Un Congrès scientifique du Sport et de l’Education physique avait réuni à Rome, 800 participants. Recevant ceux-ci en son palais de Castel Gandolfo, le Saint-Père s’exprima comme suit :
De grand cœur, Messieurs, Nous vous adressons la bienvenue, à vous qu’un commun et noble idéal réunit dans la Ville Eternelle et qu’un même sentiment filial a conduits aujourd’hui en Notre présence. Vous êtes venus Nous présenter vos hommages et renouveler en Nous en même temps la haute satisfaction que Nous éprouvons toujours à Nous entretenir au sein d’assemblées choisies de spécialistes en tous les domaines des sciences ayant l”« homme » pour objet.
Votre Congrès scientifique national, consacré aux activités gymnico-sportives, répond sans nul doute à une nécessité du temps présent, opportunément remarquée par la sensibilité de votre conscience qui sait ce que le sport et la gymnastique signifient, spécialement pour un peuple moderne : combien leur pratique est répandue dans tous les milieux, combien vif est l’intérêt qu’ils suscitent auprès de tous, combien importantes et multiples les répercussions qui en dérivent tant pour les personnes que pour la société. Qu’il suffise de signaler les formes très diverses que l’exercice du sport embrasse dans sa vaste extension : gymnastique de chambre, gymnastique scolaire, gymnastique suédoise, exercices aux agrès, course, saut, escalade, gymnastique rythmique, marche, équitation, ski et autres sports d’hiver, natation, canotage, escrime, lutte, pugilat, et tant d’autres encore, parmi lesquels ceux si populaires du football et du cyclisme.
L’intérêt avec lequel on cultive et on suit une activité si intense est démontré par la presse. Il n’y a plus, peut-on dire, de journal qui n’ait sa page sportive, et nombreux sont les périodiques consacrés exclusivement au sport, sans parler des fréquentes émissions qui informent le public à ce sujet. En outre, sport et gymnastique ne sont pas seulement pratiqués à titre individuel : il y a aussi des associations formées dans ce but, des compétitions et des fêtes, les unes locales, les autres à caractère national ou international et finalement, revenus à la vie, les Jeux Olympiques, dont les joutes sont attendues avec une vive impatience par le monde entier.
Quelle fin poursuivent les hommes en une activité si vaste, si répandue ? L’usage, le développement, la maîtrise – par le moyen et au service de l’homme – des énergies enfermées dans le corps ; la joie qu’éprouve l’artiste quand il se sert, en le dominant, de son instrument.
Qu’a voulu votre Congrès ? Rechercher et mettre en évidence les lois auxquelles le sport et la gymnastique doivent se conformer pour atteindre leur but ; lois qui sont tirées de l’anatomie, de la physiologie et de la psychologie, selon les plus récentes conquêtes de la biologie, de la médecine et de la psychologie, comme le démontre amplement votre programme.
Mais vous avez désiré également que Nous-même ajoutions un mot concernant les problèmes religieux et moraux qui dérivent de l’activité gymnico-sportive, et que Nous indiquions les normes aptes à régler une matière si importante.
Il faut viser la perfection entière de l’homme.
Ici, comme en d’autres cas, pour arriver à des déductions claires et sûres, il faut poser à la base le principe suivant : tout ce qui sert à atteindre une fin déterminée doit prendre sa règle et sa mesure de cette fin elle-même. Or le sport et la gymnastique ont, comme fin prochaine, d’éduquer, de développer et de fortifier le corps du point de vue statique et dynamique ; comme fin plus éloignée, l’utilisation, par l’âme, du corps ainsi préparé, pour le développement de la vie intérieure ou extérieure de la personne ; comme fin encore plus profonde, de contribuer à sa perfection ; en dernier lieu, comme fin suprême de l’homme en général, commune à toute forme d’activité humaine, rapprocher l’homme de Dieu.
Ainsi établies les finalités du sport et de la gymnastique, il s’ensuit qu’on doit approuver en eux tout ce qui sert à atteindre les différents buts indiqués, chacun naturellement à la place qui lui revient ; il faut par contre repousser tout ce qui ne conduit pas à ces buts ou s’en écarte ou sort de l’ordre qui leur est assigné.
