Lettre n° 67 de Mgr Bernard Fellay aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de décembre 2004

Chers amis et bienfaiteurs,

Qu’en ces jours bénis où nous célé­brons l’Avènement de Notre Seigneur Jésus-​Christ, l’Enfant Nouveau-​né vous comble de ses bien­faits. Nous Lui deman­dons qu’il vous rende au cen­tuple vos géné­ro­si­tés et votre dévoue­ment !
La Nativité est si rem­plie de leçons pour notre temps. En par­ti­cu­lier, le Dieu par­mi nous, le Vrai Dieu, Éternel et Tout Puissant, Créateur de toutes choses et Souverain abso­lu vient au milieu de nous pour nous sauver.

Tout en fai­sant dili­gence et usant au mieux des moyens qu’Il nous donne, nous devons TOUT attendre de Lui. « Sans moi, vous ne pou­vez rien faire » – « C’est la volon­té du Père que vous por­tiez beau­coup de fruits. » Ces deux phrases ne sont pas du tout contra­dic­toires, mais com­plé­men­taires, elles indiquent l’effort per­son­nel et la coopé­ra­tion qui doit accom­pa­gner la grâce de Dieu. Elles nous disent que, avec Notre Seigneur, nous pou­vons tout, quelle que soit la situa­tion dans laquelle nous nous trou­vons, et spé­cia­le­ment la nôtre, en ce XXIe siècle de déca­dence inouïe. Les temps que nous vivons pour­raient en décou­ra­ger plus d’un. La rébel­lion contre Dieu se fait de plus en plus ouverte, mani­feste, blas­phé­ma­toire, dans le monde entier. L’Église semble comme inerte, hébé­tée et sans force devant ce nou­veau déluge.

Plus que jamais, nous devons tout regar­der sous le regard de la foi, cette foi qui vainc le monde, qui donne le cou­rage de conti­nuer le com­bat, cette foi avec laquelle on résiste même au démon. Cui resis­tite fortes in fide.

C’est bien cette foi qui nous fait recon­naître dans le petit nouveau-​né de la crèche notre Dieu, le Verbe fait chair, Sauveur du monde et qui nous demande de tout miser sur Lui. Venite adoremus !

Nous vou­lons sai­sir l’occasion de cette lettre pour vous com­mu­ni­quer le cour­rier que nous avons envoyé au Cardinal Castrillon Hoyos au mois de juin. Elle exprime notre situa­tion inchan­gée vis-​à-​vis de Rome (NDLR : voir ci-après).

Que Notre-​Dame vous pro­tège en cette année nou­velle et nous obtienne à tous cette fidé­li­té jusqu’au bout qui nous sau­ve­ra ; qu’avec l’Enfant Jésus elle vous bénisse, comme le dit si bien la Liturgie : Nos cum prole pia, bene­di­cat Virgo Maria.

Avec toute notre gra­ti­tude, en la Fête de Noël 2004

† Bernard Fellay
Supérieur géné­ral

Lettre envoyée à son Eminence le Cardinal Castrillon Hoyos

† Menzingen, le 6 juin 2004

S.Ém. le car­di­nal Castrillón Hoyos

Éminence Révérendissime,

Votre lettre du 30 décembre, lettre de vœux et de nou­velle pro­po­si­tion d’accord nous est bien par­ve­nue. Nous avons beau­coup tar­dé à y don­ner réponse car elle nous laisse per­plexes. Permettez-​moi d’essayer d’y répondre avec le maxi­mum de fran­chise, seul moyen d’aller de l’avant.

Nous sommes sen­sibles à vos efforts et à ceux du Saint Père pour nous venir en aide, et nous voyons que ce geste d’ouverture de votre part est cer­tai­ne­ment très géné­reux, par suite, nous crai­gnons beau­coup que notre atti­tude et notre réponse ne soient pas com­prises. Lorsque nous avons émis notre requête de deux préa­lables tout au début de nos dis­cus­sions, et que nous avons plu­sieurs fois répé­té notre demande, nous indi­quions tout sim­ple­ment une démarche à suivre onto­lo­gique, néces­saire : avant de lan­cer le tablier d’un pont, il est indis­pen­sable de construire les piles de celui-​ci. Sinon l’entreprise sera vouée à l’échec. Nous ne voyons pas com­ment nous pour­rions arri­ver à une recon­nais­sance sans pas­ser par un cer­tain nombre d’étapes.

Parmi ces étapes, la pre­mière nous semble être le retrait du décret d’excommunication. L’excommunication frap­pant les ortho­doxes a pu être levée sans que ceux-​ci aient en rien chan­gé leur atti­tude envers le Saint Siège ; ne serait-​il pas pos­sible de faire une chose sem­blable à notre égard, à nous qui ne nous sommes jamais sépa­rés et avons tou­jours recon­nu l’autorité du Souverain Pontife, telle que l’a défi­nie le concile Vatican I. Lors de notre sacre en 1988 nous avons prê­té le ser­ment de fidé­li­té au Saint Siège ; nous avons tou­jours pro­fes­sé notre atta­che­ment au Saint Siège et au Souverain Pontife, nous avons pris toutes sortes de mesures pour bien mon­trer que nous n’avions pas l’intention de mon­ter une hié­rar­chie paral­lèle : il ne devrait tout de même pas être si dif­fi­cile de nous laver de l’accusation de schisme…

Et en ce qui concerne la peine pour la récep­tion de l’épiscopat, le code de Droit cano­nique de 1983 pré­voit que la peine maxi­male ne doit pas être appli­quée dans le cas où un sujet a agi sous la néces­si­té sub­jec­tive. Si le Saint Siège ne veut pas accor­der qu’il y a état de néces­si­té objec­tive, il devrait pour le moins admettre que nous per­ce­vons les choses ainsi.

