Il y a cinquante ans, à Fribourg : Ecône avant Ecône

L'université de de Fribourg vers 1955

A la fin du Concile Vatican II, Monseigneur Lefebvre est supé­rieur géné­ral des Pères du Saint-​Esprit. Il s’ef­force de main­te­nir sa congré­ga­tion dans la fidé­li­té à l’es­prit de son fon­da­teur, mais voyant ses efforts réduits à néant et son auto­ri­té contour­née par ses subor­don­nés, il finit par démis­sion­ner en 1968. Il accepte alors un emploi à la Sacrée Congrégation pour la Propagande de la Foi, à Rome. Mais il ne va pas tar­der à être sol­li­ci­té par des jeunes gens effrayés par les évo­lu­tions du post-concile…

Ceci est un récit de Monseigneur Marcel Lefebvre, fon­da­teur de la Fraternité Saint-​Pie X :

Il y avait une dou­zaine de sémi­na­ristes, qui, au Séminaire fran­çais de Rome, avaient eu des contacts avec moi, lorsque j’étais encore Supérieur géné­ral des Pères du Saint-​Esprit. Ils ont conti­nué à venir me voir quand j’étais seul, à m’informer des désas­treux pro­grès de la déli­ques­cence au sein de cette ins­ti­tu­tion si res­pec­tée jusqu’alors. Angoissés, ils m’exposaient leurs doutes gran­dis­sants quant à la pos­si­bi­li­té de pour­suivre leur for­ma­tion dans de sem­blables condi­tions. Puis, ils se sont mon­trés de plus en plus pres­sants : « Monseigneur, ce n’est plus pos­sible, faites quelque chose pour nous ! » Je n’imaginais pas alors où mène­rait l’expression de ces cris de détresse. J’ai alors pen­sé à Fribourg, où il y avait une mai­son des Pères du Saint-​Esprit. Je suis allé voir Mgr Charrière, que j’avais reçu pen­dant une quin­zaine de jours à Dakar et avec lequel nous avions tis­sé des liens d’amitié. J’ai envoyé plu­sieurs jeunes étu­diants à l’Université de Fribourg, où les Dominicains don­naient les cours dans un esprit encore assez tra­di­tion­nel et où il y avait le Père Philippe. (…)

J’allais de temps à autre visi­ter les sémi­na­ristes que j’avais envoyés à Fribourg. C’est au cours de l’une de ces visites que j’ai été invi­té à par­ti­ci­per à une réunion chez le pro­fes­seur Bernard Faÿ, à laquelle assis­taient le Père Marie-​Dominique Philippe, le Révérendissime Père Abbé d’Hauterive, M. Braillard et d’autres amis. Ils m’ont lit­té­ra­le­ment pris au col­let et m’ont dit : « Il faut faire quelque chose pour ces sémi­na­ristes », qui com­men­çaient d’ailleurs à n’être plus très à l’aise, ni bien admis chez les Dominicains où s’engouffraient les réformes. J’ai eu beau invo­quer que j’avais soixante-​cinq ans, l’âge de la retraite et que cela ne parais­sait pas très sérieux d’entreprendre une œuvre alors que je pou­vais dis­pa­raître d’ici à quelques années. Rien n’y fit. Et c’est ain­si que tout a été engendré !

Je suis allé voir Mgr Charrière à Fribourg, qui m’a encou­ra­gé sans res­tric­tion. « Monseigneur, m’a‑t-il dit, il faut res­ter ici. On va vous trou­ver une mai­son. Regroupez ces sémi­na­ristes. C’est très impor­tant. Il faut abso­lu­ment qu’il y ait des jeunes qui soient bien for­més. » il s’est mon­tré très enthou­siaste et très per­sua­sif. Sans lui, je n’aurais rien fait. Je serais res­té dans l’ombre. J’aurais conti­nué mon tra­vail à la Propagande. Sans aucun doute, l’existence de la Fraternité a dépen­du de Mgr Charrière. Nous avons contrac­té envers lui une très grande dette de recon­nais­sance. Je dois ajou­ter que Mgr Adam s’est mon­tré aus­si très encourageant.

Ces encou­ra­ge­ments et diverses étapes m’ont conduit, fina­le­ment, en cet été 1969, à louer douze chambres au Foyer Dom Bosco, éta­bli route de Marly à Fribourg, pour l’ouverture de l’année sco­laire 1969–70. Du groupe de sémi­na­ristes du Séminaire fran­çais de Rome ne sont venus à Fribourg que l’abbé Aulagnier, qui est le pre­mier des prêtres res­tés dans la Fraternité que j’ai ordon­né, et M. l’abbé Cottard, qui a rejoint Fribourg l’année sui­vante. Des neuf sémi­na­ristes du début, il n’y en a que deux qui soient demeu­rés dans la Fraternité : M. l’abbé Paul Aulagnier et M. l’abbé Tissier de Mallerais.

Paru dans la revue Fideliter n°59, septembre-​octobre 1987

Source : La Couronne de Marie n°79