Gravure allégorique du sanctuaire de Fontpeyrine par un artiste du XIXe siècle…
Histoire de Notre-Dame-de-Fontpeyrine
Un Sanctuaire miraculeux Notre- Dame-de-Fontpeyrine
Dans le livre du Chanoine L. Entraygues intitulé « Notre Dame du Périgord » se trouve une étude sur la Sainte Vierge en Périgord, son culte et ses pèlerinages. C’est l’histoire et la tradition vécues.
C’est peut-être le pèlerinage le plus pittoresque du Périgord. Celui qui en est le témoin est frappé du contraste que présente, en ce lieu sauvage, les fidèles d’une part et les marchands de l’autre, le recueillement silencieux et paisible des premiers, l’agitation incessante et les cris confus des seconds.
Aux temps anciens
Là où hier il n’y avait rien, et où ce soir il n’y aura plus rien, sont maintenant plusieurs milliers de personnes : quelques heures de vie intense entre deux périodes de silence et de repos.
Au matin des grands jours, les pèlerins débouchent de tous côtés par les sentiers des bois. Depuis l’amélioration des chemins, un certain nombre viennent en voiture. Les véhicules et les montures qui les ont amenés sont remisés çà et là sous les châtaigniers. Les cris des animaux s’ajoutent à ceux des hommes. Un cri particulièrement discordant les domine tous : c’est celui de l’humble animal si utile jadis à la Sainte Famille et toujours précieux pour le paysan périgourdin. A un kilomètre au moins on perçoit le sourd murmure qui monte de cette masse humaine, on dirait un camp.
C’en est un, en effet, où la Vierge livre combat aux puissances infernales ! La vision que donne ce pèlerinage reporte le spectateur loin de notre vie actuelle, en plein moyen âge.
Oratoire et Sanctuaire
Le sanctuaire de Fontpeyrine est situé au cour du pays sarladais dans le canton de Saint Cyprien, sur la paroisse de Tursac, à deux kilomètres et demi de ce dernier bourg. Il se dresse en face de rochers immenses, au flanc d’une colline boisée qui forme un demi-cercle et dont le pied baigne dans la Vézère. C’est un site grandiose, impressionnant. On y voit d’abord une fontaine, qui a sans doute donné le nom à l’endroit :
Fons peregrinorum,
Fontaine des pèlerins,
Fons petrosus,
Fontaine pétrifiante.
La tradition fait sourdre cette source au moment où fut découverte la statue de la Vierge. On y voit aussi un oratoire et une chapelle, distants de cinq mètres environ.
Madone miraculeuse
L’oratoire, très exigu, est construit en voûte au-dessus de la fontaine et renferme la Madone miraculeuse. C’est une Vierge noire et primitivement une Vierge Mère.
Elle tenait son Fils sur les bras. Elle est en pierre, debout, haute de deux pieds. Sa forme allongée et svelte rappelle l’époque gothique. La tête, voilée, porte un bandeau. La robe à longs plis a des traces de couleur bleue. Malheureusement, elle est mutilée. Les bras ont disparu avec l’Enfant Jésus qu’ils portaient. La tête a été grotesquement rajustée. On l’habille richement et on la couronne de fleurs.
La chapelle est composée d’une nef et de deux petites chapelles latérales. L’absence de chevet lui donne la forme d’un T. Elle a douze mètres de long sur cinq de large. Les deux chapelles latérales ont une voûte en pierre. La nef principale a une voûte lambrissée.
Des tombeaux sont creusés dans le sanctuaire, du côté de l’épître. Plusieurs appartiennent aux familles de Carbonnier de Marzac et de Fleurieu, propriétaires de la chapelle au moins depuis la Révolution.
L’oratoire, sur la fontaine, appartenait jadis à la famille Mercier. Il est maintenant aussi à Monsieur de Fleurieu.
Origine du Pèlerinage
Il en est de l’origine de ce pèlerinage comme de celle de beaucoup d’autres. On n’en sait pas la date. Le Père Carles le fait commencer au XVème siècle, vers l’an 1417, mais il n’appuie d’aucune preuve son affirmation. La cause qui lui aurait donné naissance est toute merveilleuse.
