Entretien accordé à lesobservateurs.ch par Jacques-Régis du Cray,
réalisateur du film « Mgr Lefebvre, un évêque dans la tempête »
A cinquante ans du Concile Vatican II, quelque mois à peine après les derniers pourparlers entre Rome et la Fraternité saint Pie X, un jeune réalisateur, Jacques-Regis du Cray, revient sur la personnalité de son fondateur, l’évêque français Marcel Lefebvre, dans un documentaire mêlant témoignages et images d’archives, « Monseigneur Lefebvre, un évêque dans la tempête ». Un document essentiel pour comprendre la naissance d’une contestation qui n’a pas cessé 40 plus tard et qui, en son temps, avait braqué les caméras du monde entier sur la Suisse et sur le Valais.
Les Observateurs : Pourquoi une biographie de Marcel Lefebvre à cinquante ans du Concile Vatican II ? Qui est-il pour vous ? Par ailleurs, vous présentez un travail d’archives des plus complets, combien de temps les recherches vous ont-elles pris ?
Jacques-Regis du Cray : Cette concomitance n’était pas calculée. Elle est purement fortuite. Les prémices de ce projet nous font remonter à 2005. Et le véritable lancement des tournages et de la rédaction du script a débuté au printemps 2009. A l’origine, nous visions le vingtième anniversaire de la mort de Mgr Lefebvre, disparu le 25 mars 1991, pour faire paraître notre film documentaire. Ce sont les délais qui nous ont conduits à terminer en septembre 2012. Que cela tombât à l’époque où l’on commémorait le cinquantième anniversaire de l’ouverture de Vatican II n’est qu’un amusant clin d’œil de l’histoire. Quant à moi, je suis né en 1981. Par conséquent, je n’avais pas dix ans lorsque Mgr Lefebvre est décédé. Aussi, l’ai-je essentiellement connu par les livres, par les témoignages, et, bien entendu, en dépouillant tous les entretiens et reportages que la télévision lui consacra et qui sommeillent dans les dépôts d’archives audiovisuelles.
L’accès aux archives vous a‑t-il été facilité ou, au contraire, rendu plus difficile en raison du sujet ?
Il faut savoir que les fonds d’archives audiovisuelles sont entretenus par les droits que les producteurs versent lorsqu’ils utilisent des séquences des films que ceux-ci conservent. Par conséquent, les détenteurs, qu’ils soient des institutions publiques ou des sociétés privées, ne rechignent devant aucun projet. Plusieurs particuliers ont prêté de bon cœur les films qu’ils avaient eux-mêmes tournés, soit en Afrique, soit en France ou en Suisse. Il n’a jamais fallu leur arracher ou les soudoyer.
Les témoins sont de tous bords, avez-vous rencontré des réticences, essuyé des refus de la part des personnes que vous avez sollicitées ?
Effectivement, la moitié des trente-deux témoins est constituée de personnes qui n’ont pas suivi l’itinéraire de Mgr Lefebvre à partir des années 1970, l’autre partie étant composée de gens qui ont partagé ses positions. Bien que nous n’eussions jamais dissimulé cet équilibre recherché aux personnes interrogées, il n’y eut que très peu de refus. En Afrique, les témoins se pressaient au contraire pour témoigner et nous avons dû nous résoudre à les sélectionner. Un prélat de Curie a décliné la proposition, sans doute gêné par sa position. Deux prêtres qui ont commencé l’aventure traditionaliste mais qui se sont rapidement désolidarisés n’ont préféré pas intervenir. L’un hésitait. L’autre a dit simplement que, pour lui, la page était tournée. Il faut bien être conscient que certains contemporains de Mgr Lefebvre ont dû poser des choix douloureux qui ont souvent ébranlé leur vie. Il était de notre devoir de savoir respecter cette distance qu’ils souhaitaient conserver.
Les témoignages sont tous, dans l’ensemble, favorables. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’avoir tendu à l’hagiographie ?
