Le cinquième congrès de psychothérapie et de psychologie clinique, s’étant tenu à Rome, le Pape recevant en audience les participants, prononça l’allocution suivante :
Nous vous souhaitons la bienvenue, chers fils et chères filles, qui, venus de partout, vous êtes rassemblés à Rome pour entendre de doctes exposés et discuter des questions de psychothérapie et de psychologie clinique. Votre Congrès est terminé, et, pour garantir ses résultats et le succès de vos recherches et activités futures, vous venez recevoir la Bénédiction du Vicaire du Christ. Bien volontiers, Nous répondons à votre désir et Nous profitons de l’occasion pour vous adresser un mot d’encouragement et vous donner quelques directives.
Pie XII énumère les découvertes récentes de la psychologie dite des « profondeurs ».
La science affirme que de nouvelles observations ont mis à jour les couches profondes du psychisme humain et elle s’efforce de comprendre ces découvertes, de les interpréter et de les rendre utilisables. On parle de dynamismes, de déterminismes et de mécanismes cachés dans les profondeurs de l’âme, dotés de lois immanentes dont découlent certains modes d’action. Sans doute, ceux-ci sont mis en œuvre dans le subconscient ou l’inconscient, mais ils pénètrent aussi dans le domaine de la conscience et le déterminent. On prétend disposer de procédés éprouvés et reconnus adéquats pour scruter le mystère de ces profondeurs de l’âme, les éclairer et les remettre sur le droit chemin, lorsqu’elles exercent une influence néfaste.
Ces questions, qui se prêtent à l’examen d’une psychologie scientifique, sont du ressort de votre compétence. Il en va de même pour l’utilisation de nouvelles méthodes psychiques. Mais que les psychologies théorique et pratique restent conscientes, l’une et l’autre, qu’elles ne peuvent perdre de vue ni les vérités établies par la raison et par la foi, ni les préceptes obligatoires de la morale.
L’an passé, au mois de septembre[1], pour répondre au souhait des membres du « Premier Congrès International d’histopathologie du système nerveux », Nous avons indiqué les limites morales des méthodes médicales de recherche et de traitement. Sur la base de cet exposé, Nous voudrions, aujourd’hui, ajouter quelques compléments. En bref, Nous avons l’intention d’indiquer l’attitude fondamentale qui s’impose au psychologue et au psychothérapeute chrétien.
Cette attitude fondamentale se ramène à la formule suivante : la psychothérapie et la psychologie clinique doivent toujours considérer l’homme : 1° comme unité et totalité psychique ; 2° comme unité structurée en elle-même ; 3° comme unité sociale ; 4° comme unité transcendante, c’est-à-dire en tendance vers Dieu.
I. L’homme comme unité et totalité psychique.
La médecine apprend à regarder le corps humain comme un mécanisme de haute précision, dont les éléments s’engrènent l’un sur l’autre et s’enchaînent l’un à l’autre ; la place et les caractéristiques de ces éléments dépendent du tout, ils servent son existence et ses fonctions. Mais cette conception s’applique encore beaucoup mieux à l’âme, dont les rouages délicats sont assemblés avec bien plus de spin. Les diverses facultés et fonctions psychiques s’insèrent dans l’ensemble de l’être spirituel et se subordonnent à sa finalité.
Il est inutile de développer plus longuement ce point. Mais vous devez, vous, les psychologues et les thérapeutes, tenir compte de ce fait : l’existence de chaque faculté ou fonction psychique se justifie par la fin du tout. Ce qui constitue l’homme, c’est principalement l’âme, forme substantielle de sa nature. C’est d’elle que découle en dernier lieu toute la vie humaine ; en elle, s’enracinent tous les dynamismes psychiques, avec leur structure propre et leur loi organique ; c’est elle que la nature charge de gouverner toutes les énergies, pour autant que celles-ci n’aient pas encore acquis leur dernière détermination. De ce donné ontologique et psychique, il s’ensuit que ce serait s’écarter du réel que de vouloir, en théorie ou en pratique, confier le rôle déterminant du tout à un facteur particulier, par exemple, à l’un des dynamismes psychiques élémentaires, et installer ainsi au gouvernail une puissance secondaire. Ces dynamismes peuvent être dans l’âme, dans l’homme ; ils ne sont cependant pas l’âme, ni l’homme. Ils sont des énergies, d’une intensité considérable peut-être, mais la nature en a confié la direction au poste central, à l’âme spirituelle, douée d’intelligence et de volonté, capable normalement de gouverner ces énergies. Que ces dynamismes exercent leur pression sur une activité, ne signifie pas nécessairement qu’ils la contraignent. On nierait une réalité ontologique et psychique, en contestant à l’âme sa place centrale.
