Bulletin du Prieuré Marie-​Reine – Mulhouse – Octobre 2006

Dario Cardinal Castrillon Hoyos

Le 13 novembre 2005, le car­di­nal Hoyos décla­rait à la télé­vi­sion ita­lienne TV Canal 5 à pro­pos de la Fraternité Saint-​Pie X :

« Nous ne sommes pas en face à une héré­sie. On ne peut pas dire en termes cor­rects, exacts, pré­cis qu’il y ait schisme,il y a, dans le fait de consa­crer sans man­dat pon­ti­fi­cal„ une atti­tude schis­ma­tique. Ils sont à l’in­té­rieur de l’Eglise. il y a seule­ment ce fait qu’il manque une pleine, une plus par­faite, une plus pleine com­mu­nion parce que la com­mu­nion. existe ».

Et le même car­di­nal écri­vait trois mois plus tard, le 24 février 2006, à l’ar­che­vêque de Bombay (Inde), le car­di­nal Dias, qui venait de récu­pé­rer trois anciens sémi­na­ristes de son dio­cèse après un séjour de deux ans dans notre Séminaire de la Sainte-​Croix à Goulbrn en Australie :

« Je me réjouis avec vous qu’ils aient répon­du à la grâce de retour­ner à la plé­ni­tude de la foi catho­lique… leur témoi­gnage ne laisse pas d’in­quié­ter compte tenu de la men­ta­li­té sépa­ra­tiste qui les entou­rait au sémi­naire de Goulburn et qu’ils ont eu fina­le­ment la grâce de rejeter. »

Lors de leur réin­té­gra­tion au sémi­naire de Bombay, le car­di­nal Ivan Dias a accueilli les trois sémi­na­ristes avec une céré­mo­nie de récep­tion dans l’Eglise qui mar­quait solen­nel­le­ment « leur retour dans le sein de l’Eglise catho­lique » (Cal Hoyos, ibid.).

Le 20 mai der­nier, Benoît XVI a nom­mé l’ar­che­vêque de Bombay à la Curie comme pré­fet de la Congrégation pour l’é­van­gé­li­sa­tion des peuples, impor­tant dicas­tère qui exerce son auto­ri­té sur 39 % des dio­cèses de l’Eglise catholique.

Nous sommes recon­nais­sants au pré­sident de la Commission Ecclesia Dei pour ce second juge­ment sur la Fraternité Saint-​Pie X qui, mal­gré la calom­nie qu’il consti­tue – ain­si que le montre M, l’ab­bé Scott, direc­teur du sémi­naire de la Sainte-​Croix dans la Lettre aux amis et aux bien­fai­teurs repro­duite ci-​dessous (tra­duc­tion par nos soins) –, a le mérite de nous mon­trer le fond de sa pen­sée et de nous rap­pe­ler que « tant que Vatican II et la nou­velle messe res­tent la norme, un accord avec Rome, c’est un sui­cide », selon les paroles de notre Supérieur Général , Mgr Fellay, le 8 sep­tembre à Ecône.

Abbé Philippe François 

22 mai 2006

Chers amis et bien­fai­teurs du Séminaire de la Sainte-Croix,

Je n’a­vais pas encore men­tion­né, dans ce bul­le­tin, le départ de trois de nos quatre sémi­na­ristes indiens à la fin de la der­nière année sco­laire, trois semaines seule­ment après avoir renou­ve­lé de façon sacri­lège leur enga­ge­ment dans la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X pour un an, et quelques jours seule­ment après avoir reçu avec dupli­ci­té les Ordres mineurs.

Si je parle de sacri­lège, c’est parce qu’ils ont recon­nu après coup avoir secrè­te­ment nour­ri depuis des mois le pro­jet de rejoindre leur dio­cèse conci­liaire, c’est-​à-​dire qu’ils avaient pré­vu, pen­dant tout ce temps, de rompre leurs pro­messes faites solen­nel­le­ment devant le Saint-​Sacrement et en pré­sence de toute la com­mu­nau­té et qu’ils avaient faus­se­ment deman­dé par écrit la récep­tion des Ordres mineurs en tant qu’é­tape vers le sacer­doce au sein de la Fraternité Saint-​Pie X, où ils n’a­vaient mani­fes­te­ment pas l’in­ten­tion de rester.