Effectivement, on ne retrouve pas dans ce film les descriptions communément véhiculées d’un Mgr Lefebvre intraitable et renfermé car il faut reconnaître que l’icône de « l’évêque de fer » forgé par les journalistes n’existe pas chez ceux qui ont connu de près le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, plutôt attentionné pour ses proches. Nous avons veillé à ne pas trop multiplier les louanges venant de ses prêtres. Mais, même chez ceux qui ne partagent pas du tout les actes qu’il a posés durant les dernières décennies de sa vie, on retrouve une certaine admiration et, par le fait même, un certain déchirement. J’ai aimé le personnage, nous confiait un vieux spiritain, mais pas les idées. Un autre, arborant une belle chemise à fleurs, aux antipodes de la pensée de Marcel Lefebvre, nous a même confié qu’il le considérait comme un saint. Nous n’avons pas souhaité faire paraître ce témoignage car il nous a semblé trop subjectif. Nous faisions un film historique, pas un procès de canonisation.
Vous recueillez des témoignages précieux de son passage en Afrique. Mis à part ces quelques souvenirs, que reste-t-il de l’action de Mgr Lefebvre au Sénégal et en Afrique ?
Comme archevêque de Dakar et comme délégué apostolique pour l’Afrique francophone, c’est-à-dire comme premier personnage de l’Église sur tout le continent au cours des années 1950, Mgr Lefebvre a laissé un bel héritage, dans les fondations et dans les structures de cette jeune catholicité qui continue à prospérer. Les chrétiens d’Afrique en ont-ils conscience ? Sans doute faut-il faire des distinctions. Au Gabon, où il a été missionnaire pendant quinze ans et où la messe traditionnelle a été à nouveau célébrée dès les années 1980, ce souvenir est toujours bien vivant dans les esprits. Au Sénégal, les « anciens » cultivent discrètement la dévotion pour celui qui était leur archevêque, mais faire resurgir sa mémoire relève souvent du tabou. Il est tel que même la messe traditionnelle n’y a pas encore été permise dans le cadre du Motu Proprio Summorum Pontificum permettant la célébration de la liturgie tridentine. Dans les cases plus reculées du pays, on retrouve pourtant la photo de l’archevêque qui a été conservée avec vénération sur les murs…
L’on découvre, dans votre film, un prélat majeur de l’Église africaine mais aussi, et surtout, un adepte de la nouvelle évangélisation de l’Afrique, un homme qui, pour instaurer le « règne de Dieu » et s’opposer à l’avancée du communisme en Afrique, a fait preuve d’un véritable pragmatisme libéral. On est bien loin de l’image du petit évêque sectaire perché sur son conservatisme. Qu’est-ce qui a changé ?
Il faut prendre garde aux termes utilisés. Mgr Lefebvre a sans doute fait preuve d’un pragmatisme « libéral » au sens où il faisait preuve de libéralité, mais certainement pas de libéralisme. Pour lui, même dans ses écrits des années 1950, la liberté comme fin, c’est-à-dire le libéralisme, est condamnable. Il s’appuyait en cela sur toutes les encycliques anti-libérales du XIXe siècle et du début du XXe. Sans doute ce pragmatisme de Mgr Lefebvre est-il l’une de ses principales qualités dont il a fait preuve tout au long de sa vie. Il savait s’adapter aux conditions des terrains qui lui étaient confiés. S’il avait été un doctrinaire intransigeant, faisant des points de discipline des objectifs en soi, le mouvement traditionnel n’aurait jamais pris et la Fraternité Saint-Pie X ne serait aujourd’hui qu’une petite chapelle de quelques dizaines de personnes. Chez le Marcel Lefebvre d’avant le Concile comme après, on retrouve à la foi l’intransigeance sur les principes, qui animaient les papes de son enfance, et en même temps une adaptation aux circonstances présentes. Par exemple, Mgr Lefebvre, dans ses relations difficiles avec Rome, a expérimenté différentes voies, allant jusqu’à négocier largement sur ce qui ne lui paraissait pas relever de la foi.
