Sermon de Mgr Lefebvre – Fête-​Dieu – 5 juin 1980

Mes bien chers frères,

Je vous ai déjà dit pré­cé­dem­ment que le Bon Dieu nous avait fait trois dons par­ti­cu­liers, trois dons qui sont chers au cœur des catho­liques, des chré­tiens, de ceux qui ont été bap­ti­sés dans le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Ces dons vous les connais­sez, ce sont : le pape, la très Sainte Vierge Marie et l’Eucharistie.

Je ne par­le­rai pas lon­gue­ment des pre­miers, je m’étendrai davan­tage sur le troi­sième, puisque nous fêtons aujourd’hui la fête du Saint Sacrement et que vous êtes venus aujourd’hui nom­breux, pour hono­rer Notre Seigneur Jésus-​Christ pré­sent dans la Sainte Eucharistie.

Cependant, au sujet du pape, je vous exhorte vive­ment à prier, à prier de tout votre cœur, de toute votre âme, pour deman­der à Dieu de don­ner au pape, le cou­rage et la force de rendre à l’Église ses bonnes tra­di­tions, ses saintes Traditions et en par­ti­cu­lier la tra­di­tion du Saint Sacrifice de la messe. Afin que les fidèles retrouvent le che­min de Jésus, le che­min de l’Eucharistie ; que la Sainte Église revive à nou­veau ; retrouve vrai­ment sa foi d’antan.

Nous prie­rons dans cette inten­tion d’une manière toute par­ti­cu­lière aujourd’hui. Et nous ferons confiance pour cela à la très Sainte Vierge Marie, à la Mère de Jésus, elle qui cer­tai­ne­ment se réjouit de voir que dans des endroits comme ceux-​ci, et aujourd’hui par­tout et dimanche pour ceux qui ne fêtent pas le très Saint Sacrement aujourd’hui, mais dimanche pro­chain, dans tous les groupes de ceux qui main­tiennent les tra­di­tions, se main­tien­dront aus­si ces pro­ces­sions magni­fiques, expres­sion de notre foi, expres­sion de notre sou­mis­sion à Notre Seigneur Jésus-​Christ Roi, pré­sent dans la Sainte Eucharistie, expres­sion de notre recon­nais­sance pour Jésus qui est venu se don­ner à nous dans la Sainte Eucharistie.

Nous deman­de­rons à la Sainte Vierge, pen­dant ces quelques ins­tants pas­sés auprès de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de nous don­ner ses sen­ti­ments, les sen­ti­ments qu’elle avait lorsqu’elle était à Bethléem, à Nazareth, auprès de son divin Fils. Nous lui deman­de­rons de nous faire connaître davan­tage, la gran­deur, la subli­mi­té, la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et puisque c’est aujourd’hui que nous ren­dons hom­mage à Jésus pré­sent dans l’Eucharistie, nous ne pou­vons pas ne pas remer­cier la Sainte Église de nous avoir don­né des textes admi­rables et qui nous viennent par­ti­cu­liè­re­ment de saint Thomas d’Aquin, qui a été char­gé de rédi­ger cet office du très Saint Sacrement. Paroles qui ravivent notre foi, non seule­ment dans le sacre­ment de l’Eucharistie, mais aus­si dans le Saint Sacrifice de la messe, dans le Sacrifice de Notre Seigneur Jésus-​Christ. La Passion de Notre Seigneur Jésus-​Christ est rap­pe­lée à l’occasion des chants, des oraisons :

Deus, qui nobis sub sacra­men­to mira­bi­li pas­sio­nis tuæ memo­riam reli­quis­ti (Collecte) : Qui nous avait lais­sé la mémoire de votre Passion.

O sacrum convi­vium Christus reco­li­tur memo­ria pas­sio­nis ejus : Dans ce ban­quet nous est rap­pe­lé la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Car en effet, la Sainte Eucharistie est le fruit de la Passion de Notre Seigneur Jésus-​Christ. On ne peut pas sépa­rer les deux choses. On ne peut pas sépa­rer le Sacrifice de Notre Seigneur et la Sainte Eucharistie. On ne peut pas sépa­rer le Sacrifice et le sacrement.

C’est le caté­chisme du concile de Trente qui nous l’enseigne et nous le com­pre­nons par­fai­te­ment. Jésus c’est l’Agneau, l’Agneau pas­cal qui est offert. C’est la vic­time qui s’est offerte sur la Croix, sur l’autel de la Croix. Et c’est cette vic­time à laquelle nous par­ti­ci­pons dans la Sainte Eucharistie.

Et c’est pour­quoi Notre Seigneur doit être pré­sent dans la Sainte Eucharistie, pour que nous puis­sions par­ti­ci­per à sa divi­ni­té, à son Sang, à son Corps sacré.

Comme tout cela est beau ! Comme l’Église est bonne de nous rap­pe­ler toutes ces grandes réalités.

