Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,
N’a‑t-on pas déjà dit tout ce qui était à dire du sacerdoce dans cette chapelle, depuis que des ordinations sont données ici ?
Mais ce serait une erreur de croire que l’on peut parler du sacerdoce, de cette grâce extraordinaire communiquée aux hommes d’une manière qui puisse être limitée. En effet, qu’est-ce donc que le sacerdoce ?
N’est-ce pas la participation du prêtre, n’est-ce pas la participation d’un homme choisi par Dieu, au grand mystère de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Et alors, si vraiment le sacerdoce est l’union d’une créature humaine au mystère de Notre Seigneur Jésus-Christ, comment peut-on limiter les considérations que l’on voudrait faire sur le sacerdoce, alors que l’on épuisera jamais ce qu’il y aurait à dire des mystères de Notre Seigneur Jésus-Christ, mystères divins qui nous dépassent tous ?
C’est pourquoi, plus nous approfondissons le mystère du sacerdoce et plus il nous semble qu’il y aurait à en parler et à en rechercher encore les réalités les plus profondes.
En effet, le prêtre est tellement assimilé à Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il en vit tous les mystères.
Le premier mystère de Notre Seigneur Jésus-Christ est celui de sa mission, mission mystérieuse. Jésus est envoyé par son Père. Il sort en quelque sorte du sein de la Sainte Trinité, envoyé par son Père.
Sicut tu me misisti in mundum, et ego mi si eos in mundum.
« Comme vous, dit Notre Seigneur à son Père dans la magnifique prière sacerdotale, vous m’avez envoyé dans le monde, je les ai envoyés » (Jn 17,18). Il a envoyé ses apôtres, ses disciples. « Comme le Père m’a envoyé, moi je vous envoie ».
Ainsi ce grand mystère d’une Personne divine venant en ce monde, au milieu de ses créatures, c’est aussi le mystère du prêtre. Et c’est bien Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même qui le dit : « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ».
Il y a donc une mission particulière qui réside dans le prêtre. Et cette mission se réalise d’une manière particulière, par une élection.
Non vos elegistis : sed ego elegi vos : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, dit Notre Seigneur, mais c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15,16).
Il nous a choisis. Et pourtant, mes bien chers amis, n’aurions-nous pas quelquefois l’impression nous-mêmes de nous être choisis nous-mêmes, d’avoir décidé nous-mêmes de notre propre vocation et d’avoir dit : Moi je veux être prêtre et je choisis le sacerdoce ?
Quelle illusion ! C’est bien méconnaître la toute puissance de la Providence divine. Ce serait méconnaître la toute puissance de Dieu qui nous mène bien plus que nous ne nous menons nous-mêmes.
Chacun, chaque âme ici-bas, a sa voie, a sa vocation. Et Notre Seigneur nous a conduits jusqu’au séminaire et Il nous a choisis pour cette vocation sacerdotale.
Ainsi nous sommes bien choisis et envoyés dans le monde par Notre Seigneur Jésus-Christ. Et d’ailleurs vous l’entendrez dans quelques instants. Les paroles que l’évêque va prononcer à l’occasion de l’ordination sacerdotale de votre confrère, parlent souvent d’élection. Vous avez été choisis. Et c’est là une consolation pour nous, consolation parce que devant cette vocation qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer, pour une créature humaine, nous avons cette confiance d’avoir été choisis par Dieu et par conséquent d’être soutenus par la main de Dieu, dans notre activité sacerdotale, dans notre sanctification sacerdotale. Et cela c’est un grand soutien pour le prêtre.
Mais le prêtre ne participe pas seulement au mystère de la mission divine de Notre Seigneur Jésus-Christ, il participe aussi – dans une certaine mesure – au grand mystère de l’Incarnation et d’une manière particulière. Parce que ce mystère de l’Incarnation se réalise par deux dons extraordinaires que Dieu a donnés à Notre Seigneur Jésus-Christ et, le premier don, c’est cette union de Dieu Lui-même avec une âme et un corps humains de la Personne du Verbe de Dieu avec cette âme et ce corps de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et cette grâce de l’union hypostatique – vous le savez bien – a donné à Notre Seigneur Jésus-Christ un caractère tout particulier bien sûr. Il a été le Christ, l’Oint du Seigneur. Et cette onction que lui a donné la divinité qui est descendue dans cette âme et dans ce corps lui a donné des privilèges extraordinaires, des privilèges uniques. Il a été par le fait même : le Sauveur, le Prêtre, le Roi.
Ces trois privilèges qui sont essentiels à la Personne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il ne peut pas ne pas être le Sauveur. Il ne peut pas ne pas être le Prêtre. Il ne peut pas ne pas être le Roi.
