Scandale à la cathédrale de Metz le 5 septembre dernier.
« La grande messe du Metz Handball dans la lanterne du Bon Dieu ! »
Ainsi titre la rubrique Actualités diocésaines du site metz.catholique.fr, outil de communication officiel du diocèse de Metz. La Lanterne du Bon Dieu n’est autre que la cathédrale Saint-Etienne elle-même, ainsi dénommée en raison de la surface exceptionnelle de ses vitraux. De quoi s’agit-il ? Le lundi 5 septembre 2022, lendemain de la cérémonie d’installation de Monseigneur Philippe Ballot, nouvel évêque de Metz, a eu lieu à 19h00 une cérémonie de présentation de l’équipe féminine mosellane de handball dans la cathédrale Saint-Etienne. La soirée avait été dûment annoncée sur le site de metz-handball.com. D’après la presse locale, il y avait environ sept cents personnes présentes à cet événement. Tous ont pu assister à une sorte de défilé des joueuses de handball, en tenue de soirée puis en tenue de sport, dans le lieu de culte principal du diocèse.
Le recteur de la cathédrale a expliqué lui-même le sens de cette cérémonie dans son discours d’accueil : « Avouez que dans une société sécularisée, choisir un lieu de culte catholique, même emblématique, pour présenter une équipe de handball, surtout la première de France, c’est totalement surprenant et inédit. Eh bien c’est cette audace qui a retenu toute l’attention du Chapitre. Et c’est cette audace qui nous a fait dire unanimement : banco, on y va. Cher président, permettez-moi ce jeu de mot contextualisé qui j’espère ne vous poursuivra pas par la suite : grâce à votre valeur « cardinale », vous avez été le pontife au sens étymologique, – un faiseur de pont – entre votre club et l’Église Catholique qui vous accueille ici. Et je vous dis bravo et merci. Que cette valeur inspire longtemps votre action et l’esprit de nos championnes. Pour me présenter brièvement, je suis le chanoine Dominique Thiry, le coûtre de la cathédrale, c’est-à-dire en quelque sorte le coach des équipes qui font vivre ce haut lieu au quotidien. Je ne suis pas tout seul à l’animer. Nous sommes 6 chanoines. Si j’ai bien compris, il ne nous en manque qu’un seul pour faire une équipe de handball. Donc avis aux amateurs. Et puisque ce soir, chacun annonce ses bons scores, je tiens à dire que le Chapitre a un excellent score d’endurance : il existe depuis le 8ème siècle, fondé par Saint Chrodegang. Alors je vous rassure tout de suite : les chanoines n’ont pas 13 siècles d’âge et nous n’avons pas trouvé la fontaine de jouvence. Mais nous avons foi en Dieu et donc foi en la vie. Et nous ne pouvons nous résoudre à imaginer qu’elle puisse finir dans le néant. Y a trop de belles choses qui ont été vécues, et qui sont à vivre encore. Et vous nous le montrez ce soir magnifiquement. Mes amis, ce n’est maintenant plus un scoop : nous sommes bien dans une cathédrale de France, à présenter les championnes de France de Handball. Vous ne rêvez pas. Et il se trouve que pas plus tard qu’hier, nous avons installé ici même Mgr Philippe Ballot comme 104ème évêque de Metz. Ce qui veut dire que l’Église catholique est présente dans ce territoire depuis 17 siècles ! 