Sermon de l’abbé Stefan Frey à Zaitskofen le 27 juin 2010 en français

[Le ser­mon a été trans­crit en res­pec­tant le lan­gage par­lé et les into­na­tions. Traduction de l’allemand par Unec]

Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Ainsi soit il.

Quel doit être l’état d’esprit quand on a trou­vé, après des dizaines d’années de recherche, le but dési­ré, quand enfin un ancien et ardent sou­hait de l’âme s’accomplit ? Qui peut décrire un tel bon­heur ? Hier ce bon­heur, cher Monsieur l’abbé, vous a été accor­dé en deve­nant prêtre, et nous nous en réjouis­sons de tout cœur avec vous. Nous par­ti­ci­pons inten­sé­ment, lors de la Première Messe d’aujourd’hui, à votre action de grâce qui res­te­ra vive en votre cœur pen­dant toute votre vie de prêtre.

Dans votre demande d’ordination vous écri­viez il y a quelques jours : „Mon désir du sacer­doce date déjà de 50 ans

En fait, déjà comme petit gar­çon de cinq ans vous avez enten­du l’appel de Dieu qui vou­drait de vous que vous deve­niez prêtre, avant que vous ne sachiez vrai­ment ce que le mot prêtre signi­fie. A cette époque, il y a 58 ans, quand la voca­tion sacer­do­tale nais­sait dans votre cœur, vous ne pou­viez soup­çon­ner quelle serait la lon­gueur du che­min vers le sacer­doce et par com­bien de détours Dieu vous y conduirait.

Vous avez gran­di dans l’Eglise natio­nale luthé­rienne et vous croyiez, comme tant d’autres Suédois, que vous étiez dans la vraie Eglise du Christ, que l’Eglise natio­nale était pour ain­si dire l’Eglise catho­lique en Suède, elle serait la conti­nua­tion de l’Eglise de Sainte Brigitte et des mis­sion­naires sué­dois vers la foi au XIe siècle.

Il était éga­le­ment dif­fi­cile pour vous de recon­naître la véri­table Eglise, puisque l’Eglise catho­lique, éga­le­ment en Suède comme par­tout dans le monde, vivait les ravages du moder­nisme enva­his­sant et sa litur­gie deve­nait bien­tôt pire que celle du Luthéranisme qui avait conser­vé tout de même un cer­tain faste et une solen­ni­té tra­di­tion­nelle extérieurs.

Ainsi le che­min vers le vrai sacer­doce était encore fer­mé pour vous. Vous êtes deve­nu pas­teur pro­tes­tant. Mais la pro­vi­dence divine veillait sur vous. Vous avez eu contact avec la théo­lo­gie et la mys­tique du Moyen-​Age qui vous ont pro­fon­dé­ment impres­sion­né. Et bien­tôt mûris­sait en vous la convic­tion de la véri­té de la foi catho­lique. A par­tir de ce moment, vos ser­mons sont deve­nus tou­jours plus catho­liques, au grand éton­ne­ment de vos audi­teurs. Et vous avez même fon­dé une com­mu­nau­té d’Augustiniens avec les vœux de pau­vre­té, de la chas­te­té et de l’obéissance.

La conver­sion à l’Eglise Catholique aurait été, à ce moment-​là, la chose la plus appro­priée. Mais elle échouait par suite à des consi­dé­ra­tions œcu­mé­niques. L’évêque catho­lique de Stockholm ne vou­lait pas vous accueillir dans le sein de l’Eglise. Ainsi d’autres 10 années pas­saient, jusqu’à ce que, par un hasard heu­reux, ou disons plu­tôt par la Providence divine, vous avez connu la FSSPX. En août 2005 vous avez reçu un groupe de pèle­rins fran­çais de la Tradition dans votre paroisse. A par­tir du pre­mier banc de votre belle église parois­siale à Oskarshamn vous avez assis­té à la Sainte Messe célé­brée par Monsieur l’abbé Peignot, et ain­si vous avez pu regar­der pour la pre­mière fois une messe tri­den­tine. Et votre juge­ment, après la messe dans la sacris­tie, venait tout natu­rel­le­ment de vos lèvres : « C’est exac­te­ment ce que j’ai cher­ché ! »

Peu après vous êtes entré en contact avec Monsieur l’abbé Schmidberger. Et main­te­nant les choses avan­çaient très vite. Ici dans la Fraternité vous avez décou­vert ce que vous dési­riez depuis des dizaines d’années au plus pro­fond de votre cœur : la foi catho­lique non rac­cour­cie, la fidé­li­té à la tra­di­tion per­pé­tuelle de l’Eglise et ain­si aus­si l’Eglise de St Ansgar et des mis­sion­naires suédois.