Après le retour de Mgr Marcel Lefebvre en Europe et son élection à la tête des Spiritains, le climat ecclésiastique semble prendre un tour tragique. Pensez-vous sincèrement que l’Église ait pu changer si radicalement en aussi peu de temps ? On a parfois l’impression, à vous entendre que d’improbables anticléricaux ont profité des nouveautés du Concile pour dévaster l’Église de l’intérieur, que tout change sauf la conviction de Marcel Lefebvre. Est-ce vraisemblable ?
La description d’une infiltration d’anticléricaux au sein de l’Église est quelque peu excessive. Il n’en demeure pas moins que, d’un point de vue objectif, la rupture qu’a constituée l’époque conciliaire dans l’Église a été très marquée au point que, plus de quarante ans après Vatican II, un pape ait cru devoir, au risque de surprendre les observateurs, dire qu’il fallait revenir à une herméneutique de continuité. Et, en effet, les changements ont modifié tous les aspects de la vie de l’Église : la liturgie, le bréviaire, les chants à la messe, le catéchisme, le vêtement religieux, la structure de l’Église, le mode de gouvernement en son sein, le rapport avec les autres religions, le rapport avec l’autorité civile, la place des fidèles, etc. On pourrait citer tous les domaines. Ils ont tous été concernés. Prenez par exemple des encycliques des années 1920 comme Quas Primas qui affirme que les gouvernants doivent reconnaître le Christ, ou comme Mortalium Animos, qui interdit les rencontres interreligieuses. Ces textes du magistère apparaissent, dans les faits, périmés quarante ans plus tard. Marcel Lefebvre a, quant à lui, voulu maintenir les enseignements qu’on lui avait transmis lors de sa formation. Comment expliquer, dans ces conditions, que tous les autres évêques aient changé ? Tous, c’est beaucoup dire. Beaucoup partageaient les convictions de Mgr Lefebvre, mais pour s’élever publiquement, il faut être doté d’une témérité hors du commun. Par ailleurs, l’épiscopat qui fait le Concile est cette génération traumatisée par les conflits mondiaux. La recherche de la paix à tout prix a fait passer sur beaucoup de doctrines jadis enseignées. Ce n’est cependant que l’une des nombreuses explications.
Vous peignez un tableau bien sombre de l’Église postconciliaire, une Église détruite et un évêque scandalisé par la réunion d’Assise. Mais, selon vous, celui qui avait été si conciliant devant les dangers du communisme en Afrique s’est-il trouvé trop rigide devant les nécessités du dialogue du temps présent ?
Le film est centré sur la vie de Mgr Lefebvre. S’il s’inquiète de l’évolution de l’Église, c’est essentiellement pour expliquer les mobiles qui ont conduit cet archevêque à agir. Le documentaire montre, sans pour autant collectionner les abus les plus extravagants, une rapide explication des mutations en éclairant en quelques secondes ou minutes des modifications de la liturgie, de la vie des séminaires ou des rapports avec les autres religions, autant de réalités qui ont alarmé Mgr Lefebvre et l’ont conduit à ouvrir le séminaire d’Ecône. Certes, la réunion pour la paix d’Assise en 1986 a constitué un bouleversement à ses yeux. Mais il était déjà très strict à l’égard de ces questions de rapports avec les autres religions dans les années 1950. Comme archevêque de Dakar, il avait dû reprendre certains de ses prêtres qui avaient organisé une cérémonie œcuménique en son absence. Les prêtres spiritains que nous avons interrogés nous ont confié que la position de Mgr Lefebvre était alors conforme aux normes de l’époque. Encore une fois, il faut bien se dire qu’Assise aurait été inimaginable avant Vatican II. L’encyclique de Pie XI, Mortalium Animos (1928) que nous venons de citer a été publiée au moment où le jeune Marcel se trouvait au séminaire français de Rome. Elle affirme qu’aucun catholique ne peut prendre part à des congrès qui, composés de représentants de religions diverses, viseraient à favoriser la paix : « se solidariser des partisans et des propagateurs de pareilles doctrines, prévient le texte, c’est s’éloigner complètement de la religion divinement révélée ». Mgr Lefebvre était profondément imprégné de ces documents des papes.