On com­prend mal la sour­noi­se­rie dont ils ont fait preuve en obser­vant le secret sur leurs inten­tions (car ils étaient entiè­re­ment libres de par­tir à tout moment), sinon qu’ils enten­daient par là se réser­ver l’une et l’autre options pour le cas où le dio­cèse de Bombay les repren­drait, ce qui s’est avé­ré être le cas en fin de compte.

Le cardinal applaudit une trahison

Si ]e fais état aujourd’­hui de ce départ, ce n’est pas seule­ment parce qu’il, équi­vaut à une tra­hi­son qui a cru­ci­fié notre petite com­mu­nau­té, unie par la confiance mutuelle, mais parce qu’il est deve­nu une affaire publique, d’au­tant plus qu’il a été applau­di par le car­di­nal Castrillon Hoyos lui-​même, pré­sident de la Commission pon­ti­fi­cale Ecclesia Dei et inter­mé­diaire sup­po­sé entre la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X et le pape Benoît XVI.

Comment, vous demanderez-​vous, un car­di­nal de la Sainte Eglise peut-​il, applau­dir à une telle sour­noi­se­rie ? Ces jeunes gens seraient-​ils deve­nus des espions dans la poli­tique sui­vie par les moder­nistes ? C’est ce qui res­sort de ce que le car­di­nal Castrillon devait écrire au car­di­nal Ivan Dias, arche­vêque de Bombay, dans une lettre en date du 24 février 2006 :

« Je vous remer­cie de votre aimable lettre du 5 février 2006 concer­nant le retour au ber­cail des trois sémi­na­ristes qui avaient quit­té le Grand Séminaire de votre arche­vê­ché en 2002 pour entrer au sémi­naire de la Fraternité Saint-​Pie X à Goulbum, en Australie. Je me féli­cite par­ti­cu­liè­re­ment du récit des évé­ne­ments par ces sémi­na­ristes, que vous avez joint à votre lettre, et je me réouis avec vous qu’ils aient répon­du à la grâce de retour­ner à la plé­ni­tude de la foi et de la vie catho­liques en Inde. Je suis très heu­reux de savoir qu’ils ont trou­vé auprès de Votre Excellence un accueil pater­nel lors de leur retour dans le sein de l’Êglise catho­lique, et je prie pour que l’ex­pé­rience qu’ils ont vécue leur per­mette d’ap­pré­cier davan­tage encore la néces­si­té d’être en pleine com­mu­nion avec le Successeur de Pierre. Leur témoi­gnage ne laisse pas d’in­quié­ter, compte tenu de la men­ta­li­té sépa­ra­tiste qui les entou­rait au sémi­naire de Goulbum et qu’ils ont fina­le­ment reçu la grâce de reje­ter. J’espère sin­cè­re­ment qu’il sera pos­sible de sau­ver leurs voca­tions ».

Les accu­sa­tions por­tées par le car­di­nal sont les plus graves qui se puissent conce­voir. Lui qui pour plaire aux catho­liques tra­di­tio­na­listes, semble-​t-​il, avait décla­ré publi­que­ment en sep­tembre der­nier que la Fraternité « ne consti­tue pas for­mel­le­ment un schisme », puis, en par­lant de nous le 13 novembre sui­vant, qu”« ils sont à l’in­té­rieur de l” Église… parce que la com­mu­nion existe », le voi­ci à pré­sent qui – pour plaire aux catho­liques moder­nistes – nous accuse car­ré­ment de schisme.

