N° 3 – Janvier 2006
hère Madame,
Dans ma précédente lettre, je vous rapportais cette citation de Pie XII :
« L’éducation est avant tout une ouvre d’amour ».
Aujourd’hui, on parle beaucoup d’amour mais, bien souvent, à contre sens. On ne sait plus la véritable définition de l’amour. Essayons de la retrouver à l’école de Notre-Seigneur. Cela vous fera comprendre les erreurs qui se commettent dans l’éducation, afin de les éviter.
Comme vous je me suis posé la question : « Pourquoi les enfants n’obéissent-ils plus ? D’où vient leur manque de respect envers leurs parents ? Pourquoi sont-ils si peu attentifs, si peu réceptifs ? Ils ont tant de mal à accepter leur tort ou un sacrifice à faire, etc,.
C’est vrai, à part de rares exceptions, on ne peut plus demander à un enfant de rendre un service sans qu’il trouve à redire ou à donner une excuse. Si vous demandez à votre fils de mettre la table, il vous répondra : « Pourquoi moi et pas l’autre ? » On croirait qu’il n’y a plus de générosité, plus de service gratuit, plus d’esprit de sacrifice, plus de spontanéité dans le don, ni de renoncement.Que se passe-t-il ?
J’ai cherché la cause et vous la livre. L’enfant ne sait plus aimer aujourd’hui, parce qu’on ne lui a pas appris à aimer. C’est grave. Cela vous semble un peu fort, je le sais. Vous allez me dire que votre enfant vous aime et vous avez raison : il vous aime d’un amour naturel, de cet amour que Dieu met dans nos cours naturellement pour ceux qui nous donnent le jour. Mais cela ne suffit pas. Vous le constaterez vous-même. L’amour qu’il a est tellement centré sur lui-même que ce n’est plus de l’amour au sens réel ; c’est l’amour de soi, c’est-à-dire : l’égoïsme. Il vous aime par rapport à lui, mais quand il y a un choix à faire, il préfèrera son caprice et il désobéira. Il faut lui apprendre cet amour « charité » qui vient du cour de Dieu qui est « l’Amour ». La société moderne, anti-chrétienne, qui nous entoure déteint aussi sur nous et les enfants. Aussi, soyons vigilants et réapprenons ce qu’est l’amour, cet amour-charité ou surnaturel.
Nous sommes à une époque où l’homme cherche à tout comprendre, à tout expliquer. Cette manière de voir se retrouve aussi dans l’éducation. Expliquons cela.
Le bébé, d’abord centré sur lui-même, en grandissant, va découvrir ce qui est extérieur à lui-même et, par-là, va vous poser sans cesse des questions, ce qui est normal. C’est à vous, sa maman, à distinguer la limite du savoir de l’enfant selon son âge. Cela demande une grande vigilance. C’est comme pour la nourriture du corps. Aujourd’hui, on s’occupe beaucoup de la nourriture du corps et aussi de satisfaire une certaine curiosité de l’esprit. Ce n’est pas ainsi que l’on forme l’intelligence de l’enfant qui s’éveille. A l’école les enfants arrivent l’esprit littéralement « gavé » d’informations et de connaissances qui ne sont pas de leur âge. Aussi, il n’y a plus de place pour une attention réfléchie. Normalement, l’intelligence se forme dans la réflexion et le raisonnement et non dans une accumulation de connaissances. Et ceci est très important. Les enseignants se plaignent de cette difficulté qu’ont les enfants pour raisonner et pour écouter l’autre. A l’école, trop d’enfants manquent de cette humilité qui est d’écouter le maître. Il vient en croyant déjà « savoir ». Comme il est habitué à satisfaire toujours sa curiosité, il y a une sorte de saturation. Certes, il y a des choses qu’il faut dire à l’enfant, mais les conversations des grandes personnes ne doivent jamais avoir lieu devant les petits. Croyez-moi, il enregistre tout et, malheureusement, en vous écoutant, il apprend à juger : ce qui n’est pas l’affaire d’un enfant. Vous lui enlevez par-là, une qualité de l’enfance qui est la simplicité dans la confiance. C’est ainsi qu’il commencera à vous répondre.
Voilà les faits. Maintenant, cherchons le remède.
