Lors de l’audience traditionnelle accordée aux curés et prédicateurs de Carême de Rome, le Saint-Père a prononcé une allocution en italien, dont voici la traduction :
Il Nous semble que vos cœurs vibrent d’un saint frémissement de zèle pour la gloire de Dieu et pour le salut des âmes en cette veille de la sainte Mission que vous vous apprêtez, chers curés et prédicateurs de Carême de Rome, à prêcher ces jours prochains aux fils bien-aimés de Notre diocèse romain, à l’occasion du centenaire des apparitions prodigieuses de Lourdes, afin de susciter dans toutes les consciences un puissant réveil de foi et de vie chrétienne. A la manière du semeur évangélique (Matth., xiii, 3 et suiv.), qui se dispose, le cœur plein d’espoir mais aussi de crainte, à jeter sur les mottes de terre couvertes de rosée la bonne semence, peut-être savourez-vous déjà en esprit la joie du moissonneur le jour où les champs sont dorés par les épis gonflés, dont l’abondance vient récompenser les travaux exténuants. S’il est bien de nourrir, au début de toute entreprise apostolique, de tels sentiments d’espérance et d’ardeur, fondés dans la confiance en Dieu, de qui dépend tout accroissement (1 Cor., iii, 6), c’est également une sage pensée de prévoir la meilleure façon d’obtenir l’abondance souhaitée des fruits, c’est-à-dire d’explorer avec diligence le champ pour reconnaître les terrains qu’il convient le mieux d’exploiter, les obstacles à supprimer, les fatigues particulières à affronter, les méthodes les plus opportunes et avantageuses.
Ce sont là certainement les pensées et, peut-être, les anxiétés qui occupent vos esprits en ces journées ferventes de veille et qui vous ont accompagnés en Notre présence, désireux d’écouter de Nous des suggestions et exhortations, qui soient pour vous un soutien dans l’entreprise ardue de faire revivre, par une lumière et une activité nouvelles, chez les Romains, la réalité suprême du Dieu Unique dans la Trinité,
Rome, protagoniste de la vraie civilisation et patrie commune des rachetés, impose des devoirs à ses fils.
Nous accueillons bien volontiers votre désir légitime, certain d’accomplir de la sorte le devoir particulier qui Nous revient de la charge d’Evêque de Rome, et en outre d’obéir à une impérieuse impulsion de Notre cœur, comme fils affectueux et dévoué de l’Urbs. Rome ! Cité sacrée, éternelle et célèbre, choisie par la divine Providence pour être dans le monde le porte-drapeau d’une authentique civilisation, et par le Christ pour devenir la patrie commune de ceux qu’il a rachetés ! Si tous ses fils qui, par naissance ou par choix, aiment à se parer de son nom, étaient davantage conscients de sa sublime dignité, de la splendeur incomparable de son passé, de son influence efficace sur l’orientation des peuples et, surtout, du destin singulier vers lequel la conduit mystérieusement la main du Tout-Puissant, combien serait plus vif chez eux le sens des responsabilités en vue de conserver et défendre sa dignité ! Il n’y aurait pas lieu d’être perplexe dans les décisions qui concernent la foi chrétienne et son honneur, mais on redoublerait d’activité dans les œuvres de justice, d’honnêteté, de bon exemple dans les mœurs, tandis que la conduite extérieure de la vie révélerait également une sérénité, une pureté et une spiritualité intérieures. Surtout un authentique fils de l’Urbs ne pourrait jamais tolérer que l’occasion fût donnée au monde de se faire de Rome une double image : une, resplendissante de gloires historiques et, par conséquent, admirable, et une autre médiocre et sans gloire, à peu près à l’égal d’autres lieux tristement connus pour leur apathie religieuse, pour leur insensibilité spirituelle et morale. Une telle crainte Nous rend anxieux et Nous empêche presque de dormir, spécialement lorsque Nous Nous attardons à considérer la rapide extension de nouveaux quartiers, l’affluence incessante d’hôtes nouveaux, qui ont sans doute besoin de tout mais ignorent bien souvent les bonnes traditions romaines, les faits peu rares de la « chronique noire » et les événements dits « scandaleux » : les uns racontés au public et mis en relief, avec une profusion de détails et, parfois, avec un subtil sentiment de complaisance ; les autres soit entièrement inventés soit amplifiés de manière à impliquer dans une même diffamation les noms de personnes honnêtes et des institutions les plus sacrées. Or, chers curés, Nous demandons à vos consciences de pasteurs, désignés pour être, sous l’autorité de vos supérieurs, une protection des Romains, leur guide, leur soutien, de considérer si ne fait pas partie de votre charge le devoir de veiller au bon renom de Rome et d’empêcher, autant qu’il vous appartient, qu’une faible portion de dénigreurs poursuive impunément son œuvre de dévastation, dans l’esprit de changer le visage sacré de l’Urbs en un aspect « laïc » comme ils disent, et presque païen, en s’efforçant d’effacer des convictions et des mœurs du peuple les glorieuses traditions religieuses de leurs pères.
