Sermon de Mgr Lefebvre – Pâques – 6 avril 1980

Mes bien cher amis,
Mes bien chers frères,

Hæc dies, quam fecit Dominus, exsul­te­mus, et læte­mur in ea (Ps. 117,24- Graduel de Pâques).

En ce jour qu’a fait le Seigneur, réjouissons-​nous et lais­sons nos âmes aller à la joie.

Les scribes et les pha­ri­siens avaient cru que Notre Seigneur Jésus-​Christ était bien mort et ils se moquaient de Lui lorsqu’Il était sur la Croix ; qu’Il avait les bras éten­dus ; qu’Il n’avait plus figure d’homme, comme dit l’Écriture. Alors ils lui disaient : « Si tu es Dieu, des­cends de la croix, alors nous croi­rons en toi ». Et voi­ci que Notre Seigneur, Lui qui a dit : Ego sum resur­rec­tio et vita : Je suis la Résurrection et la vie. Notre Seigneur est ressuscité.

Mais devant cette réa­li­té, les scribes et les pha­ri­siens donnent de l’argent aux sol­dats, aux gardes, afin qu’ils aillent répandre dans la ville que les apôtres ont enle­vé le corps de Jésus et l’ont caché. Les misé­rables ! Au lieu de croire à la véri­té, au lieu de se sou­mettre à Notre Seigneur Jésus-​Christ, puisqu’ils avaient dit qu’ils croi­raient s’il des­cen­dait de la Croix. Le voi­là res­sus­ci­té, mais ils ne veulent pas croire ; ils s’enferment dans l’aveuglement de leurs esprits et ils décident de le com­battre encore, alors qu’il sera ressuscité.

Mais les anges sont témoins. Marie est témoin ; les apôtres le seront bien­tôt. Jésus est bien ressuscité.

Ce que les scribes et les pha­ri­siens, mes bien chers frères, ont fait alors, aujourd’hui encore, il y a des scribes, il y a des pha­ri­siens et ils recom­mencent la même histoire.

Et depuis deux mille ans, il y a des scribes et des pha­ri­siens qui disent à Notre Seigneur : Descends de la Croix et nous croi­rons en toi. Mais ils Le pour­suivent de leurs injures ; ils Le pour­suivent de leur malice. Et aujourd’hui encore, ils s’imaginent qu’ils ont triom­phé. L’Église est morte ; l’Église catho­lique n’existe plus ; elle est déman­te­lée : ils ont la vic­toire. De Jésus, bien­tôt, il ne sera plus question.

Et l’on sent venir ce dan­ger de l’Est où Notre Seigneur est l’ennemi, l’ennemi que l’on pour­chasse ; dont on veut effa­cer la mémoire.

Étant à Rome, ces der­niers jours, j’ai enten­du, de la bouche d’un pré­lat qui me disait, l’ambassadeur de Yougoslavie auprès du Saint-​Siège, disait à un évêque you­go­slave qu’il visi­tait quelques jours avant de prendre son poste auprès du Saint-​Siège : « Nous espé­rons bien que dans quelque temps, la reli­gion n’existera plus ».

Voilà ce que pensent les ambas­sa­deurs com­mu­nistes auprès du Saint-​Siège. Quel tra­vail peuvent-​ils faire à Rome, ces gens-​là, qui sou­haitent la dis­pa­ri­tion de la reli­gion, la dis­pa­ri­tion de Notre Seigneur Jésus-​Christ tout simplement.

Alors quel est notre devoir à nous qui croyons ? À nous qui, peut-​être, avons hési­té comme les apôtres qui se sont enfuis devant le drame de la Passion ? Qui ont craint que Notre Seigneur ne res­sus­cite pas. Et voi­ci que main­te­nant leur joie déborde : Jésus est ressuscité !

Pour nous, nous devons avoir la foi. Et c’est peut-​être le plus grand drame de notre temps. C’est que dans l’Église, à l’intérieur de l’Église, comme le disait si bien saint Pie X, dans son ency­clique Pascendi, lorsqu’il condam­nait le moder­nisme, c’est-à-dire l’esprit qui anime aujourd’hui l’homme moderne, et mal­heu­reu­se­ment il le disait lui-​même déjà, il y a aus­si des prêtres – et nous pour­rions dire aujourd’hui, tout sim­ple­ment des évêques, des car­di­naux – qui sont pétris de moder­nisme et qui n’ont plus la véri­table foi en Notre Seigneur Jésus-Christ.

Désormais, ils croient aux moyens humains ! Il faut sau­ver l’Église ; il faut déve­lop­per l’Église ; il faut répandre le nom de Notre Seigneur Jésus-​Christ, par des moyens humains, par la diplo­ma­tie, par les com­pro­mis, par un œcu­mé­nisme de mau­vais aloi ; voi­là com­ment on sau­ve­ra la reli­gion, voi­là com­ment on sau­ve­ra l’Église.

