Visite du pape François au temple évangélique luthérien de Rome


, par M. l’abbé Alain Lorans

En visite au temple évan­gé­lique luthé­rien de Rome, le 15 novembre 2015, le pape François a décla­ré que mal­gré les dif­fé­rences doc­tri­nales entre luthé­riens et catho­liques, l’heure de la « diver­si­té récon­ci­liée » était arri­vée. Cet oxy­more n’est pas sans rap­pe­ler le « consen­sus dif­fé­ren­cié » qui per­mit la signa­ture d’une Déclaration conjointe sur la doc­trine de la jus­ti­fi­ca­tion entre la Fédération luthé­rienne mon­diale et l’Eglise catho­lique, à Augsbourg (Allemagne), le 31 octobre 1999. Ainsi donc, on aura désor­mais une « récon­ci­lia­tion diver­si­fiée » grâce aux « dif­fé­rences consen­suelles » acquises à la fin du siècle précédent.

L’oxymore per­met de s’affranchir de la réa­li­té régie par le prin­cipe de non-​contradiction. Grâce à cette figure de rhé­to­rique tout est pos­sible : la dif­fé­rence devient le consen­sus et la diver­si­té se mue en récon­ci­lia­tion. Mais tout n’est pos­sible que rhé­to­ri­que­ment, car dans la réa­li­té les faits res­tent obs­ti­né­ment ce qu’ils sont. Les catho­liques croient à la pré­sence réelle du Christ dans l’Eucharistie, alors que pour les luthé­riens le pain et le vin demeurent du pain et du vin.

En atten­dant une véri­table conver­sion, on ten­te­ra de nous faire croire – « l’œil fixé sur une chi­mère », comme disait saint Pie X – que par la grâce de l’œcuménisme conci­liaire les diver­gences deviennent des conver­gences, que les paral­lèles fini­ront par se croi­ser, et qu’au fond Luther était un enfant de Marie.

Abbé Alain Lorans, prêtre de la Fraternité Saint-​Pie X


François au temple évan­gé­lique luthé­rien de Rome

Visite du pape François au temple évangélique luthérien de Rome – 15 novembre 2015

Dans la soi­rée du dimanche 15 novembre 2015, le pape François a visi­té le temple évan­gé­lique luthé­rien de Rome[NDLR : pho­to ci-​dessus] , comme ses pré­dé­ces­seurs : Jean-​Paul II, en 1983, et Benoît XVI, en 2010. Accueilli par le pas­teur Jens-​Martin Kruse, il a mis de côté son texte écrit et pro­non­cé un dis­cours entiè­re­ment impro­vi­sé qu’il a conclu sur ces paroles : bien que les dogmes luthé­riens et catho­liques soient « dif­fé­rents, l’heure de la diver­si­té récon­ci­liée est arrivée ».

Au début de cette visite, François avait été invi­té à répondre libre­ment à trois ques­tions posées par des fidèles pré­sents dans l’assistance. La deuxième éma­nait d’une luthé­rienne mariée à un catho­lique, qui lui a deman­dé ce qu’elle pou­vait faire pour pou­voir com­mu­nier avec son époux. Le pape a d’abord répon­du par une bou­tade sus­ci­tant les rires de l’assemblée : « Il m’est très dif­fi­cile de répondre, sur­tout devant un théo­lo­gien comme le car­di­nal Kasper (pré­sent à la ren­contre, ndlr), j’ai peur ! ». « N’avons-nous pas le même bap­tême ? », s’est-il ensuite inter­ro­gé. « Et si nous avons le même bap­tême, nous devons che­mi­ner ensemble ». « C’est une ques­tion à laquelle cha­cun doit répondre per­son­nel­le­ment, en étant sin­cère avec lui-​même », a‑t-​il déclaré.

