Pie VI

250ᵉ Pape ; de 1775 à 1799

17 juin 1793

Allocution Quare lacrymæ

Martyre de Sa Majesté le Roy Louis XVI

Vénérables Frères, com­ment Notre voix n’est-elle point étouf­fée dans ce moment par Nos larmes et par Nos san­glots ? N’est-ce pas plu­tôt par Nos gémis­se­ments que par Nos paroles, qu’il convient d’exprimer cette dou­leur sans bornes que Nous sommes obli­gés de mani­fes­ter devant vous en vous retra­çant le spec­tacle que l’on vit à Paris le 21 du mois de jan­vier dernier.

Le Roi très Chrétien Louis XVI a été condam­né au der­nier sup­plice par une conju­ra­tion impie et ce juge­ment s’est exé­cu­té. Nous vous rap­pel­le­rons en peu de mots les dis­po­si­tions et les motifs de la sen­tence. La Convention Nationale n’avait ni droit ni auto­ri­té pour la prononcer.

En effet, après avoir abo­li la monar­chie, le meilleur des gou­ver­ne­ments, elle avait trans­por­té toute la puis­sance publique au peuple, qui ne se conduit ni par rai­son, ni par conseil, ne se forme sur aucun point des idées justes, appré­cie peu de chose par la véri­té et en éva­lue un grand nombre d’après l’opinion ; qui est tou­jours incons­tant, facile à être trom­pé, entraî­né à tous les excès, ingrat, arro­gant, cruel… La por­tion la plus féroce de ce peuple, peu satis­faite d’avoir dégra­dé la majes­té de son Roi, et déter­mi­née à lui arra­cher la vie, vou­lut qu’il fût jugé par ses propres accu­sa­teurs qui s’étaient décla­rés hau­te­ment ses plus impla­cables enne­mis. Déjà, dès l’ouverture du pro­cès, on avait appe­lé, tour à tour, par­mi les juges quelques dépu­tés plus par­ti­cu­liè­re­ment connus par leurs mau­vaises dis­po­si­tions, pour mieux s’assurer de faire pré­va­loir l’avis de la condam­na­tion par la plu­ra­li­té des opinions.

On ne put cepen­dant pas assez aug­men­ter le nombre pour obte­nir que le Roi fût immo­lé en ver­tu d’une majo­ri­té légale. A quoi ne devait-​on pas s’attendre et quel juge­ment exé­crable à tous les siècles ne pouvait-​on pas pres­sen­tir en voyant le concours de tant de juges per­vers, et de tant de manœuvres employées pour cap­ter les suffrages.

Toutefois, plu­sieurs d’entre eux ayant recu­lé d’horreur au moment de consom­mer un si grand for­fait, on ima­gi­na de reve­nir aux opi­nions, et les conju­rés ayant ain­si voté de nou­veau, pro­non­cèrent que la condam­na­tion était légi­ti­me­ment décré­tée. Nous pas­se­rons ici sous silence une foule d’autres injus­tices, de nul­li­tés et d’invalidités que l’on peut lire dans les plai­doyers des avo­cats et dans les papiers publics. Nous ne rele­vons pas non plus tout ce que le Roi fut contraint d’endurer avant d’être conduit au sup­plice : sa longue déten­tion dans diverses pri­sons d’où il ne sor­tait jamais que pour être conduit à la barre de la Convention, l’assassinat de son confes­seur, sa sépa­ra­tion de la Famille Royale qu’il aimait si ten­dre­ment ; enfin cet amas de tri­bu­la­tions ras­sem­blé sur lui pour mul­ti­plier ses humi­lia­tions et ses souf­frances. Il est impos­sible de ne pas en être péné­tré d’horreur quand on n’a point abju­ré tout sen­ti­ment d’humanité. L’indignation redouble encore de ce que le carac­tère de ce Prince était natu­rel­le­ment doux et bien­fai­sant ; que sa clé­mence, sa patience, son amour pour son peuple furent tou­jours inaltérables…