Eh bien c’est clair : ceux d’aujourd’hui sont les mêmes enne­mis que dénon­çait déjà saint Pie X. Ils n’ont pas cru vrai­ment en Notre Seigneur Jésus-​Christ ; ils n’ont pas cru vrai­ment en sa résurrection.

Notre Seigneur Jésus-​Christ est tout-​puissant. Il nous a don­né les pro­messes de la vie. Alors nous devons avoir la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ res­sus­ci­té. Et nous savons que c’est Lui qui nous sau­ve­ra ; que c’est par ses moyens, les moyens qu’il nous a don­nés, que nous serons sauvés.

Et d’abord par son Saint Sacrifice de la messe, par sa Croix : Ave Crux, spes uni­ca. Oui, saluons la Croix qui est notre unique espoir. C’est par la Croix que les apôtres ont sau­vé l’Église, qu’ils ont plan­té l’Église. C’est par la Croix que Constantin a vue appa­raître dans les cieux avec cette phrase : In hoc signo vinces : Par ce signe tu vain­cras. Et c’est par le signe de la Croix que Constantin a vain­cu et que l’Église est deve­nue triom­phante. C’est par ce signe de la Croix que les armées catho­liques ont vain­cu les musul­mans à Lépante. Le pape avait deman­dé que l’on mette la Croix sur toutes les voiles des bateaux, par­tout, et que l’on prie avant de com­battre. Et ils ont eu la vic­toire. Ils ont empê­ché l’Europe de deve­nir musulmane.

C’est par la Croix que Jeanne d’Arc a sau­vé la France et si elle n’avait pas sau­vé la France, la France serait aujourd’hui pro­tes­tante, sous la domi­na­tion anglaise.

C’est donc par la Croix que Dieu veut que les âmes se sauvent ; que Dieu veut que l’erreur soit condam­née. C’est par le Croix qu’il a vain­cu le démon, qu’il a vain­cu le monde ; qu’il a vain­cu le péché.

Alors que devons-​nous faire, nous ? Ne sommes-​nous pas des hommes de peu de foi ? Si nous disons : nous sommes si peu nom­breux qui croyons en Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui croyons en sa Résurrection, qui croyons en son Saint Sacrifice de la messe, en ses sacre­ments, en son caté­chisme, en son Écriture Sainte, alors que pouvons-​nous faire, si peu nom­breux, devant cette masse d’incroyants, cette masse d’incrédules, même à l’intérieur de l’Église ?

Eh bien, permettez-​moi de dire ma satis­fac­tion à tous ceux qui ont fait écho à ce petit mot que j’ai eu l’occasion de dire sans même pen­ser à ce moment-​là qu’il pour­rait avoir un cer­tain écho dans les âmes et dans la réa­li­té : ceux qui étaient pré­sents le 23 sep­tembre à Paris, lors de mon jubi­lé sacer­do­tal, ont enten­du que j’ai fait allu­sion à une croi­sade. Eh bien, je remer­cie Dieu qui m’a per­mis de pro­non­cer ce mot et qui grâce à Dieu aujourd’hui, dans les écoles, dans nos écoles, dans les grou­pe­ments tra­di­tio­na­listes, par­tout, dans nos sémi­naires, a un écho véritable.

Dernièrement, je me trou­vais à l’école Saint-​Michel de Châteauroux, et ce sont les enfants eux-​mêmes qui m’ont deman­dé : « Mais dites-​nous ce que vous enten­dez par la croi­sade. Que devons-​nous faire pour être des croi­sés aujourd’hui ? »

Et puis quelque temps plus tard, je me trou­vais à la réunion du M.J.C.F. à Paris, réunion magni­fique de tous ces jeunes qui ont encore une foi pro­fonde et qui sont d’ailleurs une pépi­nière de voca­tions et de parents chré­tiens, ils me deman­daient eux aus­si : « Dites-​nous ce que nous devons faire pour être des croi­sés. Dites-​nous ce que nous devons faire pour cette croisade ».

Et voi­ci que j’apprends que der­niè­re­ment ici, dans le Valais, les anciens retrai­tants de la Fraternité se sont unis en une asso­cia­tion pour éga­le­ment mettre en pra­tique cette croisade.

Je pense que le Bon Dieu le veut. Nous sommes à un temps où nous devons com­battre, pas seule­ment nous lamen­ter, pas seule­ment nous plaindre du mal­heur des temps, du mal­heur de l’Église, de la des­truc­tion de l’Église, mais que nous devons com­battre contre l’ennemi, contre l’ennemi tra­di­tion­nel qui est Satan. Et qui avec tous les scan­dales du monde, cherche à nous faire tom­ber dans le péché et à nous entraî­ner avec lui en enfer. Nous devons donc com­battre. Avec quels moyens ? Mais pré­ci­sé­ment avec les moyens tra­di­tion­nels de tou­jours. L’Église a vain­cu par sa foi. Elle a vain­cu par le signe de la Croix. Et le signe de la Croix, c’est pré­ci­sé­ment notre Sainte Messe, qui est la Croix vivante que Notre Seigneur nous a laissée.

