Se défendre des mots qui tuent

Les der­niers rebon­dis­se­ments autour de Vincent Lambert mani­festent la néces­si­té de démon­ter et dénon­cer les sophismes des tenants de la culture de mort.

Alors que nous venons de fêter Pâques où le Christ nous a fait pas­ser, spi­ri­tuel­le­ment, de la mort à la vie, la socié­té moderne n’en finit pas de s’en prendre à la vie natu­relle. Pour dif­fu­ser cette culture de mort, le lan­gage est une arme redou­table : c’est ce que nous montre Bruno Couillaud, pro­fes­seur à l’Institut de Philosophie Comparée dans son livre Manières de pen­ser – Arguments et trom­pe­ries en bioé­thique.

Quelle âme droite refu­se­rait d’aider son pro­chain ? Laquelle au contraire sou­hai­te­rait s’acharner sur lui ? Voilà com­ment, par le choix déci­sif de cer­tains mots, le meurtre d’une per­sonne en fin de vie devient acte d’amour (vous l’avez aidée à mou­rir), quand le méde­cin dési­reux d’apporter jusqu’au bout l’aide de la méde­cine à un patient ris­que­ra l’accusation d’acharnement thé­ra­peu­tique : pour­tant, s’il peut y avoir obs­ti­na­tion dérai­son­nable, la mis­sion du corps médi­cal doit être de soi­gner (ce qu’indique le mot thé­ra­peu­tique) plu­tôt que de tuer (ce que cache l’expression aider à mourir).

Mais pour­quoi se pri­ver d’astuces de lan­gage qui ont si bien fonc­tion­né pour l’avortement ? (Pardon, l’interruption volon­taire de gros­sesse : sauf que cette inter­rup­tion est en fait un arrêt défi­ni­tif, et que ça n’est pas seule­ment la gros­sesse qui a été sup­pri­mée, mais un être humain en plein déve­lop­pe­ment. Le même sophisme est uti­li­sé dans lorsque l’on parle quant à Vincent Lambert d’interruption des soins : pourra-​t-​on les reprendre après sa mort ? En outre, man­ger et boire, est-​ce là des actions à consi­dé­rer comme des soins ? à moins de consi­dé­rer que toute l’humanité est malade et doit remettre sa vie dans les mains de l’État omnipotent).

Le com­bat des mots conti­nue : vous trou­ve­rez ain­si com­ment ana­ly­ser pour s’en défendre les sophismes dif­fu­sés à grande échelle pour faire accep­ter la PMA et la GPA.

Le mérite de ce livre est aus­si de mani­fes­ter que nous avons sur ces ques­tions de bioé­thique un nou­vel épi­sode dans l’affrontement de deux éten­dards. D’un côté, l’étendard de ceux qui refusent toute dépen­dance vis-​à-​vis d’une nature reçue d’un créa­teur, avec ses règles de fonc­tion­ne­ment, et contre laquelle ils se révoltent, les puis­santes tech­niques médi­cales modernes leur parais­sant en four­nir une bonne occa­sion : c’est la liber­té des libé­raux, qui n’acceptent aucune règle sauf celle que l’homme se donne à lui-​même. De l’autre, l’étendard de ceux qui acceptent la nature qu’ils ont reçue de leur créa­teur et qui voient dans la loi natu­relle reçue de lui le moyen d’une vie ver­tueuse. Inutile de le pré­ci­ser : ce second éten­dard est le nôtre.

A ce titre, loin d’être un détour­ne­ment du com­bat anti­li­bé­ral, la mobi­li­sa­tion pour sau­ver Vincent Lambert ou encore contre les lois de bioé­thique en pré­pa­ra­tion s’y ins­crit logi­que­ment et doit mobi­li­ser nos forces : celles de votre intel­li­gence le seront par cette bonne lecture !

Abbé Benoît Espinasse

Bruno Couillaud, Manières de pen­ser – Arguments et trom­pe­ries en bioé­thique, éd. François-​Xavier de Guibert, coll. « Philosophie », 2013.

Sources : La Porte Latine du 22 mai 2019