Bayonne : Les filles ne sont plus admises à l’autel, in Sud-​Ouest du 20/​11/​09


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« RELIGION. Les filles de choeur, venues depuis des années gonfler les effectifs
des enfants au service des prêtres, sont désormais persona non grata »

Comme tous ses frères et sœurs, Sophie Laplace a été durant plu­sieurs années enfant de chœur. Fille de chœur donc, comme on en voit auprès des prêtres depuis une tren­taine d’an­nées. Aujourd’hui âgée de 38 ans et mère de famille, cette catho­lique pra­ti­quante pen­sait que ses quatre enfants, gar­çons ou filles indif­fé­rem­ment, pour­raient vivre leur foi et s’ap­pro­prier les valeurs chré­tiennes de la même manière qu’elle : en ser­vant la messe, en connais­sant les rites, en pra­ti­quant au plus près des officiants. 

Sexisme et discrimination 

Ses filles, aujourd’­hui âgées de 9 et 10 ans, ont ain­si tenu ce rôle auprès des prêtres de leur paroisse bayon­naise ces quatre der­nières années. Un same­di d’oc­tobre, tou­te­fois, alors qu’elles s’ap­prê­taient à rem­plir leurs fonc­tions habi­tuelles pour la « messe des familles », le nou­veau curé les a écar­tées, expli­quant en sub­stance qu’il n’y aurait plus de filles de choeur pour les célé­bra­tions à l’é­glise Saint-​André, à Bayonne, et qu’à terme, il n’y en aurait plus du tout dans la paroisse.

En appre­nant cela, les petites fondent en larmes. Leur mère, elle, est ulcé­rée. Au point d’é­crire à la Halde, la Haute Autorité de lutte contre les dis­cri­mi­na­tions (1).

Une dis­cus­sion avec le prêtre, quelques jours plus tard, ne la convainc pas : « Pour moi, c’est du sexisme, de la dis­cri­mi­na­tion. Tout sim­ple­ment. J’ai relu le caté­chisme et d’autres ouvrages pour véri­fier que je ne me trom­pais pas : j’ai trou­vé des textes du pape qui auto­risent les filles enfants de choeur. Cette déci­sion, c’est un bond de 50 ans en arrière. »


L’abbé François de Mesmay durant l’of­fice en l’é­glise Saint-​André de Bayonne
[Photo Sud-Ouest] 

Rien de cela pour l’ab­bé François de Mesmay, curé de Bayonne, qui ne sou­haite plus voir les filles por­ter l’aube et les cierges : « C’est tout le contraire : c’est parce que l’Église est vivante qu’il faut trou­ver ce qui va le mieux. Le mieux, actuel­le­ment, c’est de relan­cer la par­ti­ci­pa­tion à la messe. Pour cela, nous pro­po­sons un rôle spé­ci­fique à cha­cun. Les filles ne sont pas inter­dites de ser­vice, mais pour ce qui est de l’au­tel, près de l’of­fi­ciant, c’est dévo­lu aux gar­çons. C’est à cet endroit-​là que se pré­parent les voca­tions ecclé­sias­tiques dont l’Église a besoin. »

Stopper la pénu­rie de prêtres

Ce frin­gant quin­qua­gé­naire fait par­tie de l’é­quipe rajeu­nie de prêtres dont s’est entou­ré le nou­vel évêque de Bayonne, Marc Aillet. Il met la grogne des parois­siens sur le compte du « chan­ge­ment de style » après des années pas­sées auprès d’un cler­gé aujourd’­hui septuagénaire. 

