Mgr Savio Hon Tai-Fai [1]
L’évêque chinois Savio Hon Tai-Fai, secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a mis en garde lors d’un symposium organisé par AsiaNews contre le piège du « pragmatisme gris » dans lequel semble aujourd’hui tomber une partie de l’Eglise catholique en Chine. Cette notion de « pragmatisme gris » provient de la maxime de l’ancien numéro un chinois Deng Xiaoping : « Peu importe qu’un chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape les souris ».
Selon le prélat né en 1950 à Hong Kong, cette tentation qui croît avec le développement économique du pays constitue une grave menace pour la foi des catholiques chinois quand ils ne savent plus distinguer le noir du blanc et la vérité du mensonge. Dans une lettre apostolique de 2007, le pape Benoît XVI avait voulu clarifier certaines ambiguïtés incompatibles avec la doctrine de l’Église, mais dix ans après, selon Mgr Hon Tai-Fai, ces clarifications se trouvent éclipsées par le « pragmatisme gris » dominant.
Des exemples concrets de « pragmatisme gris » donnés par Mgr Hon Tai-Fai
L’évêque a illustré sa mise en garde par des exemples concrets. Tel celui d’une femme nouvellement baptisée à laquelle le curé de sa paroisse a demandé de décorer l’église pour la venue d’un évêque illégitime – et excommunié – qui devait amener d’importants cadeaux. Aux objections de sa paroissienne, le curé a répondu qu’il avait besoin de ces cadeaux et qu’elle pourrait bien se confesser après. Dans un autre cas, une religieuse a confié dans une lettre à Mgr Hon Tai-Fai son dégoût pour la « triste histoire » d’un évêque soutenu par le gouvernement chinois, et donc intouchable malgré le manque de transparence de sa gestion et le harcèlement sexuel qu’il faisait subir aux « jeunes sœurs ».
L’Eglise catholique de Chine doit se garder des loups dans la bergerie
Ce n’est pas un cas isolé, a affirmé Mgr Hon Tai-Fai en parlant de « loups déguisés en moutons ». Dans un autre exemple avancé par l’évêque, un prêtre chinois lui a raconté le dîner auquel il avait été invité par des représentants du pouvoir communiste. Ceux-ci ont voulu le convaincre de désobéir à son évêque pour se soumettre à celui, illégitime, soutenu par les autorités, en affirmant que de toute façon le Vatican allait bientôt reconnaître tous les évêques « officiels » émanant du pouvoir communiste et qu’il fallait suivre la direction du vent. Le prêtre a refusé, en expliquant à ses interlocuteurs que la force de l’Eglise dépend de sa foi et non pas de la direction du vent.
« Il ne faut laisser aucune place au pragmatisme gris ou au carriérisme », a insisté Mgr Hon Tai-Fai en rappelant la sueur et le sang versés par les missionnaires pour semer la Bonne Nouvelle en Chine : un pasteur ne doit pas se laisser distraire par les affaires de ce monde.
Les mises en garde du prélat interviennent alors que l’accord que l’on disait « imminent » entre le Saint-Siège et la Chine communiste sur le choix des évêques par le pouvoir est bloqué, au grand soulagement du cardinal émérite de Hong Kong, Joseph Zen. Celui-ci disait le mois dernier toute sa préoccupation par rapport aux responsables du Vatican qui cherchent un accord « à n’importe quel prix », au profit de l’Eglise patriotique. Parlant de Mgr Savio Hon Tai-Fai et de lui-même, il affirmait à propos du Vatican : « Ils ne nous croient pas. Ils ne nous écoutent pas. C’est horrible ».
Olivier Bault
Sources : RéinformationTV
- Savio Hon Tai-fai, né à Hong-Kong le 21 octobre 1950. Il entre chez les Salésiens de Don Bosco en 1975 pour être ordonné prêtre en 1982. Après un doctorat en théologie à l’Université salésienne de Rome, il devient le provincial de sa congrégation pour la Chine. En 2004, il est membre de la Commission théologique internationale. On lui doit également la traduction en chinois du Catéchisme de l’Église catholique. Le 23 décembre 2010, il est nommé archevêque titulaire de Sila et secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Il est consacré par Benoît XVI en personne le 5 février suivant. Le 6 juin 2016, le pape le nomme également administrateur apostolique sede plena de l’archidiocèse d’Agaña à Guam, poste qu’il conserve jusqu’à la nomination d’un archevêque coadjuteur avec facultés spéciales le 31 octobre suivant.[↩]