Aristote, ce Grec de bon sens, affirme :
Il est manifeste que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain.
Voilà pourquoi l’éducation est l’œuvre de l’homme en société et non pas de l’homme isolé. La société possède par définition une perfection qu’un être isolé ne saurait avoir. Le principe en est évident : le tout est plus grand que la partie, quel que soit son domaine d’application. Mais la chienlit actuelle nous met au rouet. Comme l’État tend à détruire la famille, celle-ci risque de glisser alors dans un intime repli. Cette dialectique est homologue dans l’Église. Rien de bien nouveau : c’est déjà le communisme de Platon. Mais un enfant éduqué sans sortir de sa famille sera un homme inachevé et un enfant éduqué seulement par l’État ne sera qu’un robot. Dans les deux cas un être dégradé.
Comme le Magistère savait le faire avant le cataclysme du concile Vatican II, le pape Pie XI, dans son encyclique Divini illius magistri, expose parfaitement les principes de l’éducation chrétienne.
La famille instituée immédiatement par Dieu a pour fin propre la procréation et l’éducation des enfants. Elle a pour cette raison une priorité de nature, et par suite une priorité de droits, par rapport à la société civile. Néanmoins, la famille est une société imparfaite, parce qu’elle n’a pas en elle tous les moyens nécessaires pour atteindre sa perfection propre, tandis que la société civile est une société parfaite, car elle a en elle tous les moyens nécessaires à sa fin propre, qui est le bien commun temporel.
Il est évident que l’Église est une société bien plus parfaite encore, car elle a pour fin le salut éternel et dispose de tous les moyens pour y parvenir.
L’État s’arroge aujourd’hui un pouvoir qu’il n’a pas. L’éducation est la prolongation de la génération : parce que les époux engendrent, ils éduquent et l’Église éduque aussi parce qu’elle engendre à la vie surnaturelle. Pie XI est catégorique à juste titre :
L’État a le devoir de protéger par ses lois le droit antérieur qu’a la famille sur l’éducation chrétienne et par conséquent aussi de respecter le droit surnaturel de l’Église sur cette même éducation.
Aujourd’hui l’État s’approprie indûment, mais certainement, l’éducation de l’enfant. Autant l’Église, en raison de sa maternité surnaturelle, peut prétendre à l’éducation, autant l’État n’y a aucun droit. L’État se prend pour l’Église et il en découle nécessairement une morale et une instruction laïque volontairement opposée à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ainsi, soutenir que l’enfant appartient à l’État avant d’appartenir à la famille et que l’État a un droit absolu sur l’éducation est en contradiction avec le sens commun, comme l’affirme encore le pape Pie XI.
Mais cet abus caractérisé pourrait bien entraîner un retrait de la vie sociale et un repliement familial dont les enfants pâtiront dans le futur. Il est vrai qu’un enfant est achevé à l’âge de trois ans. Il a toutes les virtualités qu’il développera sa vie durant pour devenir un homme. Mais son épanouissement naturel requiert une vie sociale plus vaste que la famille. D’ailleurs l’Église, Mère il est vrai, est une société bien visible où, là seulement, peut s’épanouir surnaturellement le chrétien qui fut baptisé en elle. Le frottement d’autres tempéraments, la découverte d’autres modes de vie, la confrontation des arguments, la contrariété des modes d’agir disposent à la maîtrise des passions comme à l’accroissement des vertus.
La Fraternité peut donc se louer d’entretenir cette vie sociale, à proportion de ses moyens. Ses prieurés, ses écoles sont indispensables non seulement à la vie surnaturelle, mais aussi à l’équilibre naturel qui est le soubassement de la vie divine greffée en lui et à l’apprentissage de la vie en commun. Il est évident qu’elle ne saurait prétendre à être une société parfaite, mais ses chapelles favorisent la vie sociale des familles et ses écoles – surtout ses internats – développent les vertus altruistes des enfants ; ainsi elle contribue à entretenir une véritable inclination au bien commun de l’État, comme d’ailleurs aussi de l’Église. Alors, rendons grâce à Dieu de l’existence quinquagénaire de notre Fraternité.
Source : Editorial de la revue Fideliter n°256