Mais ce que Nous ne sau­rions pas sur­tout pas­ser sous silence, c’est l’opinion uni­ver­selle qu’il a don­née de sa ver­tu par son tes­ta­ment, écrit de sa main, éma­né du fond de son âme, impri­mé et répan­du dans toute l’Europe. Quelle haute idée on y conçoit de sa ver­tu ! Quel zèle pour la reli­gion catho­lique ! Quel carac­tère d’une pié­té véri­table envers Dieu ! Quelle dou­leur, quel repen­tir d’avoir appo­sé son nom mal­gré lui à des Décrets si contraires à la dis­ci­pline et à la Foi ortho­doxe de l’Église. Prêt à suc­com­ber sous le poids de tant d’adversités qui s’aggravaient de jour en jour sur sa tête, il pou­vait dire comme Jacques Ier, Roi d’Angleterre, qu’on le calom­niait dans les Assemblées du peuple, non pour avoir com­mis un crime, mais parce qu’il était Roi, ce que l’on regar­dait comme le plus grand de tous les crimes…

Et qui pour­ra jamais dou­ter que ce monarque n’ait été prin­ci­pa­le­ment immo­lé en haine de la Foi et par un esprit de fureur contre les dogmes catho­liques ? Déjà depuis long­temps les cal­vi­nistes avaient com­men­cé à conju­rer en France la ruine de la reli­gion catholique.

Mais pour y par­ve­nir, il fal­lut pré­pa­rer les esprits et abreu­ver les peuples de ces prin­cipes impies que les nova­teurs n’ont ensuite ces­sé de répandre dans les livres qui ne res­pi­raient que la per­fi­die et la sédi­tion. C’est dans cette vue qu’ils se sont ligués avec des phi­lo­sophes per­vers. L’Assemblée Générale du Clergé de France de 1755 avait décou­vert et dénon­cé les abo­mi­nables com­plots de ces arti­sans d’impiété. Et Nous-​mêmes aus­si, dès le com­men­ce­ment de Notre Pontificat, pré­voyant les exé­crables manœuvres d’un par­ti si per­fide, Nous annon­cions le péril immi­nent qui mena­çait l’Europe dans Notre Lettre Encyclique adres­sée à tous les Évêques de l’Église Catholique…

Si l’on avait écou­té Nos repré­sen­ta­tions et Nos avis, Nous n’aurions pas à gémir main­te­nant de cette vaste conju­ra­tion tra­mée contre les rois et contre les empires.

Ces hommes dépra­vés s’aperçurent bien­tôt qu’ils avan­çaient rapi­de­ment dans leurs pro­jets ; ils recon­nurent que le moment d’accomplir leurs des­seins était enfin arri­vé ; ils com­men­cèrent à pro­fes­ser hau­te­ment, dans un livre impri­mé en 1787, cette maxime d’Hugues Rosaire ou bien d’un autre auteur qui a pris ce nom, que c’était une action louable que d’assassiner un sou­ve­rain qui refu­se­rait d’embrasser la réforme ou de se char­ger de défendre les inté­rêts des Protestants en faveur de leur religion.

Cette doc­trine ayant été publiée peu de temps avant que Louis fût tom­bé dans le déplo­rable état auquel il a été réduit, tout le monde a pu voir clai­re­ment quelle était la pre­mière source de ses mal­heurs. Il doit donc pas­ser pour constant qu’ils sont tous venus des mau­vais livres qui parais­saient en France, et qu’il faut les regar­der comme les fruits natu­rels de cet arbre empoisonné.

Aussi a‑t-​on publié dans la vie impri­mée de l’impie Voltaire, que le genre humain lui devait d’éternelles actions de grâces comme au pre­mier auteur de la Révolution Française.