A par­tir de là la déci­sion en faveur de la conver­sion ne pou­vait plus attendre. Après une pré­pa­ra­tion conve­nable vous avez rejoint l’Eglise Catholique en été 2006. C’était « le grand retour à la mai­son », comme vous vous êtes expri­mé à l’époque. A par­tir de ce moment le che­min vers le sacer­doce vous était ouvert, un che­min que vous avez pour­sui­vi cou­ra­geu­se­ment pen­dant les quatre années pas­sées ici au sémi­naire et qui vous a conduit, enfin, vers le but si lon­gue­ment dési­ré. Vous êtes main­te­nant prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech.

En jetant un regard vers l’arrière nous pou­vons peut-​être vous poser la ques­tion : est-​ce que ce che­min si long et épi­neux valait la peine ? Je suis convain­cu que vous n’hésitez pas un ins­tant pour répondre : oui, mille fois !

Car le sacer­doce est un don de Dieu émi­nem­ment sublime, et la mis­sion trans­fé­rée au prêtre est tel­le­ment insigne et néces­saire au salut du monde entier qu’aucun effort pour cela puisse être jugé trop élevé.

Dans la joie fes­tive de la Première Messe actuelle nous vou­drions main­te­nant par­ler de ce qui fait votre nou­veau bon­heur : la digni­té du sacer­doce, et ensuite la mis­sion à laquelle vous avez été appe­lé. Nous ne pou­vons répondre à ces ques­tions sans un cer­tain vertige.

Qui est le prêtre catholique ?

Le prêtre est le média­teur entre Dieu et les hommes. Choisi par Dieu et pris d’entre les hommes, il se situe entre Dieu et les hommes et reçoit une double mis­sion. Envoyé par Dieu il com­mu­nique aux hommes le mes­sage divin ain­si que les bien­faits de Dieu ; comme repré­sen­tant des hommes il porte leurs demandes et offrandes au trône céleste.

A quelle hau­teur se lève-​t-​il au-​dessus des hommes ? Est-​ce qu’il atteint la hau­teur des anges ? Mais si ! Cependant pas seule­ment cela. Il dépasse même de loin les anges, jusqu’à ce qu’il atteigne la digni­té du Dieu-​Homme. Comment est-​ce possible ?

Le mys­tère du sacer­doce se situe pré­ci­sé­ment là. Le sacer­doce est en son essence rien de moins que la par­ti­ci­pa­tion à l’existence humaine et divine de Notre Seigneur Jésus Christ, – ou comme disent les théo­lo­giens – à la grâce de l’union hypo­sta­tique , c’est-à-dire l’union de la nature divine et humaine de Notre Seigneur. Car c’est en cela qu’est fon­dé le sacer­doce du Christ. Le Christ est le grand-​prêtre éter­nel, puisqu’il est Dieu-Homme.

Alors, puisque Le Christ est aus­si bien Dieu que homme, il est le média­teur par­fait, il est même par essence média­teur. En tant que Dieu il pou­vait repré­sen­ter la Sainte Trinité, en tant que homme il pou­vait repré­sen­ter toute l’humanité. Personne d’autre ne pou­vait en être capable.

A cette digni­té sacer­do­tale du Christ en tant que Médiateur, cher nou­veau prêtre, vous avez main­te­nant part. Cette digni­té est tel­le­ment éle­vée que le prêtre lui-​même ne pour­ra jamais la com­prendre. S’il pou­vait la com­prendre, disait le saint curé d’Ars, il mour­rait d’amour. Son cœur écla­te­rait s’il voyait tout ce que Dieu lui a don­né sans l’avoir mérité.

Demandons nous encore plus loin : c’est bien d’être média­teur entre Dieu et les hommes. Mais est-​ce que les hommes ont au moins besoin d’un média­teur entre eux et Dieu ? Mais si ! Et ils en ont besoin énor­mé­ment ! Car les hommes avaient rom­pu avec Dieu. Ils avaient refu­sé Celui qui pour­tant fut leur ori­gine et leur fin. Ainsi sont appa­rus, pour ain­si dire, deux par­tis enne­mis : Dieu qui fut infi­ni­ment offen­sé, et l’humanité sur laquelle une faute illi­mi­tée pesait. Ce poids du péché est comme un abîme pro­fond et infran­chis­sable qui nous sépare de Dieu. Nous sommes deve­nus les enfants de la colère. Nous n’avions aucune pos­si­bi­li­té de dépas­ser cet abîme. Il était trop pro­fond et trop large.

