Comme à l’accoutumée, le Saint-Père a remercié les membres de sa Garde Noble de la fidélité de leur service.
Le traditionnel hommage que, par la voix de votre illustre capitaine commandant, vous Nous avez adressé, chers fils, à l’occasion des fêtes de Noël et du Nouvel An, bien que prévu et attendu, conserve pour Nous, même dans sa répétition usuelle, le vrai charme et l’agréable résonance qui émanent d’un canticum novum. Dans les propos affectueux, on ne manque jamais de trouver la grâce de la douceur native ; car l’amour du père pour ses enfants et des enfants pour leur père ne perd pas, avec le déroulement des années, la franche vivacité de la jeunesse, et les vicissitudes du temps, loin de le refroidir, inspirent à l’amour, toujours le même, de nouveaux motifs de se manifester et de nouvelles expressions d’affection.
Or, quelles circonstances ont plus de pouvoir pour resserrer davantage les liens des cœurs que les épreuves communes ? Vous avez jeté un regard sur les événements qui de toutes parts nous harcèlent et nous pressent ; vous avez compris que l’heure présente nous place dans des conditions ignorées en d’autres temps ; c’est pourquoi vous avez profité de cette occasion de Noël pour Nous témoigner, par une démonstration plus concrète et plus sensible qu’aux heures sereines et tranquilles, votre hommage et votre attachement au Saint-Siège apostolique, traditionnels dans vos familles et inoculés dans vos cœurs dès les premières années.
Nous n’en doutions pas, chers fils ; Nous connaissions vos nobles et loyaux sentiments ; Nous vous en avions donné l’assurance l’an dernier en cette même circonstance, lorsque, répondant à vos vœux et vous montrant l’horizon du monde qui se troublait et s’obscurcissait toujours davantage, Nous exprimions Notre confiance en vous au cas où, au cours des événements, viendraient à surgir des jours particulièrement chargés de difficultés et de conflits. Ces jours ne tardèrent pas à venir. Rome elle-même, ville sacrée, Notre diocèse, fut, par deux fois, le but de fortes attaques aériennes, et le territoire de Notre Etat de la Cité du Vatican, destiné à protéger, malgré ses limites étroites, la liberté et l’indépendance de Notre ministère spirituel, fut audacieusement violé par une incursion, que leurs auteurs avaient pensé pouvoir couvrir de l’anonymat, et qui souleva la stupeur indignée du monde civilisé.
Quant à vous, au fur et à mesure qu’ils se déroulaient, vous suiviez la succession d’aussi tragiques événements et, sans attendre le signal d’alarme, vous étiez prêts et vaillants à votre poste. Aussi Nous ne Nous étonnâmes pas lorsque, de votre propre initiative, sur vos instances et suivant vos vœux, vous obtîntes d’étendre et de multiplier votre activité professionnelle tout en exprimant par ailleurs le désir ardent d’ajouter au service honorifique celui de la Garde du corps d’une façon plus effective, de sorte que Nous vous avons rencontrés et vus, discrètement présents et avec un regard vigilant, partout où Nous portions Nos pas. Nous savions déjà que Nous pouvions compter sur vous ; mais l’expérience faite Nous en a encore davantage convaincu en Nous montrant dans leur pleine lumière votre vigilance prudente et attentive ainsi que la ferveur de votre dévouement au Pontife romain.
Même cette guerre terrible et si étendue aura une fin. Quand le soleil se lèvera de nouveau sur un monde régénéré dans la paix, dans la concorde et dans la charité ; lorsque resplendiront les rayons qui réconfortent et consolent de toutes les souffrances endurées, Nous n’oublierons pas tout ce que vous avez fait, Nous Nous rappellerons cette garde et cette protection que vous avez été pour Nous. Et Nous gardons dans l’âme l’assurance que si l’on devait traverser – puisse Dieu ne pas le vouloir –des jours encore plus sombres et plus troublés, Nous trouverions encore en vous ce solide et filial secours qu’un père trouve toujours au milieu de ses enfants.