Eh bien, si Notre Seigneur Jésus-Christ a été Prêtre par sa grâce d’union hypostatique et non point par le deuxième don qui a été fait à l’âme de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est la grâce sanctifiante – et Dieu sait quelle grâce sanctifiante de laquelle nous participons tous par le baptême, nous participons à cette grâce sanctifiante. C’est saint Jean qui le dit dans le premier chapitre de son Évangile. Nous participons à cette grâce extraordinaire de Notre Seigneur. Mais le prêtre, lui, par son caractère sacerdotal, participe à cette grâce d’union, cette grâce unique de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il participe à cette grâce parce qu’il est prêtre et que Notre Seigneur Jésus-Christ a été fait prêtre par cette union de la divinité avec l’humanité.
Aussi le prêtre est associé, comme vous pouvez le voir, d’une manière beaucoup plus intime à Notre Seigneur, que toutes les autres créatures, que toutes les autres créatures baptisées, que tous les autres fidèles. Il est choisi pour participer d’une manière très intime à la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ, à son sacerdoce.
Et enfin, il est bien évident, que le prêtre participe aussi au grand mystère de la Rédemption. Le but de son sacerdoce, la raison d’être de son sacerdoce, c’est précisément de participer au ministère de la Rédemption. Toute sa vie, toute sa vie apostolique, toute sa vie sacerdotale, ne sera pas autre chose. Répandre les grâces de la Rédemption, répandre les grâces de la Croix et l’acte principal par lequel il participe à cette Rédemption et répand les grâces de la Rédemption, vous le savez, c’est le Saint Sacrifice de la messe.
Le prêtre est avant tout fait pour offrir le Sacrifice de la Rédemption, afin que ces grâces qui descendent du Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ transpercé par la lance, qui sont répandues par son Sang, puissent l’être pour un grand nombre.
Qui pro vobis et pro multis effundetur in remissionem peccatorum : « Qui pour vous et pour beaucoup, a été répandu. »
Voilà les paroles essentielles que le prêtre prononce au moment de la Consécration. Ce Sang qui a été répandu pour nous et pour beaucoup. Hélas pourquoi beaucoup ?
Parce que beaucoup ont refusé. Beaucoup refusent le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, refusent les grâces de la Rédemption.
Ce n’est pas parce que Notre Seigneur n’a pas voulu répandre son Sang pour tous, cela est dit dans l’Offertoire :
Offerimus tibi, Domine, calicem salutaris et totius mundi salute (…) : « Nous vous offrons Seigneur ce calice (…)
(…) pro nostra et mundi salute : (…) pour notre salut et celui du monde entier ».
Mais hélas dans la réalité, que d’âmes refusent ce Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ !
Et voilà le rôle du prêtre, le rôle essentiel du prêtre, offrir ce Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ et en répandre les grâces particulièrement par le sacrement de l’Eucharistie et le sacrement de Pénitence.
Nous l’avons vu d’ailleurs, comment un saint Prêtre comme le saint Curé d’Ars, passait sa vie à l’autel, répandant sa parole, répandant la grâce et au confessionnal, répandant les grâces de la Rédemption dans les âmes. Voilà ce qu’est le prêtre.
Quelle belle vocation ! Quelle vocation sublime ! Mais alors, si vraiment le prêtre participe ainsi d’une manière si intime, si profonde au mystère de Notre Seigneur Jésus-Christ, on comprend très bien pourquoi il est dit de lui qu’il est un autre Christ. Et cela est bien vrai.
Alors il doit être un autre Christ, il doit avoir aussi dans son âme des dispositions toutes particulières pour recevoir ces grâces. Et pour connaître quelles doivent être les grâces et les dispositions qui doivent être dans nos cœurs de prêtre pour être bien disposés à profiter de la grâce du sacerdoce, adressons-nous à la très Sainte Vierge Marie. Car la Vierge Marie, elle aussi, a été d’une manière encore plus sublime que le prêtre, associée intimement à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Si la Vierge Marie n’a pas eu la grâce particulière du sacerdoce elle a tellement participé à la mission de Dieu, que sans elle. Dieu ne serait pas descendu sur la terre. Il a fallu qu’elle prononce son fiât pour que la mission de Dieu s’accomplisse ici-bas. Elle a participé d’une manière essentielle au salut du monde. Si Notre Seigneur est avant tout la Sauveur, eh bien s’il y a eu une personne qui a participé au salut du monde, c’est bien la Sainte Vierge Marie.
Et enfin, s’il y a une personne qui est Co-rédemptrice et qui participe à la Rédemption, c’est aussi la Vierge Marie.