Si l’on veut maintenant descendre aux applications concrètes des principes énoncés, il Nous semble opportun de considérer séparément les principaux facteurs qui interviennent dans les activités gymnico-sportives et qui peuvent se comparer, comme Nous l’avons déjà indiqué, et en dépit de nombreuses différences, à ceux qui se rencontrent dans l’exercice de l’art. On doit distinguer dans l’art : l’instrument, l’artiste, l’utilisation de l’instrument. Dans la gymnastique et dans le sport, l’instrument est le corps vivant ; l’artiste, c’est l’âme, qui forme avec le corps une unité de nature ; l’action, c’est l’exercice de la gymnastique et du sport. Considérons-les donc sous l’aspect religieux et moral et voyons quels enseignements on peut en tirer pour le corps, pour l’âme et pour leur activité dans le domaine gymnico-sportif.
Le corps humain.
Ce qu’est le corps humain, sa structure et sa forme, ses membres et ses fonctions, ses instincts et ses énergies, c’est ce qu’enseignent lumineusement les sciences les plus diverses : l’anatomie, la physiologie, la psychologie et l’esthétique pour ne mentionner que les plus importantes. Ces sciences vous fournissent de jour en jour plus largement de nouvelles connaissances et nous conduisent d’étonnement en étonnement : elles nous montrent la merveilleuse structure du corps et l’harmonie de ses parties, même les plus petites ; la téléologie qui lui est immanente et qui manifeste à la fois la constance de ses tendances et leur capacité très étendue d’adaptation ; elles nous découvrent à côté de centres d’énergie statique, un dynamisme de mouvement et d’élan vers l’action ; elles nous révèlent des mécanismes – si on peut les appeler ainsi – d’une finesse et d’une sensibilité, mais aussi d’une puissance et d’une résistance comme on n’en rencontre dans aucun des plus modernes appareils de précision. Pour ce qui regarde l’esthétique, les génies artistiques de tous les temps, dans la peinture et dans la sculpture bien qu’ils aient réussi à approcher splendidement leur modèle ont eux-mêmes reconnu l’inexprimable attrait de la beauté et de la vitalité, que la nature a donné au corps humain.
La pensée religieuse et morale reconnaît et accepte tout cela. Mais elle va bien plus avant : en enseignant à rattacher le corps à sa première origine, elle lui attribue un caractère sacré, dont les sciences naturelles et l’art n’ont, par eux-mêmes, aucune idée. Le Roi de l’univers, pour couronner dignement la création, forma – d’une manière ou d’une autre – du limon de la terre l’œuvre merveilleuse du corps humain et, soufflant sur son visage, lui communiqua un souffle de vie, qui fit du corps l’habitation et l’instrument de l’âme ; autrement dit il éleva par lui la matière au service immédiat de l’esprit et par là rapprocha et unit en une synthèse – difficile à explorer pour notre esprit – le monde spirituel et le monde matériel, non seulement par un lien purement extérieur, mais dans l’unité de la nature humaine. Elevé ainsi à l’honneur d’être l’habitation de l’esprit, le corps humain était prêt à recevoir la dignité de temple même de Dieu, avec les prérogatives qui conviennent à un édifice à Lui consacré, et même de plus hautes encore. De fait, selon la parole expresse de l’Apôtre, le corps appartient au Seigneur, les corps sont « membres du Christ ». « Ne savez-vous pas – s’écrie-t-il – que vos membres sont le temple de l’Esprit, qui est en vous, qui vous a été donné par Dieu, et que vous ne vous appartenez pas ?… Glorifiez et portez Dieu dans votre corps » [1].
Il est bien vrai que sa condition présente de corps mortel l’apparente au courant général qui entraîne les autres vivants, dans une course sans frein vers la destruction. Mais le retour à la poussière n’est pas le destin définitif du corps humain, puisque nous apprenons de la bouche de Dieu qu’il sera rappelé à la vie – une vie immortelle cette fois – lorsque le sage et mystérieux dessein de Dieu, qui se déroule, semblable aux vicissitudes de la vie végétale, aura son achèvement sur la terre. « Semé dans la corruption, (le corps) ressuscite incorruptible ; semé dans l’ignominie, il ressuscite glorieux ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force ; semé corps animal, il ressuscite corps spirituel[2]. »
La Révélation nous enseigne donc au sujet du corps de l’homme de sublimes vérités, que les sciences naturelles et l’art sont incapables de découvrir par eux-mêmes, vérités qui confèrent au corps une nouvelle valeur et une dignité plus élevée et par conséquent un plus haut motif à mériter le respect. Le sport et la gymnastique n’ont certainement rien à craindre de ces principes religieux et moraux correctement appliqués ; il faut toutefois exclure certaines formes qui sont en opposition avec le respect indiqué à l’instant.