Il n’est donc pas possible, lorsqu’on étudié la relation du moi aux dynamismes qui le composent, de concéder sans réserve, en théorie, l’autonomie de l’homme, c’est-à-dire de son âme, mais d’ajouter aussitôt que, dans la réalité de la vie, ce principe théorique apparaît le plus souvent tenu en échec ou tout au moins minimisé à l’extrême. Dans la réalité de la vie, dit-on, il reste toujours à l’homme la liberté d’accorder son consentement interne à ce qu’il accomplit, mais non point celle de l’accomplir. A l’autonomie de la volonté libre se substitue l’hétéronomie du dynamisme instinctif. Ce n’est pas ainsi que le Créateur a façonné l’homme. Le péché originel ne lui enlève pas la possibilité et l’obligation de se conduire lui-même par l’âme. On ne prétendra pas que les troubles psychiques et les maladies qui entravent le fonctionnement normal du psychisme sont le donné habituel. Le combat moral pour rester sur le droit chemin ne prouve pas l’impossibilité de suivre celui-ci et n’autorise pas à reculer.
II. L’homme comme unité structurée.
L’homme est une unité et un tout ordonnés ; un microcosme, une sorte d’Etat dont la charte, déterminée par le but du tout, subordonne à ce but l’activité des parties selon l’ordre véritable de leur valeur et de leur fonction. Cette charte est, en dernière analyse, d’origine ontologique et métaphysique, non pas psychologique et personnelle. On a cru devoir accentuer l’opposition entre métaphysique et psychologique. Bien à tort ! Le psychique lui-même appartient au domaine de l’ontologique et du métaphysique.
Nous vous avons rappelé cette vérité pour y rattacher une remarque sur l’homme concret dont on examine ici l’ordonnance interne. On a prétendu, en effet, établir l’antinomie de la psychologie et de l’éthique traditionnelles vis-à-vis de la psychothérapie et de la psychologie clinique modernes. La psychologie et l’éthique traditionnelles ont pour objet, affirme-t-on, l’être abstrait de l’homme, l’homo ut sic qui, assurément, n’existe nulle part. La clarté et l’enchaînement logique de ces disciplines méritent l’admiration, mais elles souffrent d’un vice de base : elles sont inapplicables à l’homme réel, tel qu’il existe. La psychologie clinique, au contraire, part de l’homme réel, de l’homo ut hic. Et l’on conclut : entre les deux conceptions s’ouvre un abîme impossible à franchir aussi longtemps que la psychologie et l’éthique traditionnelles ne changeront pas leur position.
Qui étudie la constitution de l’homme réel, doit en effet prendre comme objet l’homme « existentiel », tel qu’il est, tel que l’ont fait ses dispositions naturelles, les influences du milieu, l’éducation, son évolution personnelle, ses expériences intimes et les événements du dehors. Seul existe cet homme concret. Et cependant, la structure de ce moi personnel obéit dans le moindre détail aux lois ontologiques et métaphysiques de la nature humaine, dont Nous parlions plus haut. C’est elles qui l’ont formée et qui donc doivent la gouverner et la juger. La raison en est que l’homme « existentiel » s’identifie dans sa structure intime avec l’homme « essentiel ». La structure essentielle de l’homme ne disparaît pas quand s’y ajoutent les notes individuelles ; elle ne se transforme pas non plus en une autre nature humaine. Mais précisément la charte, dont il s’agissait tantôt, repose dans ses énoncés principaux sur la structure essentielle de l’homme concret, réel.
Par conséquent, il serait erroné de fixer pour la vie réelle des normes, qui s’écarteraient de la morale naturelle et chrétienne, et que l’on désignerait volontiers du vocable « éthique personnaliste » : celle-ci sans doute, recevrait de celle-là une certaine orientation, mais ne comporterait pas pour autant d’obligation stricte. La loi de structure de l’homme concret n’est pas à inventer, mais à appliquer.
III. L’homme comme unité sociale.
Ce que Nous avons dit jusqu’ici concerne l’homme dans sa vie personnelle. Le psychique comprend aussi ses relations avec le monde extérieur, et c’est une tâche digne d’éloges, un champ ouvert à vos recherches, que d’étudier le psychisme social en lui-même et en ses racines, de le rendre utilisable aux fins de la psychologie clinique et de la psychothérapie. Qu’on prenne bien garde en ceci à distinguer soigneusement les faits eux- mêmes de leur interprétation.
