Concile de Trente

19ᵉ œcuménique ; 13 déc. 1545-4 déc. 1563

11 novembre 1563, 24e session

Doctrine et canons sur le sacrement de mariage

Table des matières

a) Doctrine et canons sur le sacrement de mariage

Sous l’inspiration du Saint-​Esprit, le pre­mier Père du genre humain a pro­cla­mé le lien per­pé­tuel et indis­so­luble du mariage quand il a dit « Voilà main­te­nant l’os de mes os, la chair de ma chair. C’est pour­quoi l’homme quit­te­ra son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils seront deux en une seule chair » [Gn 2, 23 ; Mt 19, 5 ; Ep 5, 31]. 

Que par ce lien ne sont unis que deux êtres, le Christ notre Seigneur l’a assez clai­re­ment ensei­gné lorsque, rap­pe­lant ces paroles comme pro­non­cées par Dieu, il a dit : « C’est pour­quoi ils ne sont plus deux, mais une seule chair » [Mt 19, 6], et il confir­ma immé­dia­te­ment après ces paroles, la soli­di­té de ce lien pro­cla­mé si long­temps aupa­ra­vant par Adam « Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » [Mt 19, 6 ; Mc 10, 9]. 

La grâce qui por­te­rait cet amour natu­rel à sa per­fec­tion affir­me­rait cette uni­té indis­so­luble et sanc­ti­fie­rait les époux, le Christ lui-​même, qui a ins­ti­tué et por­té à leur per­fec­tion les véné­rables sacre­ments, nous l’a méri­tée par sa Passion. C’est ce que l’apôtre Paul nous sug­gère quand il dit : « Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-​même pour elle » [Ep 5, 25], en ajou­tant aus­si­tôt « Ce sacre­ment est grand, je le dis : dans le Christ et dans l’Église » [Ep 5, 32]. 

Comme le mariage dans la Loi évan­gé­lique l’emporte en grâce, par le Christ, sur les noces de l’ancienne Loi, c’est à juste titre que nos saints Pères, les conciles et la tra­di­tion de l’Église uni­ver­selle ont tou­jours ensei­gné qu’il fal­lait le comp­ter par­mi les sacre­ments de la Loi nou­velle. Allant contre cette tra­di­tion, des hommes impies de ce siècle, dérai­son­nant, non seule­ment ont eu des opi­nions fausses sur ce véné­rable sacre­ment, mais à leur habi­tude, intro­dui­sant la liber­té de la chair sous le cou­vert de l’Évangile, par écrit et ora­le­ment, ont répan­du nombre d’éléments étran­gers au sen­ti­ment de l’Église catho­lique et aux cou­tumes approu­vées depuis le temps des apôtres, et cela non sans grand dom­mage pour les fidèles. Désirant faire face à la témé­ri­té de ces hommes, le saint concile uni­ver­sel a jugé qu’il fal­lait exter­mi­ner les héré­sies et erreurs notables des schis­ma­tiques sus­dits, pour que leur per­ni­cieuse conta­gion n’en attire pas un grand nombre à eux aus­si décrète-​t-​il contre ces héré­tiques et leurs erreurs les ana­thé­ma­tismes sui­vants. Canons sur le sacre­ment du mariage. 

1. Si quelqu’un dit que le mariage n’est pas vrai­ment et pro­pre­ment l’un des sept sacre­ments de la Loi évan­gé­lique que le Christ notre Seigneur a ins­ti­tués, mais qu’il a été inven­té dans l’Église par les hommes et qu’il ne confère pas la grâce : qu’il soit anathème. 

2. Si quelqu’un dit qu’il est per­mis aux chré­tiens d’avoir en même temps plu­sieurs épouses, et que cela n’a été défen­du par aucune Loi divine [Mt 19, 9] : qu’il soit anathème. 

3. Si quelqu’un dit que seuls les degrés de consan­gui­ni­té et d’affinité expri­més dans le Lévitique [Lv 18, 6–18] peuvent empê­cher de contrac­ter mariage et rendent nul celui qui a été contrac­té, que l’Église ne peut dispenser

d’aucun d’entre eux ni déci­der qu’un plus grand nombre soit cause d’empêchement et de nul­li­té : qu’il soit anathème. 

4. Si quelqu’un dit que l’Église n’a pas pu éta­blir des empê­che­ments diri­mant le mariage, ou qu’elle s’est trom­pée en les éta­blis­sant : qu’il soit anathème. 

5. Si quelqu’un dit que le lien du mariage peut être rom­pu en rai­son de l’hérésie, ou bien d’une vie en com­mun insup­por­table, ou bien en l’absence vou­lue d’un conjoint : qu’il soit anathème. 

6. Si quelqu’un dit qu’un mariage contrac­té et non consom­mé n’est pas annu­lé par la pro­fes­sion reli­gieuse solen­nelle de l’un des conjoints : qu’il soit anathème. 

7. Si quelqu’un dit que l’Église se trompe quand elle a ensei­gné et enseigne, confor­mé­ment à l’enseignement de l’Évangile et de l’Apôtre [Mt 5, 32 ; Mt 19, 9 ; Mc 10, 11–12 ; Lc 16, 18 ; 1 Co 7, 11] que le lien du mariage ne peut pas être rom­pu par l’adultère de l’un des époux, et que ni l’un ni l’autre, même l’innocent qui n’a pas don­né motif à l’adultère, ne peut, du vivant de l’autre conjoint, contrac­ter un autre mariage ; qu’est adul­tère celui qui épouse une autre femme après avoir ren­voyé l’adultère et celle qui épouse un autre homme après avoir ren­voyé l’adultère : qu’il soit anathème. 