Alors si nous voulons savoir quelles doivent être nos dispositions, allons à Marie, demandons à la très Sainte Vierge Marie quelles doivent être nos dispositions.
La première des dispositions de la Vierge Marie, c’est qu’elle est demeurée vierge. Si ce n’est pas, peut-être, pour le prêtre une disposition absolument essentielle, puisque des exceptions ont été faites au cours des siècles, cependant c’est justice, c’est une conséquence normale et demandée par le sacerdoce, l’Église a toujours pensé que le célibat était nécessaire au prêtre. Parce que précisément, il approche d’une manière tellement intime Notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il ne doit pas avoir de soucis, d’intérêts autres que ceux de Notre Seigneur Jésus-Christ. Toute sa pensée, tout son cœur, toute son activité doivent être orientés vers Notre Seigneur Jésus-Christ.
Comme la Vierge Marie, comme saint Joseph, comme saint Jean, ceux qui ont approché Notre Seigneur Jésus-Christ, qui ont été le plus dans son intimité, ont tous été vierges.
Deuxième qualité particulière que la très Sainte Vierge Marie nous enseigne, c’est l’humilité : respexit humilitatem meam, dit la très Sainte Vierge dans son Magnificat, et exaltavit humile : « Et il a exalté les humbles ». Elle insiste deux fois sur cette qualité de l’humilité qui est particulièrement demandée, qui lui a été demandée. Et elle dit que c’est à cause de cette humilité qu’elle a été choisie.
Parce que l’humilité c’est la disposition la meilleure pour voir Dieu, pour avoir la Sagesse de Dieu, pour être avec Dieu. L’orgueil aveugle, l’orgueil ferme le cœur, ferme l’intelligence, ferme les esprits, les limite à la créature. L’humilité au contraire est une grande ouverture à la Toute Puissance de Dieu, à la grandeur de Dieu, à tous les attributs de Dieu. L’âme humble est remplie de Dieu. C’est pourquoi la très Sainte Vierge Marie, nous enseigne d’abord l’humilité.
Et exaltavit humiles.
Et ensuite, troisième considération de la très Sainte Vierge Esurientes implevit bonis, dit la Sainte Vierge dans son Magnificat. Que veut donc dire Esurientes ? Des âmes de désir, des âmes qui aspirent à Dieu. Esurientes, qui ont soif de Dieu, qui désirent Dieu, qui vivent de Dieu. Alors, ceux-là, le Bon Dieu les a remplis de bien, Esurientes implevit bonis. Et divites dimisit inanes. Et ceux qui ont les mains remplies de toutes les choses de ce monde, ceux qui sont attachés à toutes les choses de ce monde, eux aussi ont le cœur fermé, ont le cœur endurci par tous les biens de ce monde. Alors, la grâce de Dieu ne peut pas descendre sur eux. Et dimisit inanes. Le Bon Dieu les a renvoyés sans rien, dans le dénuement total, dénuement de Dieu ; eux demeureront sans Dieu.
Et n’est-ce pas ce que nous voyons trop souvent dans ce monde ? Des âmes tellement attachées aux biens de ce monde, qu’elles oublient Dieu, qu’elles ne pensent plus à Dieu.
Et alors, à plus forte raison le prêtre. Le prêtre doit imiter la très Sainte Vierge Marie : avoir une âme pure, tout attachée à Dieu, avoir une âme humble, toute remplie de Dieu, avoir une âme détachée des biens de ce monde, afin que son âme soit remplie de Dieu.
Voilà ce que doit être le prêtre, afin que plus tard aussi, il puisse donner Dieu aux autres. Si le prêtre est un homme sans Dieu, où trouverons-nous Dieu sur la terre ? Que feront les fidèles, que fera l’Église si les prêtres sont sans Dieu ? Le prêtre est l’homme de Dieu. Le prêtre doit être l’homme de Dieu. C’est lui qui doit apporter Dieu sur la terre et qui Le donne tout particulièrement dans la sainte Eucharistie, préparant les âmes à recevoir la sainte Eucharistie. Voilà ce qu’est le prêtre.
Alors demandons, mes bien chers frères, mes bien chers amis, demandons aujourd’hui, que notre cher ami, M. l’abbé Simoulin, soit rempli de ces grâces, soit rempli de ces dispositions, afin que la grâce sacerdotale qui va lui être donnée dans quelques instants, remplisse son âme des dons que le Bon Dieu veut donner par cette grâce sacerdotale et afin que, uni à la très Sainte Vierge Marie – dont nous chantons les louanges aujourd’hui d’une manière toute particulière dans cette Sainte Messe – uni à la très Sainte Vierge Marie, il puisse répandre Jésus dans les âmes.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.