13 juillet 2018

Sermon de M. l’abbé Nansenet pour le jubilé du Père Jean, O.F.M.

Cher Père Jean,

Nous voi­ci trente ans après les sacres, trente ans après l’opé­ra­tion sur­vie de la Tradition, et vingt-​cinq ans après votre ordi­na­tion sacer­do­tale à Ecône, le 29 juin 1993. Avec l’as­sen­ti­ment, la com­pli­ci­té de Mère Diane-​Marie [1], nous avons vou­lu vous réser­ver la sur­prise et la joie d’une Messe solen­nelle en ce début de mati­née. Cette joie rejailli­ra sur votre chère Maman ici pré­sente, et redou­ble­ra celle de votre Père au Ciel. En entrant dans la cha­pelle, peut-​être avez-​vous craint d’a­voir à impro­vi­ser un ser­mon en aper­ce­vant le pupitre dans le sanc­tuaire. Vous êtes main­te­nant rassuré !

Souvenez-​vous : nos confrères, les abbés Onoda et Gueguen, les plus petits de taille, ouvraient la pro­ces­sion des dix-​sept ordi­nands par­mi les­quels vous étiez le seul reli­gieux. Souvenez-​nous : au retour de la céré­mo­nie, nous entou­rions la sta­tue de saint Pie X et vous posiez à l’ex­trême gauche, ou plu­tôt à l’ex­trême droite de Mgr de Galarreta ! Les trois autres évêques auxi­liaires de la Fraternité étaient pré­sents ain­si que le Supérieur géné­ral, M. l’ab­bé Schmidberger. Deux mille cinq cents fidèles s’é­taient dépla­cés pour hono­rer le sacerdoce.

En sub­stance, que venait de nous dire Mgr de Galarreta ? Qu’une céré­mo­nie d’or­di­na­tion nous place au cœur du mys­tère de la Rédemption ; qu’elle fait goû­ter la cha­ri­té de Dieu à laquelle nous croyons : « Credidimus cari­ta­ti », n’était-​ce pas la devise épis­co­pale de Mgr Lefebvre, tirée de saint Jean ? Que venait-​il encore de nous dire ? Qu’une céré­mo­nie d’or­di­na­tion orga­ni­sée un 29 juin ne pou­vait être qu’une fête de la Romanité. Il enchaî­nait alors : cinq ans après les sacres, nous sommes demeu­rés fidèles à l’Église catho­lique, nous n’a­vons rien ajou­té, rien retran­ché, nous n’a­vons dévié ni à droite ni à gauche ; notre posi­tion peut se résu­mer dans une autre devise, celle du car­di­nal Ottaviani : « Semper idem ! »

Mais qui veut la fin veut les moyens, et c’est ici – continuait-​il – qu’il faut rendre hom­mage à Mgr Lefebvre. Sans les sacres, nous aurions per­du la force et la liber­té de prê­cher l’Évangile sans com­pro­mis, en un temps où les auto­ri­tés suprêmes de l’Église s’é­loignent de façon impres­sion­nante de la foi catho­lique, en un temps où elles éta­blissent la reli­gion de l’homme qui se fait Dieu, en un temps où le moder­nisme est pas­sé dans toutes les ins­ti­tu­tions de l’Église offi­cielle, où il a injec­té son venin jusque dans les entrailles de l’Église. Oui, de même que saint Pie X avait pris comme pro­gramme de son pon­ti­fi­cat l’omnia ins­tau­rare in Christo de saint Paul et s’é­tait appli­qué à le mettre en œuvre au milieu d’in­nom­brables contra­dic­tions, de même aujourd’­hui mais en sens inverse le Vatican de manière per­ti­nace, s’ap­plique à le décou­ron­ner et entraîne nolens volens des mil­lions de bap­ti­sés à une apos­ta­sie soit silen­cieuse soit fra­cas­sante. Qui versent dans l’hé­ré­sie latente, pour le moins, et le schisme lar­vé ? Ceux qui nous condamnent et nous disent en com­mu­nion impar­faite selon leur ter­mi­no­lo­gie tirée d’une nou­velle ecclé­sio­lo­gie, tirée du cha­peau du concile ! Ils déso­béissent à la foi catholique.

Cette ordi­na­tion avait lieu peu après la paru­tion du pré­ten­du Catéchisme de l’Église Catholique dont notre direc­teur, M. l’ab­bé Simoulin avait dès l’a­bord déce­lé le vice de fond. Mais les ral­liés – selon l’ex­pres­sion du car­di­nal Decourtrays’en fai­saient les chantres. Ils avaient capi­tu­lé. Ils avaient sous­crit à un contrat : do ut des, je te donne, tu me donnes. Et Mgr de Galarreta de citer alors la célèbre décla­ra­tion du 21 novembre 1974 : « Nous refu­sons et nous avons tou­jours refu­sé de suivre la Rome de ten­dance néo-​moderniste », il ajou­tait, lui qui aujourd’­hui est le pre­mier assis­tant de la Fraternité : « … et nous refu­se­rons tou­jours de la suivre. » « En revanche – pré­ci­sait Mgr Lefebvre – nous adhé­rons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catho­lique, gar­dienne de la foi catho­lique et des tra­di­tions néces­saires au main­tien de cette foi, à la Rome éter­nelle et maî­tresse de sagesse et de véri­tés » Semper idem !

