Les craintes du cardinal André Vingt-​Trois – Présent du 2 avril 2009


Sauf avis contraire, les articles ou confé­rences qui n’é­manent pas des
membres de la FSSPX ne peuvent être consi­dé­rés comme reflé­tant
la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X

Olivier Figueras

Mardi s’est ouverte à Lourdes l’assemblée plé­nière des évêques de France, aux­quels le pré­sident de la Conférence épis­co­pale, le car­di­nal Vingt-​Trois a, tout à la fois, don­né une feuille de route, et fait part de ses doutes. 

La feuille de route pré­sen­tée par l’archevêque de Paris, et qui a fait l’objet de la seconde par­tie de son dis­cours inau­gu­ral, est assez simple – dans l’énoncé du moins – et le car­di­nal a ain­si résu­mé les prin­ci­paux dos­siers qui la consti­tuent : « nou­velles pau­vre­tés, ensei­gne­ment supé­rieur catho­lique, bioé­thique, indif­fé­rence reli­gieuse, etc. » Il n’a pas man­qué, pour les intro­duire, d’évoquer la crise éco­no­mique inter­na­tio­nale, qui affecte tous et cha­cun, y com­pris l’Eglise, en appe­lant à prendre garde aux réflexes pro­tec­tion­nistes, et en s’en remet­tant à l’Union euro­péenne qui, croit-​il, puisque le constat qu’il dresse est contraire à cette affir­ma­tion, a appor­té « les condi­tions d’un réel déve­lop­pe­ment éco­no­mique dans une cer­taine solidarité ».

Cela dit, il se méfie de la révi­sion pro­chaine des lois dites de bioé­thique. « Nous ne devons pas céder, explique-​t-​il, à la sur­en­chère des lob­bies qui cherchent à pro­vo­quer le bas­cu­le­ment des déci­sions trans­gres­sives d’un pays à l’autre. Le bon­heur des hommes n’est pas la somme des plus petites exi­gences rame­nées à un com­mun déno­mi­na­teur. Légiférer en ce domaine ne sau­rait consis­ter à s’aligner sur les pays les plus per­mis­sifs. » Et il dénonce en ces matières, et tout par­ti­cu­liè­re­ment à pro­pos du récent pro­jet de loi sur des délé­ga­tions de l’autorité paren­tale, un tra­vers de notre socié­té : « le recours constant à de nou­velles lois pour trou­ver des solu­tions à des dif­fi­cul­tés réelles mais très partielles ». 

Le soutien à Benoît XVI 

Dans la pre­mière par­tie de son dis­cours, le car­di­nal Vingt-​Trois a tenu à redire son atta­che­ment fidèle au Pape, en des termes pour­tant critiques : 

« La pré­pa­ra­tion insuf­fi­sante de la levée des excom­mu­ni­ca­tions qui confron­tait subi­te­ment le Pape au néga­tion­nisme de Mgr Williamson, l’annonce du décret avant que les évêques en fussent infor­més, étaient des dys­fonc­tion­ne­ments évi­dents des ser­vices concer­nés. En votre nom, j’ai écrit au Pape et je l’ai ren­con­tré pour lui dire notre sou­tien et com­bien de tels pro­cé­dés étaient néfastes et rui­neux pour son pro­jet de réconciliation. »

Et son Eminence conti­nue en ces termes :

