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« RELIGION. Les filles de choeur, venues depuis des années gonfler les effectifs
des enfants au service des prêtres, sont désormais persona non grata »
Comme tous ses frères et sœurs, Sophie Laplace a été durant plusieurs années enfant de chœur. Fille de chœur donc, comme on en voit auprès des prêtres depuis une trentaine d’années. Aujourd’hui âgée de 38 ans et mère de famille, cette catholique pratiquante pensait que ses quatre enfants, garçons ou filles indifféremment, pourraient vivre leur foi et s’approprier les valeurs chrétiennes de la même manière qu’elle : en servant la messe, en connaissant les rites, en pratiquant au plus près des officiants.
Sexisme et discrimination
Ses filles, aujourd’hui âgées de 9 et 10 ans, ont ainsi tenu ce rôle auprès des prêtres de leur paroisse bayonnaise ces quatre dernières années. Un samedi d’octobre, toutefois, alors qu’elles s’apprêtaient à remplir leurs fonctions habituelles pour la « messe des familles », le nouveau curé les a écartées, expliquant en substance qu’il n’y aurait plus de filles de choeur pour les célébrations à l’église Saint-André, à Bayonne, et qu’à terme, il n’y en aurait plus du tout dans la paroisse.
En apprenant cela, les petites fondent en larmes. Leur mère, elle, est ulcérée. Au point d’écrire à la Halde, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (1).
Une discussion avec le prêtre, quelques jours plus tard, ne la convainc pas : « Pour moi, c’est du sexisme, de la discrimination. Tout simplement. J’ai relu le catéchisme et d’autres ouvrages pour vérifier que je ne me trompais pas : j’ai trouvé des textes du pape qui autorisent les filles enfants de choeur. Cette décision, c’est un bond de 50 ans en arrière. »
L’abbé François de Mesmay durant l’office en l’église Saint-André de Bayonne
[Photo Sud-Ouest]
Rien de cela pour l’abbé François de Mesmay, curé de Bayonne, qui ne souhaite plus voir les filles porter l’aube et les cierges : « C’est tout le contraire : c’est parce que l’Église est vivante qu’il faut trouver ce qui va le mieux. Le mieux, actuellement, c’est de relancer la participation à la messe. Pour cela, nous proposons un rôle spécifique à chacun. Les filles ne sont pas interdites de service, mais pour ce qui est de l’autel, près de l’officiant, c’est dévolu aux garçons. C’est à cet endroit-là que se préparent les vocations ecclésiastiques dont l’Église a besoin. »
Stopper la pénurie de prêtres
Ce fringant quinquagénaire fait partie de l’équipe rajeunie de prêtres dont s’est entouré le nouvel évêque de Bayonne, Marc Aillet. Il met la grogne des paroissiens sur le compte du « changement de style » après des années passées auprès d’un clergé aujourd’hui septuagénaire.
La question, pour lui, est de juguler la pénurie de prêtres et la désertion des églises. Le problème, au centre des discussions lors de la Conférence des évêques à Lourdes début novembre, trouvera-t-il une solution avec un retour de la tradition ? Point de « tradition » et encore moins de « traditionalisme » dans les propos de l’abbé de Mesmay, qui estime que l’Église s’adapte ainsi au monde. « C’est une demande des familles qui attendent des rôles spécifiques, complémentaires. Un retour aux fondamentaux, comme en rugby. Ce n’est pas de l’ordre du sexisme. Ce n’est pas non plus un interdit, c’est une meilleure organisation. »
« Complémentarité »
La notion de « complémentarité » mise en avant fait bondir Christine Pedotti, cofondatrice du Comité de la jupe (2).
« La différenciation introduit la ségrégation. On drape de propos élevés sur la différence entre hommes et femmes des pratiques réellement discriminatoires. On éloigne les filles de l’autel car elles ne servent à rien à cet endroit : on en fait des chrétiennes de deuxième rang, en prétendant trouver des vocations. »
Le forum Internet du Comité de la jupe (2) a perçu un mouvement de fond d’éviction des filles de chœur, et pas seulement à Bayonne.
« On est là dans le contraire de la modernité : le progrès, ce serait de calquer dans l’Église l’égalité entre hommes et femmes qui s’applique aujourd’hui dans les responsabilités familiales ou professionnelles. Là, on nous dit que le bon ordre, ce sont les garçons devant et les filles derrière, c’est le retour à une société patriarcale. »
Pour Sophie Laplace, c’est aussi une question d’avenir : « Ces garçons, qui deviendront peut-être prêtres, auront pour image cette vision du monde patriarcale. »
« Les prêtres sont des hommes car le Christ était un homme, mais le modèle, pour tout chrétien, ce n’est pas le prêtre mais la sainteté, et cela, c’est accessible aussi bien aux filles qu’aux garçons », répond en substance l’abbé de Mesmay, qui estime qu’en la matière, il ne s’agit pas d” « acquis sociaux à défendre ».
Nouvel évêque
La controverse est étroitement liée au nouvel évêque de Bayonne, qui est arrivé en Pays basque précédé de sa réputation de proche de Benoît XVI et de l’aile la plus conservatrice de l’église.
« En ce qui me concerne, je n’ai pas voulu me fier aux on-dit mais je juge maintenant sur pièces : cette image d’une Église à l’ancienne avec son autorité morale terrible, quelle place va-t-elle laisser aux laïcs, aux divorcés, aux homosexuels ? Ils vont avoir peur ! C’est mon cas. J’envisage le boycott, ou de changer de paroisse pour trouver un curé en conformité avec ma vision du monde », analyse Sophie Laplace.
« Je suis un pasteur, mon but est de ramener les gens vers l’Église, pas de les mettre dehors », dit François de Mesmay. L’avenir dira si la méthode est la bonne.
(1) Le correspondant de la Halde en Pyrénées-Atlantiques ne s’estime pas compétent, le domaine de la religion relevant de l’intime. L’échelon national étudie la question.
(2) www.comitedelajupe.fr. Association née des propos de Mgr André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Paris, qui, interrogé sur la place des femmes dans l’Église, avait répondu : « Le tout n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête. »
Véronique Fourcade In Sud-Ouest du 20 novembre 2009