Nous aus­si à notre petite place, nous défen­dons la pri­mau­té pon­ti­fi­cale, le siège de Pierre. Nous défen­dons cette pri­mau­té que la col­lé­gia­li­té vient contre­dire à son fon­de­ment même, cou­per en quelque sorte à sa racine. Nous défen­dons le pou­voir d’ordre, autre­ment dit le pou­voir de sanc­ti­fi­ca­tion du pape et des évêques, pou­voir que l’œcuménisme rela­ti­vise, puisque les fausses reli­gions qui ne sont plus dites telles sont pré­sen­tées comme des moyens de salut. Nous défen­dons le pou­voir de juri­dic­tion du pape, son munus docen­di et son munus guber­nan­di que la liber­té reli­gieuse mal enten­due, qu’une liber­té reli­gieuse dégé­né­rée en licence pul­vé­rise, cha­cun étant ren­voyé en défi­ni­tive à sa conscience. Dans ce domaine, nous sommes pas­sés du mau­vais au pire : d’un droit néga­tif à l’im­mu­ni­té de contrainte, avec Dignitatis Humanae, à un droit posi­tif avec le dis­cours de Benoît XVI, au Liban.

Soyons-​en bien per­sua­dés, nous sommes mal­gré bien des insuf­fi­sances les ser­vi­teurs du Vicaire du Christ. Nous le défen­dons au besoin contre lui-​même, contre l’auto­des­truc­tion qu’il opère. Nous sommes atta­chés à l’u­ni­té de l’Église sub Petro, à l’u­ni­té de l’Église dans l’es­pace autre­ment dit à son uni­ver­sa­li­té ; à l’u­ni­té de l’Église dans le temps autre­ment dit à son apos­to­li­ci­té. Nous gar­dons les sacre­ments qui ont fait les saints, le Saint Sacrifice de la Messe tel qu’un saint Camille de Lellis ou un saint Vincent de Paul l’on célé­bré. Par Romanité, nous sommes anti­li­bé­raux, nous sommes atta­chés aux ensei­gne­ments tra­di­tion­nels de Rome, aux Pères et aux Docteurs, à saint Thomas tout par­ti­cu­liè­re­ment, et vous peut-​être à saint Bonaventure ! Ce com­bat que vous menez cher Père à votre poste de reli­gieux de l’ordre séra­phique, ce com­bat que nous menons nous aus­si au sein de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, ce com­bat qui nous unit, plus rude que bien des batailles d’hommes, pour le mener à bien, nous devons le pour­suivre dans la dépen­dance d’a­mour la plus étroite pos­sible à Jésus-​Christ, notre Sauveur : « Je suis la vigne, vous êtes les sar­ments ». Attaché à Jésus, vous l’êtes par le bap­tême, les vœux de reli­gion en tant que fils du Poverello, la confir­ma­tion, le sacer­doce, la grâce dans laquelle vous devez, nous devons croître sans cesse. L’unique chose néces­saire – disait notre sainte Thérèseest de s’u­nir de plus en plus à Jésus, pour accom­plir sa tâche ici-​bas, pour son salut et celui des âmes, sans en rien omettre, dans l’Église fon­dée par Jésus, par le recours inces­sant à l’in­ter­ces­sion de notre Mère du Ciel.

Nous vous remer­cions d’être de que vous êtes : un prêtre et un religieux

Le 27 juin der­nier, jour du grand départ pour les congés d’é­té au Cours Sainte-​Catherine-​de-​Sienne, une maman que je ne connais­sais pas m’a­bor­da pour me dire ces quelques mots simples, tou­chants, pro­fonds : « je vous remer­cie d’être ce que vous êtes, un prêtre ».

Cher Père Jean, en ce 13 juillet, nous tous pré­sents, nous vous remer­cions d’être de que vous êtes : un prêtre et un reli­gieux. Nous vous assu­rons de notre union fra­ter­nelle dans les cœurs de Jésus et de Marie, dans le Cœur de Jésus et de Marie, dirait saint Jean-​Eudes, tel­le­ment ils ne font qu’un par leur vou­loir. Alors, cher Père, bénissons-​nous mutuel­le­ment, ore­mus pro invicem.

Ainsi soit-​il

Abbé Philippe Nansenet

Notes de bas de page
  1. Mère Prieure du Cours Sainte-​Catherine-​de-​Sienne de Saint-​Manvieu-​Norrey (14740) des Dominicaines ensei­gnantes de Fanjeaux.[]