorsqu’il n’est pas conte­nu par le rem­part d’un Prince chré­tien, le monde pro­fane n’est capable que d’une per­sé­cu­tion, sour­noise ou vio­lente, de l’Eglise et de son témoi­gnage que Jésus-​Christ est vrai Dieu et vrai homme. Aujourd’hui la per­sé­cu­tion est sur­tout média­tique, c’est-à-dire à la fois vio­lente et sour­noise, véri­fiant ce qui est annon­cé par l’Evangile : « Ils m’ont per­sé­cu­té, ils vous per­sé­cu­te­ront » (Jn 15, 20). 

Jean MADIRAN

Article extrait du n° 6800 du same­di 14 mars 2009 – Présent