Alors, avec Notre Seigneur, nous vain­crons. Nous ne savons pas com­ment, ni quand, ni de quelle manière, mais si nous nous confions à Notre Seigneur Jésus-​Christ, nous pou­vons être cer­tains d’avoir la victoire.

Si nous avons quelques hési­ta­tions, quelques doutes dans nos cœurs, comme ceux qui se sont trou­vés pen­dant ces trois jours pen­dant les­quels Jésus était dans le Tombeau, il nous semble aus­si aujourd’hui que Jésus-​Christ dort comme Il était endor­mi sur la barque avec les apôtres alors que la tem­pête sévis­sait : Jésus-​Christ dor­mait. Il nous semble aus­si qu’aujourd’hui Jésus-​Christ dort. Où est-​Il ? Que fait-​Il ? Pourquoi ne vient-​Il pas à notre secours ?

Jésus vien­dra. Il est tout-​puissant. Il peut avec peu de per­sonnes. Avec douze apôtres, Il a fait la chré­tien­té. Que ne ferait-​Il pas avec tous ces jeunes qui se donnent à nous aujourd’hui ? Tous ces jeunes sémi­na­ristes, ces jeunes prêtres, ces jeunes reli­gieux, ces jeunes reli­gieuses, ces jeunes qui ont des convic­tions, qui veulent fon­der des foyers vrai­ment chré­tiens. Il y a là un grand espoir ! Nous ne pou­vons pas ne pas croire que le Saint-​Esprit tra­vaille dans les cœurs et dans les âmes.

Alors soyons des croi­sés, aimons la Croix ; sui­vons les bonnes tra­di­tions de tous ceux qui nous ont pré­cé­dés dans le com­bat spi­ri­tuel contre le démon, contre le péché, contre toutes les occa­sions de péché, contre tous les scandales.

Alors je sou­haite vive­ment que ceux qui se sont asso­ciés ici, dans le Valais, pour accom­plir cette croi­sade, aient des objec­tifs pré­cis et qu’ils essayent de rendre à ce pays du Valais, à cet État du Valais, son vrai visage. Le visage de la Tradition, le visage qu’il avait il y a seule­ment trente ans, qua­rante ans, où les voca­tions étaient très nom­breuses, de telle sorte que de nom­breux mis­sion­naires sont sor­tis de ce pays, ont peu­plé les cou­vents, les monas­tères. Alors il faut que ce pays rede­vienne ce qu’il a été. Mais pour cela, eh bien, il faut prier ; il faut nous sacri­fier ; il faut per­sé­vé­rer dans le combat.

Et il faut éga­le­ment avoir le cou­rage de faire en sorte que ceux qui ont des res­pon­sa­bi­li­tés dans l’État, soient catho­liques, soient de vrais catho­liques, car ils peuvent faire beau­coup. Ceux qui ont le pou­voir admi­nis­tra­tif, qui ont le pou­voir poli­tique, ont une énorme influence pour faire pro­gres­ser l’Église ou au contraire pour la détruire. Nous n’avons pas le droit d’être indif­fé­rents à cela.

Alors com­bien je sou­haite qu’un jour, grâce à ce cou­rage qu’auront nos anciens retrai­tants et tous ceux qui se join­dront à eux, pour refaire un Valais catho­lique et vrai­ment chré­tien, com­bien je sou­haite qu’un jour ils puissent rendre au Valais ce qu’il était : un État catho­lique et ce qu’il n’est plus, mal­heu­reu­se­ment par la volon­té des clercs plus que par la volon­té des laïcs.

C’est bien ce que saint Pie X pré­voyait. Saint Pie X voyait le mal dans ces clercs qui sont comme il le disait des révo­lu­tion­naires et des nova­teurs. Ce sont ses propres mots. Or, voi­ci ce que dit saint Pie X : Les vrais amis du peuple, ne sont ni nova­teurs, ni révo­lu­tion­naires, mais tra­di­tio­na­listes. Ce sont ses propres paroles, je n’invente rien.

Alors ayons confiance. Nous devons être de ces tra­di­tio­na­listes, comme le demande saint Pie X. Saint Pie X est le der­nier saint Pape. Il a été lumi­neux. Il a été un pape extra­or­di­naire dans le com­bat qu’il a mené contre les erreurs modernes.

Demandons à saint Pie X aujourd’hui, en ce jour de la Résurrection de Notre Seigneur, demandons-​lui de nous don­ner ses grâces et le cou­rage qu’il a eu mal­gré toutes les oppo­si­tions qui l’entouraient, mal­gré toutes les dif­fi­cul­tés qu’il a ren­con­trées, d’affirmer la Vérité et de comp­ter sur Notre Seigneur Jésus-​Christ. De lut­ter avec les armes de la foi et non pas avec les armes humaines, les armes de la diplo­ma­tie ou d’un faux œcuménisme.

Demandons aus­si, à la très Sainte Vierge Marie, elle qui est forte comme une armée ran­gée en bataille, qu’elle nous aide à être de vrais croi­sés et d’imprimer dans notre cœur en signe d’or cette Croix par laquelle nous avons été sauvés.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.