Mais Dieu ne vou­lait pas que cet abîme conti­nue éter­nel­le­ment. Il ne vou­lait pas que ceux qu’il avait créés pour sa gloire éter­nelle, soient défi­ni­ti­ve­ment sépa­rés de Lui. C’est pour­quoi la Fils de Dieu s’est offert comme Médiateur. Envoyé par son Père céleste et moti­vé par son Amour infi­ni, Il est deve­nu homme, grand-​prêtre avec la mis­sion de cette média­tion, la média­tion entre les hommes et Dieu.

Nous savons com­ment Il a accom­pli cette œuvre de récon­ci­lia­tion, com­ment il a vain­cu cet abîme : par son saint sacri­fice de Rédemption à la Croix. Sa Croix est en quelque sorte le pont par lequel nous retour­nons au-​dessus de cet abîme vers notre Père céleste.

Le Christ est le pon­ti­fex, le construc­teur de ponts. Cette construc­tion de pont était l’acte le plus héroïque de toute l’histoire humaine. Sans ce pont de la très sainte Croix nous aurions été per­dus pour toujours.

C’est pour­quoi les hommes doivent venir vers Jésus. En dehors de Lui il n’y a pas de salut ! Sans Lui ils n’ont aucune chance d’être sau­vés. Personne d’autre que Lui ne pou­vait être ce Médiateur.

Quelle folie ce serait si l’on disait : nous n’avons pas besoin du Christ et de son pont. Nous arri­vons à dépas­ser l’abîme sans eux. Mais c’est exac­te­ment ain­si qu’on parle aujourd’hui ! La nou­velle reli­gio­si­té éso­té­rique du New Age annonce une auto-​rédemption sans le Christ ! « Nous avons une nou­velle méthode pour trou­ver Dieu. Nous avons des tech­niques tout à fait nou­velles pour le grand saut, par lequel nous pou­vons dépas­ser l’abîme, par exemple la médi­ta­tion trans­cen­dan­tale. » (trans­cen­dere = traverser)

Quelle Illusion ! C’est un saut intel­lec­tuel qui finit dans l’abîme ! Mais Dieu ne veut pas que nous finis­sions dans l’abîme… C’est pour­quoi le Christ a ins­ti­tué le sacer­doce de l’Alliance Nouvelle et l’a confié à son Eglise.

Vous avez, cher Monsieur l’abbé, l’honneur de conti­nuer la tâche de média­tion et la mis­sion du Christ, c’est-à-dire l’œuvre de Rédemption. « Comme le Père M’a envoyé, Moi aus­si je vous envoie », dit Notre Seigneur à ses apôtres. Il le dit main­te­nant de la même façon à vous.

Comme pré­di­ca­teur vous mon­trez aux hommes le che­min vers le Christ et vers le pont de la Croix qui sauve. Comme sacri­fi­ca­teur de la Sainte Messe vous ins­tal­lez le pont là où vous agis­sez, en tant que bon pas­teur vous menez les hommes au-​dessus de l’abîme jusqu’à la Vie éternelle.

Un triple devoir ! Ainsi vous par­ti­ci­pez à la triple tâche de la média­tion du Christ. Le Christ est

  • Docteur : maître de l’humanité.
  • Sanctificateur : un sanc­ti­fi­ca­teur de l’humanité par l’offrande du sacri­fice de Rédemption à la Croix,
  • Pasteur : Un bon pas­teur de l’humanité, puisque par Sa sainte loi Il nous conduit vers une vie sainte et Il nous pré­cède par son exemple.

Cela sera désor­mais votre tâche si sublime comme prêtre. Comme envoyé de Dieu et ser­vi­teur du Christ vous appor­tez aux hommes un triple trésor :

  • le tré­sor de la doc­trine, de la révé­la­tion divine, des véri­tés de la foi,
  • le tré­sor des grâces de la Rédemption pour sanc­ti­fier les hommes (sacre­ments et sacra­men­tels, par ex. le Saint Sacrifice)
  • le tré­sor des saints commandements.

Méditons cette triple mis­sion une par une :

1. La tâche de la pré­di­ca­tion du prêtre ::

Ils sont des annon­ceurs de la véri­té divine que Notre Seigneur nous a appor­tée du Ciel, héraut du mes­sage du Christ, média­teur de la foi.