Le psychisme social touche aussi à la moralité et les conclusions de la morale recouvrent largement celles d’une psychologie et d’une psychothérapie sérieuses. Mais il y a quelques points où l’application du psychisme social pèche par excès ou par défaut : c’est à cela que Nous voudrions brièvement Nous arrêter.
Le Pape dénonce une erreur par défaut.
L’erreur par défaut : il existe un malaise psychologique et moral, l’inhibition du moi, dont votre science s’occupe de déceler les causes. Quand cette inhibition empiète sur le domaine moral, par exemple, quand il s’agit de dynamismes, comme l’instinct de domination, de supériorité et l’instinct sexuel, la psychothérapie ne pourrait pas, sans plus, traiter cette inhibition du moi comme une sorte de fatalité, comme une tyrannie de la pulsion affective, qui jaillit du subconscient et qui échappe simplement au contrôle de la conscience et de l’âme. Qu’on ne rabaisse pas trop vite l’homme concret avec son caractère personnel au rang de la brute. Malgré les bonnes intentions du thérapeute, des esprits délicats ressentent amèrement cette dégradation au plan de la vie instinctive et sensitive. Qu’on ne néglige pas non plus nos remarques précédentes sur l’ordre de valeur des fonctions et le rôle de leur direction centrale.
Un mot aussi sur la méthode utilisée parfois par le psychologue pour libérer le moi de son inhibition dans les cas d’aberration dans le domaine sexuel : Nous pensons à l’initiation sexuelle complète, qui ne veut rien taire, rien laisser dans l’obscurité. N’y a‑t-il pas là une surestimation pernicieuse du savoir ? Il existe aussi une éducation sexuelle efficace, qui en toute sécurité enseigne dans le calme et l’objectivité ce que le jeune homme doit savoir pour se conduire lui-même et traiter avec son entourage. Pour le reste, on mettra principalement l’accent, dans l’éducation sexuelle comme d’ailleurs en toute éducation, sur la maîtrise de soi et la formation religieuse. Le Saint-Siège a publié des normes à ce propos peu après l’Encyclique de Pie XI sur le mariage chrétien [2]. Ces normes n’ont pas été retirées, ni expressément, ni via facti.
Ce qui vient d’être dit de l’initiation inconsidérée, à des fins thérapeutiques, vaut aussi de certaines formes de la psychanalyse. On ne devrait pas les considérer comme le seul moyen d’atténuer ou de guérir des troubles sexuels psychiques. Le principe rebattu que les troubles sexuels de l’inconscient, comme toutes les autres inhibitions d’origine identique, ne peuvent être supprimés que par leur évocation à la conscience, ne vaut pas si on le généralise sans discernement. Le traitement indirect a aussi son efficacité et souvent il suffit largement. En ce qui concerne l’emploi de la méthode psychanalytique dans le domaine sexuel, notre allocution du 13 septembre, citée plus haut, en a déjà indiqué les limites morales. En effet, on ne peut pas considérer, sans plus, comme licite l’évocation à la conscience de toutes les représentations, émotions, expériences sexuelles, qui sommeillaient dans la mémoire et l’inconscient, et qu’on actualise ainsi dans le psychisme. Si l’on écoute les protestations de la dignité humaine et chrétienne, qui se risquerait à prétendre que ce procédé ne comporte aucun péril moral, soit immédiat, soit futur, alors que, même si on affirme la nécessité thérapeutique d’une exploration sans bornes, cette nécessité, au demeurant, n’est pas prouvée ?
Le Pape dénonce une erreur par excès.
L’erreur par excès : elle consiste à souligner l’exigence d’un abandon total du moi et de son affirmation personnelle. A ce propos, Nous voulons relever deux points : un principe général et un point de pratique psychothérapeutique.
De certaines explications psychologiques se dégage la thèse que l’extraversion inconditionnée du moi constitue la loi fondamentale de l’altruisme congénital et de ses dynamismes. C’est une erreur logique, psychologique et éthique. Il existe une défense, une estime, un amour et un service de soi, non seulement justifiés, mais exigés par la psychologie et la morale. C’est une évidence naturelle et une leçon de la foi chrétienne [3]. Le Seigneur a enseigné : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » [4]. Le Christ propose donc comme règle de l’amour du prochain la charité envers soi-même, non le contraire. La psychologie appliquée mépriserait cette réalité, si elle qualifiait toute considération du moi d’inhibition psychique, erreur, retour à un stade de développement antérieur, sous prétexte qu’elle s’oppose à l’altruisme naturel du psychisme.
