Le vendredi 20 avril, le Souverain Pontife a reçu en audience les élèves, professeurs et directeurs du Pensionnat national masculin de Rome, à l’occasion du vingtième anniversaire de sa nouvelle installation.
Il leur a adressé en italien un important discours, dont nous donnons la traduction suivante :
En vous accueillant avec une satisfaction paternelle dans Notre demeure, chers jeunes gens de l’Internat national masculin de Rome, Nous vous exprimons la vive satisfaction de Nous trouver au milieu de vous, de vos éducateurs et de vos familles.
Il Nous semble respirer la brise fraîche de printemps que répand autour de lui tout groupe de jeunesse ; mais, en outre, comme vous appartenez à un Institut scolaire romain, Nous avons comme l’impression de revenir pour de brefs moments aux jours de Notre lointaine jeunesse, lorsque dans un autre Institut, également romain et, comme le vôtre, héritier de glorieuses traditions, Nous passions des années sereines, en cultivant avec l’aide de la grâce, les aspirations secrètes de l’âme pour la réalisation desquelles toute fatigue est légère, tout sacrifice se transforme en joie.
Loin alors de prévoir ce que seraient les voies que Nous réservait la divine Providence, Nous estimions que, de toute façon, le premier devoir était de ne pas Lui opposer de résistance, mais de suivre docilement ses desseins, en pratiquant les conseils et les enseignements de ceux qui la représentent auprès de tout enfant, dans la famille, dans l’Eglise et à l’école.
Nous désirons tout de suite vous donner cette même règle comme souvenir de cette rencontre avec Nous, afin que les années que vous passez au collège soient de fécondes semences pour toute la vie qui vous attend.
Il rappelle le glorieux passé de l’Institut national masculin actuel.
Vous êtes venus en Notre présence, conscients des glorieuses traditions de votre Internat, qui fut fondé, comme on le sait, à la fin du XVIe siècle, par Notre prédécesseur Clément VIII, soucieux d’assurer à la Noblesse romaine, qui représentait en ces temps la classe dirigeante, une jeunesse préparée religieusement et culturellement à affronter ses devoirs futurs. L’Institut s’honorait alors du titre de « Noble Collège pontifical Clémentin ». Pendant trois siècles environ et grâce à la direction éclairée des Religieux Somasques, il répondit pleinement aux intentions de son Fondateur, exprimées dans la Bulle « Ubi primum ad summi apostolatus apicem » du 7 juillet 1604 [1], formant des générations de valeur, remarquables par leur foi, leur culture littéraire et artistique et par la pratique exemplaire des vertus civiles. Il a certainement l’honneur d’avoir été un modèle pour tant d’autres Instituts en Italie et en Europe, qui, par tout le bien qu’ils répandirent dans la société de l’époque, doivent également leur origine à l’active sollicitude de l’Eglise envers la jeunesse.
Comme tant d’autres Institutions romaines, le « Clementino » subit au cours du siècle dernier la secousse des agitations politiques et traversa, en conséquence de celles-ci et du changement de sa structure, une période, douloureuse en contraste avec ses traditions ; cette période fut alors moins propice à une éducation parfaite des jeunes gens d’une nation, comme l’Italie, qui ne peut se tenir à l’écart des valeurs religieuses. Mais, par une faveur divine, ce ne fut qu’une brève parenthèse, car, le vent contraire ayant cessé, votre Institut, sous son nouveau nom d”« Internat national », se reprit lui aussi à prospérer et à retrouver la confiance des familles chrétiennes.
Actuellement, votre Internat, dans son nouveau siège, construit selon les exigences pédagogiques modernes, parfaitement dirigé par une phalange choisie de supérieurs, de professeurs et d’instituteurs, entouré des sollicitudes et de l’estime des autorités publiques, possède tout ce que l’on peut désirer pour assurer aux nombreux jeunes gens qui y accourent de toutes les régions, une parfaite éducation religieuse, civile et scolaire.
On connaît également les excellents résultats obtenus dans les études, particulièrement ces dernières années et démontrés aux examens finals, dont l’heureux succès couronne non seulement la diligence des élèves, mais, avec non moins de mérite, la sollicitude active et la valeur du corps enseignant.