Quand le tout petit enfant vit encore au foyer avec sa maman, loin des influences de l’extérieur, il faut surtout et en premier lieu lui apprendre à aimer. La formation du cour passe avant la formation de l’intelligence. A la fin de notre vie, « nous serons jugés sur l’amour » et non sur les connaissances que nous aurons eues. Attention ! je ne nie pas l’importance de l’étude des connaissances, mais la formation du cour passe avant et je crois qu’elle est trop négligée.
Qu’est ce que « aimer » ?
Grave question !
Pour les chrétiens que nous sommes, Dieu qui est « Amour » nous a enseigné de quelle manière Il veut que nous L’aimions et que nous aimions notre prochain. Or, votre enfant c’est bien le prochain qui vous est le plus proche. Il apprendra à aimer comme Dieu veut que nous nous aimions, si VOUS aimez aussi de cette manière. Quelle leçon nous donne Notre-Seigneur !
C’est Dieu qui met dans notre cour une parcelle de son grand amour. Il nous a donné un commandement, condition essentielle pour posséder la vie éternelle :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cour, de toute ton âme, de toutes tes forces, et ton prochain comme toi-même . » ( St Luc, X, 25–28).
Jésus ajoute, ailleurs, que ce double précepte de l’amour de Dieu et du prochain constitue toute la Loi. Saint Paul, dans le chapitre XIII de la première épître aux Corinthiens, nous décrit l’excellence et les merveilleux effets de la divine Charité. A ce propos, je vous reporte aux commentaires qu’en a fait Saint Alphonse de Liguori, très beau livre à méditer.
Saint Jean, le disciple que Jésus aimait, lui surtout, nous en a donné la raison :
» Mes bien-aimés, dit-il, aimons-nous les uns les autres, car l’amour vient de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour ». (I Ep.,de Saint Jean IV, 7–8). Et il ajoute : « Celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui ». (IV,16).
Il s’agit, ici, d’un amour surnaturel. Ce Dieu que nous devons aimer par-dessus tout nous l’aimons par la vertu de Charité aidée par une grâce actuelle. Cet amour de Dieu suppose le sacrifice. En réalité, il vit de sacrifices continuels, contre nous-même, notre orgueil, nos mauvais penchants, notre sensualité ; et c’est à Dieu que nous offrons ces efforts quotidiens. De même que le feu donne à l’acier sa résistance, de même notre âme a besoin d’être trempée dans l’épreuve et la souffrance ; elle puisera toute sa force dans le renoncement et l’abnégation. Vus sous le regard de Dieu, les sacrifices coûtent moins, car l’amour rend plus léger ce qui semble lourd et pesant.
Voici un exemple tout simple dans l’ordre naturel. Quelle n’est pas l’influence de l’amour de la mère pour son enfant surtout si celui-ci est faible, s’il est malade et s’il a besoin d’elle. Voyez-la, près de son petit lit, passant des nuits sans sommeil, pour l’arracher à la mort, voulant lui donner, seule, le remède qui peut-être va le sauver, ne le quittant pas un instant du regard, de ce regard à la fois si pénétrant et si doux dont elle enveloppe son pauvre petit et dont il subit d’instinct le charme, en se tournant vers elle. L’amour est donc le mobile qui anime notre vie, la met en mouvement et l’oriente dans un sens ou dans un autre, en bien ou en mal. Cet amour naturel déjà si fort, combien produira-t-il plus s’il est surnaturel. Les parents chrétiens, eux aussi, doivent s’aimer et aimer leur enfant de cet amour surnaturel qui est charité. Ce n’est pas facultatif, c’est le commandement du Seigneur. Nous verrons, par la suite, combien d’erreurs dans l’éducation seraient évitées.
Déjà chez les saints, nous voyons ce qu’a produit cet amour-charité. .
« Aimez, cultivez l’amour, faites-le naître et grandir. » a dit Saint François de Sales, lui le Docteur et l’Apôtre qui a évangélisé et converti le Chablais, comme le voulait saint Vincent de Paul, « aux dépens de ses bras et à la sueur de son visage ». C’est le rôle propre aux parents.
Que l’Enfant-Jésus, l’Emmanuel, daigne répandre dans nos cours à tous cette divine charité, afin qu’elle rayonne la présence divine dans ce monde qui oublie son Créateur et son Sauveur.
(à suivre.)
Une Religieuse.
Conseil de lecture :
« Pratique de l’amour envers Jésus-Christ » de St Alphonse de Liguori.