Mais évi­dem­ment elle insiste beau­coup sur Notre Seigneur Jésus-​Christ étant notre nour­ri­ture. Notre Seigneur Jésus-​Christ est la Pain, le Pain des anges : Panis ange­lo­rum, fac­tus cibus via­to­rum : La nour­ri­ture des voya­geurs. Nous sommes des voya­geurs ; nous sommes des pèle­rins ici-​bas. Et voi­là que Dieu nous donne la nour­ri­ture des anges : Panis ange­lo­rum

C’est aus­si le Pain des Rois, le Pain des prêtres, que les prêtres offrent sur l’autel, le pain des pauvres, le pain des humbles : Manducat Christum pau­per ser­vus et humi­lis. Le pauvre, l’esclave et l’humble. Nous devons être cela si nous vou­lons nous nour­rir de l’Eucharistie avec fruit ; nous devons être par­mi ces pauvres.

Pauvres parce que nous remet­tons tout dans les mains de Dieu ; parce que nous recon­nais­sons que tout nous vient de Jésus-​Christ ; que tout nous vient par Lui. Alors nous Le remer­cions et notre cœur est pauvre ; notre cœur est comme celui qui demande à Dieu de nous don­ner sa grâce ; notre cœur est humble, parce que nous savons que nous ne sommes rien devant Celui qui est tout ; devant Celui qui a tout créé : Per quem omnia fac­ta sunt.

Jésus pré­sent dans l’Eucharistie. Et notre cœur est un cœur de ser­vi­teur. Nous sommes prêts à faire la volon­té du Bon Dieu, la volon­té de Celui qui nous a créés ; la volon­té de Celui qui nous a don­né ses lois ; de Celui qui nous attend dans le Ciel pour nous don­ner notre récom­pense et pour nous juger aus­si bien sûr.

Alors nous sommes comme des ser­vi­teurs devant Lui. C’est dans ces sen­ti­ments que nous devons être si nous vou­lons vrai­ment pro­fi­ter des fruits de la Sainte Eucharistie.

Comme tout cela est admi­rable et comme nous devons aimer la Sainte Eucharistie ! Cette nuit, pen­dant les heures d’adoration que vous avez pas­sées, mes bien chers amis, auprès de Notre Seigneur, vous avez reti­ré des grâces par­ti­cu­lières j’en suis bien sûr. Rien n’est pro­fi­table aux âmes, comme l’adoration de la Sainte Eucharistie, par­ti­cu­liè­re­ment au cours de la nuit, dans le silence de la nuit. Nos âmes se retrouvent toutes proches de Notre Seigneur, toutes proches de Celui qui est notre tout. Surtout pour vous, mes chers amis, qui allez consa­crer toute votre vie au ser­vice de Notre Seigneur.

Mais je ne vou­drais pas ter­mi­ner ces quelques paroles, sans vous rap­pe­ler à tous, chers amis valai­sans, que voi­là dix ans, dix ans qu’Écône existe. Car je pense que ceux qui sont ici pré­sents à cette céré­mo­nie sont par­ti­cu­liè­re­ment nos chers amis valai­sans. Et alors que de sou­ve­nirs s’éveillent dans notre mémoire. Souvenir de ceux qui nous ont accueilli ici à Écône pour la pre­mière fois.

Souvenir du cher M. le Curé de Riddes qui est en quelque sorte l’ange pro­tec­teur du Valais et qui nous a accueillis avec tant de bon­té. Souvenir de tous ceux qui dès notre arri­vée, nous ont entou­rés avec affec­tion, avec dévoue­ment, avec pié­té. Tout cela est gar­dé dans nos mémoires.

Et il était bien utile, mes bien chers frères, chers amis du Valais, que le Bon Dieu a gra­ti­fiés d’un pays extra­or­di­naire, d’une nature si belle, on pour­rait dire divine, tel­le­ment elle nous rap­pelle toute la puis­sance de Dieu, la gran­deur de Dieu, les splen­deurs de Dieu. Ce pays qui est pros­père, qui est presque un petit para­dis où coulent le miel, le lait, le vin, tous les fruits de la terre, que sais-​je ! Le Bon Dieu vous a vrai­ment gra­ti­fiés d’une nature extra­or­di­naire et de dons extra­or­di­naires. Et Il vous a gra­ti­fiés aus­si de la foi catho­lique et de tous les bien­faits spirituels.

Et Dieu sait si votre pays a été une pépi­nière de voca­tions, pépi­nière de voca­tions de reli­gieux, de reli­gieuses, de prêtres, de missionnaires.

J’ai encore dans les oreilles ces paroles de Mgr Adam me citant le chiffre qu’il me semble être celui de 640, le chiffre des prêtres et mis­sion­naires du Valais. Presque aucune famille du Valais, ne comp­tait dans ses membres un reli­gieux, une reli­gieuse, un prêtre. Et tout cela était comme une gerbe de recon­nais­sance et de gloire qui était ren­due au Bon Dieu par toutes les familles du Valais.