Il donne quelques directives pour l’œuvre éducatrice des collèges.
Toutefois, Nous voudrions vous demander si, dans le domaine de l’éducation, il est possible de s’arrêter aux bons résultats, sans s’efforcer, autant que possible et avec la grâce divine, de tendre à la perfection. Eh bien ! avec la sollicitude de celui qui aime particulièrement la jeunesse, Nous désirons saisir cette occasion pour vous exprimer quelques pensées sur l’œuvre éducative des collèges ; et cela servira également à tant d’autres jeunes gens, dont l’avenir et celui de la société elle-même dépendent des brèves années passées dans ces institutions.
Bien que l’éducation dans les collèges particulièrement dans les internats, ait donné dans le passé comme à présent de bons résultats, elle a été l’objet de sévères critiques de la part de certains spécialistes des sciences pédagogiques, qui voudraient la proscrire comme si elle était tout à fait inadaptée. Mais les critiques, même basées sur telle ou telle déficience manifeste, ne constituent pas un motif suffisant pour condamner d’une façon générale l’éducation dans les collèges.
Certes le milieu familial, sorte de nid préparé par la nature, quand il est assisté par l’Eglise et complété par l’école, est le plus adapté pour assurer une bonne et même parfaite éducation ; mais souvent les circonstances de lieu, de travail et de personnes empêchent la famille de se charger à elle seule de cette tâche ardue. Dans ces cas, le collège devient une institution providentielle, sans laquelle de nombreux jeunes gens resteraient privés de grands biens. Toutefois, il n’exempte pas les parents du devoir de s’occuper des enfants, il exige même que leur influence soit présente également dans le collège pour compléter l’œuvre de formation qui s’accomplit loin de leurs yeux. Entre l’éducation dans la famille souvent empêchée, et celle au collège, obligatoirement imparfaite, un juste milieu est représenté par le demi-internat, où le jeune voit ajouter aux avantages de l’éducation familiale ceux propres à la vie de collège.
… Au collège, le jeune homme doit acquérir les habitudes du devoir, de la discipline, des responsabilités.
Les principales qualités de celle-ci sont la formation de l’esprit à une conscience plus rigoureuse du devoir, au sens de la discipline et de la précision, à l’habitude d’ordonner ses occupations, au sentiment de la responsabilité de ces propres actes. Au collège, le jeune homme est amené de bonne heure à savoir vivre en société, grâce aux relations de différents genres dans lesquelles il arrive à se trouver avec ses supérieurs, avec ses condisciples et avec ceux qui lui sont inférieurs, tout au moins en âge. Il est poussé à la saine émulation, au juste sens de l’honneur et à l’acceptation des sacrifices nécessaires. La possession de ces dons dès les tendres années, facilitera sans aucun doute au jeune homme l’entrée dans la vie, le soutiendra pour affronter les événements et dans l’accomplissement des devoirs de son état. Cependant, la réalisation de ces résultats peut être compromis par des excès et par des défauts de méthode, de nature à aboutir à un effet contraire et, en conséquence, à fournir un motif pour juger négative et nuisible l’éducation de collège.
… Toutefois ce résultat ne peut être acquis que si le règlement est appliqué avec intelligence et sagesse.
Incontestablement, la vie en commun, hors du milieu naturel, sous la domination d’un règlement rigide, qui ne sache pas discerner un individu de l’autre, présente ses dangers. Pour peu que l’on se trompe, on aura des élèves nullement préparés au sens des responsabilités, mais entraînés, comme inconsciemment, par le mécanisme des actions à un pur formalisme, aussi bien dans l’étude que dans la discipline et dans la prière. La stricte uniformité tend à étouffer l’élan personnel ; la vie isolée à restreindre la vaste vision du monde ; la pression inflexible du règlement suscite parfois l’hypocrisie, ou bien impose un niveau spirituel, qui pour les uns sera trop bas et, au contraire, pour les autres irréalisable ; la trop grande sévérité finit par changer les caractères forts en rebelles et les timides en êtres craintifs et renfermés en eux-mêmes.
Le Saint-Père énumère les qualités essentielles d’une véritable éducation chrétienne. La première est l’action personnelle de l’éducateur.