C’est le pre­mier devoir du prêtre. Car avant que les hommes puissent suivre le che­min du salut, ils doivent d’abord le connaître. C’est pour­quoi Jésus Christ a d’abord prê­ché, et puis seule­ment Il a offert son sacri­fice de la Rédemption.

L’annonciation de la véri­té est une des fonc­tions les plus belles et impor­tantes qui puissent exis­ter. Car de quoi l’homme doté d’esprit aurait-​il davan­tage faim, au plus pro­fond de son âme, que de la véri­té ! Il veut et doit savoir d’où il vient, qui il est et où il va. Sans ce savoir il est tota­le­ment pri­vé d’orientation et marche aveu­gle­ment à tra­vers le monde, la vie doit fina­le­ment lui paraitre irrai­son­nable. Mais c’est exac­te­ment l’état actuel de l’humanité ! Les hommes ont le plus besoin de ce ser­vice de l’annonce de la vérité.

Mais cette mis­sion n’est pas facile, elle est même par­fois dan­ge­reuse. On n’aime pas tou­jours la véri­té, sou­vent elle est haïe et refu­sée avec mépris. Car elle est exi­geante. Elle exige de l’homme qu’il s’y sou­mette et qu’il façonne sa vie sui­vant elle. Pas tous les hommes acceptent cela. Beaucoup aiment leurs illu­sions, leur égoïsme, leur cupi­di­té de pro­fit ou de pou­voir. C’est pour­quoi ils haïssent la véri­té. En plus il faut comp­ter avec le diable qui n’apprécie pas du tout que le mes­sage divin soit diffusé.

C’est la rai­son pour­quoi, dans l’histoire, les prêtres sont sou­vent per­sé­cu­tés, même jusqu’à la mort.

Face à toutes ces dif­fi­cul­tés le prêtre doit annon­cer avec cou­rage et réso­lu­tion la foi, en se fiant à l’aide divine. Il doit être prêt à sup­por­ter comme son Maître des méfaits pour son témoi­gnage, et même de don­ner sa vie, comme l’ont fait tant de mis­sion­naires au cours de l’histoire de l’Eglise. Il ne doit jamais se lais­ser impres­sion­ner ou décou­ra­ger par des résis­tances ni par le manque de succès.

Du point de vue pure­ment humain, vous n’aurez, cher Monsieur l’abbé, pas de grandes chances en Suède pour conver­tir le peuple. Mais du point de vue humain, au début de l’Eglise les douze apôtres furent des pêcheurs insi­gni­fiants, éga­le­ment sans aucune chance. Leur époque n’était pas dif­fé­rente de la nôtre. Mais en dépit de toutes les résis­tances ils ont por­té dans le monde la lumière de l’Evangile qui, petit à petit, a trans­for­mé les peuples et pro­duit la civi­li­sa­tion chrétienne.

Le prêtre doit croire en sa mis­sion, à la force sur­na­tu­relle qui est conte­nue dans la Parole de Dieu. « Car la Parole de Dieu est vivante – dit le Saint Apôtre -, elle est effi­cace et plus per­for­mante qu’une épée dou­ble­ment aigui­sée » (Heb. 4,12).
C’est une faute fatale si le pré­di­ca­teur se laisse déci­der par des pro­nos­tiques de suc­cès pure­ment humaines, s’il ne dit que ce qui plaît aux gens, et s’il met de côté ce qui ne leur convient pas. Celui qui annonce un autre Evangile que l’Evangile du Christ, est mau­dit, selon le témoi­gnage de l’apôtre Saint Paul (Gal 1,6–9).

Mais c’est exac­te­ment ce qui se passe trop sou­vent aujourd’hui ! On réduit l’Evangile à un mes­sage social, poli­tique, voire à une com­mi­sé­ra­tion humaine super­fi­cielle et sans force.

C’est une capi­tu­la­tion devant l’esprit du temps, une tra­hi­son de la mis­sion de l’Eglise, et c’est une des rai­sons prin­ci­pales pour le désastre actuel dans l’Eglise.

Une pré­di­ca­tion ain­si diluée devient infruc­tueuse et sté­rile et n’intéresse fina­le­ment per­sonne. La pré­di­ca­tion doit bien cho­quer un peu, et réveiller. C’est pré­ci­sé­ment l’incroyable dans le mes­sage divin qui sus­cite l’attention des gens… que la vie est plus que la culture imma­nente et la socié­té de plai­sir d’aujourd’hui peuvent offrir, qu’ils sont appe­lés à des choses plus éle­vées, à la sain­te­té, à par­ti­ci­per à la vie de Dieu, qu’ils ont des obli­ga­tions envers Dieu et la socié­té qu’ils ne peuvent négli­ger impunément.