Plénitude de la foi et de la vie catholiques

Quelle est donc la « plé­ni­tude de la foi et de la vie catho­liques » cen­sés faire défaut dans ce sémi­naire ? Que pourrait-​ce être, sinon la vie spi­ri­tuelle intense, la vie de dis­ci­pline d’un sémi­naire dont Rome a salué la règle (le 18 février 1971), l’as­sis­tance quo­ti­dienne, voire biquo­ti­dienne à la Messe de tou­jours, la prière com­mune de l’of­fice divin trois fois par jour, le strict enca­dre­ment de la vie en com­mu­nau­té, le chant gré­go­rien, les céré­mo­nies solen­nelles, de même que la suite conti­nue de saluts du Saint Sacrement, de pro­ces­sions, de che­mins de Croix, de rosaires et de dévo­tions qui ponc­tuent la vie au séminaire ?

Que pourrait-​ce être, sinon l’é­tude de la phi­lo­so­phie et de la théo­lo­gie de saint Thomas d’Aquin, si sou­vent com­man­dée par l’Église (notam­ment par Léon XIII, saint Pie X. Benoît XV ou Pie XII) et dont ces trois jeunes Indiens, qui avaient pour­tant pas­sé cinq à huit ans dans un sémi­naire (conci­liaire) avant de venir à la Sainte-​Croix, n’a­vaient rien appris jus­qu’a­lors ?

À moins que cette « plé­ni­tude de la foi et de la vie catho­liques » ne cor­res­ponde éven­tuel­le­ment à la des­crip­tion sui­vante au Séminaire conci­liaire de Bombay faite par un des trois inté­res­sés aus­si­tôt après l’a­voir quit­té en 2002… avant d’y retour­ner en 2006 :

« La théo­lo­gie ensei­gnée au Séminaire de Bombay est loin d’être la science sur­na­tu­relle si bien défi­nie par le Docteur angé­lique. Elle est com­plè­te­ment natu­ra­li­sée et « hori­zon­ta­li­sée », pour com­men­cer et finir dans l’ex­pé­rience terre-​à-​terre de cette vie (la vie éter­nelle étant oubliée, voire effa­cée). En ver­tu, donc, du dis­cours moder­niste sur l’ac­ti­vi­té consis­tant à « faire de la théo­lo­gie » et en consé­quence de cette acti­vi­té, les sémi­na­ristes sont envoyés dans des orga­ni­sa­tions non gou­ver­ne­men­tales (ONG) pour « tou­cher du doigt la réa­li­té, se mêler à des athées non catho­liques, par­fois des tra­vailleurs sociaux per­vers culti­vant eux-​mêmes une morale relâ­chée et menant une vie de famille dés­in­té­grée. Ils sont ain­si nour­ris du pro­gramme mar­xiste fon­dé sur la « socié­té sans classes », ain­si que sur une rébel­lion contre l’au­to­ri­té légis­la­tive de l” Église et celle de l’Etat, ce qui sème en eux les graines de la « révo­lu­tion » contre l’ordre natu­rel de Dieu. (. ») Je cite­rai quelques cas de pro­fes­seurs moder­nistes démon­trant clai­re­ment la com­pléte perte de foi de ces der­niers (…) » (M. D’Sousa).

(…) Faites votre choix ; il ne semble y avoir aucun doute sur l’en­droit où réside la « plé­ni­tude de la foi et de la vie. catho­liques » ; pour­tant, le semi­naire de la Sainte Croix est condam­né sans juge­ment, pré­ci­sé­ment pour avoir accom­pli la mis­sion qu’il a reçue de l’Église. Dans sa lettre, le car­di­nal Castrillon accuse encore le Séminaire de la Sainte-​Croix de n’être pas dans « le sein de l” Église catho­lique », de n’être pas « en pleine com­mu­nion avec le Successeur de Pierre » en rai­son de sa « men­ta­li­té sépa­ra­tiste ».

Ces fausses accu­sa­tions pro­cèdent des décla­ra­tions de ces sémi­na­ristes, fai­sant état d’un « sédé­va­cand­sme de fait « et d’une « réac­tion cri­tique vis-​à-​vis de la papau­té ». L’accusation sup­plé­men­taire de « men­ta­li­té sépa­ra­tiste » s’ap­puie sur la déci­sion du Recteur de ne pas auto­ri­ser le Séminaire à prendre part publi­que­ment à l’a­do­ra­tion eucha­ris­tique dans une église conci­liaire locale.

