19 juin 1980

Lettre de Mgr Lefebvre au Cardinal Palazzini du 19 juin 1980

Eminence,

L’abbé Emmanuel du Chalard, supé­rieur de notre mai­son d’Albano, m’a fait part de votre inter­ven­tion auprès du Saint-​Père pour par­ve­nir à une solu­tion au pro­blème des « tra­di­tio­na­listes » dans l’Eglise, dont la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X est un des élé­ments les plus actifs.

Cette situa­tion sur­ve­nue à l’occasion des réformes post-​conciliaires, loin de s’atténuer, se déve­loppe tou­jours davan­tage devant la confu­sion des idées et des véri­tés de la foi cau­sée par l’application de ces réformes. Les ruines sont par­tout sous nos yeux.

Le salut des âmes est en jeu. Une saine réac­tion des catho­liques fer­vents et fidèles était nor­male. Ils ont recher­ché les prêtres demeu­rés fidèles à la Tradition et leur ont deman­dé l’enseignement de la foi et la trans­mis­sion assu­rée de la grâce par les sacre­ments et le saint sacri­fice de la Messe selon la meilleure et la plus sûre tra­di­tion de l’Eglise.

Or, chose bien stu­pé­fiante, ces prêtres, ces fidèles et moi-​même nous trou­vons consi­dé­rés par les auto­ri­tés de l’Eglise comme rebelles, déso­béis­sants, alors que les apôtres, les pères de l’Eglise, tous les papes jusqu’au Concile Vatican II nous donnent rai­son et nous obligent à agir de cette manière.

Les son­dages auprès des popu­la­tions catho­liques mani­festent que la majo­ri­té des catho­liques nous sou­tiennent et nous approuvent.

Que faire pour évi­ter une mésen­tente conti­nuelle entre les évêques et ces personnes ?

Les feuilles ci-​jointes vous indiquent les efforts récents qui ont été réa­li­sés. Mais si le cli­mat des entre­tiens entre le Vatican et moi-​même s’est net­te­ment amé­lio­ré, le résul­tat effec­tif est nul.

Le car­di­nal Seper, inter­mé­diaire dési­gné par le pape lui-​même, m’a pro­mis au cours des der­niers entre­tiens qu’un acte du Saint-​Père aurait lieu pro­chai­ne­ment, lais­sant aux prêtres la liber­té de choix entre les nou­veaux et les anciens rites.

Mais je n’ai jamais vu ce décret et je l’ai atten­du vai­ne­ment depuis bien­tôt deux ans.

Afin de faci­li­ter sa paru­tion, j’ai retar­dé des ordi­na­tions, j’ai sus­pen­du les confir­ma­tions, je suis venu à Rome tous les deux mois voir le car­di­nal Seper, sans résultat.

Vous accep­tez, Eminence, de prendre le relais du car­di­nal Seper. J’en suis heu­reux et espère que le suc­cès cou­ron­ne­ra vos efforts. Vous m’avez deman­dé une décla­ra­tion, il y a un mois, je l’ai faite et l’ai signée confor­mé­ment à votre désir.

Je joins à cette lettre quelques pages « pro memo­ria » ; et désor­mais il me reste à prier et à attendre. Je ne puis rien faire de plus.

La ques­tion urgente à régler n’est pas celle d’Ecône et de son fon­da­teur, mais celle de la Liturgie. Elle inté­resse au plus haut point toute l’Eglise : « Qu’on ne per­sé­cute plus ceux qui gardent la Liturgie tra­di­tion­nelle ! » Voilà ce que nous sup­plions le Saint-​Père de dire et de don­ner comme consigne à tout l’épiscopat.

Ensuite l’affaire d’Ecône et toutes les ini­tia­tives reli­gieuses tra­di­tion­nelles, trou­ve­ront aisé­ment leur solu­tion, pour le bien de l’Eglise et des âmes.

Le car­di­nal Seper avait approu­vé cette manière de pro­cé­der. C’est celle qui aide­ra à tout résoudre. Le cli­mat est actuel­le­ment favo­rable dans tous les milieux. La décla­ra­tion au sujet de la Sainte Messe sera bien accueillie, dans l’ensemble.

Eminence, permettez-​moi de consi­dé­rer la der­nière décla­ra­tion que vous m’avez deman­dée et que je vous ai fait remettre par l’abbé du Chalard comme l’ultime. Des mil­lions d’âmes, des mil­lions de prêtres attendent désor­mais un mot du pape, un geste de sa part concer­nant l’ancienne Liturgie, lui ren­dant une place qu’elle n’aurait jamais dû perdre ! Ce sera le salut et la vraie réno­va­tion de l’Eglise.

En ter­mi­nant je vous invite ins­tam­ment, Eminence, à venir visi­ter Albano et Ecône, en octobre par exemple, lorsque les sémi­na­ristes sont pré­sents. Vous com­pren­drez peut-​être mieux l’urgence d’une heu­reuse solution.

Nous prions de tout cœur à cette inten­tion ; et je vous prie, Eminence, d’agréer l’expression de mes sen­ti­ments res­pec­tueux et fra­ter­nels in Christo et Maria.

+ Marcel Lefebvre

Source : Mgr Marcel Lefebvre et le Vatican sous le pon­ti­fi­cat de Jean-​Paul II