Première hypothèse : Apparition à un berger
Les uns parlent de la Vierge apparaissant à un berger et lui manifestant le désir d’avoir une chapelle en ce lieu. Ils disent que les habitants de Tursac, instruits du fait, seraient allés à la fontaine, auraient trouvé dans l’eau une statue de la Vierge, celle qu’on voit encore, et l’auraient portée dans leur église paroissiale avec des témoignages publics de respect. Peu de temps après, la statue, ayant quitté d’elle-même l’église, avait été retrouvée au lieu de son origine. Frappé de ce miracle, le peuple s’était empressé d’ériger un oratoire au-dessus de la fontaine pour y mettre la statue. L’affluence des pèlerins était devenue si grande qu’il avait fallu construire, à côté de l’oratoire, une chapelle plus spacieuse pour y célébrer la sainte messe.
Seconde hypothèse : L’image miraculeuse
D’autres, ils sont les plus nombreux, disent qu’un bouf fut la cause de la découverte de la statue miraculeuse. Cet animal, aussitôt ses liens détachés, se rendait auprès d’un tas de pierres. On s’avisa de fouiller en cet endroit et l’on trouva une image représentant la Sainte Vierge.
Portée dans l’église paroissiale, cette image disparut et fut retrouvée à Fontpeyrine, au bord de la fontaine. Cet événement, connu dans toute la contrée, amena une foule considérable et donna naissance à ce célèbre pèlerinage.
Aucun manuscrit, aucune histoire ne nous parle de Fontpeyrine. Le seul monument où son nom soit indiqué est la cloche, qui porte le millésime de 1670 avec les noms de « Jean Laborderie, curé de Fontpeyrine, Jacques de Roffignac, seigneur de Marzac, parrain, et Gabrielle de Roffignac, marraine ».
Victoire du christianisme
Non loin de ce lieu de pèlerinage se trouve encore un dolmen remarquable. Ne peut-on pas supposer que le christianisme a transformé à son usage les rites mystérieux que les païens y pratiquaient et que, pour la vraie piété, il a utilisé le concours qui se faisait précédemment pour de fausses idoles et pour l’attrait des superstitions ? Cette hypothèse donnerait à Fontpeyrine une très haute antiquité. Il est certain cependant que dès le moyen âge la contrée de Tursac possédait de grandes habitations. On y voyait trois châteaux : celui de la Madeleine, celui de Marzac, celui de Raignac, deux couvents et plusieurs églises.
Les fêtes de Fontpeyrine
Une tradition, qui se perd dans la nuit des temps, atteste que le lieu de Fontpeyrine fut beaucoup visité et vénéré. On y venait de tous les points des diocèses de Périgueux et de Sarlat, et même du diocèse de Cahors. On a compté avant la Révolution jusqu’à vingt-deux processions de paroisses qui s’y rendaient avec croix et bannières, en chantant des cantiques.
Ces processions avaient lieu surtout le lundi de Pentecôte et le jour de la Nativité de Notre-Dame. On cite les paroisses de Saint-Quentin, de Marquay, de Tamniers, de La Chapelle-Aubareil, de Valojoux, de Peyzac, de Thonac, de Fanlac, de Saint-Léon, du Moustier, de Plazac, de Rouffignac, de Bars, de Fleurac, de Savignac, de Mouzens, de Manaurie, de Saint-Cirq, de Castel, de Meyrals, de Sireuil, de Tayac et de Tursac.
On ne se bornait pas à aller à Fontpeyrine seulement le lundi de Pentecôte et le 8 septembre. La messe y était célébrée à toutes fêtes de Notre-Dame, le troisième jour après Noël, Pâques et Pentecôte, et tous les samedis. Nul doute même que la dévotion n’y fut journalière tant qu’il y eut des religieux au couvent de Tursac et à celui de Belle-Selve, où l’on voit encore des ruines.
Le miracle du 2 juillet
Depuis environ un siècle et demi, le 2 juillet est un jour de solennelle réparation à Fontpeyrine. On n’est pas d’accord sur la date. Les uns parlent de 1750, les autres de 1769.