Le point de pratique psychothérapeutique, que Nous annoncions, concerne un intérêt essentiel de la société : la sauvegarde des secrets que met en danger l’utilisation de la psychanalyse. Il n’est pas du tout exclu qu’un fait ou un savoir secrets et refoulés dans le subconscient provoquent des conflits psychiques sérieux. Si la psychanalyse décèle la cause de ce trouble, elle voudra, selon son principe, évoquer entièrement cet inconscient pour le rendre conscient et lever l’obstacle. Mais il y a des secrets qu’il faut absolument taire, même au médecin, même en dépit d’inconvénients personnels graves. Le secret de la confession ne souffre pas d’être dévoilé ; il est exclu également que le secret professionnel soit communiqué à un autre, y compris au médecin. Il en va de même pour d’autres secrets. On en appelle au principe : Ex causa proportionate gravi licet uni viro prudenti et secreti tenaci secretum manifestare [5]. Le principe est exact dans d’étroites limites, pour quelques espèces de secrets. Il ne convient pas de l’utiliser sans discernement dans la pratique psychanalytique.
Au regard de la moralité, du bien commun en premier lieu, le principe de la discrétion dans l’utilisation de la psychanalyse ne peut être assez souligné. Il s’agit, évidemment, non pas d’abord de la discrétion du psychanalyste, mais de celle du patient qui, souvent, ne possède aucunement le droit de disposer de ses secrets.
IV. L’homme comme unité transcendante, en tendance vers Dieu.
Ce dernier aspect de l’homme introduit trois questions que nous ne voudrions pas laisser de côté.
L’immanence de la Foi.
Tout d’abord, la recherche scientifique attire l’attention sur un dynamisme qui, enraciné dans les profondeurs du psychisme, pousserait l’homme vers l’infini qui le dépasse, non point en le faisant connaître, mais par une gravitation ascendante issue directement du substrat ontologique. On voit en ce dynamisme une force indépendante, la plus fondamentale et la plus élémentaire de l’âme, un élan affectif portant immédiatement au divin, comme la fleur, à son insu, s’ouvre à la lumière et au soleil, ou comme l’enfant respire inconsciemment dès qu’il est né.
Cette assertion appelle tout de suite une remarque : Si l’on déclare que ce dynamisme est à l’origine de toutes les religions, qu’il manifeste l’élément commun à toutes, Nous savons par ailleurs que les religions, la connaissance de Dieu naturelle et surnaturelle, et son culte, ne procèdent pas de l’inconscient ou du subconscient, ni d’une impulsion affective, mais de la connaissance claire et certaine de Dieu, par le moyen de sa révélation naturelle et positive. C’est la doctrine et la foi de l’Eglise depuis la parole de Dieu au Livre de la Sagesse, et dans l’Epître aux Romains jusqu’à l’Encyclique Pascendi dominici gregis, de notre Prédécesseur le bienheureux Pie X.
Ceci posé, reste encore la question de ce mystérieux dynamisme. On pourrait dire, à ce propos, ce qui suit : il ne faut certes pas incriminer la psychologie des profondeurs, si elle s’empare du contenu du psychisme religieux, s’efforce de l’analyser et de le réduire en système scientifique, même si cette recherche est nouvelle et si sa terminologie ne se rencontre pas dans le passé. Nous évoquons ce dernier point parce que, facilement, il se produit des malentendus lorsque la psychologie attribue un sens nouveau à des expressions déjà en usage. Des deux côtés il faudra de la prudence et de la réserve pour éviter les fausses interprétations et pour rendre possible une compréhension réciproque.
Il appartient aux méthodes de votre science d’éclaircir les questions de l’existence, de la structure et du mode d’action de ce dynamisme. Si le résultat s’avérait positif, on ne devrait pas le déclarer inconciliable avec la raison ou la foi. Cela montrerait seulement que l’esse ab alio est aussi, jusque dans ses racines les plus profondes, un esse ad alium, et que le mot de saint Augustin : Fecisti nos ad te ; et inquietum est cor nostrum, donec requiescat in te [6], trouve une nouvelle confirmation jusque dans le tréfonds de l’être psychique. S’agirait-il même d’un dynamisme intéressant tous les hommes, tous les peuples, toutes les époques et toutes les cultures : quelle aide, et combien appréciable pour la recherche de Dieu et son affirmation !