Voilà donc le champ de votre ministère ordinaire et de l’imminente Mission extraordinaire : Rome, avec environ deux millions d’âmes, auxquelles on doit assurer une possession plus solide et agissante de Dieu, au moyen de la profession de la foi catholique, acceptée librement, mais sans compromis ; Rome, dont le destin providentiel, fondement de sa grandeur présente et future, ne peut être garanti que par la conduite de vie ouvertement chrétienne de ses citoyens.
I. LA MISSION DE ROME
Rome est une cité unique au monde, non pas tant par l’admirable ensemble de grandeurs humaines que signifie son nom, mais et surtout par la mission spirituelle qui lui a été assignée par Dieu, lorsqu’il inspira à Pierre de la choisir comme siège définitif de la Chaire pontificale et trône de tout pouvoir spirituel. Depuis lors, l’enseignement de Rome fut synonyme d’enseignement de cette Chaire, de l’Autorité suprême de magistère dans le domaine de la foi et de la morale, enseignement infaillible parce qu’il est celui du Christ. Dans la succession ininterrompue des Souverains Pontifes, qui occupèrent tour à tour cette Chaire romaine « au primat prééminent » [1], chacun d’eux fut, comme il le sera toujours, le Vicaire du Christ sur la terre, qui parle au monde en Son nom, en diffusant la lumière de la foi et en proposant des normes sûres de vie et d’action. La grandeur de Rome s’accrut à l’égal des responsabilités que sa Chaire acquit avec une évidence croissante aux yeux de tous.
A présent, la mission de Rome, comme centre spirituel et moral du monde, non seulement continue sans altération, mais il y a lieu de croire qu’elle apparaîtra avec une évidence toujours plus grande. En effet, le monde est en train de prendre chaque jour davantage conscience de son unité. Les hommes ne sont plus, comme autrefois, étrangers les uns aux autres, ni ne se contentent de la relation qui naît du fait d’être semblables ou identiques, de même qu’ils ne se satisfont pas des rapports qui dérivent de la finalité commune ; c’est-à-dire qu’il ne leur suffit pas d’être et de se considérer simplement comme proches et associés ; mais ils se plaisent à se dire une « famille humaine » et ils sont attentifs et émerveillés chaque fois qu’on leur révèle et qu’on leur explique la sublime beauté du Corps mystique du Christ. Quand on dit aux hommes qu’ils sont des membres d’un seul corps – des membres libres parce que conscients, et, toutefois, unis par l’Esprit-Saint – on suscite tout d’abord la stupeur, puis le jaillissement de la joie dans une approbation émue. Cela signifie que parler de l’humanité comme d’une multitude de créatures destinées à devenir l’Eglise n’est pas aussi difficile qu’il pourrait le sembler à certains ; cela indique d’autre part que, l’Eglise ayant son centre à Rome, la prévision d’un insigne poète païen, inspiré par un enthousiasme patriotique, deviendra de plus en plus réalisable aux yeux de l’esprit : l’étendue de la cité de Rome coïncidera avec le territoire du monde : Gentibus est aliis tellus data limite certo ; Romanæ spatium est Urbis et orbis idem[2].