C’est lui, dit-​on, qui en exci­tant le peuple à sen­tir et à employer ses forces, a fait tom­ber la pre­mière bar­rière du des­po­tisme : le pou­voir reli­gieux et sacer­do­tal. Si l’on n’eût pas bri­sé ce joug, on n’aurait jamais bri­sé celui des tyrans. L’un et l’autre se tenaient si étroi­te­ment unis que le pre­mier, une fois secoué, le second devait l’être bien­tôt après. En célé­brant comme le triomphe de Voltaire la chute de l’Autel et du Trône, on exalte la renom­mée et la gloire de tous les écri­vains impies comme autant de géné­raux d’une armée vic­to­rieuse. Après avoir ain­si entraî­né, par toutes sortes d’artifices, une très grande por­tion du peuple dans leur par­ti pour mieux l’attirer encore par leurs œuvres et par leurs pro­messes, ou plu­tôt pour en faire leur jouet dans toutes les pro­vinces de France, les fac­tieux se sont ser­vis du mot spé­cieux de liber­té, ils en ont arbo­ré les tro­phées et ils ont invi­té de tous côtés la mul­ti­tude à se réunir sous ses dra­peaux. C’est bien là, véri­ta­ble­ment, cette liber­té phi­lo­so­phique qui tend à cor­rompre les esprits, à dépra­ver les mœurs, à ren­ver­ser toutes les lois et toutes les ins­ti­tu­tions reçues. Aussi fut-​ce pour cette rai­son que l’Assemblée du Clergé de France témoi­gna tant d’horreur pour une pareille liber­té, quand elle com­men­çait à se glis­ser dans l’esprit du peuple par les maximes les plus fal­la­cieuses. Ce fut encore pour les mêmes motifs que Nous avons cru, Nous-​mêmes, devoir la dénon­cer et la carac­té­ri­ser en ces termes :

Les phi­lo­sophes effré­nés entre­prennent de bri­ser les liens qui unissent tous les hommes entre eux, qui les attachent aux Souverains et les contiennent dans le devoir. Ils disent et répètent jusqu’à satié­té que l’homme naît libre et qu’il n’est sou­mis à l’autorité de per­sonne. Ils repré­sentent, en consé­quence, la Société comme un amas d’idiots dont la stu­pi­di­té se pros­terne devant les prêtres et devant les rois qui les oppriment, de sorte que l’accord entre le Sacerdoce et l’Empire n’est autre chose qu’une bar­bare conju­ra­tion contre la liber­té natu­relle de l’homme. Ces avo­cats tant van­tés du genre humain ont ajou­té au mot fameux et trom­peur de liber­té cet autre nom d’égalité qui ne l’est pas moins. Comme si entre des hommes qui sont réunis en socié­té et qui ont des dis­po­si­tions intel­lec­tuelles si dif­fé­rentes, des goûts si oppo­sés et une acti­vi­té si déré­glée, si dépen­dante de leur cupi­di­té indi­vi­duelle, il ne devait y avoir per­sonne qui réunît la force et l’autorité néces­saires pour contraindre, répri­mer, rame­ner au devoir ceux qui s’en écartent, afin que la Société, bou­le­ver­sée par tant de pas­sions diverses et désor­don­nées, ne soit pré­ci­pi­tée dans l’anarchie et ne tombe pas en dissolution.

Après s’être éta­blis, selon l’expression de Saint Hilaire de Poitiers, Réformateurs des Pouvoirs publics et arbitres de la reli­gion, tan­dis que le prin­ci­pal objet est au contraire de pro­pa­ger par­tout un esprit de sou­mis­sion et d’obéissance, ces nova­teurs ont entre­pris de don­ner une consti­tu­tion à l’Église elle-​même par de nou­veaux décrets inouïs jusqu’à ce jour.

C’est de ce labo­ra­toire qu’est sor­tie une consti­tu­tion sacri­lège que Nous avons réfu­tée dans Notre réponse du 10 mars 1791 à l’exposition des prin­cipes qui Nous avait été sou­mise par cent trente Évêques. On peut appli­quer conve­na­ble­ment à ce sujet ces paroles de Saint Cyprien : « Comment se fait-​il que les Chrétiens soient jugés par des héré­tiques, les hommes sains par des malades … les juges par des cou­pables, les prêtres par des sacrilèges ? ».

