Lettre de Mgr Lefebvre au Cardinal Palazzini du 14 septembre1980

Eminence Révérendissime,

L’intérêt que Votre Eminence porte à la solu­tion de notre cas me touche vive­ment et je vous en remer­cie, et cela d’autant plus que, mal­gré toute ma bonne volon­té, des retards inex­pli­cables ren­voient la cause à des dates ulté­rieures indéfiniment.

Il est cer­tain que votre dévoue­ment se heurte à des oppo­si­tions tenaces. Ainsi l’injuste situa­tion qui nous est faite conti­nue avec toutes ses consé­quences pour l’Eglise et le salut des âmes. Les res­pon­sables de ce dom­mage en répon­dront devant Dieu.

C’est pour­quoi je vous prie de bien vou­loir remettre au Saint-​Père cette ultime décla­ra­tion, qui devrait enfin per­mettre de résoudre les dif­fi­cul­tés. Si je n’évoque que ce qui concerne le Concile dans ma décla­ra­tion, c’est que ce pro­blème est de beau­coup le plus impor­tant et que les autres points sont en défi­ni­tive conte­nus dans le pre­mier. C’est aus­si afin d’éviter des sujets de polé­mique sté­rile qui risquent de retar­der encore la solution.

Voilà bien­tôt deux ans que le Saint-​Père a confié cette affaire au car­di­nal Seper. Rien n’a chan­gé au cours de cette période. Il est évident que pen­dant ce temps notre œuvre conti­nue à pro­gres­ser pro­vi­den­tiel­le­ment et qu’indépendamment de nous les groupes de fidèles qui aspirent à gar­der la foi se mul­ti­plient consi­dé­ra­ble­ment. Il est donc incon­ce­vable que ce renou­veau de l’Eglise puisse ne pas être sou­te­nu, encou­ra­gé et per­pé­tué. Faudra-​t-​il attendre pour recon­naître que l’Esprit Saint est à l’œuvre dans cette saine réac­tion des fidèles, que des pays entiers soient dépour­vus de prêtres et que la majo­ri­té des fidèles soient deve­nus indif­fé­rents, ou athées ou membres de sectes acatholiques ?

Comment peut-​on ima­gi­ner que nous pour­rions aban­don­ner la Tradition, qui pro­duit aujourd’hui comme tou­jours des fruits de sain­te­té, de nom­breuses et saintes voca­tions, pour adop­ter les nou­veau­tés qui ne pro­duisent que des fruits amers, asphyxient les âmes et ne répandent que pro­fa­na­tions et désacralisations ?.

Comment pourrions-​nous affir­mer que nous avons eu tort de main­te­nir la tra­di­tion et de refu­ser de par­ti­ci­per à l”« auto­dé­mo­li­tion de l’Eglise » ? Si nos sémi­naires sont louables c’est pré­ci­sé­ment parce qu’ils refusent les nou­veau­tés. D’ailleurs les sémi­naires dio­cé­sains sont encore bons dans la mesure où ils s’éloignent de ces nouveautés.

En espé­rant que Votre Eminence arri­ve­ra, avec la grâce de Dieu, à obte­nir du Saint-​Père une solu­tion juste et pro­fi­table à l’Eglise, je la prie d’agréer mes sen­ti­ments res­pec­tueux et cor­dialement recon­nais­sants in Christo et Maria.

+ Marcel Lefebvre

P.S. Ci-​joint la pho­to­co­pie de la lettre du 8 mars 1980

Source : et le Vatican sous le pon­ti­fi­cat de Jean-​Paul II



Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.