Monsieur l’abbé Karl Stehlin, Supérieur de la Maison Autonome de Pologne et des Pays de l’Est a accepté de répondre aux questions de La Porte latine. Les fruits de l’apostolat de la FSSPX dans ces anciens pays communistes montrent la vivacité de la Tradition y compris sur les terres natales du Souverain Pontife.
Photo : Livre de l’abbé Karl Stehlin. « W obronie Prawdy katolickiej.Dzielo abpa Lefebvre »
La Porte Latine : M. l’abbé, depuis quand la Fraternité Saint-Pie X est-elle établie en Europe de l’Est ?
Abbé Karl Stehlin : La Maison Autonome pour les Pays de l’Est a été fondée en 1994 avec siège provisoire dans la maison du District d’Autriche. Pendant plusieurs années nous étions 2 prêtres (l’abbé Böesiger et moi) à visiter les différents pays qui s’ouvraient à notre apostolat. Nous avons ouvert des chapelles provisoires, lesquelles nous visitions environ une fois par mois, afin d “y prêcher des récollections, des mini-retraites de Saint Ignace, et d’y inviter les fidèles à assister à la Messe traditionnelle. En mai 1997, Mgr Fellay a béni le premier prieuré, qui était alors une maison louée dans la banlieue de Varsovie.
La Porte Latine : La Pologne est connue comme pays conservateur, en plus le Pape est polonais. Cela n’a-t-il pas été défavorable pour votre apostolat ?
Abbé Karl Stehlin : Enormément. En effet, les catholiques « moyens » suivent aveuglement les ordres de la hiérarchie, qui devient de plus en plus moderniste. Ou on ne nous comprend pas ou on nous traite de manière émotionnelle comme « adversaires du pape polonais » avec accent sur « polonais ». Ce sont surtout des gens de formation supérieure, plutôt en dessous de 40 ans, qui fréquentent nos chapelles. Parmi eux se distinguent les jeunes familles, visiblement soucieuses de donner à leurs enfants une sérieuse formation religieuse. Ce petit groupe a compris le danger spirituel et l’état de nécessité dans l’Eglise, soit par les études, soit par le contact avec le modernisme, qui a envahi surtout les milieux estudiantins.
La Porte Latine : Il y 10 ans, il n’y avait encore rien de la Fraternité en Pologne. Et aujourd’hui ?
Abbé Karl Stehlin : Nous avons pu ouvrir 11 chapelles dans différentes grandes villes. Dans l’ensemble, il y a environ 500 fidèles qui assistent régulièrement à nos messes. Mais il y a beaucoup de gens, qui ne peuvent venir à la messe faute des moyens de communication ou de moyens financiers. Par notre bulletin bimestriel (bientôt mensuel) ZAWSZE WIERNI nous touchons environ 2 000 personnes, ce qui correspond à peu près au nombre des « tradis » polonais. Notre maison d’édition TE DEUM a publié une centaine de livres depuis les six dernières années et offre environ 550 titres de bons livres catholiques. Cela a fait connaître la Tradition à plus de 10 000 personnes, et nos librairies à Varsovie et à Czestochowa sont bien fréquentées.
L’apostolat de presse est certainement un des plus importants en Pologne, car par cela nous pouvons avoir de l’emprise sur une élite intellectuelle du pays, futurs traditionalistes. Ainsi, la plupart de nos fidèles nous a trouvé par les bulletins qui, d’ailleurs, doivent être au niveau des lecteurs (180 pages chaque numéro Zawsze Wierni). A cela s’ajoute notre vaste correspondance, soit par notre homepage sur internet, soit sous forme de Catéchisme par correspondance dont s’occupe une sœur oblate.
La Porte Latine : quelles sont vos autres activités ?
Abbé Karl Stehlin : Le centre de notre apostolat est le prieuré de Varsovie : un ensemble immobilier acquis en 1998 et depuis déjà 2 fois agrandi. Nous y sommes 6 prêtres résidents, 5 de la Fraternité, dont un ex-Jésuite polonais, et un prêtre associé, ex-Cistercien qui nous a rejoint récemment. De plus 2 frères et 2 sœurs oblates nous apportent leur aide précieuse.