Que reste-​t-​il donc de plus que de sou­mettre l’Église au capi­tole ? Tous les Français qui se mon­traient encore fidèles dans les dif­fé­rents ordres de l’État et qui refu­saient avec fer­me­té de se lier par un ser­ment à cette nou­velle Constitution, étaient aus­si­tôt acca­blés de revers et voués à la mort. On s’est hâté de les mas­sa­crer indis­tinc­te­ment ; on a fait subir les trai­te­ments les plus bar­bares à un grand nombre d’ecclésiastiques. On a égor­gé des Évêques … ceux que l’on per­sé­cu­tait avec moins de rigueur se voyaient arra­chés de leurs foyers et relé­gués dans des pays étran­gers, sans aucune dis­tinc­tion d’âge, de sexe, de condi­tion. On avait décré­té que cha­cun était libre d’exercer la reli­gion qu’il choi­si­rait, comme si toutes les reli­gions condui­saient au salut éter­nel ; et cepen­dant la seule reli­gion catho­lique était proscrite.

Seule, elle voyait cou­ler le sang de ses dis­ciples dans les places publiques, sur les grands che­mins et dans leurs propres mai­sons. On eût dit qu’elle était deve­nue un crime capi­tal. Ils ne pou­vaient trou­ver aucune sûre­té dans les États voi­sins où ils étaient venus cher­cher asile … Tel est le carac­tère constant des héré­sies. Tel a tou­jours été, dès les pre­miers siècles de l’Église, l’esprit des héré­tiques, spé­cia­le­ment déve­lop­pé de notre temps par les manœuvres tyran­niques des cal­vi­nistes qui ont cher­ché avec per­sé­vé­rance à mul­ti­plier leurs pro­sé­lytes par toutes sortes de menaces et de vio­lences. D’après cette suite inin­ter­rom­pue d’impiétés qui ont pris leur ori­gine en France, aux yeux de qui n’est-il pas démon­tré qu’il faut impu­ter à la haine de la reli­gion les pre­mières trames de ces com­plots qui troublent et ébranlent toute l’Europe ? Personne ne peut nier que la même cause n’ait ame­né la mort funeste de Louis XVI. On s’est effor­cé, il est vrai, de char­ger ce Prince de plu­sieurs délits d’un ordre pure­ment poli­tique. Mais, le prin­ci­pal reproche qu’on ait éle­vé contre lui, por­tait sur l’inaltérable fer­me­té avec laquelle il refu­sa d’approuver et de sanc­tion­ner le décret de dépor­ta­tion des prêtres, et la lettre qu’il écri­vit à l’Évêque de Clermont pour lui annon­cer qu’il était bien réso­lu de réta­blir en France, dès qu’il le pour­rait, le culte catho­lique. Tout cela ne suffit-​il pas pour qu’on puisse croire et sou­te­nir, sans témé­ri­té, que Louis fut un martyr ?

Mais, d’après ce que nous avons enten­du, on oppo­se­ra ici, peut-​être, comme un obs­tacle péremp­toire au mar­tyre de Louis, la sanc­tion qu’il a don­née à la Constitution, que Nous avons déjà réfu­tée dans Notre sus­dite réponse aux Évêques de France. Plusieurs per­sonnes nient le fait et affirment que lorsqu’on pré­sen­ta cette Constitution à la signa­ture du Roi, il hési­ta, recueilli dans ses pen­sées, et refu­sa son seing de peur que l’apposition de son nom ne pro­dui­sit tous les effets d’une appro­ba­tion for­melle. L’un de ses ministres que l’on nomme, et en qui le Roi avait alors une grande confiance, lui repré­sen­ta que sa signa­ture ne prou­ve­rait autre chose que l’exacte confor­mi­té de la copie avec l’original, de manière que Nous, à qui cette Constitution allait être adres­sée, Nous ne pou­vions sans aucun pré­texte éle­ver le moindre soup­çon sur son authenticité.

