Mgr Le Gall, archevêque de Toulouse du 17 juillet 2007


« L’objectif du « Motu proprio » : une réconciliation interne dans l’Eglise

Un Motu pro­prio – lit­té­ra­le­ment « d’un mou­ve­ment propre » est un docu­ment d’un pape rele­vant d’une ini­tia­tive per­son­nelle. On nous l’annonçait depuis plus d’une année ; diverses réac­tions se sont fait jour face à ce pro­jet ; nous nous sommes expri­més, comme cela se fait dans l’Eglise, avec res­pect. Le Saint Père a déci­dé, comme il l’écrit aux évêques après « de longues réflexions, de mul­tiples consul­ta­tions » ; il est aus­si le fruit « de la prière ». Il convient donc d’accueillir son ini­tia­tive, de la com­prendre, pour entrer pra­ti­que­ment dans le sens de ce qu’il nous demande. 

Le motif posi­tif qu’il pré­sente est la volon­té « d’obtenir une récon­ci­lia­tion interne au sein de l’Eglise ». Il veut tout faire « pour conser­ver ou conqué­rir la récon­ci­lia­tion et l’unité ». Il nous invite pour cela à ouvrir géné­reu­se­ment notre cœur pour res­ter dans cette uni­té ou pour la retrou­ver « avec tous ceux qui la dési­rent réel­le­ment » : tout ceci a une authen­tique saveur évangélique. 

Il s’agit de faire du Missel du bien­heu­reux Jean XXIII de 1962 – et aus­si des Rituels ou du Bréviaire anciens – la « forme extra­or­di­naire » du rite latin pour les per­sonnes ou les groupes façon­nés « par une fami­lia­ri­té pro­fonde et intime avec la forme anté­rieure de la célé­bra­tion litur­gique ». Le pape pré­cise : « Evidemment, pour vivre la pleine com­mu­nion, les prêtres des com­mu­nau­tés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas exclure la célé­bra­tion selon les nou­veaux livres. L’exclusion totale du nou­veau rite ne serait pas cohé­rente avec la recon­nais­sance de sa valeur et de sa sainteté ». 

Pour autant, le Saint-​Père ne demande aucu­ne­ment le retour au latin comme les médias le pré­tendent, car le latin reste nor­ma­tif actuel­le­ment dans notre Eglise romaine et tous les livres litur­giques issus de la réno­va­tion litur­gique de Vatican II sont d’abord édi­tés en latin. Il ne met aucu­ne­ment en cause cette réno­va­tion, car, souligne-​t-​il en termes forts, « il faut dire avant tout que le Missel, publié par Paul VI et réédi­té ensuite à deux reprises par Jean Paul II, est et demeure évi­dem­ment la forme nor­male – « ordi­naire » de la litur­gie eucha­ris­tique ». Il nous faut donc conti­nuer à faire connaître et appli­quer cette litur­gie réno­vée, reçue lar­ge­ment dans l’Eglise uni­ver­selle, en refu­sant « les défor­ma­tions arbi­traires qui ont pro­fon­dé­ment bles­sé des per­sonnes » : une longue et belle tâche de for­ma­tion à tous niveaux est à pour­suivre, comme aus­si de tra­duc­tion plus pré­cise des livres litur­giques. Nos com­mis­sions fran­çaise et fran­co­phone de litur­gie, dont j’ai la charge, s’y attellent avec com­pé­tence avec les ser­vices natio­naux et inter­na­tio­naux appro­priés, en lien étroit avec la Congrégation romaine pour le culte divin et la dis­ci­pline des sacre­ments : c’est un gros tra­vail de fond. 

Le Pape appelle de ses vœux « un enri­chis­se­ment réci­proque des deux formes d’usage du Rite romain », pour évi­ter toute rup­ture, mais conti­nuer l’histoire de la litur­gie « faite de crois­sance et de pro­grès ». Cette pers­pec­tive d’avancer ensemble est source d’espérance pour tous. 

Pour l’application de cette déci­sion du Souverain Pontife, pré­vue dès le 14 sep­tembre de cette année, les évêques auront à prendre des mesures en lien avec leur pres­by­te­rium pour leur Eglise locale. Les auto­ri­sa­tions et per­mis­sions à don­ner par les curés suite aux demandes légi­times n’infirment pas la res­pon­sa­bi­li­té des évêques, comme le rap­pelle le Saint Père avec le Concile Vatican II. D’une part, ils auront à don­ner des direc­tives pour appli­quer le Motu pro­prio « en évi­tant la dis­corde et en favo­ri­sant l’unité de toute l’Eglise » (art. 5 § 1) ; d’autre part, le prin­cipe de sub­si­dia­ri­té invite à régler les ques­tions au niveau où elles se posent ; le recours aux niveaux supé­rieurs vient après comme pré­vu. Nous ne nous dis­si­mu­lons pas non plus les dif­fi­cul­tés qui pour­ront se pré­sen­ter aux curés ; nous les sou­tien­drons dans leur tâche de dis­cer­ne­ment dans l’ouverture cordiale. 

Il importe aus­si de rap­pe­ler que le Motu pro­prio se situe dans le contexte de docu­ments du Magistère de grande impor­tance, comme les Lettres ency­clique ou apos­to­lique de Jean-​Paul II sur l’Eucharistie et l’Exhortation apos­to­lique de Benoît XVI sur le même mys­tère. Le juste sou­ci des formes – ordi­naire et extra­or­di­naire – doit nous conduire à une meilleure intel­li­gence du fond auquel ache­mine la mys­ta­go­gie du « Mystère de la foi ». La célé­bra­tion de l’Eucharistie, nous ont dit récem­ment les papes de façon nou­velle, demande un équi­libre entre la table de la Parole (lar­ge­ment ouverte depuis la réno­va­tion litur­gique) et celle du Corps et du Sang du Christ, de même qu’un lien étroit entre l’adoration et l’engagement de soli­da­ri­té envers les dému­nis de toute sorte. Voilà jusqu’où il nous faut aller pour « rendre visible la richesse spi­ri­tuelle et la pro­fon­deur théo­lo­gique » de nos Missels. 

+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse,
Président de la Commission épis­co­pale pour la litur­gie et la pas­to­rale sacramentelle 

Repris de la CEF