Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

6 juin 1952

Discours aux participants au 1er congrès international des chefs du scoutisme catholique

L'apostolat dans et par le scoutisme

Vous avez choi­si Rome, chers fils, comme lieu de réunion de la Conférence Internationale du Scoutisme Catholique, et c’est la pre­mière fois que vos diri­geants natio­naux se ras­semblent dans la Ville éter­nelle. Vous deviez d’ailleurs y trai­ter un sujet qui vous appe­lait de pré­fé­rence près du Vicaire de Jésus-​Christ : « L’apostolat dans et par le scou­tisme ». Soucieux de répondre aux pres­sants appels que Nous avons adres­sés à tous les catho­liques, vous vou­lez prendre toute la res­pon­sa­bi­li­té, qui vous revient dans l’a­pos­to­lat de l’Église, noble et géné­reuse réso­lu­tion, tout à fait conforme à l’es­prit du scoutisme.

Chacun sait en effet que, dès le début, la reli­gion y a tenu la pre­mière place ; mais vous avez conscience éga­le­ment de ce que le catho­li­cisme ajoute de force et de pré­ci­sion à l’œuvre édu­ca­trice que vous pour­sui­vez. Il ne s’a­git pas seule­ment pour vous de for­mer de meilleurs citoyens, plus actifs, plus dévoués au bien com­mun de la cité tem­po­relle ; il faut aus­si for­mer de meilleurs fils de l’Église. Or dans l’Église catho­lique la mis­sion apos­to­lique des­cend de la hié­rar­chie aux fidèles, et de nos jours tous les fidèles, selon leurs moyens, sont appe­lés à col­la­bo­rer à cet apostolat.

À vrai dire, les gar­çons ne sont pas à l’âge de l’a­pos­to­lat orga­ni­sé, mais ils doivent y être préparés.

L’expérience d’une tren­taine d’an­nées a ample­ment démon­tré la valeur for­ma­trice du scou­tisme. Que de belles figures de grands chré­tiens, de héros et de chefs, que de voca­tions reli­gieuses et sacer­do­tales ont pris nais­sance dans les Troupes ! Attentifs cepen­dant à com­battre les dévia­tions pos­sibles, vous avez constam­ment révi­sé les méthodes et rap­pe­lé les prin­cipes. Si le scout aime la nature, ce n’est pas en égoïste ou en dilet­tante, ou sim­ple­ment pour y jouir de l’es­pace, de l’air pur, du silence, de la beau­té du pay­sage ; s’il y prend le goût de la sim­pli­ci­té, d’une saine rudesse en oppo­si­tion avec la vie arti­fi­cielle des villes et les ser­vi­tudes de la civi­li­sa­tion méca­ni­sée, ce n’est pas pour fuir les obli­ga­tions de la vie civile. S’il cultive d’ex­cel­lentes ami­tiés dans un groupe choi­si, ce n’est pas pour refu­ser les contacts et les ser­vices, bien au contraire. Rien ne serait plus éloi­gné de son idéal. S’il aime les réa­li­tés concrètes, ce n’est pas non plus par mépris des idées et des livres. Il a sou­ci d’une culture com­plète et har­mo­nieuse, en rap­port avec ses talents et les néces­si­tés actuelles.

Pour atteindre ce but, la Promesse d’ob­ser­ver la Loi scoute, avec la grâce de Dieu, est un levier puis­sant, qui sou­lève la jeu­nesse au des­sus des fai­blesses et des ten­ta­tions. Basée sur les fon­de­ments de la loi natu­relle, la Loi scoute, par l’é­du­ca­tion de l’ef­fort, par la pra­tique quo­ti­dienne de bonnes actions volon­taires, fait appel à la droi­ture et à la fidé­li­té, dont les jeunes ont si grand désir et qu’ils sont heu­reux d’être aidés à gar­der fer­me­ment. Elle leur fait prendre en hor­reur la fraude, le men­songe, la dis­si­mu­la­tion. Les jeunes, sen­tant gran­dir leurs forces, sont natu­rel­le­ment géné­reux ; ils veulent lut­ter, se mesu­rer aux dif­fi­cul­tés ; ils éprouvent le besoin de don­ner, de se don­ner, de se dépas­ser, et trouvent dans la pra­tique de la vie en plein air et dans la recherche de l’ha­bi­le­té manuelle un ali­ment adap­té à leur âge. La pure­té, favo­ri­sée par un tel cli­mat moral, leur est aus­si net­te­ment défi­nie et donne à leur éner­gie la réserve et la déli­ca­tesse chrétiennes.

Qui pour­rait nier l’op­por­tu­ni­té d’une telle édu­ca­tion dans une civi­li­sa­tion, où règne l’é­goïsme, la défiance, la lâche­té, l’a­mour effré­né du plaisir ?

Le pre­mier apos­to­lat des scouts est celui de l’exemple dans la Troupe. En se for­mant per­son­nel­le­ment et col­lec­ti­ve­ment, ils sont déjà au ser­vice de l’Église et façonnent l’ins­tru­ment de leur apos­to­lat futur. Plus les fon­de­ments qu’ils posent seront larges et pro­fonds, plus l’é­di­fice de leur vie chré­tienne sera solide et impo­sant ; plus le rayon­ne­ment de leurs qua­li­tés sera éten­due, plus on fera appel à leur com­pé­tence pour la gloire de Dieu et l’hon­neur de l’Église.

Mais cette for­ma­tion doit dès leur jeune âge, par les méthodes concrètes d’ob­ser­va­tion et de réflexion qui leur conviennent, être ouverte sur les réa­li­tés sociales, natu­relles et sur­na­tu­relles. Ils doivent apprendre à vivre dans la socié­té moderne, et pour cela être pru­dem­ment infor­més sur ses struc­tures, ses qua­li­tés et ses défauts. Ils doivent par­ti­cu­liè­re­ment se pré­pa­rer à prendre dans leur milieu et dans leur com­mu­nau­té parois­siale la part d’in­fluence et de res­pon­sa­bi­li­té, dont ils sont capables. En somme, la for­ma­tion du carac­tère, qui est la fin prin­ci­pale du scou­tisme, doit avoir une orien­ta­tion fran­che­ment sociale et apos­to­lique. Elle doit pré­pa­rer à ser­vir le pro­chain à la fois dans les contacts per­son­nels et dans les ins­ti­tu­tions civiles et religieuses.

L’amour, que les scouts ont tou­jours eu pour la Personne divine du grand Chef, qui est la Route, la Vérité et la Vie, doit demeu­rer leur lumière et le sou­tien de leurs efforts quotidiens.

C’est ce que Nous Lui deman­dons de tout cœur, afin qu’au jour des res­pon­sa­bi­li­tés Il les trouve tou­jours prêts. Que dès aujourd’­hui, sur vous-​mêmes ici pré­sents, sur tous les grou­pe­ments natio­naux que vous repré­sen­tez, sur les chefs, sur les aumô­niers et sur tous les scouts des­cendent les grâces qu’im­plore Notre Bénédiction apostolique.

Source : D’après le texte des A.A.S., vol. XXXXIV (1952), n. 11 – 12, pp. 578 – 580.