8 novembre 1964

Huitième intervention de Mgr Lefebvre au concile Église dans le monde

Vénérables Pères,

Pour atteindre effi­ca­ce­ment, avec cer­ti­tude doc­tri­nale, en un laps de temps rela­ti­ve­ment bref, par exemple pour la pro­chaine ses­sion, le but du sché­ma « L’Eglise dans le monde », voi­ci, hum­ble­ment, ma proposition :

Le pré­sup­po­sé et l’état de la ques­tion du sché­ma pré­sentent les plus graves dif­fi­cul­tés, parce que viciés par un cer­tain idéalisme.

Il faut donc reve­nir à la réa­li­té et, comme disait le sage Jean XXIII : « Ne com­pli­quons pas les choses simples, et si elles sont com­plexes, ramenons-​les à la simplicité. »

Tout d’abord et briè­ve­ment, nous par­le­rons du pré­sup­po­sé et de l’état de la question.

Le pré­sup­po­sé paraît faux : bien des ques­tions du monde d’aujourd’hui, prétend-​il, n’ont pas ou n’ont jamais eu de réponse de la part de l’Eglise.

Or, toutes les ques­tions essen­tielles concer­nant l’humanité ont tou­jours reçu leur solu­tion, dès l’origine du monde et, sur­tout, de Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Quelle ques­tion de notre temps, évo­quée dans le sché­ma, n’a‑t-elle donc pas encore reçu de solu­tion, sinon, peut-​être, celle de l’usage du mariage en rap­port avec cer­taines décou­vertes toutes récentes ?

Ceux qui demandent à l’Eglise des réponses à ces ques­tions cherchent pré­ci­sé­ment, je le crains, des réponses déjà don­nées par l’Eglise, mais qu’ils refusent d’admettre ; comme ces quelques écri­vains catho­liques et non catho­liques, ils enflent leur voix pour par­ler. Ces gens fameux sont « le monde d’aujourd’hui » ! Ils trouvent et inventent une foule de « ques­tions » à seule fin que l’Eglise contre­dise aujourd’hui sa doc­trine traditionnelle.

La voca­tion de la per­sonne humaine, la famille, le mariage, les rela­tions sociales et éco­no­miques entre les hommes, les socié­tés civiles, la paix, l’athéisme mili­tant, etc., sont-​ce là des ques­tions nou­velles dans l’Eglise ? Qui ose­ra l’affirmer ?

Le pré­sup­po­sé paraît donc être un pur fruit de l’imagination.

L’état de la ques­tion, comme beau­coup de Pères l’ont déjà dit est rem­pli d’ambiguïtés, soit dans la notion même de l’Eglise, soit dans celle du monde. J’en viens à la solu­tion proposée.

Revenons à l’Eglise romaine, Mère et Maîtresse de toutes nos Eglises : en elle nous devons tous nous réunir ; seule par­mi toutes les Eglises, elle est indé­fec­tible dans la foi.

Ecoutons à nou­veau la voix des Souverains pon­tifes, spé­cia­le­ment la voix de Pie XII. Celui-​ci est vrai­ment, encore et tou­jours, le doc­teur de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui.

Quelle ques­tion actuelle ce Souverain pon­tife n’a‑t-il pas trai­tée ? Allons-​nous pré­tendre que les ensei­gne­ments de ce Souverain pon­tife ne conviennent plus à notre temps ?

Le tra­vail de la com­mis­sion sera bien faci­li­té si cette com­mis­sion revient aux ensei­gne­ments des sou­ve­rains pon­tifes. Pourquoi faudrait-​il délais­ser un tel tré­sor, d’une telle importance ?

Ne serait-​ce pas un vrai scan­dale pour tous les prêtres, tous les fidèles et les non-​fidèles, si nous fai­sions fi de tous les ensei­gne­ments si lumi­neux des Souverains pon­tifes, publiés depuis un siècle, alors que nous trai­tons des mêmes réa­li­tés, d’une même matière ?

Une telle omis­sion por­te­rait un grave dom­mage au Magistère de l’Eglise.

N’oublions jamais que l’Eglise romaine est notre Mère et notre Maîtresse, sui­vant l’adage : « Rome a par­lé, la cause est terminée ».

Prenons garde si, dans notre sché­ma, nous pas­sons sous silence ces ensei­gne­ments de l’Eglise, cette omis­sion pas­se­rait, aux yeux du monde entier, pour un défaut de dévo­tion et de pié­té envers notre Mère et notre Maîtresse, non sans un grave dom­mage pour l’Eglise universelle.

« Honore ton Père et ta Mère et tu seras béni !»

J’ai dit.1

† Marcel Lefebvre

  1. Intervention non lue dépo­sée au Secrétariat géné­ral du concile []

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.