Le suc­cès de la mis­sion du prêtre est lié à l’annonce de tout le mes­sage de la foi, sans réduc­tions, si c’est oppor­tun ou non (2 Tim 4,2). En tant qu’envoyé de Dieu il doit bien annon­cer tout ce que Dieu lui a mandaté.

C’est pour­quoi, cher nou­veau prêtre, soyez un pré­di­ca­teur assi­du de la Bonne Nouvelle du Christ. Utilisez chaque occa­sion pour appor­ter aux hommes la lumière de la véri­té. En fai­sant cela, vous les faites reve­nir de leurs éga­re­ments et vous les ame­nez aux sources de la grâce. Vous leur mon­trez l’inanité des biens ter­restres et réveillez en eux le désir des biens éternels.

2. La tâche de la sanctification

En dehors de la pré­di­ca­tion, le prêtre a la tâche de sanc­ti­fier les hommes et de leur com­mu­ni­quer la vie éter­nelle. Il fait cela par l’administration des saints sacre­ments. Les sept sacre­ments sont bien les canaux des grâces du salut qui coulent d’une source com­mune, à savoir le sacri­fice de Rédemption du Christ qui per­dure dans la Sainte Messe.

On ne peut s’imaginer une chose plus grande et plus noble que l’administration des sacre­ments. Ici le prêtre se trouve en proxi­mi­té par­ti­cu­lière du Christ. Il est tota­le­ment ins­tru­ment entre ses mains. Jésus se sert de lui pour ren­con­trer les gens, les puri­fier de leurs péchés, les sanc­ti­fier et ren­for­cer, même les intro­duire dans la vie intime de Dieu.

Mais est-​ce que vous savez quand le prêtre atteint la cime de son action ? C’est quand il célèbre le Saint Sacrifice. Quand le Christ rend pré­sent par lui le sacri­fice de la Rédemption, il ne peut y avoir dans ce monde objec­ti­ve­ment une action plus insigne.

On peut même dire : quand le prêtre célèbre la Sainte Messe, toute la créa­tion atteint son apo­théose et son but final !

Mais com­ment ? C’est tout simple : tout ce qui a été créé, l’univers, toutes les mer­veilles de la nature, les hommes, et même les anges, ont été créés pour Notre Seigneur Jésus Christ, ou plus pré­ci­sé­ment, ils ont été créés afin que le Fils de Dieu vienne un jour dans le monde pour chan­ter au nom de toutes les créa­tures la gloire de Dieu.

C’est ce que fait Jésus, et c’est ce que fait en union avec Lui l’Eglise dans chaque Sainte Messe : chan­ter la gloire du Dieu tri­ni­taire, au nom de toutes les créa­tures. Je dirais que c’est pré­ci­sé­ment ce que nous vivons pen­dant la Première Messe actuelle de façon tout à fait per­cep­tible. Nous enten­dons tous le chant mer­veilleux des oiseaux, comme il se mêle avec les mélo­dies gré­go­riennes et les sons de l’orgue et com­ment ce concert admi­rable rejoint la prière de Notre Seigneur.

C’est vrai­ment mer­veilleux ! Ce que nous voyons et enten­dons aujourd’hui, c’est en quoi consiste pré­ci­sé­ment la mis­sion du Christ : Il est venu dans ce monde pour chan­ter la louange de Dieu en une per­fec­tion infi­nie. Bien sûr, Il est aus­si venu pour nous rache­ter ; mais en pre­mier lieu pour offrir à Dieu la louange de la créa­tion. Ceci fait par­tie éga­le­ment de sa tâche de média­tion : de glo­ri­fier Dieu au nom des créa­tures de façon parfaite.

Ceci, cher nou­veau prêtre, sera désor­mais votre tâche quo­ti­dienne la plus belle et noble quand vous mon­tez vers l’autel. Et vous conti­nue­rez la louange de Dieu dans tous les ser­vices litur­giques, dans la réci­ta­tion du bré­viaire ain­si que dans vos prières et sacri­fices personnels.

Quel bon­heur de pou­voir être le chan­teur de Dieu, par le Christ et avec Lui, en union avec les saints anges ! C’est déjà le Ciel sur terre !