Une telle mesure serait recon­nue comme une ouver­ture réelle de la part de Rome et elle crée­rait un nou­veau cli­mat, néces­saire pour aller plus avant.

En même temps, la Fraternité se sou­met­trait à ce que nous pour­rions appe­ler ana­lo­gi­que­ment une visite ad limi­na, le Saint-​Siège pour­rait nous obser­ver et exa­mi­ner notre déve­lop­pe­ment sans qu’il y ait pour l’instant davan­tage d’engagement des deux côtés.

En ce qui concerne les for­mules que vous nous deman­dez de signer, elles sup­posent un cer­tain nombre de condi­tions que nous ne pou­vons accep­ter et qui nous laissent fort mal à l’aise.

Les pro­po­si­tions sup­posent que nous soyons cou­pables et que cette culpa­bi­li­té nous a sépa­rés de l’Église. Pour répa­rer, et pour s’assurer de notre ortho­doxie, on nous demande une sorte de pro­fes­sion de foi limi­tée (le concile Vatican II et le Novus Ordo).

La plu­part de nos prêtres et fidèles ont dû faire face direc­te­ment à l’hérésie, sou­vent au scan­dale litur­gique grave, pro­ve­nant de leurs propres pas­teurs, tant des prêtres en charge que d’évêques. Toute l’histoire de notre mou­ve­ment est mar­quée par une suite tra­gique de faits de ce genre, jusqu’à ce jour où conti­nuent de nous joindre reli­gieux, sémi­na­ristes et prêtres qui ont dû faire la même expé­rience. Vous ne pou­vez pas deman­der d’amende hono­rable ou de contri­tion parce que, seuls, délais­sés des pas­teurs et tra­his par eux, nous avons réagi pour conser­ver la foi de notre bap­tême ou pour ne pas désho­no­rer la divine Majesté. Il est impos­sible d’analyser les sacres de 1988 sans consi­dé­rer le tra­gique contexte dans lequel ils se sont dérou­lés. Sinon, les choses deviennent incom­pré­hen­sibles et la jus­tice ne peut plus y trou­ver son compte.

De plus, il est sou­vent men­tion­né que notre sta­tut serait une conces­sion, et que l’on nous accor­de­rait une situa­tion due à notre « cha­risme propre ».

Faut-​il rap­pe­ler que ce à quoi nous sommes atta­chés est le patri­moine com­mun de l’Église catho­lique romaine ? Nous ne deman­dons ni ne vou­lons de sta­tut par­ti­cu­lier dans le sens qu’il serait la marque d’un par­ti­cu­la­risme, mais nous vou­lons une place « nor­male » dans l’Église. Tant que la messe tri­den­tine sera consi­dé­rée comme une conces­sion par­ti­cu­lière, nous res­tons des mar­gi­na­li­sés, dans une situa­tion pré­caire et sus­pecte. C’est aus­si dans cette pers­pec­tive que nous récla­mons un droit qui n’a jamais été per­du : celui de la messe pour tous. C’est déjà léser ce droit que de le réduire à un indult (qui plus est pro­vi­soire selon cer­taines voix romaines).

Dans la situa­tion actuelle où tout ce qui est de saveur tra­di­tion­nelle devient immé­dia­te­ment sus­pect, nous avons besoin d’un pro­tec­teur et défen­seur de nos inté­rêts auprès de la Curie. Il s’agit bien davan­tage de repré­sen­ter la Tradition à Rome que d’établir un délé­gué du Saint Siège aux affaires tra­di­tion­nelles, comme c’est le cas pour Ecclesia Dei aujourd’hui. Pour que cet orga­nisme ait quelque cré­di­bi­li­té et cor­res­ponde à son but, il est impor­tant qu’il soit com­po­sé de membres pro­ve­nant de la Tradition catholique.

Accomplir une « recon­nais­sance » sans avoir d’abord réglé dans leur prin­cipe ces ques­tions, c’est vouer « l’accord pra­tique » que l’on nous pro­pose à l’échec, car demain nous espé­rons bien agir avec la même fidé­li­té qu’aujourd’hui à la Tradition catholique.

Voulant conser­ver la fran­chise avec laquelle nous trai­tons de ces ques­tions, (ce qui n’est pas une ques­tion d’arrogance ou de manque de cha­ri­té), nous serions condam­nés demain comme nous l’avons été hier.

Au bap­tême s’établit un contrat entre l’âme chré­tienne et l’Église : « Que demandez-​vous de l’Église ? » « – la foi ». C’est ce que nous récla­mons de Rome : que Rome nous confirme dans la foi, la foi de tou­jours, la foi immuable. Nous avons le droit strict de récla­mer cela des auto­ri­tés romaines et nous ne pen­sons pas pou­voir pro­gres­ser réel­le­ment vers une « recon­nais­sance » tant que Rome n’aura pas mon­tré sa volon­té concrète de dis­si­per le nuage qui a enva­hi le temple de Dieu, obs­cur­ci la foi et para­ly­sé la vie sur­na­tu­relle de l’Église sous le cou­vert d’un Concile et de ses réformes subséquentes.

En espé­rant que cette lettre apporte sa contri­bu­tion au dépas­se­ment de l’immobilité actuelle, nous Vous assu­rons, Éminence, de nos prières quo­ti­diennes pour l’accomplissement de Votre lourde charge en cette heure grave de la sainte Église.

† Bernard Fellay
Supérieur géné­ral

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FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.