La saine doctrine enseigne à respecter le corps, mais non à l’estimer plus qu’il n’est juste. Le principe est celui-ci : soin du corps, accroissement de vigueur du corps, oui ; culte du corps, divinisation du corps, non, pas plus que divinisation de la race et du sang avec leurs présupposés somatiques ou leurs éléments constitutifs. Le corps n’occupe pas chez l’homme la première place ; ni le corps terrestre et mortel, tel qu’il existe maintenant, ni le corps glorifié et spiritualisé, tel qu’il sera un jour. Ce n’est pas au corps, tiré du limon de la terre, que revient le primat dans le composé humain, mais à l’esprit, à l’âme spirituelle.
Non moins importante est une autre règle fondamentale contenue aussi dans un passage de la Sainte Ecriture. On lit en effet dans la lettre de S. Paul aux Romains : « Je vois dans mes membres une autre loi, qui s’oppose à la loi de mon esprit et me rend esclave de la loi du péché qui est dans mes membres » [3]. On ne pourrait décrire de façon plus vivante le drame quotidien dont est tissée la vie de l’homme. Les instincts et les forces du corps se font sentir, et, étouffant la voix de la raison, l’emportent sur les énergies de la bonne volonté depuis le jour où leur pleine subordination à l’esprit fut perdue par le péché originel.
Dans l’usage et l’exercice intensifs du corps, il faut tenir compte de ce fait. De même qu’il y a une gymnastique et un Sport qui, par leur austérité, concourent à réfréner les instincts, ainsi il existe d’autres formes de sport qui les réveillent, soit par la force violente, soit par les séductions de la sensualité. Du point de vue esthétique aussi, par le plaisir de la beauté, par l’admiration du rythme dans la danse et dans la gymnastique, l’instinct peut insinuer son venin dans les âmes. Il y a en outre dans le sport et dans la gymnastique, dans les exercices rythmiques et dans la danse, un certain nudisme qui n’est ni nécessaire ni convenable. Ce n’est pas sans raison qu’il y a quelques décades un observateur tout à fait impartial devait avouer :
« Ce qui dans ce domaine intéresse la masse, ce n’est pas la beauté de la nudité, mais la nudité de la beauté ». A une telle manière de pratiquer la gymnastique et le sport, le sens religieux et moral oppose son Veto.
En un mot, le sport et la gymnastique doivent non pas commander et dominer, mais servir et aider. C’est leur fonction, et c’est là qu’ils trouvent leur justification.
L’âme humaine.
En réalité, à quoi serviraient l’usage et le développement du corps, de ses énergies, de sa beauté, s’ils n’étaient pas au service de quelque chose de plus noble et de plus durable : de l’âme ? Le sport qui ne sert pas l’âme ne sera qu’une vaine agitation de membres, une ostentation de beauté caduque, une joie éphémère. Dans son grand discours de Capharnaüm, voulant arracher ses auditeurs à leurs sentiments bassement matérialistes et les conduire à une intelligence plus spirituelle, Jésus-Christ formula un principe général : « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien » 6. Ces divines paroles, qui renferment une maxime fondamentale de la vie chrétienne, valent aussi pour le jeu et le sport. L’âme est le facteur déterminant et définitif de toute opération extérieure, de même que ce n’est pas le violon qui détermine la naissance de la mélodie, mais la touche géniale de l’artiste, sans laquelle l’instrument, même le plus parfait, resterait muet. Ainsi en est-il pour les mouvements harmonieux des membres dans la gymnastique, pour les déplacements agiles et avisés dans les jeux, pour les étreintes puissantes des muscles dans la lutte : le facteur principal et déterminant n’est pas le corps, mais l’âme ; si celle-ci l’abandonnait, il tomberait, comme toute autre masse inerte. C’est d’autant plus vrai que le lien qui les unit est plus étroit : dans l’homme, c’est une union substantielle en vertu de laquelle les deux éléments s’unissent pour former une seule nature ; union bien différente du rapport d’association qui existe entre l’artiste et son violon. Dans le sport et dans la gymnastique, donc, comme dans le jeu de l’artiste, l’élément principal, dominant, est l’esprit, l’âme ; non l’instrument, le corps.
Fondée sur de tels principes, la conscience religieuse et morale exige que dans l’appréciation du sport et de la gymnastique, dans le jugement sur la personne des athlètes, dans le tribut d’admiration à leurs entreprises, le respect de cette hiérarchie des valeurs soit pris comme critérium fondamental, de telle sorte que la plus grande louange n’aille pas à celui qui possède les muscles les plus forts et les plus agiles, mais à celui qui fait preuve aussi d’une capacité plus rapide de les soumettre à la maîtrise de l’esprit.