Mais tous admettent le fait qu’au XVIIIème siècle, un 2 juillet, un orage épouvantable désola la région de Tursac. Les récoltes furent hachées, les vitres et les toitures brisées. Des multitudes d’oiseaux et d’animaux furent trouvés morts dans les champs. Les habitants, croyant que la Vierge de Fontpeyrine était irritée contre eux, firent vœu d’implorer tous les ans à pareil jour sa miséricorde et sa protection.
Telle est l’origine de la procession, déjà séculaire du 2 juillet, à laquelle plusieurs paroisses voisines se sont parfois réunies. On a remarqué que depuis son établissement, la contrée de Tursac n’a été que très rarement atteinte par les orages.
Révolution dévastatrice
Le sanctuaire de Fontpeyrine, bien qu’il soit très retiré, attira l’attention des révolutionnaires. Ils s’y rendirent le 8septembre 1793. Après avoir pillé les ornements et les offrandes, et détruit la toiture de la chapelle, ils renversèrent la grille de l’oratoire, saisirent la Madone vénérée en proférant des blasphèmes, la jetèrent à terre et mutilèrent horriblement sa tête, ses bras et l’Enfant-Jésus.
De pieux fidèles en recueillirent les débris. C’est la même Madone que l’on voit au-dessus de la fontaine ; encore mutilée des bras, elle est toujours chère aux pèlerins.
La Révolution fut impuissante à arrêter le concours populaire. On continua de venir y prier. Mais des abus s’étaient glissés. L’esprit de lucre voulut spéculer sur la piété des pèlerins. On essaya d’y tenir des foires.
La sainteté de ce lieu
D’après la tradition, la Sainte Vierge fit connaître qu’Elle quitterait ce lieu et porterait ailleurs ses miséricordes. Les foires ont cessé à Fontpeyrine et se tiennent maintenant près du bourg de Tursac. De grandes assemblées au milieu des bois sont exposées à d’autres dangers que seule peut prévenir la présence d’un clergé nombreux. Or, durant la première moitié du XIXème siècle, les prêtres étaient rares.
En 1826 Monseigneur de Lostanges évêque de Périgueux, ému de ces abus, alla à Fontpeyrine et profitant du déplorable état de la chapelle la frappa d’un interdit qui dura 19 ans.
Le sanctuaire restauré et le 8 décembre 1845
Mais les fidèles, accoutumés à ce pèlerinage séculaire, persévéraient à s’y rendre et à faire brûler des cierges devant l’oratoire. Pourquoi ne pas utiliser cette persistance dans la dévotion au profit des âmes et pour la gloire de Marie ? C’est ce que pensa Monsieur Cassan, curé de Tursac, approuvé par Monseigneur l’évêque. La chapelle, très convenablement restaurée par la noble et pieuse famille de Carbonnier de Marzac, fut rendue au culte le 8 décembre 1845 en une fête inoubliable présidée par Monsieur l’abbé Picon, doyen de Saint-Cyprien. Monseigneur George la visita en 1848. On a ajouté depuis lors une sacristie.
Témoignage d’un Curé
Hélas ! Avec la réouverture officielle du pèlerinage, les abus reprirent aussi. Monsieur Castellane, curé de Trémolat et fidèle pèlerin de Fontpeyrine, écrivait en 1857 à Monseigneur George : « combien on devrait éloigner les marchands de toute sorte qui profitent de ce concours de monde pour y vendre les objets les plus étrangers au but du pèlerinage ! On y voit des chapeliers, des drapiers, des marchands de nouveautés dans tous les genres. O tempora ! O mores ! Il y a trente ans, de pieux pèlerins de Montignac allaient à Fontpeyrine nu-pieds, dans un recueillement silencieux, en récitant le chapelet. Aujourd’hui, ce sont des curieux, des amateurs, des marchands ambulants qui forment le gros du pèlerinage. Qui sait si les danses ne remplaceront pas un jour les cantiques et les prières ? L’autorité ecclésiastique a besoin d’y veiller.