Mais il est possible et nécessaire de remédier à ces dangers par le discernement, la modération et la douceur. En premier lieu, il faut savoir discerner chez les élèves chaque cas particulier. L’éducation dite de masse, ainsi que l’enseignement de classe, coûte certainement moins de fatigue, mais risque de ne profiter qu’à quelques-uns alors que tous ont le droit d’en bénéficier. Les enfants ne sont jamais égaux l’un à l’autre, ni par l’intelligence, ni par le caractère, ni par les autres qualités spirituelles : c’est là une loi de la vie. On doit donc les considérer distinctement, aussi bien en fixant leur condition de vie qu’en les corrigeant et en les jugeant. En tous cas, il faut éviter la communauté trop uniforme, qui oblige parfois quelques centaines de collégiens, différents par l’âge, à étudier, à dormir, à manger et à jouer dans un unique édifice, avec un unique horaire, sous un unique règlement. On doit au contraire chercher à remédier à cet inconvénient par la division en groupes homogènes et d’un nombre tel que ceux qui les assistent puissent suivre paternellement chaque sujet distinct. Mais même ainsi divisés en groupes — auxquels il serait opportun d’assigner un horaire, un règlement et des exercices différents et proportionnés —, et bien que le jeune homme normal tire personnellement de l’ensemble des valeurs spirituelles et morales que lui offrent l’éducation et l’école, le bon exemple et le bon livre, les éléments nécessaires pour sa juste formation, il faut toutefois que chacun se sente l’objet d’une attention spéciale de la part de l’éducateur et qu’il n’ait jamais l’impression d’être confondu et oublié dans la masse, négligé dans ses nécessités particulières, dans ses besoins et dans ses faiblesses, comme si ne comptait que sa présence physique. C’est de cette sollicitude particulière que résultera chez l’élève l’encouragement à affirmer et à développer son tempérament personnel, l’esprit d’entreprise, le sens de la responsabilité envers ses supérieurs et ses camarades, comme s’il vivait au sein d’une famille nombreuse et bien ordonnée.
…la seconde est la modération.
Le second caractère qui doit inspirer l’éducation dans le collège consiste dans la modération. L’antique précepte ne quid nimis, équivalant à Vautre in medio stat virtus, doit inspirer tout acte de l’éducateur, soit quand il établit une règle, soit quand il en exige l’observation. Un sens éclairé de discrétion est nécessaire pour fixer la durée de l’étude et de la récréation, la distribution des récompenses et des châtiments, la concession de libertés et les exigences de la discipline. Les exercices de piété doivent également connaître la juste mesure, afin qu’ils ne deviennent pas un poids presque insupportable et ne laissent pas l’ennui dans l’esprit. Plus d’une fois, on a noté l’effet déplorable d’un zèle excessif sur ce point. On a vu des élèves de collèges même catholiques, où il n’a pas été tenu compte de cette modération, mais où l’on a voulu imposer un niveau de pratiques religieuses, qui eussent peut-être même été disproportionnées aux possibilités de jeunes clercs, négliger, lorsqu’ils sont retournés dans leurs familles, les devoirs les plus élémentaires du chrétien, comme la messe du dimanche. On doit certainement aider et exhorter les jeunes gens à prier ; mais toujours dans une mesure telle que la prière demeure un doux besoin de l’âme.
…la troisième est l’ambiance de douceur.
Une atmosphère de douceur sereine devrait, en troisième lieu, régner dans tout collège, mais de nature à ne pas compromettre la formation de caractères forts. Spécialement à des jeunes gens qui proviennent de familles saines, on doit inculquer le sens du devoir par la persuasion personnelle et par des arguments de raison et de sentiment. Un sujet, qui est persuadé de l’amour de ses parents et de ses supérieurs, ne manquera pas de répondre tôt ou tard à leurs sollicitudes. Il faut donc proscrire l’ordre qui ne donne pas ou ne suppose pas quelque justification raisonnable, le reproche qui trahit une rancœur personnelle, la punition exclusivement vindicative. La douceur ne doit être abandonnée qu’en dernier lieu, pour un temps bref et dans des cas particuliers. Elle doit présider au jugement et déborder la stricte justice, car l’esprit de l’adolescent n’est presque jamais assez mûr pour comprendre tout le mal, ni assez tenace dans celui-ci pour ne pas savoir reprendre la bonne voie dès qu’elle lui est indiquée.