Mais si Notre cœur vous est reconnaissant de tout ce que vous avez fait et faites encore, il Nous dit pareillement et fortement que l’obligation du devoir procède chez vous de la forte poussée ou impulsion de la foi qui anime, élève, ennoblit toute votre activité, la rend méritoire devant Dieu et devant les hommes, inspire vos sentiments et votre conduite à Notre égard. N’est-ce pas votre foi qui vous fait voir le Christ lui-même dans le Vicaire du Christ et consacrer à lui votre constance et votre générosité pour le servir et le glorifier ?
Oui, le Christ invite les cœurs généreux à le défendre, comme lorsqu’il était petit enfant il voulut, lui, le Tout-Puissant, avoir besoin d’une protection contre les dangers ou embûches qui le menaçaient. Nous n’entendons pas parler ici, seulement ou principalement des dangers matériels auxquels le Christ permet que soient exposées quelquefois les Saintes Espèces sous lesquelles il se cache, ainsi qu’il arrive lorsqu’au milieu des flammes de l’incendie ou sous les bombardements, des fidèles héroïques mettent en sûreté, au risque de leur vie, le ciboire demeuré dans le tabernacle brûlant ou enseveli sous les décombres. Moins visibles sont d’autres dangers permanents : le Christ, vie de l’âme, est menacé et poursuivi dans les âmes. Les illusions, les préjugés de l’ignorance, la fausse science, les calomnies, les insinuations malveillantes contre l’Eglise et la doctrine du Christ, contre la piété des fidèles et la fréquentation des sacrements, troublent et bouleversent l’esprit et l’âme et conduisent à l’infidélité. Les passions, les tentations, les séductions qui, en pervertissant les cœurs, en chassent le Christ, concourent à procurer un dommage aussi grave. Que devez-vous faire, chers fils ? Défendez le Christ par la parole, par l’exemple, par la pratique de la vertu vers laquelle la ferveur de votre foi vous guide et vous pousse ; mais défendez-le et gardez-le avant tout en vous-mêmes, parce que personne ne peut se flatter ou bien présumer d’être à l’abri de tout danger. Quel triomphe obtiendraient les ennemis du Christ si jamais ils réussissaient, grâce à l’erreur et au péché, à bannir le Christ du cœur et de l’âme de ses plus valeureux défenseurs ! Défendre le Christ en vous vous rendra plus forts et plus fermes ‑à continuer sa défense dans les autres par la noble dignité de votre vie personnelle, par la charité bienfaisante et par la bonté édifiante de votre conduite sociale.
Garde Noble, vous l’êtes, du Vicaire du Christ ; que ce soit de même votre gloire d’être au premier rang dans le service du divin Maître, le Roi de vos cœurs, et de renoncer généreusement à vos goûts, à vos plaisirs, à votre amour-propre, en vue d’accomplir entièrement et avec perfection le devoir d’âmes chrétiennes et de corps d’élite.
Garde d’honneur qui concourt à conserver et à défendre l’intégrité et l’indépendance de Notre petit Etat, le respect de Notre souveraineté morale, spirituelle et surnaturelle sur les fidèles du monde entier, quelle ne doit pas être votre ardeur à vous faire les dignes champions et propagateurs du règne universel du Christ ? Le Christ, Seigneur et Maître de l’univers, possède une royauté qui ne vient ni des armes ni d’un pouvoir terrestre ; son règne est un règne de vérité et de grâce qu’il veut établir dans l’esprit et dans le cœur des hommes pour y élever son trône de salut et de paix ; tandis que le monde voulant détrôner le Christ dans la vie privée comme dans la vie sociale, n’a pas fait autre chose que semer la cause profonde des maux actuels et s’exposer lui-même au trouble et au désordre qui le conduisent à la ruine.
L’adveniat regnum tuum qui Jaillit de vos cœurs pour retentir sur vos lèvres doit être pour vous non seulement une prière fervente et un vœu ardent, mais aussi le mot d’ordre de chacune de vos journées et de toute votre vie.
C’est dans ce souhait et avec une affection spéciale que Nous vous accordons à vous, chers fils, à toutes vos familles qui vous sont si chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique, comme un gage des grâces célestes les meilleures.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Editions Saint-Augustin Saint Maurice – D’après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. V, p. 167 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. V, p. 304.