Les prières à Fontpeyrine
Ce cri d’alarme a été entendu. L’autorité ecclésiastique n’a rien négligé pour rendre à Fontpeyrine son caractère religieux. Le pèlerinage a retrouvé les belles affluences de jadis. L’attitude générale est plus recueillie. Beaucoup s’approchent des sacrements. Ce résultat est dû en partie aux retraites préparatoires qui, avant la guerre, se donnaient régulièrement. Rien d’édifiant comme le spectacle de ces milliers de personnes agenouillées en plein air, rendant leurs voues, un ou plusieurs cierges à la main, à la Vierge qui console les affligés et guérit les infirmes. Beaucoup boivent de l’eau de la fontaine et y baignent leurs membres malades.
Ce pèlerinage tend à perdre sa physionomie propre et à ressembler à tous les autres. Il ne commence plus qu’à l’aube pour finir avec le crépuscule. Jadis, il s’ouvrait la veille au soir et se terminait au début de l’après-midi. Spectacle féerique que celui de ces pèlerins, dans la nuit, priant les bras en croix, les yeux fixés sur la Madone, pendant qu’à ses pieds brûlait une forêt de cierges. La grande cérémonie de l’après-midi est d’institution récente. La procession se déroule aux flancs de la montagne, sous l’ombre épaisse des châtaigniers, entre deux haies de curieux. On chante un beau et pieux cantique à « Notre Dame de Fontpeyrine ». Le sermon est donné en plein air.
Les trois statues de Marie
Récente aussi est la blanche Madone aux pieds de laquelle la cérémonie se déroule. Car il y a à Fontpeyrine trois statues de la Vierge qui se partagent maintenant les hommages des pèlerins :
1- La Madone de la fontaine, petite, en pierre, mutilée, est de beaucoup la plus ancienne des trois.
2- La Madone de la chapelle, placée au-dessus de l’autel, est presque de grandeur naturelle, en bois doré, tenant son Fils sur le bras gauche. Elle ne doit pas remonter au-delà du XVIIème siècle.
3- La Madone extérieure, érigée en 1902 par les soins de M. l’abbé André, sur un autel en pierre, à environ 20 mètres de la porte principale de la chapelle, est en fonte, du modèle de Notre-Dame-des-Victoires. De ses bras allongés elle semble pousser les pèlerins vers la chapelle que son regard contemple avec amour.
Personne ne quitte Fontpeyrine sans emporter un objet ayant touché la statue miraculeuse, soit de l’eau, soit la médaille du pèlerinage.
La médaille de Fontpeyrine
Cette médaille fut frappée en 1853. Sur la face principale se voit l’image de la Madone tenant un sceptre à la main droite, l’Enfant Jésus sur le bras gauche et une couronne sur la tête, avec cette légende : Reine du ciel, priez pour nous. Sur l’autre face se trouve la représentation de l’oratoire avec une Vierge sans emblème et cette inscription : Pèlerinage de Notre Dame de Fontpeyrine.
Miracles à Fontpeyrine
Il serait agréable de raconter les faits miraculeux qui ont motivé pendant si longtemps un tel concours de fidèles. Mais il faut se taire sur ce point comme sur l’origine du pèlerinage. Le manuscrit qui les renfermait fut malheureusement perdu en 1834, à la mort de M. Escalmel, doyen de Saint-Cyprien, auquel il avait été prêté par la famille de Marzac. A l’enquête de 1857 plusieurs personnes ont déposé avoir eu en mains ce manuscrit et y avoir lu les procès-verbaux de nombreux miracles. Un souvenir cependant à échappé à l’oubli : c’est celui d’un enfant muet venu de Thenon et celui d’une dame infirme venue de Bergerac, qui s’en retournèrent guéris.
Mère de Dieu : Marie est notre Mère
Point n’est besoin du manuscrit de Fontpeyrine, sans doute perdu à jamais, pour croire à la toute-puissance de Marie. Jésus, son Fils, lui a gracieusement concédé ce pouvoir afin de lui permettre de nous faire mieux sentir sa maternité. Fontpeyrine reste toujours un des coins du Périgord où Marie se plaît le plus et où elle dresse le plus volontiers le trône de ses miséricordes.