Chaque année nous recevons des jeunes gens qui désirent entrer au séminaire ou dans un couvent de Tradition. Ces pré-séminaristes apprennent ici les langues, le catéchisme traditionnel et, surtout, ils s’adaptent à notre genre de vie. Cette année nous avons pas moins de 7. L’année dernière nous avons pu présenter 3 de ces jeunes recrues au séminaire, les années précédentes étaient plutôt maigres. Quant aux vocations, l’année prochaine ce sera l’ordination au sous-diaconat et au diaconat du séminariste polonais Rafaël. Un prêtre polonais travaille dans le District de France au prieuré de Lille.
Nos prêtres visitent chaque semaine les différentes chapelles pour le ministère des âmes. La chapelle du prieuré est la plus grande (environs 150 personnes), et il nous faudra ouvrir une école très prochainement, car le nombre des enfants augmente rapidement.
Une grâce particulière sont les retraites de Saint Ignace tous les 2 mois, qui sont bien fréquentées et qui portent des fruits extraordinaires : dernièrement nous avons pu assister à la conversion d’une famille protestante avec 9 enfants et aussi au retour à l’Eglise de quelques francs-maçons. Cela nous oblige à continuer au plus vite possible la rénovation de notre maison de retraite, le château de Bajerze du père Wesolek (NDLR : Père jésuite qui a rejoint la FSSPX), en effet ici le prieuré éclate, car en dehors de nos 17 familiers s’y trouvent encore une vingtaine de retraitants.
Un troisième projet se situe au Nord de la Pologne, où après 5 ans de difficultés presque insurmontables nous avons pu enfin commencer la construction de notre église à Gdansk, dédiée au Cour-Immaculé de Marie.
La Porte Latine : Comment se présente la situation dans les Pays baltes ?
Abbé Karl Stehlin : D’abord l’Estonie. Notre prêtre estonien, l’abbé Ivo Ounpuu a ouvert la chapelle du Cour-Immaculé-de-Marie à Tallinn, capitale de l’Estonie. Grâce aux publications et à l’apostolat par les contacts personnels, l’abbé a réussi de gagner la sympathie de bien du monde à l’égard de la Tradition. Le pays est presque entièrement protestant, et ce fut donc une réussite d’organiser le premier camp de vacances pour 15 enfants et une retraite de Saint Ignace. Les quelques milliers de catholiques modernistes sont loin d’en faire autant. Mgr Williamson sera le premier évêque traditionnel à visiter l’Estonie en janvier prochain et il pourra donner la confirmation à un bon nombre de fidèles.
L’abbé Jacqmin a été remplacé par l’abbé Verlinden, qui se trouve au deuxième prieuré à l’Est, à Kaunas, avec 2 confrères, qui desservent les 3 chapelles en Lituanie et les chapelles de Minsk et de Moscou. Malgré les attaques farouches des évêques modernistes qui menacent les fidèles de peines ecclésiastiques, la chapelle du prieuré (une maison louée pour l’instant) est devenue déjà trop petite. La hiérarchie est très irritée parce que nous envoyons notre bulletin lithuanien à toutes les paroisses, et ce sont surtout des prêtres plus âgés, qui se sentent confirmés dans leurs convictions traditionnelles. Deux prêtres ont déjà repris l’Ancienne Messe. Nous espérons aussi, que le pré-séminariste lithuanien, qui se trouve au prieuré pour apprendre le français, entrera l’année prochaine à Flavigny.
Nous avons aussi un bon contact avec un prêtre gréco-catholique en Lettonie, qui travaille pour la Tradition. Le grand projet de ce prêtre est de bâtir un prieuré pour la Fraternité, avec 2 chapelles l’une au-dessus de l’autre (comme au siège de l’armée bleue à Fatima), l’une pour le rite latin, l’autre pour le rite byzantin.
La Porte Latine : Nous avons eu de très heureuses nouvelles de l’Ukraine. Vous avez assisté à la bénédiction de la première église. Pourriez-vous nous donner un petit résumé ?