2ème très bon score d’endurance de la soirée. Comme disait récemment mon neveu dans un langage un peu fleuri : « vas‑y, tonton, fait péter ton score. » […] Chers amis, certains se sont interrogés, et s’interrogent peut-être encore sur l’opportunité de cette rencontre surprenante. Pourquoi le Chapitre a‑t-il autorisé cette manifestation culturelle exceptionnelle ? On l’oublie peut-être, mais l’Église a été à la création de bon nombre de clubs sportifs en France et dans le monde, avec cette conviction que la pratique du sport est une excellente école de vertus et de valeurs humaines et spirituelles. Avec cette idée aussi qu’il est sûrement – et je pense surtout aux sports collectifs – l’un des meilleurs antidotes pour lutter contre les dérives individualistes actuelles qui deviennent dans notre société de plus en plus tyranniques. Bref, le sport aime la personne humaine dans la vie sociale. Et nous l’Église, ça nous va bien. Les JO se profilent en France. L’Église se met au service de la cause sportive. Pourquoi ne pas permettre à la flamme olympique de passer à Metz, et de saluer cette grande dame qu’est notre cathédrale ? Je lance le défi. »
Quant aux difficultés juridiques et administratives que l’organisation de cet événement a engendrées, le coûtre a précisé : « Mais pour en comprendre la performance et la saveur, permettez-moi ce petit mot d’explication. Dans notre beau pays, – c’est notre histoire -, les cathédrales sont propriétés de l’État. Elles sont affectées de façon légale, gratuite, perpétuelle et exclusive au culte catholique. Ce qui vous explique un peu la complexité pour monter un dossier et pour y organiser une manifestation culturelle. Je n’entre pas dans les détails. Ce que je veux vous dire, c’est que la compétition en France, c’est dans nos gènes : elle commence déjà au niveau administratif. »
Suite à cet événement sportif organisé dans un des plus beaux lieux du culte catholique en France, une vingtaine de personnes indignées par cet événement se sont réunies à 11 heures dans cette même cathédrale le samedi 17 septembre dernier pour y réciter un chapelet de réparation. Elles étaient munies de drapeaux aux effigies du Sacré-Cœur, de saint Michel Archange et de sainte Jeanne d’Arc. Trois d’entre elles se sont agenouillées sur les mêmes marches – accessibles au public pendant la visite de la cathédrale – où les dragonnes s’étaient exhibées le 5 septembre. Le coûtre a reçu très froidement ces visiteurs dès leur arrivée à l’entrée de la cathédrale : « pas de drapeau, pas de prière à haute voix, pas de chant ». Ces personnes n’ayant pas observé les consignes, le coûtre a menacé d’appeler la police si elles n’obtempéraient pas. Les fidèles ont continué à réciter dignement leur chapelet en commun. Alors la police a été appelée, est venue, et les forces de l’ordre ont délicatement et sans violence fait se lever les trois personnes qui priaient avec leurs drapeaux sur les marches de la cathédrale pour les évacuer. Dans la presse, chacune des deux parties se plaint d’avoir essuyé des injures. Nous regrettons que des mots injurieux aux consonances peu chrétiennes aient été prononcés à l’occasion de ce deuxième incident.
Ce double incident a été très relayé sur la toile, et le standard téléphonique du diocèse de Metz a été encombré par une pluie d’appels de la part de personnes indignées. L’une d’entre elles a ainsi exprimé son indignation :
« – J’ai un renseignement à vous demander. Si je viens avec un groupe pour réciter le chapelet dans la cathédrale, est-ce que nous risquons d’être expulsés par la police ?
- Non, nous sommes heureux d’accueillir tous les groupes.
- Alors, pourquoi samedi dernier un groupe qui récitait le chapelet a été expulsé par la police ?
- Cela dépend des circonstances. Je n’étais pas présent…
- Les circonstances, c’est que ces personnes récitaient le chapelet dans la cathédrale.
- Je ne sais pas.
