Lettre de Mgr Lefebvre au Souverain Pontife du 18 novembre 1979

Très Saint Père,

Depuis que j’ai eu l’honneur d’être reçu par Vous en audience une année s’est écou­lée. Les entre­tiens avec le car­di­nal Seper au cours de cette année ont pu, je l’espère, mon­trer que rien ne s’oppose de notre part à ce qu’une solu­tion soit trouvée.

Ces quelques lignes vou­draient vous manifes­ter notre désir de voir cette solu­tion abou­tir pour le bien de l’Eglise et des âmes.

Par vos dis­cours Vous avez clai­re­ment mon­tré votre atta­che­ment à Notre Seigneur Jésus-​Christ, seule solu­tion de tous les pro­blèmes, votre fidé­li­té à la morale catho­lique, votre volon­té de res­tau­rer la sain­te­té de la vie sacer­do­tale et de la vie reli­gieuse. Or c’est ce que nous n’avons ces­sé d’affirmer, de défendre et de mettre en pra­tique. Et c’est parce que nous avons pen­sé que ces objec­tifs ne pou­vaient être atteints que par un culte qui leur cor­res­pond, culte que l’Eglise a pra­ti­qué depuis ses ori­gines jusqu’au Concile Vatican II inclu­si­ve­ment, que nous avons été sau­va­ge­ment condam­nés.

La Liturgie en effet n’est pas un simple rituel du culte, elle est l’expression de la foi et la source de la grâce. Elle a donc une impor­tance pri­mor­diale dans la vie du chré­tien. Le sacri­fice de la messe est vrai­ment le « mys­te­rium fidei » dans toute sa plé­ni­tude. Il mani­feste le grand mys­tère du Christ cru­ci­fié, mys­tère de cha­ri­té par le sacri­fice de soi. Enfin la Liturgie met l’âme en contact direct avec Notre Seigneur nous com­mu­ni­quant sa propre vie divine.

La res­tau­ra­tion de l’Eglise passe par cette ins­ti­tu­tion divine qui est le tré­sor et le cœur de l’Eglise. C’est pour­quoi nous deman­dons avec ins­tance de mettre en pra­tique cette Liturgie qui ren­dra à l’Eglise une nou­velle jeu­nesse. Les prêtres retrou­ve­ront le sens de leur sacer­doce et la gran­deur de ses exi­gences, les reli­gieux et les reli­gieuses le mys­tère de leur obla­tion, les époux le vrai sens du sacre­ment de mariage et les grâces néces­saires à son accom­plis­se­ment selon la loi divine.

Le mys­tère de la Croix et du Sacrifice de Notre Seigneur sont la source inépui­sable des grâces néces­saires à l’accomplissement de la vie chré­tienne. La dimi­nu­tion consi­dé­rable des messes explique l’accélération de la crise de l’Eglise.

Que Notre Dame de Compassion Vous ins­pire et Vous vienne en aide pour par­ve­nir à cette solu­tion tant attendue.

Dès lors que le pro­blème litur­gique est réglé, les pro­blèmes par­ti­cu­liers d’Ecône et des autres groupes, ain­si que des reli­gieuses, trou­ve­ront aus­si leur solu­tion, pour­vu que les évêques mani­festent com­pré­hen­sion et bienveillance.

Que Votre Sainteté daigne agréer mes sen­ti­ments de filial res­pect en Jésus et Marie.

+ Marcel Lefebvre, Ancien Archevêque-​Evêque de Tulle

Source : Mgr Marcel Lefebvre et le Vatican sous le pon­ti­fi­cat de Jean-​Paul II