Abbé Karl Stehlin : La première petite église de la Tradition catholique (pour 250 à 300 personnes) fut bénie le jour de la fête du Christ-Roi dans la ville de Bohurodzany. Elle a été bâtie par le père Lubomir, 1er assistant de la Fraternité Saint-Josaphat (voir photo en fin d’entretien :au premier rang, le deuxième prêtre à partir de la droite). 600 fidèles ont assisté à la cérémonie, qui a duré 4 heures. Impossible de décrire l’émotion lorsque le père Basile a béni et ouvert les portes de l’église pour l’entrée solennelle de toute l’assistance. Tout le monde pleurait de joie. Après la Sainte Messe le père Lubomir prenait la parole pour rappeler le long chemin traversé depuis le jour où il a été chassé de sa paroisse il y a 4 ans et ensuite puni de la Suspens a divinis parce qu’il n’avait pas voulu accepter les nouveautés modernistes. Depuis lors il était obligé de dire la Sainte Liturgie dans des petites salles, en plein air, dans son appartement. Combien de fois lui et ses fidèles durent entendre les pires insultes : secte, perturbateur de la paix, méchants etc. Quand il a commencé la construction de l’église, l’évêque du lieu et tout le clergé ont écrit une pétition au gouvernement pour faire interdire cette construction. Finalement le gouvernement lui donnait l’ordre de détruire la construction commencée, sinon ce serait fait par la ville aux frais du père sous peine de prison. Ce fut un moment très critique. Aussi les fidèles priaient avec ferveur la Sainte Vierge – c’était aux alentours de l’Assomption – et le père Lubomir dans sa détresse présentait aux autorités une attestation de notre Supérieur Général, contresigné et tamponné par l’ambassade ukrainienne en Suisse, certifiant, que le père Lubomir travaille sous l’autorité spirituelle de la Fraternité Saint-Pie X et de Mgr Fellay. Divine surprise ! Le gouvernement considérait suffisante cette attestation, la construction pouvait être terminée (avec notre aide financière), et voici, après 4 ans passés dans l’exil, les fidèles ont maintenant un nouveau chez-soi !
A cette occasion on me demanda aussi de dire un mot : quand je suis arrivé la première fois en Ukraine, il y a 5 ans, il y avait seulement quelques prêtres, qui savaient quelque chose de la Tradition. Aujourd’hui, les fruits sont là : un grand séminaire avec 17 séminaristes, une congrégation de religieuses basiliennes avec 12 sœurs, une quinzaine de prêtres traditionnels dans la Fraternité Saint-Josaphat approuvée par Mgr Fellay, et maintenant la première église ! N’est-ce pas un signe visible du ciel, une protection toute particulière de l’Immaculée, qui fait fructifier tant de larmes, tant de prières, tant de sacrifices endurés d’abord pendant 40 ans sous le jour communiste, et pendant depuis 12 ans sous la terreur bien pire du modernisme ? La réponse à mon sermon fut un chant d’action de grâces à l’Immaculée et à son fidèle serviteur, Mgr Marcel Lefebvre, sauveur de la Tradition.
La Porte Latine : Quel est à votre avis l’évènement le plus important en Ukraine ces mois-ci ?
Abbé Karl Stehlin : Certainement la publication du livre du père Basile « La Tradition Persécutée », rédigé d’abord pour le Cardinal Huzar, afin de lui donner une ample documentation au sujet de la crise de l’Eglise en Ukraine et la nécessité de l’établissement des ouvres de Tradition sous l’autorité spirituelle de la Fraternité Saint-Pie X.
Les 250 pages contiennent l’historique de la Tradition en Ukraine depuis la chute du rideau de fer. Beaucoup d’exemples sur le modernisme et comment il s’est installé et a produit des fruits affreux ; ensuite la persécution des prêtres et fidèles « tradis » de la part des autorités ecclésiastiques ; les multiples efforts de ces prêtres pour trouver une solution afin de sauvegarder la Tradition. Et, quand tout cela fut fait vain, comment ils ont trouvé la Fraternité à l’Ouest. Suivent des brèves biographies de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro-Mayer, la présentation des communautés de la Tradition, et enfin la fondation de la Fraternité Saint-Josaphat par Mgr Fellay.
La deuxième partie du livre est dédiée à la formation sacerdotale, la situation catastrophique des séminaires officiels, l’état de nécessité de beaucoup de jeunes gens, qui veulent devenir prêtre selon l’ancien idéal de la sainteté sacerdotale ; et comment on est finalement arrivé à la fondation du grand séminaire du Cour-Immaculé- de-Marie par Mgr Fellay. Après une brève description des erreurs majeures du modernisme et la réfutation des accusations (schisme, désobéissance, excommunication) le livre se termine avec les déclarations de 11 séminaristes, dans lesquelles ils donnent les raisons de leur choix et ainsi ils prouvent la nécessité d’une telle ouvre.