« J’ai dit aus­si au Pape que l’émotion sou­le­vée dans notre Eglise, en France, n’exprimait pas seule­ment la hargne des spé­cia­listes de l’opposition à l’institution ni le désir de nuire à l’Eglise, même s’ils étaient réels et sont bien appa­rus depuis ! Parmi les chré­tiens et d’autres, la tris­tesse et la décep­tion mani­fes­taient aus­si un réel atta­che­ment à l’Eglise ou, au moins, une cer­taine attente à son égard. La note de la Secrétairerie d’Etat puis la lettre per­son­nelle du Pape aux évêques ont ras­su­ré sur les condi­tions d’octroi d’un sta­tut cano­nique à la Fraternité Saint Pie X. La méfiance qui s’était ins­tal­lée se dis­si­pe­ra avec la rapide mise en œuvre des déci­sions annon­cées par le Pape quant à la Commission Ecclesia Dei. Les chan­ge­ments néces­saires confir­me­ront la fer­me­té expri­mée par le Pape pour l’organisation des pro­cé­dures à venir. Mais déjà nous pou­vons adres­ser au Saint Père l’expression de notre recon­nais­sance pour sa lettre per­son­nelle adres­sée aux évêques, pour la confiance qu’elle exprime et pour l’exemple qu’elle nous donne. Dans ce moment où l’on assiste à un déchaî­ne­ment de haine contre la per­sonne de Benoît XVI, nous vou­lons lui dire col­lé­gia­le­ment notre affec­tion et notre com­mu­nion pro­fonde. Au moment de l’épreuve, les évêques de France ne font pas défaut au Pape. Tous l’ont dit à plu­sieurs reprises au cours de ces semaines et nous le répé­tons volon­tiers aujourd’hui. »

Ce sou­tien appelle deux obser­va­tions : la pre­mière est que le cardinal-​archevêque-​président sou­tien le Pape en cri­ti­quant sa Curie – ou du moins cer­tains de ses repré­sen­tants contre les­quels il uti­lise les cri­tiques d’autres membres de la Curie… Mais, et c’est là la seconde obser­va­tion, le choix de la levée des excom­mu­ni­ca­tions est un contre-​exemple mani­feste, puisque l’on sait que ce dos­sier tient par­ti­cu­liè­re­ment à cœur le Pape, et qu’il a expri­mé sa volon­té de le voir avancer.

Le car­di­nal ne peut l’ignorer : en mars 2006, le Sacré Collège, réuni autour de Benoît XVI, avait (notam­ment) étu­dié la ques­tion du sta­tut de la Fraternité Saint-​Pie X, et le car­di­nal Ricard s’était fait l’écho de ce sou­ci du Pape, le mois sui­vant, à l’assemblée de Lourdes. Il y a eu depuis, au mois de décembre der­nier, la réunion élar­gie de la Commission Ecclesia Dei – à pro­pos de laquelle il n’est pas sûr que l’interprétation du car­di­nal cor­res­ponde à une réa­li­té qui appa­raît beau­coup plus com­plexe qu’il ne veut le croire – sous la pré­si­dence du car­di­nal Bertone.

Certes, le Pape est dési­reux d’avoir des débats doc­tri­naux – peut-​être plus encore que Mgr Fellay. Mais la délo­ca­li­sa­tion same­di der­nier des ordi­na­tions sous-​diaconales, « à la demande du Saint-​Siège » (Présent du 26 mars), montre assez la volon­té romaine de par­ve­nir, d’une façon ou d’une autre, à des accords, fussent-​ils pro­gres­sifs. On en est donc réduit, en écou­tant le car­di­nal Vingt-​Trois, à se deman­der à quoi tend sa cri­tique… sinon qu’elle mani­feste peut-​être la crainte que sa lec­ture de la lettre du Pape ne soit pas la bonne.

Au-​delà de son avis sur la Fraternité Saint-​Pie X, le car­di­nal se défie de la sur­en­chère média­tique. Et il évoque l’affaire du pré­ser­va­tif, qui a occul­té les dis­cours impor­tants du Pape ; ou l’affaire de Recife qui « fut média­ti­sée sans appor­ter aucune infor­ma­tion cri­tique sur ce qui s’est réel­le­ment passé ».

Tout était pour­tant dans Présent. Nous pou­vons faire tenir à son Eminence les exem­plaires qui en ont trai­té. Voire lui offrir un abonnement…

Olivier FIGUERAS

Article extrait du n° 6813 du jeu­di 2 avril 2009 – Présent