La ques­tion, pour lui, est de jugu­ler la pénu­rie de prêtres et la déser­tion des églises. Le pro­blème, au centre des dis­cus­sions lors de la Conférence des évêques à Lourdes début novembre, trouvera-​t-​il une solu­tion avec un retour de la tra­di­tion ? Point de « tra­di­tion » et encore moins de « tra­di­tio­na­lisme » dans les pro­pos de l’ab­bé de Mesmay, qui estime que l’Église s’a­dapte ain­si au monde. « C’est une demande des familles qui attendent des rôles spé­ci­fiques, com­plé­men­taires. Un retour aux fon­da­men­taux, comme en rug­by. Ce n’est pas de l’ordre du sexisme. Ce n’est pas non plus un inter­dit, c’est une meilleure orga­ni­sa­tion. »

« Complémentarité »

La notion de « com­plé­men­ta­ri­té » mise en avant fait bon­dir Christine Pedotti, cofon­da­trice du Comité de la jupe (2).

« La dif­fé­ren­cia­tion intro­duit la ségré­ga­tion. On drape de pro­pos éle­vés sur la dif­fé­rence entre hommes et femmes des pra­tiques réel­le­ment dis­cri­mi­na­toires. On éloigne les filles de l’au­tel car elles ne servent à rien à cet endroit : on en fait des chré­tiennes de deuxième rang, en pré­ten­dant trou­ver des voca­tions. »

Le forum Internet du Comité de la jupe (2) a per­çu un mou­ve­ment de fond d’é­vic­tion des filles de chœur, et pas seule­ment à Bayonne. 

« On est là dans le contraire de la moder­ni­té : le pro­grès, ce serait de cal­quer dans l’Église l’é­ga­li­té entre hommes et femmes qui s’ap­plique aujourd’­hui dans les res­pon­sa­bi­li­tés fami­liales ou pro­fes­sion­nelles. Là, on nous dit que le bon ordre, ce sont les gar­çons devant et les filles der­rière, c’est le retour à une socié­té patriar­cale. »

Pour Sophie Laplace, c’est aus­si une ques­tion d’a­ve­nir : « Ces gar­çons, qui devien­dront peut-​être prêtres, auront pour image cette vision du monde patriar­cale. »

« Les prêtres sont des hommes car le Christ était un homme, mais le modèle, pour tout chré­tien, ce n’est pas le prêtre mais la sain­te­té, et cela, c’est acces­sible aus­si bien aux filles qu’aux gar­çons », répond en sub­stance l’ab­bé de Mesmay, qui estime qu’en la matière, il ne s’a­git pas d” « acquis sociaux à défendre ».

Nouvel évêque

La contro­verse est étroi­te­ment liée au nou­vel évêque de Bayonne, qui est arri­vé en Pays basque pré­cé­dé de sa répu­ta­tion de proche de Benoît XVI et de l’aile la plus conser­va­trice de l’église. 

« En ce qui me concerne, je n’ai pas vou­lu me fier aux on-​dit mais je juge main­te­nant sur pièces : cette image d’une Église à l’an­cienne avec son auto­ri­té morale ter­rible, quelle place va-​t-​elle lais­ser aux laïcs, aux divor­cés, aux homo­sexuels ? Ils vont avoir peur ! C’est mon cas. J’envisage le boy­cott, ou de chan­ger de paroisse pour trou­ver un curé en confor­mi­té avec ma vision du monde », ana­lyse Sophie Laplace. 

« Je suis un pas­teur, mon but est de rame­ner les gens vers l’Église, pas de les mettre dehors », dit François de Mesmay. L’avenir dira si la méthode est la bonne. 

(1) Le cor­res­pon­dant de la Halde en Pyrénées-​Atlantiques ne s’es­time pas com­pé­tent, le domaine de la reli­gion rele­vant de l’in­time. L’échelon natio­nal étu­die la ques­tion.
(2) www​.comi​te​de​la​jupe​.fr. Association née des pro­pos de Mgr André Vingt-​Trois, pré­sident de la Conférence des évêques de France et arche­vêque de Paris, qui, inter­ro­gé sur la place des femmes dans l’Église, avait répon­du : « Le tout n’est pas d’a­voir une jupe, c’est d’a­voir quelque chose dans la tête. »

Véronique Fourcade In Sud-​Ouest du 20 novembre 2009