Une seconde exigence de l’ordre religieux et moral, basée sur la même échelle des valeurs, interdit, en cas de conflit, de sacrifier à l’avantage du corps les intérêts intangibles de l’âme. La vérité et la probité, l’amour, la justice et l’équité, l’intégrité morale et la pudeur naturelle, le soin obligatoire de la vie et de la santé, de la famille et de la profession, de la bonne réputation et du véritable honneur, ne doivent pas être subordonnés à l’activité sportive, à ses victoires et à ses gloires. Comme dans les autres arts et activités, ainsi dans le sport c’est une loi immuable que l’heureux succès n’est pas une sûre garantie de rectitude morale.
Une troisième exigence concerne le degré d’importance qui revient au sport dans l’ensemble des activités humaines. Il ne s’agit donc plus ici de considérer ni d’apprécier le corps et l’âme dans les limites du sport et de la gymnastique, mais de placer ces derniers dans le cadre bien plus vaste de la vie, et d’examiner alors la valeur qu’il convient de leur reconnaître. Sous la direction de la saine raison naturelle et beaucoup plus de la conscience chrétienne, chacun peut arriver à la règle certaine que l’entraînement et la maîtrise du corps exercée par l’âme, la joie de sentir la force que l’on possède et la réussite de ses entreprises sportives, ne sont ni l’élément unique ni l’élément principal des activités humaines. Ce sont des aides et des accessoires estimables, certes ; mais non des valeurs de vie indispensables, ni des nécessités morales absolues. Elever la gymnastique, le sport, l’exercice rythmique, avec tout ce qui s’y rattache, au rang de but suprême de la vie, serait en vérité trop peu pour l’homme, dont des aspirations, tendances et facultés bien plus élevées constituent la grandeur hors pair.
En conséquence tous les sportifs ont le devoir de conserver cette juste conception du sport ; non point pour troubler ou diminuer la joie qu’ils en tirent, mais pour les préserver du danger de négliger des devoirs bien plus élevés concernant leur dignité et le respect envers Dieu et envers eux-mêmes.
Nous ne voulons pas conclure cette considération sans adresser une parole à une catégorie particulière de personnes, dont le nombre s’est malheureusement accru depuis les deux cruelles guerres qui ont affligé le mondé ; c’est-à-dire à ceux que des déficiences physiques ou psychiques rendent inaptes à la gymnastique et au sport et qui, souvent, spécialement les plus jeunes, en souffrent amèrement. Tout en souhaitant que l’antique adage Mens sana in corpore sano devienne toujours plus largement le sort de la génération présente, c’est un devoir pour tous de s’arrêter avec une attention et une compassion particulières sur ces cas, dont le destin terrestre est différent. Toutefois la dignité humaine, le devoir et son accomplissement ne sont pas liés à cette devise. Nombreux sont les exemples dans la vie de chaque jour, outre ceux échelonnés tout au long de l’histoire, qui démontrent que rien n’empêche qu’un corps infirme ou diminué puisse abriter une âme saine, parfois grande et même géniale et héroïque. Tout homme, même malade et par conséquent inapte à tout sport, est toutefois un homme véritable qui réalise, même dans ses déficiences physiques, un dessein particulier et mystérieux de Dieu. S’il embrasse de bon cœur cette douloureuse mission, portant la volonté de Dieu et porté par elle, il sera en mesure de parcourir plus sûrement le chemin de la vie, tracé pour lui sur un sentier caillouteux et hérissé d’épines, dont le renoncement forcé aux joies du sport n’est pas la moindre. Ce sera son titre particulier de noblesse et de magnanimité de laisser sans envie les autres jouir de leur force physique et de leurs membres, bien plus de prendre part généreusement à leur joie, comme d’un autre côté les personnes saines et robustes doivent, dans un fraternel et chrétien échange, pratiquer et témoigner au malade une profonde compréhension et une cordiale bienveillance. Que l’infirme « porte les poids » des autres, et que les autres, qui dans la plupart des cas, sinon dans tous, n’ont pas seulement les membres sains mais ont également, – Nous n’en doutons pas, – leur croix, soient heureux de mettre leurs forces au service du frère malade. « Portez les uns les poids des autres et ainsi vous satisferez la loi du Christ [4]. » « Et si un membre souffre, tous les membres souffrent ensemble ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent ensemble [5]. »
La pratique du sport.