Parce que – comme Nous l’avons dit d’autres fois – peut-être sonne pour la Chrétienté une heure comparable aux temps de son histoire primitive. Aujourd’hui, le monde se prépare à regarder Rome, la Rome chrétienne, comme une cité située sur la montagne, comme un phare à la puissante lumière.
II. L’ÉTAT PRÉSENT DE ROME
Que personne ne s’étonne de ce qui pourrait sembler une digression alors que c’est le fond d’un tableau que Nous devons, Nous et vous, avoir en ce moment devant les yeux.
Essayons de garder notre sérénité, chers fils ; nous ne devons pas exagérer les ombres, ni sous-évaluer les lumières. Si nous voyons la réalité, telle qu’elle se présente, nous aurons déjà fait le premier pas pour apporter un remède aux inconvénients, qui se sont révélés dans leur gravité plus ou moins sérieuse.
Vous savez très bien ce que votre zèle, votre sacrifice quotidien et parfois héroïque obtient des âmes qui vous sont confiées. Vous le savez et Nous ne pouvons l’ignorer Nous-même qui – autant que cela Nous est possible – vous suivons, en faisant Nôtres vos anxiétés et vos joies. Mais vous n’ignorez pas non plus que beaucoup de vos paroissiens sont tombés dans un état de torpeur spirituelle ; vous n’ignorez pas que certains, encore pratiquants, ne veulent pas sortir d’une certaine forme d’égoïsme spirituel ; d’autres croient et, toutefois, ne veulent pas pratiquer ; d’autres enfin sont vacillants dans la foi ou même ont complètement renoncé à croire.
Il ne manque pas à Rome, comme ils ne manquèrent pas déjà autour du divin Rédempteur, d’hommes misérables, qui répandent les offenses contre les personnes et les choses sacrées ; qui ne se privent d’aucun moyen de lutte ni n’excluent aucun coup. Peut-on donc dire que Rome également a ses zones d’ombre, ses îlots à évangéliser, comme une terre de mission ? Ceux qui, comme vous, connaissent à fond la ville, ne peuvent se dispenser de l’admettre. Peut-être y aura-t-il des âmes égarées qui s’en réjouiront, invitées du reste elles aussi à marcher dans la lumière tant qu’elle brille (Jean, xii, 35). Nous devons en revanche, Nous et vous, demeurer préoccupés ; nous devons laisser notre âme en proie à une profonde tristesse, qui, cependant, ne doit pas abattre l’apôtre, mais au contraire allumer dans son cœur un zèle plus ardent.
III. LA MISSION À ROME
On comprend alors, chers fils, pourquoi Nous avons accueilli avec joie la nouvelle qu’une Mission extraordinaire aurait lieu à Rome à l’occasion du centenaire des apparitions de Lourdes ; une Mission qui veut atteindre tout le monde et obtenir le plus possible de tous ; compte tenu naturellement de l’ampleur de Rome, du nombre extraordinairement accru de ses habitants et, surtout, de la libre détermination des créatures humaines, dont certaines pourraient même être inondées par une pluie de bénédictions divines, submergées par la grâce de l’Esprit-Saint et, toutefois, ne pas en être ébranlées et demeurer obstinées et absentes.
Nous avons donc confiance que la Mission obtiendra l’effet désiré et attendu. Entre temps, une phalange d’âmes qui prient et qui souffrent ont tout de suite accepté d’être comme des lampes allumées, qui brûlent et se consument devant le Seigneur pour implorer l’abondance de ses bénédictions sur l’Urbs. Des prélats, des prêtres du clergé diocésain et religieux, des militants catholiques de toutes catégories se sont offerts en une émouvante lutte de générosité : l’Action Catholique est au premier rang et toutes les autres Associations catholiques se sont jointes à elle, en une communauté fraternelle d’intentions. Nous avons lu personnellement les réponses que les curés ont données au questionnaire qui leur avait été envoyé et Nous avons noté que tout marche bien dans la mesure du possible, étant donné la brièveté de temps et la complexité d’une préparation appropriée.