Ces préceptes, choisis parmi ceux de caractère plus général et plus pratique, et ceux, bien connus de vous qui êtes formés par les sciences pédagogiques, ne manqueront pas, grâce à une application diligente, d’assurer à votre œuvre d’éducateurs d’excellents résultats. Nous désirons maintenant adresser Notre parole plus directement aux jeunes gens qui sont éduqués dans des collèges semblables au vôtre, afin qu’ils sachent ce qu’attendent d’eux les familles, la société et l’Eglise elle-même et de quelle manière ils doivent répondre à tant de sollicitudes affectueuses. Ce n’est pas toujours sous la contrainte des circonstances anormales que Nous avons signalées, que les familles ont recours au collège ; mais elles choisissent pour leurs enfants ce type d’éducation dans la conviction fondée de les mettre dans une condition plus favorable pour obtenir une formation excellente et, autant que possible, complète. De leur côté les collèges, tels que le vôtre, se proposent comme fin particulière, bien que non exclusive, de former des hommes éminents sous tous les aspects, des hommes au-dessus de la médiocrité, sur lesquels la société, aussi bien religieuse que civile, puisse compter pour l’avenir.
Puis le Saint-Père s’adresse directement aux jeunes gens, leur demande en premier lieu d’avoir comme idéal de viser toujours plus haut, et de le poursuivre avec un zèle constant.
Mais comment un collège, même excellent à tous points de vue, réussira-t-il à former des hommes insignes, si vous-mêmes, jeunes gens, n’êtes pas les premiers à désirer ardemment de devenir tels ? Donc viser au plus haut degré possible est le premier pas de toute éducation parfaite. Le jeune âge incite spontanément l’adolescent intelligent et sain à se proposer de beaux et grands idéals ; mais plus d’une fois surviennent une apathie et une indolence ou bien des influences extérieures, qui conspirent à étouffer les élans et à réduire à de modestes proportions les désirs d’exceller. Il n’y a pas de pire début dans le chemin de la vie que de renoncer avant l’épreuve, se replier avant la bataille, se résigner avant l’adversité.
De nos jours malheureusement, il y a de nombreux jeunes gens que laissent insensibles l’attrait et la grandeur de buts sains et élevés, des jeunes au caractère veule, dont l’ambition se borne à tendre à leur petit monde de commodités personnelles et qui, s’ils caressent jamais des idéals, les choisissent parmi ceux dont la valeur est éphémère, apparente et d’un avantage immédiat. Ils pourront devenir de bons citoyens, être même utiles à la société ; mais qu’adviendrait-il d’une nation, dont la jeunesse n’oserait pas aspirer, en nombre suffisant, à de grandes et sublimes entreprises ? Son avenir, qui exige progrès, avancement, amélioration demeurerait gravement compromis. Nous voudrions donc Vous exhorter à ouvrir vos âmes à de grands désirs et, même dans la juste estimation de vos forces, à vous fixer des buts hardis, de telle sorte que durant toute votre vie vous puissiez apporter de hautes contributions dans le domaine de la science ou de l’art, ou de l’action à la société, qui attend des jeunes gens qu’ils deviennent les guides efficaces de son avenir.
Une qualité certaine de l’éducation dans les collèges est de stimuler les esprits à connaître et à désirer de grandes choses, soit par l’émulation spontanée, soit par l’influence de maîtres remarquables. Toutefois le fait de faire partie d’instituts si louables, qui disposent de tous les moyens pour donner une excellente et complète éducation, pourrait vous induire à croire que, pour atteindre le but, il suffit de vivre quelques années dans un de ceux-ci ; un peu comme, pour arriver à un port lointain, il suffit de rester sur le navire, sans s’occuper d’autre chose. Or le choix de hauts buts dans la vie n’est que le premier de nombreux et pénibles autres pas, qui restent à accomplir. Il n’existe pas de vertu magique qui transforme les idéals en réalité, si ce n’est la ferme volonté et l’engagement total des forces dont on dispose. Le désir doit donc être suivi du zèle ; celui-ci, à son tour, doit être constant, inflexible dans les difficultés, prêt aux épreuves et aux renoncements, car, ainsi que l’enseigne une ancienne maxime, ce qui ne coûte pas n’a pas de valeur. On ne reçoit pas des autres les biens moraux, en don, comme les héritages ; mais il faut les conquérir par ses efforts personnels. Toutefois, le collège peut vous aider efficacement dans la mesure où vous collaborerez avec vos éducateurs. Mais de quelle manière se traduira dans la réalité votre collaboration ? Avant tout, en mettant en eux toute votre confiance.