8. Si quelqu’un dit que l’Église se trompe lorsqu’elle décrète que, pour de nom­breuses rai­sons, les époux peuvent vivre sépa­rés, sans vie conju­gale ou sans vie en com­mun, pour un temps indé­ter­mi­né ou déter­mi­né : qu’il soit anathème. 

9. Si quelqu’un dit que les clercs qui ont reçu les ordres sacrés ou les régu­liers qui ont fait pro­fes­sion solen­nelle de chas­te­té peuvent contrac­ter mariage, qu’un tel mariage est valide, mal­gré la Loi de l’Église ou leur vœu, et qu’affirmer le contraire n’est rien d’autre que condam­ner le mariage ; que peuvent contrac­ter mariage tous ceux qui n’ont pas le sen­ti­ment d’avoir le don de chas­te­té (même s’ils en ont fait vœu) : qu’il soit ana­thème. Puisque Dieu ne refuse pas ce don à ceux qui le demandent comme il faut, et qu’il ne per­met pas que nous soyons ten­tés au-​dessus de nos forces [1 Co 10, 13]. 

10. Si quelqu’un dit que l’état du mariage doit être pla­cé au-​dessus de l’état de vir­gi­ni­té ou de céli­bat, et qu’il n’est ni mieux ni plus heu­reux de res­ter dans la vir­gi­ni­té ou le céli­bat que de contrac­ter mariage [Mt 19, 11 ; 1 Co 7, 25 ; 1 Co 7, 38–40]

11. Si quelqu’un dit que l’interdiction de la solen­ni­té des noces à des temps déter­mi­nés de l’année est une super­sti­tion tyran­nique issue d’une super­sti­tion des païens, Ou s’il condamne les béné­dic­tions et autres céré­mo­nies dont use l’Église : qu’il soit anathème. 

12. Si quelqu’un dit que les causes matri­mo­niales ne relèvent pas des juges ecclé­sias­tiques : qu’il soit anathème. 

b) Canons sur la réforme du mariage : décret « Tametsi » 

Chap. 1 [Motif et teneur de la loi]

On ne doit certes pas dou­ter que les mariages clan­des­tins, qui se sont faits avec le libre consen­te­ment des contrac­tants, sont des mariages valides et véri­tables, tant que l’Église ne les a pas ren­dus inva­lides ; aus­si est-​ce à bon droit que doivent être condam­nés, comme le saint concile les condamne par ana­thème, ceux qui nient que ces mariages sont véri­tables et valides et affirment faus­se­ment que les mariages contrac­tés par les fils de famille, sans le consen­te­ment de leurs parents, sont inva­lides et que les parents peuvent les faire valides ou inva­lides. La sainte Église néan­moins, pour de très justes rai­sons, a tou­jours eu ces mariages en hor­reur et les a défendus. 

Mais le saint synode s’aperçoit que ces défenses ne servent plus à rien en rai­son de la déso­béis­sance des hommes ; il pèse la gra­vi­té des péchés venant de ces mariages clan­des­tins, par­ti­cu­liè­re­ment pour ceux qui demeurent dans l’état de dam­na­tion lorsque, après avoir aban­don­né la pre­mière épouse avec laquelle ils avaient secrè­te­ment contrac­té mariage, ils contractent publi­que­ment un mariage avec une autre et vivent avec elle en un per­pé­tuel adul­tère ; l’Église qui ne porte pas de juge­ment sur les choses secrètes, ne peut appor­ter remède à ce mal qu’en recou­rant à un remède plus effi­cace. C’est pour­quoi, met­tant ses pas dans les pas du saint concile du Latran [IV] tenu sous Innocent III, le concile ordonne ce qui suit. A l’avenir, avant que soit contrac­té un mariage, trois fois, trois jours de fête consé­cu­tifs, le curé des par­ties contrac­tantes annon­ce­ra publi­que­ment dans l’église, pen­dant la célé­bra­tion des messes, entre qui le mariage doit être contrac­té. Ces annonces faites, si ne s’y oppose aucun empê­che­ment légi­time, on pro­cé­de­ra à la célé­bra­tion du mariage devant l’Église, après avoir inter­ro­gé l’homme et la femme ; une fois bien com­pris qu’il y a consen­te­ment mutuel de leur part, le curé dira : « Je vous unis par le mariage, au nom du Père, et du Fils et du Saint-​Esprit » ; ou bien il se ser­vi­ra d’une autre for­mule, confor­mé­ment au rite reçu de chaque province. 

[Restriction de la loi]

S’il y avait un soup­çon plau­sible que le mariage peut être empê­ché par la mau­vaise foi, s’il est pré­cé­dé de tant d’annonces ; soit on ne fera qu’une seule annonce, soit même le mariage sera célé­bré en pré­sence du curé et de deux ou trois témoins ; ensuite, avant la consom­ma­tion du mariage, les annonces seront faites dans l’église afin que, s’il demeure quelques empê­che­ments, ceux-​ci soient plus faci­le­ment décou­verts, à moins que l’Ordinaire lui-​même ne juge expé­dient d’omettre les sus­dites annonces, ce que le saint concile laisse à sa pru­dence et à son jugement. 

[Sanction]

Quant à ceux qui entre­pren­dront de contrac­ter mariage autre­ment qu’en pré­sence du curé ou d’un autre prêtre auto­ri­sé par le curé ou l’Ordinaire, et devant deux ou trois témoins, le saint concile les rend abso­lu­ment inha­biles à contrac­ter de la sorte et décrète que de tels contrats sont inva­lides et nuls, comme par le pré­sent décret il les rend inva­lides et les annule.