Il paraît que ce fut cette simple obser­va­tion qui le déter­mi­na aus­si­tôt à don­ner sa signa­ture. C’est aus­si ce qu’il insi­nue lui-​même dans son tes­ta­ment quand il dit que son seing lui fut arra­ché contre son propre vœu.

Et, en effet, il n’aurait pas été consé­quent et se serait mis en contra­dic­tion avec lui-​même, si, après avoir approu­vé volon­tai­re­ment la Constitution du Clergé de France, il l’eût reje­tée ensuite avec la plus inébran­lable fer­me­té, comme il fit lorsqu’il refu­sa de sanc­tion­ner le Décret de dépor­ta­tion des Prêtres non asser­men­tés, et lorsqu’il écri­vit à l’Évêque de Clermont qu’il était déter­mi­né à réta­blir en France le culte catholique.

Mais quoiqu’il en soit de ce fait, car Nous n’en pre­nons pas sur Nous la res­pon­sa­bi­li­té, et quand même Nous avoue­rions que Louis, séduit par défaut de réflexion ou par erreur, approu­va réel­le­ment la Constitution au moment où il sous­cri­vit, serions-​Nous obli­gés pour cela de chan­ger de sen­ti­ment au sujet de son mar­tyre ? Non, sans doute. Si Nous avions eu pareil des­sein, Nous en serions détour­nés par sa rétrac­ta­tion sub­sé­quente aus­si cer­taine que solen­nelle et par sa mort même qui fut votée en haine de la reli­gion catho­lique ; de sorte qu’il paraît dif­fi­cile que l’on puisse rien contes­ter de la gloire de son martyre.

Appuyé sur cette rai­son, celle du Pape Benoît XIV, et voyant que la rétrac­ta­tion de Louis XVI, écrite de sa propre main et consta­tée encore par l’effusion d’un sang si pur, est cer­taine et incon­tes­table, Nous ne croyons pas Nous éloi­gner du prin­cipe de Benoît XIV, non pas, il est vrai, en pro­non­çant dans ce moment un Décret pareil à celui que Nous venons de citer, mais en per­sis­tant dans l’opinion que Nous Nous sommes for­mée du mar­tyre de ce Prince, non­obs­tant toute appro­ba­tion qu’il avait don­née à la Constitution Civile du Clergé quelle qu’elle eût été.

Ah ! France ! Ah ! France ! toi que nos pré­dé­ces­seurs appe­laient le miroir de la chré­tien­té et l’inébranlable appui de la foi, toi qui, par ton zèle pour la croyance chré­tienne et par ta pié­té filiale envers le siège apos­to­lique, ne marche pas à la suite des autres nations, mais les pré­cède toutes, que tu Nous es contraire aujourd’hui ! De quel esprit d’hostilité tu parais ani­mée contre la véri­table religion !

Combien la fureur que tu lui témoignes sur­passe déjà les excès de tous ceux qui se sont mon­trés jusqu’à pré­sent ses per­sé­cu­teurs les plus impla­cables ! Et cepen­dant, tu ne peux pas igno­rer, quand même tu le vou­drais, que la reli­gion est la gar­dienne la plus sûre et le plus solide fon­de­ment des empires, puisqu’elle réprime éga­le­ment les abus d’autorité dans les puis­sances qui gou­vernent, et les écarts de la licence dans les sujets qui obéissent. Et c’est pour cela que les fac­tieux adver­saires des pré­ro­ga­tives royales cherchent à les anéan­tir et s’efforcent d’amener d’abord le renon­ce­ment à la foi catholique.