Il fait aux jeunes gens, trois recommandations importantes ; confiance dans leurs éducateurs.
La confiance, fruit de l’estime, consiste en la persuasion intime que tout ce qui vous est enseigné, conseillé, prescrit, résulte de l’affection et vise à votre plus grand bien, même si, à première vue, vous n’en voyez pas clairement les motifs. Beaucoup de naufrages de la vie ont eu leur origine dans le refus de faire confiance aux parents et aux éducateurs ; en revanche de nombreuses expériences amères seraient évitées si l’on croyait avec confiance en ceux qui ont une plus grande expérience. Mettez donc une entière confiance en ceux qui ont pris sur eux et acceptent de la Providence la grave responsabilité de votre avenir et possèdent pour cela les dons nécessaires d’esprit et de cœur. Parmi ces éducateurs, les premiers sont les parents, dont les conseils ne devraient jamais faire l’objet de discussion de votre part, au moins jusqu’au jour où vous vous sentirez des hommes mûrs à toute épreuve.
… docilité envers eux.
La confiance doit être accompagnée de la docilité, qui consiste à mettre en pratique les conseils, à accepter les corrections, à se soumettre aux orientations qui vous seront données avec une affection éclairée. Le sens critique qui se développe à votre âge vous poussera souvent à mettre en doute tel ou tel précepte, tandis que les suggestions de gens auxquels votre avenir importe bien peu en réalité, vous inciteront plus d’une fois à repousser la main de ceux qui vous guident : vous devrez alors vous rappeler que la maturité du jugement vient avec les années et que c’est vous seuls qui subirez les conséquences d’actes inconsidérés.
… générosité constante.
La générosité constante dans le dévouement doit être la troisième vertu de ceux qui aspirent à se distinguer. Le jeune homme qui hésite en commençant, qui fait alterner des semaines d’étude intense avec d’autres de paresse ou d’occupations frivoles, qui renvoie ses devoirs au jour suivant, n’arrivera jamais à des buts élevés. Vous possédez maintenant un précieux trésor : votre jeunesse même. Ses merveilleuses qualités sont la tendance naturelle au vrai et au bien, la malléabilité de l’esprit, l’abondance d’énergies physiques, l’intégrité des facultés spirituelles, la vigueur des élans. Ces richesses, comme les talents de l’Evangile, ne seront pas toujours à votre disposition. Or, le collège, grâce à la vigilance paternelle des éducateurs, à la sage répartition de l’horaire, en enseignant la méthode et la précision et par les autres normes auxquelles se conformeront vos éducateurs, vous aidera beaucoup à tirer le plus grand fruit de vos talents ; mais il reste toujours vrai que c’est à vous qu’il appartient de seconder cette oeuvre et de veiller à ce que ces talents ne soient pas gaspillés.
Le Saint-Père leur recommande la collaboration entre eux, de même entre le collège, les élèves et les familles.
Il faut en outre que les jeunes gens collaborent ensemble à édifier leur splendide avenir. Bien que souvent ils ne s’en rendent pas compte eux-mêmes, il existe entre eux une interdépendance décisive d’influences due à une plus grande compréhension mutuelle. Malgré l’œuvre la plus sage des éducateurs, un mauvais condisciple peut détruire ce qu’ils édifient, de même aussi qu’un vrai ami renforcera, au contraire, les préceptes du maître mieux que celui-ci ne peut le faire. Il appartient à chacun de vous de se garder de la triste influence de tel ou tel camarade, facilement reconnaissable par l’opposition que vous constaterez entre ses suggestions et les conseils des éducateurs, mais votre devoir est aussi d’agir sur les autres à leur avantage. Il en résulte de la sorte entre les condisciples d’un même collège ces saines et profondes amitiés, que ni les années ni les distances n’affaibliront ; elles seront le résultat le plus cher et le plus précieux des lointaines années d’éducation.