Le sentiment de culpabilité.
Aux relations transcendantes du psychisme appartient aussi le sentiment de culpabilité, la conscience d’avoir violé une loi supérieure dont, cependant, on reconnaissait l’obligation : conscience qui peut se muer en souffrance et même en trouble psychique.
La psychothérapie aborde ici un phénomène qui ne relève pas de sa compétence exclusive, car il est aussi, sinon principalement, de caractère religieux. Personne ne contestera qu’il peut exister, et ce n’est pas rare, un sentiment de culpabilité irraisonné, maladif même. Mais on peut avoir également conscience d’une faute réelle qui n’a pas été effacée. Ni la psychologie ni l’éthique ne possèdent de critère infaillible pour les cas d’espèce, car le processus de conscience qui engendre la culpabilité a une structure trop personnelle et trop subtile. Mais en tout cas, il est sûr que la culpabilité réelle, aucun traitement purement psychologique ne la guérira. Même si le psychothérapeute la conteste, de très bonne foi peut-être, elle perdure. Que le sentiment de culpabilité soit ôté par intervention médicale, par autosuggestion ou persuasion d’autrui, la faute demeure, et la psychothérapie s’abuserait et abuserait les autres si, pour effacer le sentiment de culpabilité, elle prétendait que la faute n’existe plus.
Le moyen d’éliminer la faute ne relève pas du pur psychologique ; comme tout chrétien le sait, il consiste dans la contrition et l’absolution sacramentelle par le prêtre. Ici, c’est la source du mal, la faute elle-même qui est extirpée, même si peut-être le remords continue à travailler. Il n’est pas rare de nos jours que dans certains cas pathologiques le prêtre renvoie son pénitent au médecin ; dans le cas présent, le médecin devrait plutôt adresser son client à Dieu et à ceux qui ont le pouvoir de remettre la faute elle-même au nom de Dieu.
Les actes conscients.
Une dernière remarque à propos de l’orientation transcendante du psychisme vers Dieu : le respect de Dieu et de sa sainteté doit toujours se refléter dans les actes conscients de l’homme. Quand ces actes s’écartent du Modèle divin, même sans faute subjective de l’intéressé, ils contredisent cependant sa finalité dernière. Voilà le motif pour lequel ce qu’on appelle « péché matériel » est une chose qui ne doit pas être et constitue donc dans l’ordre moral une réalité qui n’est pas indifférente.
Une conclusion s’ensuit pour la psychothérapie : vis-à-vis du péché matériel, elle ne peut rester neutre. Elle peut tolérer ce qui, pour l’instant, demeure inévitable. Mais elle doit savoir que Dieu ne peut justifier cette action. La psychothérapie peut encore moins donner au malade le conseil de commettre tranquillement un péché matériel, parce qu’il le fera sans faute subjective, et ce conseil serait aussi erroné si une telle action devait paraître nécessaire pour la détente psychique du malade et donc pour le but de la cure. On ne peut jamais conseiller une action consciente qui serait une déformation, non une image de la perfection divine.
Le Pape conclut :
Voilà ce que Nous croyions devoir vous exposer. Au reste, soyez assurés que l’Eglise accompagne de sa chaude sympathie et de ses meilleurs souhaits vos recherches et votre pratique médicale. Vous travaillez sur un terrain très difficile. Mais votre activité peut enregistrer de précieux résultats pour la médecine, pour la connaissance de l’âme en général, pour les dispositions religieuses de l’homme et leur épanouissement. Que la Providence et la grâce divine éclairent votre route ! Nous vous en donnons pour gage, avec une paternelle bienveillance, Notre Bénédiction apostolique.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Editions Saint-Augustin Saint Maurice – D’après le texte français des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 278.
- 13 septembre 1952, A. A. S., XLIV, 1952, pp. 779 ss. ; cf. Documents Pontificaux, 1952, page 454.[↩]
- S. C. S. Off., 21 mars 1931 ; A. A. S., XXIII, 1931, p. 118.[↩]
- Cf. S. Thomas, Somme Théologique, 2a-2æ, p. q. 26, a 4 in c.[↩]
- Marc, XII, 31.[↩]
- « Pour une cause proportionnellement grave, il est permis, à un homme prudent et discret, de manifester un secret. »[↩]
- Conf., l. I, c. I, n. 1.[↩]