Nous recommandons à Nos chers fils, les prédicateurs de la Mission, de développer avec diligence, profondeur et clarté, les thèmes envisagés. Il Nous semble qu’ils peuvent parfaitement s’employer à atteindre l’esprit et le cœur de chaque catégorie de personnes, en disant à chaque âme la parole dont elle a besoin. Quelques-unes doivent être amenées à rechercher Dieu ; d’autres ont besoin d’être poussées à en approfondir la connaissance ; pour beaucoup il est nécessaire de passer de la connaissance à l’amour et de celui-ci au service.
De nombreuses âmes recherchent Dieu.
A propos de « recherche de Dieu », il faudra faire une distinction entre les âmes délibérément éloignées de Lui et celles qui cherchent de quelque manière à s’approcher du Seigneur. Aux premières – à celles qui aspirent aux choses de la terre, qui terrena sapiunt (PhiL, iii, 19) et ont substitué au Dieu vivant des idoles caduques –, il faudra faire noter le déclin de tant de gloires, la ruine de tant de richesses, le lien mystérieux et toutefois réel entre la boue et le plaisir interdit et tant de larmes versées et tant de sang répandu. Aux autres – à ceux qui savent déjà s’élever au-dessus de l’intérêt personnel et matériel – il faudra donner fraternellement la main et les aider à se rendre compte qu’ils sont moins loin de Dieu qu’on ne pourrait le penser : en effet leur touchant attachement à la famille, leur culte du devoir, leur besoin d’amour, leur faim et soif de justice ne sont autre chose que des signes d’aspiration à Dieu, de recherche effective, voire peut-être encore inconsciente, de Dieu.
L’étude assidue et systématique de la religion conduit logiquement à l’amour de Dieu.
A propos de « connaissance de Dieu », Nous voudrions vous recommander d’insister sur la nécessité que tous les fidèles arrivent à un approfondissement de la doctrine sur Dieu au moyen de l’étude assidue et systématique. Trop de fois au progrès de la culture profane ne correspond pas en proportion le développement de la culture sacrée : alors voici les doutes qui restent sans solution, voici l’agnosticisme, voici la perte de la foi. En revanche, si la connaissance de Dieu était complète, dans les limites permises par le développement culturel d’une âme, celle-ci parviendrait plus facilement à la « reconnaissance de Dieu » et prendrait ainsi la position qui convient devant Lui. Et se rappelant que sa relation avec Dieu est réelle et constitutive de son propre être, elle se comporterait avec Lui comme on se comporte avec le Maître absolu, qui est en même temps son Tout. Ensuite comme, par un effet d’amour surabondant, l’âme a reçu de Dieu avec la grâce Sa vie même, elle Le considérerait comme son Père et s’estimerait, ce qu’elle est en réalité, une vraie fille de Dieu. Et voici qu’apparaît, logique et nécessaire, l”« amour de Dieu » : qui, tout d’abord, est un désir de ses dons, puis est un désir de Lui-même. Les âmes voudront donc connaître sa volonté, s’y conformer, s’y attacher ; elles en arrivent ainsi à « servir Dieu » : spontanément, totalement, joyeusement.
Nous recommandons à tous les prêtres et aux laïcs qui collaborent avec eux de prier et de travailler sans répit et tout aussi instamment, afin que Jésus trouve débarrassée de résistances coupables la voie pour arriver dans tout cœur, dans toute famille, dans toute maison, dans toute école, dans toute usine.
Soyez discrets pour ne pas troubler par des gestes inopportuns le climat de libre ferveur, qui devra se créer avec l’aide de Dieu ; mais soyez également courageux, soyez saintement ingénieux. Des âmes qui répondirent « non » au premier appel cédèrent ensuite aux insistances dont elles furent doucement, mais fermement, l’objet, pour qu’elles ne laissent pas Jésus passer en vain.
Soyez également pratiques, en aidant les fidèles à tirer des sublimes vérités chrétiennes les règles morales concernant les actes quotidiens, dont la vie est tissée. Désirant donc vous conseiller dans ce domaine, Nous prendrons comme exemple trois points particuliers de la morale chrétienne.