Mentalité séparatiste ?

Ces sémi­na­ristes savent pour­tant fort bien qu’il n’existe ici aucun sedé­va­can­tisme de fait et qu’on y prie publi­que­ment et nom­mé­ment pour le pape Benoît XVI, comme à chaque messe ou béné­dic­tion du Saint Sacrement, aux jours des Rogations et toutes les autres fois où la litur­gie le commande.

Ils savent per­ti­nem­ment aus­si que la Fraternité n’a aucune pré­ten­tion à la juri­dic­tion ordi­naire, qui ne peut pro­ve­nir que du Souverain Pontife, lequel dis­pose par ins­ti­tu­tion divine de la plé­ni­tude du pou­voir” de gou­ver­ne­ment sur l’Église universelle.Les accu­sa­tions de n’être pas en pleine com­mu­nion reposent donc d’une part sur l” »excom­mu­ni­ca­tion » ima­gi­naire de Mgr Lefebvre, d’autre part sur notre refus vieux de trente-​cinq ans d’ac­cep­ter l’es­prit moder­niste des papes postconciliaires !

Oui, nous sommes tenus de réagir dans un esprit cri­tique à ce que font ces papes et de nous sépa­rer des direc­tives éma­nant d’eux qui minent et détruisent la « plé­ni­tude de la foi et de la vie catho­liques »» comme celles rela­tives à la litur­gie et à l’oe­cu­mé­nisme postconciliaires.

Oui, nous sommes tenus de nous sépa­rer de la nou­velle messe, qui insulte Dieu, Notre Seigneur, et mine la foi. 

Oui,nous devons à Dieu d’être logiques avec nous-​mêmes en refu­sant les fruits de la messe conci­liaire, à savoir la Sainte Communion dis­tri­buée avec des hos­ties consa­crées lors de cette messe et la par­ti­ci­pa­tion publique à l’a­do­ra­tion de ces hos­ties. Si nous nous ne le refu­sions pas, nous par­ti­ci­pe­rions à une ado­ra­tion moder­niste pro­tes­tan­ti­sée, et nous mon­tre­rions du même coup que nous l’approuvons,.

Si c’est là ce qu’on entend par avoir un « esprit sépa­ra­tiste », alors nous ne nous en excu­sons pas. Nous vou­lons jus­te­ment être sépa­rés du Novus Ordo et n’y avoir aucune part. Telle est la rai­son même de notre com­bat.

Cela ne signi­fie cepen­dant pas que nous déniions toute valeur à ces messes, que nous por­tions un juge­ment sur les inten­tions de ceux qui célèbrent de telles céré­mo­nies ou y par­ti­cipent ou que nous nous lais­sions aller à la vio­lence critique.

Ayant com­pris par une grâce spé­ciale de Dieu ce qui est requis pour conser­ver et vivre la Foi, nous avons l’o­bli­ga­tion de le dire haut et fort, sans ambi­guï­té d’au­cune sorte. Et cela s’op­pose à ce que nous ayons une par­ti­ci­pa­tion même éloi­gnée à la nou­velle Messe. 

Le car­di­nal Castrillon Hoyos n’a mani­fes­te­ment pas com­pris ces prin­cipes, et il a entre­pris en fait de les miner. D’où sa cin­glante attaque contre le Séminaire. Il est dif­fi­cile de com­prendre com­ment ce pré­lat peut être un inter­mé­diaire effec­tif avec le pape, étant don­né qu’il croit que tous ces com­pro­mis sont néces­saires « pour sau­ver leurs voca­tions », alors qu’en réa­li­té, les prin­cipes en ques­tion sont la garan­tie de la per­sé­vé­rance dans notre sainte voca­tion de prêtres catholiques, (…).

Abbé Peter R. Scott 

Version anglaise intégrale du texte de l’abbé Scott

Three Indian Seminarians leave Holy Cross Seminary to rejoin their Novus Ordo diocese.