1974 semble représenter le tournant entre le dialogue instauré par un Concile résolument « ouvert » et « pastoral » et un refus total de la moindre opposition. Comment se fait-il qu’un évêque retraité, flanqué de quelques séminaristes, soit devenu le symbole d’une sorte de résistance à « l’évolutionnisme » dans l’Église.
Je ne suis pas certain qu’on puisse parler d’une période apaisée pour caractériser l’immédiat après-Concile. En France, la crise d’identité des prêtres et de religieux était très forte. Quinze mille d’entre eux ont quitté leurs fonctions au cours des décennies 1960–1970. Ce n’est pas anodin. Aux postes de responsabilité, les prélats aux vues conservatrices ont été peu à peu remplacés. Mgr Lefebvre voyait dans ces bouleversements une adaptation trop accentuée au monde. Il ne faut pas attendre les années 1970 pour constater cette pensée. Déjà, au cours du Concile, Mgr Lefebvre s’était démené avec des centaines de confrères pour maintenir la dimension traditionnelle de l’Église.
Aussi, les évêques français, généralement très favorables aux réformes conciliaires, ont-ils été fort réticents au développement d’Ecône. Ils étaient particulièrement habités par l’adaptation de l’Église à son époque qui passait à leurs yeux par une modification très nette de tous les secteurs de l’Église. Très vite, ils ont fermé leurs portes aux prêtres qui sortaient d’un séminaire qui leur paraissait aller à l’encontre de toutes leurs aspirations. Déjà, en 1971, Mgr Ménager, l’évêque de Meaux, avait prévenu l’un de ses prêtres, en lui disant : « Nous ferons interdire la Messe de Saint Pie V par le Pape Paul VI : ou bien [Mgr Lefebvre] obéira au pape en disant la nouvelle messe, ou bien nous le pousserons au schisme ! » Quand on considère que la messe traditionnelle est permise aux prêtres du monde entier aujourd’hui, on mesure quel gâchis a constitué cette interdiction drastique et sans concession de l’époque qui a fini par dérouter des âmes et en a conduit plus d’une à l’abandon de la pratique.
Forcément, la figure de Mgr Lefebvre, qui avait exercé son charisme en Afrique, a catalysé tous les désirs de maintenir les normes traditionnelles face à une ligne réformatrice qui se voulait particulièrement exclusive. Il avait pour lui que sa personnalité démentait les clichés. On attentait une poigne de fer. Il était plutôt attentionné et mesuré. On imaginait un homme mouillé dans l’extrême droite. Or il était réticent à s’immiscer dans les clans partisans et son père est mort déporté. On le croyait marginal. Et il a été le principal personnage de l’Église en Afrique.
La messe, tant pour Mgr Lefebvre que pour Rome, était-elle vraiment le problème central ? Comment se fait-il que Rome ait prononcé toutes ces interdictions et sanctions pour revenir le plus naturellement du monde, quelques années plus tard, à l’ancien missel tridentin ?
Disons que la messe a constitué la partie visible de l’iceberg. La liturgie synthétise toute la foi. Un adage du Ve siècle, repris du pape Célestin Ier, Lex orandi, lex credendi, indique que la manière de prier reflète celle de croire. Et, lorsque Paul VI indiquait à son entourage qu’il n’accepterait aucune permission de célébrer l’ancien missel, car cela dévaluerait l’œuvre du Concile, il voyait bien qu’il existait un lien étroit entre prière et foi. Sans doute est-ce en ce sens que Mgr Lefebvre a déclaré en 1976 : « il est clair, il est net que c’est sur le problème de la messe que se joue tout le drame entre Ecône et Rome. »
Les années ont passé, et les autorités de l’Église ont sans doute vu qu’il était difficile de retirer le titre de « catholique » à ceux qui priaient avec l’ancienne version du missel romain. Avec le temps, les gens qui ont placé leur amour propre dans les modifications conciliaires disparaissent. Aussi, semble-t-il plus facile de parvenir à une décrispation du problème qui, même s’il repose sur une vraie divergence de fond, charrie aussi beaucoup d’éléments passionnels.
Dans votre film, l’on entend que le Concile Vatican II a sonné la « fin des missions », comment cela ?