Le commandement de la sanctification des fêtes
Le premier concerne le commandement de la sanctification des jours de fête. Le monde d’aujourd’hui, spécialement dans les grandes villes, est bien loin, dans l’utilisation du repos du jour férié, du sens primitif de religion entendu par l’Eglise. A sa place s’est substituée une frénésie de jouissance matérielle (bien différente du délassement nécessaire et légitime), qui entraîne riches et pauvres, parfois sans retenue morale et avec le gaspillage des économies de la semaine. Même quand est respectée l’essence du précepte, par l’assistance à la sainte messe, il est assez rare de trouver quelqu’un qui se réserve une heure de recueillement pour cultiver son esprit, pour éduquer ses enfants, pour accomplir quelque œuvre de miséricorde parmi les indigents ou les malades. Que dire ensuite du travail servile non nécessaire par lequel, plus d’une fois, même à Rome, on profane le jour férié, parfois publiquement et à grand scandale ? Peut-on donc parler de bon exemple chrétien d’une ville, lorsque, comme on Nous le rapporte, on n’a pas encore réussi à organiser certains marchés publics de manière que plusieurs milliers de travailleurs puissent jouir du droit au repos dominical et accomplir leurs devoirs religieux ? Enseignez donc à vos fidèles l’esprit avec lequel on doit passer le jour férié, les limites morales que l’on doit s’imposer dans les distractions, les œuvres positives de bien dont Dieu exige l’accomplissement en ce jour, qui est plus le « Sien » que le nôtre.
Le respect de sa propre vie …
Il est un second point que Nous désirons que vous traitiez, curés et prédicateurs, durant la Mission et par la suite encore, engageant en cela la force de votre persuasion paternelle. La vie, même personnelle, appartient exclusivement à Dieu, et personne ne peut y renoncer sans commettre une très grave faute. Vous comprenez que Nous faisons allusion au trop grand nombre de suicides, tentés ou accomplis, dans votre ville comme dans d’autres, commis peut-on dire par les membres de toutes les classes sociales, sans exclusion d’âge, même de celui où l’espérance de la vie éternelle apparaît plus lumineuse. Quand – et cela arrive souvent – en parcourant les chroniques de la ville, votre regard tombe sur la nouvelle d’un de ces cas si pitoyables, un terrible doute devrait assaillir votre conscience sacerdotale : avons-nous fait assez, nous pasteurs d’âmes, pour enraciner dans les cœurs la foi et l’espérance chrétiennes ? pour inspirer le courage dans les épreuves, la patience dans les maladies, la confiance en la Providence, la force spirituelle contre une si grande lâcheté ? pour ébranler salutairement ceux qui sont tentés par une suggestion si insensée ? Le suicide n’est pas seulement un péché excluant les voies normales de la miséricorde divine, mais il est également l’indication de l’absence de la foi ou de l’espérance chrétiennes. Enseignez donc à vos fidèles l’horreur de ce crime, éduquez-les à supporter les malheurs, effrayez-les, si c’est nécessaire pour leur salut, avec les arguments divins et humains que la morale catholique expose amplement. Faites tout le possible pour empêcher que cette plaie sociale ne s’étende. La lutte contre le suicide entre pleinement parmi les devoirs du ministère sacerdotal.
… et de celle des autres.