Sur son blog, le 16 novembre, Jeanne Smits se demande fort justement : 

« Tout serait-​il ques­tion de conscience ? Et donc de libre exa­men ? (…) A cette femme qui dit sa ‘dou­leur’ de ne pas pou­voir com­mu­nier en même temps que son mari, le pape François a fait la réponse sui­vante (…) : ‘A votre ques­tion, je réponds seule­ment par une ques­tion. Comment puis-​je faire avec mon mari pour que la Cène du Seigneur m’accompagne sur ma route ? C’est un pro­blème auquel cha­cun doit répondre. Un pas­teur, ami, me disait : ‘Mais nous croyons que le Seigneur est pré­sent là. Il est pré­sent. Vous, vous croyez que le Seigneur est pré­sent. Quelle est la dif­fé­rence ?’ – ‘Ce sont les expli­ca­tions, les interprétations…’

« La vie est plus grande que les expli­ca­tions, les inter­pré­ta­tions. Faites tou­jours réfé­rence au bap­tême. Une foi, un bap­tême, un Seigneur ! C’est ce que nous dit Paul ; et à par­tir de là, tirez les consé­quences. Moi, je n’oserais jamais vous don­ner la per­mis­sion de faire cette chose parce que ce n’est pas de ma com­pé­tence. Un bap­tême, un Seigneur, une foi : par­lez avec le Seigneur, et allez de l’avant. Je n’ose pas, je n’ose pas dire davantage.’ »

Et la jour­na­liste fran­çaise de faire part de sa perplexité : 

« Savoir ce qu’est l’Eucharistie, selon la doc­trine catho­lique, serait-​ce donc une ques­tion à laquelle seuls les théo­lo­giens sau­raient répondre ? La ‘pré­sence’ est-​elle la même ? Alors que les luthé­riens pro­fessent la ‘consub­stan­tia­tion’, et que pour eux le pain et le vin res­tent du pain et du vin ?

« Demander sim­ple­ment par­don de ses fautes à Dieu aurait-​il la même valeur, la même effi­ca­ci­té que la confes­sion au prêtre, et l’absolution que celui-​ci donne ? Suffit-​il de répondre à la ques­tion de la com­mu­nion en se fon­dant sur l’idée que catho­liques et luthé­riens ont ‘un même bap­tême, une même foi, un même Seigneur’, et enseignent ‘la même chose’ dans des langues dif­fé­rentes ? Subjectivisme de la conscience, confu­sion quant au conte­nu de la foi : il est dif­fi­cile de voir autre chose dans le dis­cours du pape. »

Commentaire : Le 21 novembre pro­chain sera l’anniversaire de la décla­ra­tion que fit Mgr Marcel Lefebvre, en 1974. Les pro­pos tenus par le pape François au temple luthé­rien de Rome montrent que cette décla­ra­tion conserve une actua­li­té intacte, 41 ans après.

« Nous adhé­rons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catho­lique, gar­dienne de la foi catho­lique et des tra­di­tions néces­saires au main­tien de cette foi, à la Rome éter­nelle, maî­tresse de sagesse et de véri­té. Nous refu­sons par contre et avons tou­jours refu­sé de suivre la Rome de ten­dance néo-​moderniste et néo-​protestante qui s’est mani­fes­tée clai­re­ment dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues. (…)

« La seule atti­tude de fidé­li­té à l’Eglise et à la doc­trine catho­lique, pour notre salut, est le refus caté­go­rique d’acceptation de la Réforme.

« C’est pour­quoi sans aucune rébel­lion, aucune amer­tume, aucun res­sen­ti­ment nous pour­sui­vons notre œuvre de for­ma­tion sacer­do­tale sous l’étoile du magis­tère de tou­jours, per­sua­dés que nous ne pou­vons rendre un ser­vice plus grand à la Sainte Eglise Catholique, au Souverain Pontife et aux géné­ra­tions futures.

« C’est pour­quoi nous nous en tenons fer­me­ment à tout ce qui a été cru et pra­ti­qué dans la foi, les mœurs, le culte, l’enseignement du caté­chisme, la for­ma­tion du prêtre, l’institution de l’Eglise, par l’Eglise de tou­jours et codi­fié dans les livres parus avant l’influence moder­niste du concile en atten­dant que la vraie lumière de la Tradition dis­sipe les ténèbres qui obs­cur­cissent le ciel de la Rome éternelle.

« Ce fai­sant, avec la grâce de Dieu, le secours de la Vierge Marie, de saint Joseph, de saint Pie X, nous sommes convain­cus de demeu­rer fidèles à l’Eglise Catholique et Romaine, à tous les suc­ces­seurs de Pierre, et d’être les ‘fideles dis­pen­sa­tores mys­te­rio­rum Domini Nostri Jesu Christi in Spiritu Sancto’. Amen. »

Sources : apic/​imedia/​blog J.Smits/fsspx – DICI n°325 du 20/​11/​15