Il y a enfin une troisième collaboration qui ne pourra jamais être assez recommandée et qui unit dans une œuvre solidaire et indispensable le collège, les élèves et les familles. Un parfait accord de principes et d’orientation est avant tout nécessaire entre le collège et la famille, afin que l’un ne détruise pas l’action de l’autre et vice-versa. La famille en particulier, comme Nous y avons déjà fait allusion, ne renonce pas à ses droits en confiant l’enfant au collège ni ne se trouve déchargée de ses responsabilités. Il lui appartient de seconder, de soutenir, de continuer l’œuvre des éducateurs. Parfois une plus grande confiance envers l’élève sera nécessaire et parfois aussi, une plus grande sévérité ou une attention plus assidue ; parfois même il faudra sacrifier quelque chose de ses propres sentiments. Mais il est surtout nécessaire que les jeunes gens voient toujours une entente parfaite entre le collège et la famille. Avec cette triple collaboration, à laquelle s’ajoutera celle plus élevée, plus efficace et plus intime qu’exerce la religion par l’intermédiaire de ses ministres, on peut espérer à juste titre que les hauts idéals choisis par les jeunes, souhaités par les familles, poursuivis par le collège, deviendront un jour une heureuse réalité.
Le Saint-Père termine en rappelant aux jeunes gens du Collège national de Rome les directives de l’ancien Collège Clémentin : dévotion, obéissance, étude… auxquelles Il ajoute : progrès.
Quant à votre conduite pratique, chers fils de l’Internat national de Rome, il Nous plaît de vous rappeler que les premières règles du « Noble Collège pontifical Clémentin » recommandaient spécialement trois choses : la « dévotion », 1′« obéissance » et 1′« étude ». A trois siècles de distance, Nous ne saurions vous donner de meilleurs conseils pour que se réalise votre collaboration avec les éducateurs. Soyez pieux avec joie et pureté de cœur, persuadés que la foi est la base solide de votre vie. Obéissez, non sous la contrainte ni par peur, mais poussés par la certitude que ceux qui vous aiment se proposent votre bien. Livrez-vous à l’étude avec méthode et assiduité, non seulement pour enrichir votre pensée, mais aussi pour vous soumettre à l’obligation du travail. Nous voudrions en outre ajouter un devoir particulier propre à votre âge, dont la caractéristique essentielle est de croître. De même que chaque nouveau jour trouve les jeunes gens plus développés physiquement, il doit pareillement les trouver plus avancés intellectuellement et moralement. La plus haute louange que le saint Evangile rend à l’enfance de Jésus consiste à rapporter qu”« Il progressait en sagesse, en taille et en grâce auprès de Dieu et des hommes » (Luc II, 52). L’ami divin doit donc être votre modèle non seulement quant au progrès incessant en sagesse et en grâce, mais aussi quant au réconfort que votre conduite donnera à ceux qui voient en vous leurs plus chers trésors en ce monde : vos parents et vos éducateurs.
Nous vous souhaitons — ainsi qu’aux autres jeunes gens qui poursuivent leur éducation dans les collèges d’Italie — d’accueillir Nos enseignements paternels et, en les pratiquant, de former en vous des hommes de caractère, des citoyens irréprochables, des modèles de vertus religieuses, familiales et sociales, en un mot dignes des meilleures traditions de votre patrie : c’est dans ces sentiments que Nous appelons sur vous, sur vos éducateurs, et sur vos familles l’abondance des faveurs célestes, en gage desquelles Nous donnons à tous Notre Bénédiction apostolique.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Editions Saint-Augustin Saint Maurice – D’après le texte italien de Discorsi e radiomessaggi, XVIII, traduction française de l’Osservatore Romano, du 4 mai 1956.
- Bullar. Rom. t. XI, p. 90 et suiv.[↩]