Le film rapporte les propos de Mgr Lefebvre à l’annonce de la réunion d’Assise. Il se serait mis le visage dans les mains et se serait écrié avec douleur : « c’est la fin des missions ». Effectivement, lui qui avait été missionnaire pendant plusieurs décennies a toujours vu les âmes qui n’avaient pas eu la grâce d’être touchées par la foi comme les destinataires d’une nouvelle évangélisation. Lui-même ne les forçait pas. Il recevait par exemple des petits musulmans dans les écoles catholiques de Dakar. Mais il multipliait les possibilités de leur faire connaître et aimer Jésus Christ. Or, dans l’optique du dialogue qui est née avec le Concile, on ne cherche plus vraiment à évangéliser. Ce qui est recherché, ce ne sera plus le bien immédiat de l’âme mais des contingences temporelles, comme la paix dans le monde, les échanges culturels, le vivre-ensemble. Cette perte de vue du bien des âmes et de la nécessité de leur donner toutes les chances de parvenir à Jésus Christ était impensable aux yeux de Mgr Lefebvre. Sans pour autant forcer les âmes, pensait-il, on ne pouvait pas non plus négliger les chances de leur apporter le Christ.
De votre point de vue, pour quelles raisons la Suisse, Fribourg, puis le Valais, deux régions pour le moins isolées, ont-elles été choisies. La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) n’aurait-elle pu naître et se développer en France, où elle compte d’ailleurs la majorité de ses fidèles ?
Cette implantation est due à des raisons historiques. Les cantons suisses fournissaient beaucoup de vocations chez les Pères du Saint-Esprit dont Mgr Lefebvre était supérieur général à partir de 1962. Il était venu plusieurs fois en Suisse où il avait par exemple inauguré la maison du Bouveret.
Par la suite, il a gardé des relations avec des clercs vivant dans ces régions. Il était par exemple assez lié avec les évêques de Fribourg et de Sion, NN.SS. Charrière et Adam qu’il avait eu l’occasion de connaître auparavant.
Et c’est grâce à leur accord qu’il a fondé la Fraternité Saint-Pie X dans le diocèse du premier – dont l’université était encore acquise aux idées traditionnelles – et le séminaire d’Ecône dans celui du second. Ces installations auraient-elles été possibles en France ? La pression de la tête de l’épiscopat n’aurait probablement pas été aussi clémente, même si Mgr Lefebvre était lié avec quelques-uns de ses membres.
Cependant, un bon nombre d’entre eux avait dû quitter leur poste, comme Mgr Morilleau, évêque de La Rochelle, un mois seulement après la fondation de la FSSPX.
Vous n’êtes pas sans connaître les dissensions qui ont agité la FSSPX à l’interne devant l’éventualité d’un retour à l’obédience romaine. Alors que, par le passé, Mgr Lefebvre a souffert de déplaire, sa succession ne souffre-t-elle pas de vouloir complaire aujourd’hui ? Selon vous, le noyau dur des prêtres et des fidèles, qui ont connu les débuts de la Fraternité et qui ont partagé chaque lutte, est-il prêt à cette sorte de renoncement qui le ramènera dans le giron romain ?
Les choses ne sont pas si simples. L’histoire de la Fraternité a été jalonnée par ces tentatives de régularisation, la plus célèbre étant celle du 5 mai 1988. Mgr Lefebvre a signé et puis, estimant que les garanties n’étaient pas réunies, il est finalement revenu sur sa signature le lendemain. La question de fond, aux yeux de ceux qui suivent Mgr Lefebvre, réside dans cette garantie de pouvoir développer des lieux de culte traditionnels. Il n’y a pas de refus de principe de s’engager sous l’autorité de Rome. C’est pourquoi il n’y a pas de dynamique schismatique dans l’engagement de Mgr Lefebvre et de ses successeurs. Cependant, il y a une certaine réticence à être sous le contrôle d’évêques qui auraient comme dessein de ne pas laisser se développer comme auparavant la liturgie et le catéchisme traditionnels.
Article publié le 24 janvier 2013 in lesobservateurs.ch