Vous vous sou­ve­nez de ces temps, mes bien chers frères, et aujourd’hui !… Oh certes, le fait que vous soyez là veut dire qu’il y a encore de bonnes familles chré­tiennes, de bonnes familles reli­gieuses, qui ont gar­dé la foi. Mais com­ment se fait-​il que les sémi­naires soient vides ? Comment se fait-​il qu’il n’y ait plus de voca­tions reli­gieuses ? Comment se fait-​il que les écoles catho­liques soient en train de fer­mer ? Que l’on vende déjà les écoles catho­liques ? Comment se fait-​il que dans les écoles catho­liques qui demeurent encore, on laisse se pro­pa­ger des choses abo­mi­nables comme la drogue, comme l’éducation sexuelle, qui pour­rissent les enfants ?

Comment se fait-​il que l’on ait deman­dé la sépa­ra­tion de l’Église et de l’État et que votre État ne soit plus un état catho­lique, mais un état deve­nu ouvert à toutes les reli­gions ? Comment se fait-​il que tout cela soit arrivé ?

C’est que l’inimi­cus homo, l’ennemi, a semé le mau­vais grain au milieu du champ qui était semé par Notre Seigneur et qui était semé de bon grain.

Alors vous êtes, vous, ce bon grain, mes bien chers frères, qui demeure et vous devez per­sé­vé­rer dans votre foi. Et j’espère – et j’en suis sûr – vous recon­nais­sez, je pense, que notre pré­sence dans votre pays – notre pré­sence pro­vi­den­tielle à Écône – vous a per­mis de gar­der cette foi ; vous a per­mis de main­te­nir dans vos foyers, cette foi catho­lique, main­te­nir auprès de vos enfants, cette for­ma­tion chré­tienne, qui vous est si chère.

Et alors, vous pou­vez en être per­sua­dés, nous sommes à votre entière dis­po­si­tion, pour vous aider à gar­der cette foi, à la faire fruc­ti­fier. Et com­bien d’entre vous d’ailleurs ont déjà pro­fi­té, soit des écoles qui sont hélas bien loin­taines et nous vou­drions bien qu’un jour des écoles s’ouvrent pour vos enfants dans votre contrée, dans votre pays, pour pro­té­ger les enfants contre les séduc­tions qui sont dif­fu­sées aujourd’hui…

(Interruption dans l’enregistrement).

(…) qui vous ont été don­nés. Le Valais a tou­jours été une contrée qui a vou­lu pro­fi­ter des exer­cices spi­ri­tuels de saint Ignace. Et vous en avez pro­fi­té aus­si ; Et tout cela a fait du bien à vos âmes.

Eh bien, deman­dons au Bon Dieu que les auto­ri­tés de l’Église com­prennent ces bien­faits qui vous sont don­nés et qu’un jour elles encou­ragent tous ceux qui comme vous et qui comme nous, nous effor­çons de toute notre âme, de tout notre cœur, non pas par inté­rêt per­son­nel, non pas pour un inté­rêt pri­vé, mais pour la gloire de Dieu, pour le salut des âmes, pour le bien­fait de l’Église, pour l’extension du règne de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Ce n’est pas pour autre chose que nous sommes ici ; ce n’est pas pour autre chose que nous fai­sons des prêtres ; ce n’est pas pour autre chose que vous venez prier Notre Seigneur aujourd’hui.

Alors deman­dons à Notre Seigneur, que les auto­ri­tés de l’Église finissent par ouvrir les yeux sur la réa­li­té, sur la véri­té, sur la bon­té de ce que l’Église a tou­jours fait.

L’Église n’a pas pu se trom­per pen­dant vingt siècles et ce que nous fai­sons ce n’est pas autre chose que ce que l’Église a fait pen­dant vingt siècles ; ce que vous avez fait, ce que vos parents ont fait, ce que vos grands-​parents ont fait et ont connu.

Vous vou­lez main­te­nir cela et vous avez par­fai­te­ment rai­son. Alors conti­nuons, tran­quille­ment, dans la paix de nos âmes et dans la recon­nais­sance aus­si à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et tout à l’heure, en sui­vant Notre Seigneur Jésus-​Christ sur les routes de cette pro­prié­té, sur les routes du Valais, nous lui deman­de­rons tout par­ti­cu­liè­re­ment de bénir vos familles. Nous Le remer­cie­rons de vous avoir gar­dé la foi ; d’avoir gar­dé nos âmes dans l’amour de Notre Seigneur JésusChrist. Nous deman­de­rons aus­si qu’il y ait tou­jours davan­tage de voca­tions de prêtre, de reli­gieux, de reli­gieuse valai­sannes, afin que ce pays garde sa foi de tou­jours. Voilà ce que nous demanderons.

Et nous aurons aus­si, une grande recon­nais­sance, recon­nais­sance pour nous envers vous et pour vous peut-​être envers nous aus­si – et sur­tout – envers le Bon Dieu et la très Sainte Vierge Marie.

Voilà ce que nous deman­de­rons tout à l’heure au cours de nos chants et au cours de cette Sainte Messe, en rece­vant la Sainte Communion, le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.