« Présent » du 14 Juillet 2007 – Jean Madiran
La Lettre aux évêques accompagnant le Motu proprio contient deux phrases qui, entendues trop superficiellement, pourraient provoquer quelque perplexité ou même quelque contrariété :
« Evidemment, pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté. »
Ces phrases ni leur équivalent ne figurent au nombre des normes obligatoires édictées par le Motu proprio.
Il y a d’ailleurs deux manières licites de s’en tenir à la messe traditionnelle en excluant l’autre messe, sans que ce soit une exclusion « par principe ».
Premièrement, on peut exclure l’autre messe en vertu de la règle propre d’une communauté ou d’un institut.
Secondement, il faut bien comprendre qu’exclure l’autre messe par principe, ce serait l’exclure comme hérétique, schismatique ou blasphématoire. Or les opposants à l’autre messe les plus représentatifs (que j’ai cités hier) n’ont point contesté, ils ont même explicitement reconnu sa licéité et sa validité quand elle est célébrée conformément à son texte officiel. Même dans ce cas, on peut la refuser si ce n’est point par principe mais par exemple pour des raisons pastorales.
Il n’est peut-être pas interdit de trouver que le cardinal Ricard exagère (La Croix du 9 juillet) quand il s’efforce de nous faire croire que l’autre messe serait un « enrichissement formidable » de la messe traditionnelle, laquelle serait donc médiocrement riche. Il ne semble pas que le Cardinal ait employé le terme « formidable » dans son sens traditionnel qui est « épouvantable, redoutable, terrible », mais plutôt dans le sens moderne qui est désormais reconnu lui aussi par le Petit Robert : « fumant, fantastique, super ». Il demeure permis de penser et de dire (et de prouver par raison démonstrative) que l’autre messe n’est pas tellement super, fantastique ni fumante.
Les Dominicaines de Brignoles, dans un esprit de piété filiale que nous partageons, ont entrepris, sous le titre général Si tu savais le don de Dieu…, de recueillir les articles du Père Calmel dans la revue Itinéraires. Le premier tome vient de paraître aux Nouvelles Editions Latines, il est intitulé La Messe.
Il s’ouvre sur la célèbre « Déclaration » écrite en novembre-décembre 1969 et parue en janvier 1970. Elle fut la première de ce genre et de cet éclat. Elle demeure au premier rang des apologies de la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V. Avec une résolution tranquille, elle s’engage : « Je m’en tiens à la messe traditionnelle. » De jeunes prêtres qui l’ont découverte avec enthousiasme dans les bibliothèques l’auront facilement sous la main désormais pour la faire connaître à leurs confrères et à leurs fidèles. On a beaucoup cité l’apostrophe d’Ernest Psichari (1883–1914), petit-fils de Renan, officier, écrivain et converti : « Flanquez-leur un chef‑d‘œuvre dans la figure. » La Déclaration du Père Calmel fut un chef‑d‘œuvre, elle fut un acte, elle est un exemple.
Elle est suivie de neuf chapitres de ferveur et d’enseignement sur la nature du canon romain, le déroulement du canon romain, l’apologie du canon romain ; sur l’assistance à la messe et sur l’esprit de notre résistance à la révolution liturgique.
L’autre messe en est à la troisième de ses éditions successives, revues et corrigées. Il y en aura d’autres.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6377 de Présent, du samedi 14 juillet 2007