Le premier tirage de 3 000 exemplaires a traversé tout le pays : ce sont surtout les prêtres et les religieux qui le lisent. Le père Basile a déjà reçu des centaines de lettres de remerciement pour son courage, pour son combat afin de continuer la transmission de la vraie foi en Ukraine. Le Vicaire général dans son commentaire appelle ce livre « une déclaration des pires ennemis de l’Eglise », une secte dangereuse etc. Nous sommes particulièrement reconnaissant pour cette déclaration de Foi de nos confrères, car cela réveillera bien des consciences de gens de bonne volonté et aura certainement un grand rôle à jouer pour l’éveil de la Tradition gréco-catholique aux les quatre coins du monde.
La Porte Latine : Est-ce que les prêtres ont été sanctionnés par la hiérarchie ?
Abbé Karl Stehlin : Le Cardinal Huzar a annoncé que le 13 novembre le père Basile serait exclu de l’Eglise s’il ne se rétractait pas et ne prenait pas ses distances avec les « lefebvristes ».
Ce jour-là, le père Basile, avec quelques autres prêtres, organisait une Adoration perpétuelle à l’issue de laquelle les adultes pouvaient signer une déclaration de fidélité à la Tradition catholique et aux prêtres qui la défendent. Pouvez-vous imaginer, que plus de 10 000 adultes ont signé ? Il est possible, que ce chiffre, mais aussi la prière de tant de fidèles sont la cause pour laquelle rien ne s’est passé encore jusqu’à ce jour. Un secrétaire du Cardinal raconte, tout bas, que les évêques ukrainiens n’arrivent pas à s’entendre sur la question de savoir comment punir les traditionalistes. C’est pourquoi une décision n’aurait pas encore été prise.
Quoi qu’il en soit, les prêtres profitent de ce calme avant l’orage. Le séminaire actuel deviendra la maison mère de la Fraternité Saint-Josaphat dès qu’au printemps on commencera, à une vingtaine de km en dehors de la ville de Lviv, la construction d’un nouveau séminaire qui permettra de recevoir les nouvelles recrues. A cet égard, l’ordination sacerdotale, le 27 novembre, du premier séminariste de la Fraternité Saint-Josaphat, ici au prieuré de Varsovie, encouragera certainement plusieurs jeunes gens à entrer au séminaire. En effet, beaucoup hésitaient encore, ne sachant pas s’ils seraient ordonnés un jour et où ils pourraient exercer leur sacerdoce. En voici la preuve ! Le jeune prêtre Wladimir va avoir beaucoup de travail : depuis bien des années les prêtres traditionnels travaillent au-dessus de leurs forces, beaucoup sont épuisés. Et pourtant, il y a tellement à faire, justement maintenant, quand la Tradition apparaît au grand jour.
Ces prêtres vous demandent, par mon intermédiaire, de faire preuve de générosité : le grand séminaire, les églises, le noviciat pour les sœurs, l’entretien des prêtres, des séminaristes et des religieuses, les besoins sont immenses ! Le maintien et le développement de la Tradition ne sont pas explicables sans une intervention spéciale du ciel, même du point de vue matériel.
La Porte Latine : : Est-ce que vous recevez des « cadeaux de Noël » ?
Abbé Karl Stehlin : Les prêtres traditionalistes en Europe de l’Est célèbreront 300 Messes aux intentions de nos bienfaiteurs, si nous pouvons dans le 24 mois qui viennent, construire le séminaire en Ukraine et l’école avec une nouvelle église à Varsovie. Nous avons confiance en la Divine Providence, c’est pourquoi nous commencerons dès le jour de Noël à célébrer ces Messes. Ce sera notre cadeau de Noël.et le vôtre chers amis de la Tradition qui liraient cet entretien sur La Porte latine.
Soutien à la Fraternité Saint-Josaphat
Photo de groupe après l’ordination du Père Volodymir Voznyuk par Mgr Tissier de Mallerais – A l’extrême gauche, monsieur l’abbé Sthélin supérieur de la Maison autonome des Pays de l’Est, à gauche de Mgr, le Père Basile, courageux Supérieur de la Fraternité saint-Josaphat.
Un exemple à suivre : le doyenné d’Aquitaine organise une quête à l’attention de la Fraternité Saint-Josaphat dans tous ses centres de messe le dimanche 18 janvier 2004…
Pour plus de détails sur cette Fraternité de rite slavon :
La Fraternité Saint-Josaphat
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