- Monsieur, je crie scandale ! La cathédrale, c’est la maison du Bon Dieu. On y vient pour prier. Il y a assez de salles des fêtes dans la ville de Metz pour les défilés de mode ! »
Suite à cette avalanche de témoignages d’indignation, le diocèse a publié le vendredi 23 septembre 2022 un communiqué dont voici quelques extraits : « Durant l’année pastorale 2022–2023, l’Église de France s’associe à la démarche de préparation des Jeux olympiques qui auront lieu en France en 2024. Le Chapitre de la cathédrale a décidé de faire honneur à cette thématique, inscrivant à l’ordre du jour des manifestations célébrant le lien entre sport et foi. Dans ce cadre très précis, et à la demande du président du club de Metz-Handball, le Chapitre de la cathédrale a donné son accord afin que ce lieu de foi et de culture accueille, le 5 septembre 2022, la soirée inaugurale de la saison 2022–2023 du club de Metz-Handball. […] L’Église dialogue ainsi avec la société civile et sa culture populaire et se présente comme une « Église en sortie » chère au pape François. L’objectif de cette soirée avec le club de Metz-Handball était de vivre un moment d’échange sur les valeurs du sport et leur rencontre avec les valeurs de l’Évangile. […] Aussi, les handballeuses ont pris comme challenge de chanter en gospel Oh happy day d’Edwin Hawkins, accompagnées par la Maîtrise de la cathédrale. »
Quant à l’expulsion des trois personnes par la police, le communiqué précise : « Il convient de noter qu’aucune manifestation ne peut être autorisée sans l’accord du Chapitre. Malgré les avertissements, trois personnes ont refusé de se plier au règlement de sécurité en faisant une sorte de sitting à genoux à la croisée de la nef et du transept, en pleine voie de circulation. Le coûtre a donc été contraint de faire appliquer le règlement de sécurité qui est défini par l’architecte des Bâtiments de France. Les manifestants ayant refusé d’obtempérer, le coûtre a contacté la police pour les faire évacuer, comme il l’aurait fait pour toute autre personne contrevenant au règlement. »
D’après les informations communiquées par le diocèse, de la musique avait accompagné la soirée de présentation des handballeuses. Pourquoi alors interdire des chants catholiques à des catholiques venus pour prier dans la cathédrale ? Le coûtre a déclaré à la presse : « Je leur ai demandé de ne pas gêner le passage ». Or, la cathédrale de Metz est suffisamment spacieuse pour que trois personnes récitant le chapelet sur les marches n’empêchent en rien les visiteurs de circuler. On ne peut pas non plus accuser ces catholiques d’avoir mis en péril la sécurité des visiteurs : les joueuses de handball étaient plus que trois sur les mêmes marches, et en présence de sept cents personnes ! L’auteur de ces lignes peut témoigner qu’au mois d’août dernier, prier le chapelet en commun et à haute voix dans les églises du Cotentin n’a posé de problème à personne ; bien au contraire, les habitants et les maires de villages nous ont accueilli chaleureusement et étaient contents de voir passer des catholiques prier ensemble dans leurs églises.
De fait, le saint Concile de Trente, lors de sa vingt-deuxième session, dans la ligne de la Tradition multiséculaire de la sainte Église, avait ordonné ceci : « Les évêques banniront de leurs Églises toutes les actions profanes, discours et entretiens vains, et d’affaires du siècle, promenades, bruits, clameurs ; afin que la Maison de Dieu puisse paraître, et être dite véritablement une maison de prière (Matt. 21. 13 : « Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière »).
Monseigneur Lefebvre avait été meurtri par le scandale de la réunion d’Assise 1986. Il avait aussi envoyé des dubia sur la Liberté religieuse enseignée par la déclaration Dignitatis Humanae du Concile Vatican II. Au sujet de la réponse du Vatican à ces dubia, Monseigneur Lefebvre avait dit qu’elle était un scandale pire que celui d’Assise, car Assise fut un événement, alors que la réponse de Rome aux dubia était un principe qui serait à l’origine de nombreux autres scandales. Il nous semble pouvoir appliquer les mêmes considérations au communiqué du 23 septembre 2022 qui pose en principe la possibilité de renouveler des événements sportifs et profanes dans la cathédrale, et d’expulser tous les fidèles venus prier en réparation de ces scandales et qui seront arbitrairement considérés comme ne respectant pas le règlement de sécurité.
Vraiment, Monseigneur Lefebvre ne se trompait pas en dénonçant « une nouvelle religion, une religion sentimentale et humaine, une religion dans laquelle on a perdu le sens du sacré, du divin et du surnaturel. »
Source : Site du diocèse de Metz – metz.catholique.fr