Depuis le conclave, tout le monde s’interroge : « Qui est le pape Benoît XVI ? » Les médias actuels, hantés par le scoop, ont dès l’élection voulu donner les clés du pontificat, expliquer ce que Benoît XVI voulait faire, allait faire, pourrait faire.
La seule ressource était de chercher chez le cardinal Ratzinger, dont l’ouvre devient ainsi une mine pour les vaticanistes improvisés.
Nous avons donc assisté à un « pas de deux » assez amusant, puisqu’il oppose les « traditionnels » et les « progressistes » (de tout poil), chaque groupe étant à son tour divisé entre « continuistes » et « rupturistes ».
Aux yeux des « continuistes », tout Benoît XVI est dans le cardinal Ratzinger. Pour les progressistes optimistes et les traditionnels pessimistes, cela signifie que nous aurons un Benoît XVI progressiste comme le Ratzinger expert au Concile. Pour les progressistes pessimistes et les traditionnels optimistes, cela annonce un homme de tradition, comme le laissent présager certaines déclarations.
Pour les « rupturistes », au contraire, l’élection pontificale produit dans la personne un tel effet que le passé en est aboli : Benoît XVI est un homme entièrement nouveau, sur lequel il n’est possible de rien dire de fondé.
Et nous voilà abreuvés d’un flot d’articles et de brochures qui veulent nous expliquer « Que penser du pape Benoît XVI ? », arrachant certains textes du contexte pour mieux affermir une démonstration préconçue.
Le « continuisme » possède en sa faveur un argument rationnel redoutablement efficace. Depuis l’Entretien sur la foi au moins, Josef Ratzinger s’est attaché aux mêmes orientations : comment concevoir qu’il en change brutalement ? Et les premiers actes du pontificat, comme la visite à la synagogue, paraissent indiquer la continuité.
Mais les « rupturistes » ne manquent pas de certains éléments de réflexion, même si ceux-ci semblent moins probants. Le pape admet l’existence d’une crise grave (à la différence de son prédécesseur) et y cherche des remèdes. L’élection, et la haute responsabilité qui s’ensuit, contribue par ailleurs à changer la perception du nouveau pontife. Le passé, enfin, semble avoir montré que, mis face à la réalité (par exemple, quand il est devenu évêque), Josef Ratzinger était capable de faire des choix heureux. Dans une crise aiguë, il pencherait probablement du bon côté. C’est la remarque de Mgr Fellay dans sa conférence de Bruxelles.
Toutefois, au-dessus de ces arguments de raison, nous devons avoir une vue plus surnaturelle : le Seigneur veille sur son Église. Soit qu’il veuille que, par Benoît XVI, la crise commence vraiment à se résorber ; soit qu’il permette, par un dessein mystérieux, que la crise se prolonge et que nous devions encore attendre d’un successeur ce que nous désirerions de toute notre âme que le pape actuel réalise pour le relèvement de l’Église ; dans tous les cas, nous savons que sa divine Providence fait tout pour le plus grand bien de ceux qui aiment Dieu, et qu’il nous appartient à nous, les simples membres de l’Église, de rester fidèles, sans précéder les desseins de sa Providence, ni les laisser passer.
A l’heure où des contacts sont noués avec Benoît XVI par Mgr Fellay, il nous a donc semblé important, avec prudence et réserve, et sans entrer dans les petits jeux des vaticanistes improvisés ou des devins à bon compte, d’essayer d’avoir une idée plus précise (et juste) de la personnalité et des orientations du pape, même si ces premières impressions, provisoires, devront être rectifiées au fur et à mesure du pontificat et, nous l’espérons surnaturellement, dans un sens toujours plus positif.
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier †
Supérieur du District de France
Extrait de Fideliter n° 169 de Janvier – Février 2006