Ceci vaut éga­le­ment pour vous, chers fidèles. Quand vous aimez la Sainte Messe et quand vous vous effor­cez de bâtir votre vie sur la Messe, votre vie aus­si devien­dra de plus en plus une louange de la grâce de Dieu (comme l’a dit avec excel­lence saint Paul dans la Lettre aux Ephésiens).

3. La tâche d’être pasteur

Comme le Christ, le prêtre doit être le Bon Pasteur ! Il exhorte les fidèles à une vie sainte, il les appelle à la conver­sion et à la péni­tence, rap­pelle les com­man­de­ments de Dieu qu’ils doivent obser­ver, les assiste par son action et ses conseils, il console, encou­rage et incite à faire le bien. Il doit les pré­cé­der sur­tout par son propre exemple. Mais en tant que pas­teur il les pré­vient aus­si des loups, du diable et ses com­plices, des dan­gers, des idéo­lo­gies fausses et des­truc­tives, d’une vie de péché, et sur­tout du plus grand dan­ger, à savoir la dam­na­tion éter­nelle. Et encore c’est Notre Seigneur Lui-​même qui agit par le prêtre et conduit les Siens sur leur che­min vers le Ciel.

Révérend et cher nou­veau prêtre, en tant que prêtre et envoyé de Dieu vous allez désor­mais accom­plir ce triple et très saint ser­vice. Les tré­sors les plus éle­vés et saints sont confiés à votre ges­tion. Vous allez com­men­cer la tâche la plus mer­veilleuse qu’on peut ima­gi­ner. Vous le ferez avec toute la joie et l’enthousiasme de votre âme sacer­do­tale qui ne connaît pas d’âge et qui reste tou­jours jeune.

Mais il se peut aus­si qu’une légère inquié­tude enva­hisse votre esprit en pen­sant à la haute res­pon­sa­bi­li­té qui pèse sur vos épaules. En plus nous savons que nous por­tons les tré­sors qui nous ont été confiés en vases fra­giles. Est-​ce que le dan­ger de ne pas être à la hau­teur, de ne pas satis­faire à la res­pon­sa­bi­li­té n’existerait pas ?

Oh oui, ce dan­ger existe en fait, mais seule­ment dans le cas où vous vous base­riez sur vos propres forces. Par contre il n’existe pas si vous vous basez entiè­re­ment sur votre Seigneur et Maître et si vous vous confiez à Lui ; si vous vous effor­cez de croître dans son Amour et d’imiter sa Vie. Car vous devez être une image vivante du Christ, et les hommes doivent recon­naître en vous le Grand-​prêtre éter­nel ain­si que la bon­té de Son Sacré Cœur.

Alors Notre Seigneur béni­ra et fruc­ti­fie­ra riche­ment votre tra­vail, Il vous assis­te­ra pour accom­plir très fidè­le­ment vos tâches sacerdotales.

Je vou­drais vous don­ner encore un ultime conseil : confiez votre per­sonne et votre sacer­doce entiè­re­ment à la Sainte Mère de Dieu. Elle est la vir­go fide­lis, la Vierge fidèle.

La Vierge fidèle vous aide­ra aus­si à conser­ver la fidé­li­té, elle vous accom­pa­gne­ra en toutes vos tâches lors de chaque démarche, elle ne vous délais­se­ra jamais, puisqu’elle est la Mère des prêtres, comme elle est la Mère du Grand-​prêtre éter­nel. Elle est la Mère du Secours per­pé­tuel dont nous célé­brons aujourd’hui la mémoire.

Je vous prie, chers fidèles, de bien vou­loir prier inten­sé­ment pour nos nou­veaux prêtres. Combien nous autres prêtres sommes recon­nais­sants pour cette prière dont nous avons tant besoin ! Nous vivons dans une époque où la fidé­li­té ne vaut pas cher. On sait à quel point les dif­fi­cul­tés ou échecs peuvent conduire à la ten­ta­tion de céder soi-​même à l’infidélité.

Puissions nous aller tous, sous le man­teau pro­tec­teur de la Sainte Vierge, le che­min qui nous est mon­tré, afin qu’un jour Notre Seigneur puisse nous com­bler de sa douce pro­messe : « Viens, mon ser­vi­teur bon et fidèle ! Puisque tu as été fidèle en peu de choses, je te pla­ce­rai au-​dessus de beau­coup de choses. Entre dans la joie de ton Maître ». Ainsi soit-il.

Au nom du Père, et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Abbé Stefan Frey, Recteur du sémi­naire de Zaitskofen