Il reste à dire une parole au sujet de la pratique du sport, c’est-à-dire sur les moyens concrets, pour que votre activité atteigne ses buts, maintienne les valeurs, bannisse les abus que Nous venons d’indiquer.
Tout ce qui concerne l’aspect hygiénique et technique, les exigences dérivant de l’anatomie, de la physiologie, de la psychologie et d’autres sciences spéciales biologiques ou médicales, tout cela entre dans le cadre de votre compétence et a été l’objet de vos profondes discussions.
En revanche tout ce qui regarde le côté religieux et moral, le principe de finalité déjà exposé au début, vous donne la clef pour la solution des problèmes qui pourront surgir devant le tribunal de votre conscience. Mais dans l’activité ordinaire, qu’il vous suffise de vous rappeler que toute action (ou omission) humaine tombe sous les prescriptions de la loi naturelle, des préceptes positifs de Dieu et de l’autorité humaine compétente ; triple loi qui, en vérité, n’en est qu’une seule, la volonté divine manifestée de diverses façons. Au jeune homme riche de l’Evangile, le Seigneur répondit brièvement : « Si tu veux arriver à la vie, observe les commandements ». Et à la nouvelle question : « Lesquels ? », le Rédempteur le renvoya aux prescriptions bien connues du Décalogue[6]. De même on peut également dire ici : Voulez-vous agir comme il se doit dans la gymnastique et dans le sport ? Observez les commandements.
Rendez à Dieu, en premier lieu, l’honneur qui lui est dû, et, surtout, sanctifiez le jour du Seigneur, car le sport n’exempte pas des devoirs religieux. « Je suis le Seigneur ton Dieu » – disait le Très-Haut dans le Décalogue – « Tu n’auras point d’autre Dieu que moi [7] », donc pas même le corps dans les exercices physiques et dans le sport : ce serait comme un retour au paganisme. De même le quatrième commandement[8], expression et protection de l’harmonie voulue par le Créateur au sein de la famille, rappelle la fidélité aux devoirs familiaux, qui doivent avoir la priorité sur les exigences supposées du sport et des associations sportives.
Les commandements de Dieu viennent également protéger la vie personnelle et celle d’autrui, la santé personnelle et celle d’autrui, qu’il n’est pas permis d’exposer inconsidérément à un sérieux danger par la gymnastique et le sport [9].
C’est d’eux que tirent leur force également certaines lois, déjà connues des athlètes du paganisme, et que les authentiques sportifs maintiennent à juste titre comme des lois inviolables dans le jeu et dans les compétitions, et qui sont autant de points d’honneur : sincérité, loyauté, esprit chevaleresque, en raison desquels ils ont en horreur, comme une tache infamante, l’emploi de la ruse et de la tromperie ; le bon renom et l’honneur de l’adversaire sont pour eux aussi chers et respectables que les leurs propres.
La lutte physique devient ainsi comme une ascèse de vertus humaines et chrétiennes ; elle doit même devenir et être telle, si dur que soit l’effort exigé, afin que l’exercice du sport s’élève au-dessus de lui-même, atteigne un de ses objectifs moraux et soit préservé de déviations matérialistes, qui en rabaisseraient la valeur et la noblesse.
Voilà en bref ce que signifie la formule : Voulez-vous agir comme il se doit dans la gymnastique, dans le jeu, dans le sport ? Observez les commandements, les commandements dans leur sens objectif, simple et clair.
Nous estimons vous avoir exposé l’essentiel de ce que la religion et la morale ont à dire sur le thème général de votre Congrès : « Age d’évolution et activité physique ». Quand on respecte soigneusement le contenu religieux et moral du sport, celui-ci est appelé à prendre sa place dans la vie de l’homme comme un élément d’équilibre, d’harmonie et de perfection, et comme une aide efficace dans l’accomplissement de ses autres devoirs.
Mettez donc votre joie dans la pratique correcte de la gymnastique, du sport. Apportez, même au milieu du peuple, leur courant bienfaisant, afin que soit sans cesse plus florissante la santé physique et psychique et que se fortifient les corps au service de l’esprit ; par-dessus tout, enfin, n’oubliez pas, au milieu de la frémissante et enivrante activité de la gymnastique et du sport, ce qui vaut plus que tout dans la vie : l’âme, la conscience et, au sommet suprême, Dieu.
En exprimant le souhait que la Providence avec sa grâce protège, ennoblisse et sanctifie le sport et ses réalisations, Nous vous donnons de tout cœur, en gage de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Editions Saint-Augustin Saint Maurice – D’après le texte italien des A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 868.