Le troisième point de morale pratique qui laisse assez à désirer dans une grande métropole comme Rome, est contenu dans le cinquième commandement : tu ne tueras pas. Nous entendons faire allusion au trop grand nombre de vies humaines fauchées ou de personnes blessées par l’usage imprudent des véhicules modernes. La fréquence des accidents mortels de la route a malheureusement atténué la sensibilité naturelle envers l’horreur, au moins objective, de ce fait : une vie supprimée d’un instant à l’autre, sans aucun motif et par son semblable, le plus souvent inconnu. Les chiffres de ces morts inutiles, donnés par les statistiques, sont effrayants. Dans la Commune de Rome seulement, durant le seul mois de novembre de l’an dernier, selon un rapport publié dans les journaux, 2,968 accidents ont fait perdre la vie à 31 personnes, et 1928 ont été blessées. Chiffres qui, réunis pour toute l’année et pour toute la péninsule, dépasseraient le nombre des morts de batailles même célèbres 1 Ces tristes faits ne peuvent être attribués à la technique par elle-même, mais à la coupable imprudence de ceux qui osent conduire sans expérience, ou dans des conditions psychiques défavorables, ou en négligeant les précautions et règles voulues. Que dire aussi de la légèreté de conducteurs insensés, qui se laissent entraîner par la frénésie de la vitesse et de la rivalité, parfois en plein centre de la ville, indifférents à leur sécurité et à celle d’autrui ? Comment un chrétien, un honnête homme peut-il ne pas trembler à la seule pensée d’être classé par sa propre conscience et contre sa volonté, au moins directe, parmi les homicides, pour avoir cédé à la tentation d’une hâte vaine et souvent injustifiée ? Tandis qu’il appartient aux Autorités civiles de sévir contre ceux qui contreviennent au code de la route et d’adopter les mesures de prévoyance nécessaires, le devoir vous revient à vous, curés et prêtres, de contribuer au même but, en éclairant les consciences des conducteurs, en faisant ressortir les conséquences également religieuses en cas de décès immédiat de la victime et en rappelant les responsabilités morales devant la société et Dieu même.
IV. EXHORTATION FINALE
Un dernier mot, chers fils !
Désireux comme Nous le sommes que Rome soit telle que Dieu la veut, comme l’exigent son passé, son présent et son avenir, Nous vous conjurons de faire tous vos efforts afin que les fruits que vous recueillerez de la Mission ne soient pas provisoires ni éphémères, mais apportent à la cité des bienfaits vraiment durables.
C’est l’heure de l’action, de l’action la plus urgente ; travaillez sans trêve et appelez à votre aide les âmes les plus généreuses. Il y en a, grâce à Dieu, de tout âge et de toute condition ; il y en a dans tout quartier, dans toute maison, souvent dans toute famille. Faites d’elles autant de missionnaires et demandez-leur de se vouer à toute sorte d’héroïsme pour se préparer à soutenir le heurt inévitable avec le monde de l’indifférence, de l’apostasie, de la haine antireligieuse. Dites-leur avec courage et confiance, qu’il y a un besoin de saints dans le monde : de saints prêtres, de saints religieux, de saintes religieuses. Mais qu’il y a également besoin, spécialement aujourd’hui, de saints laïcs. Que tous entrevoient l’enchantement d’une vie secrète avec le Christ en Dieu et, toutefois, consacrée à Le faire connaître, à Le faire aimer, à Le faire servir dans le monde ! Multipliez, chers fils, les saintes avant-gardes d’une armée héroïque, dont l’action, si Dieu le veut, peut préparer une victoire et un triomphe difficilement imaginables aujourd’hui.
Et puis, employez-vous par tous les moyens à coordonner les efforts de tous, afin que de l’intention unique, de la volonté unique naisse une action unique.
Cette unité est aujourd’hui absolument indispensable. Soyez persuadés que seul l’apostolat constant, ordonné et coordonné pourra faire de Rome une cité sainte ; c’est-à-dire digne de sa mission éternelle : une cité où l’on cherche Dieu, où l’on connaît Dieu, où l’on aime Dieu, où l’on sert Dieu.
Rome doit être une cité où tous et tout coopèrent à l’exécution des desseins de Dieu, qui veut posséder toutes les choses, en les élevant dans la mesure où elles se tournent vers Lui. Car un jour II sera tout en toutes choses ; et seront consommées la sanctification de l’individu, l’harmonie des individus entre eux, dans l’unique volonté du Seigneur, laquelle a en vue tout ensemble la plus grande gloire du Père et la félicité éternelle de ses fils. Ainsi soit-il !
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Editions Saint-Augustin Saint Maurice – D’après le texte italien des A. A. S., L, 1958, p. 161 ; traduction française de l’Osservatore Romano, du 28 février 1958.