Ah ! encore une fois, France ! Tu deman­dais même aupa­ra­vant un Roi catho­lique. Tu disais que les lois fon­da­men­tales du Royaume ne per­met­taient point de recon­naître un Roi qui ne fut pas catho­lique, et c’est pré­ci­sé­ment parce qu’il était catho­lique que tu viens de l’assassiner !

Ta rage contre ce monarque s’est mon­trée telle que son sup­plice même n’a pu ni l’assouvir, ni l’apaiser. Tu as vou­lu encore la signa­ler après sa mort sur ses tristes dépouilles ; car tu as ordon­né que son cadavre fut trans­por­té et inhu­mé sans aucun appa­reil d’une hono­rable sépulture.

Ô jour de triomphe pour Louis XVI à qui Dieu a don­né et la patience dans les tri­bu­la­tions, et la vic­toire au milieu de son supplice !

Nous avons la confiance qu’il a heu­reu­se­ment échan­gé une cou­ronne royale tou­jours fra­gile et des lys qui se seraient flé­tris bien­tôt, contre cet autre dia­dème impé­ris­sable que les anges ont tis­sé de lys immortels.

Saint Bernard nous apprend dans ses lettres au Pape Eugène, son dis­ciple, ce qu’exige de Nous dans ces cir­cons­tances Notre minis­tère apos­to­lique, lorsqu’il exhorte à mul­ti­plier ses soins afin que les incré­dules se conver­tissent à la Foi, que ceux qui sont conver­tis ne s’égarent plus et que ceux qui sont éga­rés rentrent dans le droit che­min. Nous avons, Nous aus­si, pour modèle la conduite de Clément VI, Notre pré­dé­ces­seur, qui ne ces­sa de pour­suivre la puni­tion de l’assassinat d’André, Roi de Sicile, en infli­geant les peines les plus fortes à ses meur­triers et à leurs com­plices, comme on peut le voir dans ses Lettres Apostoliques. Mais que pouvons-​Nous ten­ter, que pouvons-​Nous attendre, quand il s’agit d’un peuple qui, non seule­ment n’a eu aucun égard pour Nos moni­tions, mais qui s’est encore per­mis, envers Nous, les offenses, les usur­pa­tions, les outrages et les calom­nies les plus révol­tantes ; et qui est enfin par­ve­nu à cet excès d’audace et de délire, de com­po­ser sous Notre Nom des lettres sup­po­sées et par­fai­te­ment assor­ties à toutes les nou­velles erreurs.

Laissons-​le donc s’endurcir dans sa dépra­va­tion puisqu’elle a pour lui tant d’attraits, et espé­rons que le sang inno­cent de Louis crie en quelque sorte et inter­cède pour que la France recon­naisse et déteste son obs­ti­na­tion à accu­mu­ler sur elle tant de crimes, et qu’elle se sou­vienne des châ­ti­ments effroyables qu’un Dieu juste, Vengeur des for­faits, a sou­vent infli­gés à des Peuples qui avaient com­mis des atten­tats beau­coup moins énormes.

Telles sont les réflexions que Nous avons jugées les plus propres à vous offrir quelques conso­la­tions dans un si hor­rible désastre.

C’est pour­quoi pour ache­ver ce qui Nous reste à dire, Nous vous invi­tons au Service solen­nel que Nous célé­bre­rons avec vous pour le repos de l’âme du Roi Louis XVI, quoique les prières funèbres puissent paraître super­flues quand il s’agit d’un chré­tien qu’on croit avoir méri­té la palme du mar­tyre, puisque Saint Augustin dit que l’Église ne prie pas pour les mar­tyrs, mais qu’elle se recom­mande plu­tôt à leurs prières.

23 avril 1791
Sur la révolte des peuples d'Avignon et du Comtat Venaissin, faisant partie des États du pape, avec la lettre d'envoi à l'archevêque d'Avignon. Où se trouve stigmatisée la déclaration des droits de l'homme
  • Pie VI
10 mars 1791
Au sujet de la constitution civile du clergé décrétée par l'Assemblée Nationale
  • Pie VI